UE755 - Croisade symbolique

Intervenant·e·s

• Daniel Cefaï [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)
• Gonzalez Philippe   maître d'enseignement et de recherche, Université de Lausanne, Suisse

Ce séminaire de 6 x 4 heures explorera la catégorie de « croisade », aujourd’hui utilisée de manière vague dans la littérature des sciences sociales, pour désigner des mobilisations qui revêtent une dimension morale. L’idée est d’en établir une généalogie et d’en proposer une définition plus rigoureuse dans la typologie des mobilisations collectives.

Nous procéderons en traduisant le livre classique de Joseph Gusfield, Symbolic Crusade (Urbana, University of Illinois Press, 1963), qui a fait le succès du terme « croisade » dans le domaine de la sociologie des mouvements sociaux. Des versions françaises des chapitres successifs seront proposées à chaque séance, afin de discuter les problèmes de compréhension que pose le texte, d’en élaborer un lexique, d’expliciter tant l’origine que la signification des catégories principales de l’ouvrage et de montrer la puissance explicative de la notion de « politique statutaire » pour analyser des mouvements contemporains.

Ce livre est en partie tiré de la thèse de Joseph Gusfield, Organizational Change: A Study of the Woman's Christian Temperance Union, soutenue en 1954 à l’Université de Chicago, que nous resituerons dans la tradition des collective behavior studies, mais dont nous soulignerons aussi la nouveauté au moment de son élaboration. Cette enquête nous conduira aux racines de la notion de « croisade », des mouvements à prédominance protestante du 19^ème siècle aux Etats-Unis – aussi bien les croisades pour la paix, contre l’esclavage, pour la tempérance ou la prohibition, en faveur du droit de vote des femmes, contre l’enseignement de la théorie de l’évolution dans les écoles publiques. De nouveaux répertoires d’action et d’organisation, ainsi que de nouvelles rhétoriques de la société civile, émergent alors. Nous nous efforcerons de mieux comprendre ce nœud entre activités revendicatrices, politique et religion.

Cela nous conduira enfin à revenir sur le texte de Gusfield, qui a inauguré un usage relâché de la catégorie de « croisade », prise comme une catégorie ordinaire, de sens commun. En examinant les rapports entre croisade, rapport aux valeurs religieuses et politiques et exclusion des processus de discussion, d’enquête et d’expérimentation, nous tenterons d’en circonscrire une définition plus rigoureuse, dans la perspective d’une conception pragmatiste et pluraliste du public.