UE425 - Approches de la pédocriminalité organisée

Intervenant·e·s

• Sylvain Piron [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Anthropologie historique du long Moyen Âge (CRH-AHLoMA)

Si le sujet des violences sexuelles et de l’inceste a acquis ces dernières années une grande visibilité dans l’espace public, l’hypothèse que ces crimes pourraient être parfois commis au sein de réseaux criminels organisés rencontre encore de très fortes résistances de la part de toutes les institutions concernées (police, justice, médias). Depuis une quarantaine d’années, dans différents pays, des affaires emblématiques ont été l’occasion de retournements de situation ; le témoignage des enfants et des adultes chargés de leur protection a été balayé par la justice (McMartin, Cleveland, Outreau) et les suspects traités comme des criminels isolés (Dutroux). Alors que la police est active dans la répression du commerce d’images pédopornographiques, elle a plus de difficulté à élucider les conditions dans lesquelles des enfants ont été torturés pour produire ces images. L’occultation systématique de cette question peut se décrire comme la construction sociale d’une ignorance. Pour tenter malgré tout de lever le voile, il faudra multiplier les angles d’approche et solliciter de nombreuses disciplines.

Le séminaire cherchera d’abord à analyser les blocages qui rendent proprement inconcevables de telles violences. On fera pour cela appel à différents chercheurs et acteurs engagés sur le sujet (magistrats, militants de la protection de l’enfance, psychologues, journalistes). L’une des premières défenses mise en place dès les années 1980 a été l’invention du syndrome des « faux souvenirs » qui permettait de décrédibiliser la parole des victimes. Il faudra faire appel à la sociologie du complotisme pour comprendre comment la réduction de ces accusations à une « panique morale » sans fondement a paradoxalement nourri une rumeur qui tient à présent une place centrale dans l’imaginaire conservateur nord-américain. Les études d’autres formes de crime organisé fourniront d’utiles points de comparaison pour comprendre la structuration de ces réseaux et les flux d’argent qui y circulent. Pour ce qui est des victimes, l’habituelle amnésie traumatique semble ici aggravée par des manipulation mentales qui rendent la libération encore plus difficile. On verra comment les symptômes et les parcours des victimes peuvent fournir des indices probant des violences subies et par quels cheminements les traumatismes peuvent être surmontés. Une attention portée aux sacrifices humains et meurtres rituels d’enfants dans l’Antiquité et au Moyen Âge pourra aider à comprendre l’élément « satanique » et cérémoniel fréquemment évoqué dans les témoignages. Enfin, si l’argument de la valeur littéraire a souvent permis de banaliser ces crimes, du Marquis de Sade à nos jours, on pourra se demander en retour quelles sont les ressources de la narration pour aborder des horreurs qui défient l’imagination.