UE11 - Construire une histoire du handicap et de la surdité à travers les siècles


Lieu et planning


Attention !
Vous ne pourrez pas accéder à ce séminaire sans avoir préalablement déposé une demande via le lien suivant (une demande est nécessaire pour chaque séminaire auquel vous souhaitez participer, merci de déposer la demande au plus tard 72 heures avant le début de la première séance) : https://participations.ehess.fr/demandes/__nouvelle__?seminaire=11.

  • 54 bd Raspail
    54 bd Raspail 75006 Paris
    Salle AS1_23
    annuel / bimensuel (1re/3e), mardi 17:00-19:00 / nombre de participant·e·s : 15
    du 5 novembre 2024 au 3 juin 2025
    Nombre de séances : 12

    Pas de séance les 18 février et 20 mai 2025


Description


Dernière modification : 16 décembre 2024 13:53

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Anthropologie historique, Histoire
Page web
-
Langues
français lsf
Mots-clés
Anthropologie culturelle Anthropologie historique Anthropologie sociale Anthropologie visuelle Citoyenneté Communication Culture visuelle Discrimination Domination Droit, normes et société Dynamiques sociales Éducation Espace social Handicap Histoire Histoire culturelle Histoire des idées Langue des signes Minorités Sociohistoire Sourds Visuel
Aires culturelles
Afrique Amériques Europe Océanie Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s

Mis en place en 2021, le séminaire « Construire une histoire du handicap et de la surdité à travers les siècles » répond à un constat :  Deaf History (histoire des sourds), Disability History (histoire du handicap) et Mad History (histoire de la folie ou des troubles psychiques) ont chacune développé leurs propres réseaux scientifiques internationaux ainsi que leurs propres épistémologies avec une certaine distanciation voire cloisonnement.

En faisant converger notamment des historien·nes  qui, depuis les vingt dernières années, renouvellent les trois champs de recherche par des approches, des méthodes et des objets nouveaux, l’objectif de ce séminaire est donc de mettre en relation des recherches qui s’effectuent souvent en parallèle et de constituer un réseau scientifique qui dépasse les limites actuelles. Les communautés scientifiques s’intéressant à l’histoire du handicap, de la surdité et des troubles psychiques de l’espace francophone se sont plutôt construites autour des thématiques (cécité, surdité, psychiatrie) ou des périodes historiques et des aires culturelles précises (histoire du handicap du XXe siècle, ou dans l’Europe médiévale). À l’époque contemporaine ces communautés de recherche ont pris des chemins divergents. Du côté de la surdité, l’historiographie a fondé ses approches sur une conception socio-anthropologique des sourds et de la langue des signes en laissant le concept de surdité rivé à une histoire médicale de la déficience ou tout au moins, à une histoire de catégories technico-institutionnelles et à sa critique. Du côté de l’histoire du handicap, une partie de la recherche s’est centrée sur l’histoire institutionnelle du handicap et sur les politiques publiques de sa prise en charge.  

Si les histoires du handicap et de la surdité s’entremêlent au cours de l’époque contemporaine (l’origine de l’éducation des sourds et des aveugles remonte au XVIIIe siècle, les sourds luttent d’ailleurs aux côtés des aveugles pour conquérir le droit à une éducation gratuite, laïque et obligatoire au cours des années 1930), les historiographies de l’une et de l’autre ne se croisent que rarement. Les thématiques centrales divergent selon les époques : les chercheurs intéressé·es par les époques médiévale et moderne prêtent un intérêt considérable au poids de la religion, ce qui n’est pas le cas pour l’époque contemporaine. La littérature historique sur la période contemporaine a évolué d’un intérêt pour les politiques publiques, pour l’action des institutions éducatives ou associatives ou pour les trajectoires biographiques (des grands personnages historiques comme les médecins ou les éducateurs), vers des approches transnationales ou davantage biographiques, ou vers des approches plus intersectorielles, prenant en compte le genre ou la race. Quelques travaux historiques commencent à intégrer le paradigme intersectionnel dans leurs recherches, où le « handicap » est conceptualisé comme l’une des multiples caractéristiques identitaires de l’individu. Dans le champ de la Mad History, l’historiographie s’est intéressée récemment aux alternatives thérapeutiques à l’institutionnalisation, aux trajectoires de vie des personnes concernées, et aux relations entre les institutions et les familles.

Nous souhaitons donc poursuivre et formaliser l’élan de l’année universitaire précédente ; à la formation des jeunes chercheurs ; ainsi qu’à la structuration d’un réseau francophone de recherche sur l’histoire du handicap et de la surdité toutes périodes historiques confondues.

Mardi 5 novembre 2024 : Introduction. Histoire du handicap et échelles d’analyse

  • Gildas Brégain, « Quelques réflexions sur la méthodologie de l’histoire transnationale du handicap »
  • Anatole le Bras (Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines - CHCSC), « Présentation de l’ouvrage Aliénés. Une histoire sociale de la folie au XIXe siècle, (CNRS Éditions, 2024) »

Reconstituant les trajectoires de ces individus, des manifestations de troubles psychiques au placement à l’asile, il étudie au plus près la manière dont sont vécus la mise sous tutelle et l’isolement. Scrutant les relations des aliénés avec le monde extérieur, il souligne la façon dont les liens avec les proches se modifient, se distendent ou subsistent malgré le temps qui passe. Surgit alors une palette d’acteurs – familles, voisins, policiers, maires ou préfets – qui s’approprient l’internement, en font un moyen de régulation sociale et de règlement des conflits. Portant le regard au-delà des murs, cet ouvrage laisse entrevoir la vie, fragile, après l’asile. Il nous introduit aux formes d’accommodement ou de résistance des malades, dont les droits sont suspendus et les existences affectées pour longtemps du stigmate de la folie, dessinant ainsi les contours de la condition aliénée.

Mardi 19 novembre 2024 : Archéologie sudaméricaine

  • Marilou Renard (Centre de recherche en Amérique préhispanique de Sorbonne Université), « Le miroir des malformations comme passage vers l’Inframonde : l’intégration des nains, bossus et boiteux dans la société aztèque »

Les représentations des malformations et déformations acquises dans la société aztèque entre le XIIIe et le XVIe siècle témoignent d’une volonté d’intégrer le corps différent à la communauté. La différence physique est perçue comme une distinction des dieux, qui sont parfois eux-mêmes dotés d'une particularité physique. De puissants seigneurs s’entourent de compagnons présentant un pied bot, dotés d’une gibbosité ou d’une forme de nanisme, afin de revendiquer à travers eux un lien privilégié avec le monde surnaturel. S’ils sont présents lors des divertissements de cour et ainsi compris comme des bouffons, ils servent également de médiateurs entre les souverains et les divinités. C'est justement par leur différence que ces personnes trouvent leur place dans la pensée et la société aztèque.

(Discutant : Gildas Brégain, CNRS)

Mardi 3 décembre 2024 : Histoire matérielle du handicap

  • Ninon Dubourg (Alexander von Humboldt, Université de Cologne), « Une Histoire matérielle du handicap au Moyen Âge : les aides à la mobilité dans les Miracles de Saint Louis »

Qu'est-ce qui représente le mieux le handicap dans notre imaginaire collectif que le macaron, que l'on retrouve partout, des panneaux de signalisation aux files d'attente des supermarchés ? Adopté pour la première fois en 1969, le badge bleu est devenu synonyme de tous les types de handicaps. De même, les aides à la mobilité médiévales ont servi d'outils pour rendre le handicap visible aux yeux des médiévaux et dans les archives historiques. Cet article vise à démontrer comment les aides à la mobilité étaient utilisées comme symboles du handicap dans les mentalités médiévales, en revisitant le concept de « prothèse narrative » en tant que « stéréotype prothétique » ou « cliché », à l'instar de la perception moderne du fauteuil roulant. Ce papier soutient que l'exploration de l'histoire matérielle du handicap médiéval - un sujet largement négligé par les chercheurs - apportera de nouvelles connaissances sur les expériences vécues par les personnes handicapées au Moyen Âge.

L'étude de deux manuscrits des Miracles de Saint Louis est particulièrement révélatrice de la nécessité d'une approche interdisciplinaire et comparatiste pour écrire une histoire matérielle des aides à la mobilité médiévales. S'appuyant sur la première version de Guillaume de Saint Pathus vers 1302 (version C de 1330-1340, BNF MS 5716) et sur le travail d'un auteur anonyme entre 1480-1488 (BNF MS 2829), cettte communication analysera à la fois le discours (analyse des mots français utilisés et collecte d'informations sur les usages et les matérialités des objets) et les représentations visuelles des aides à la mobilité contenues dans ces manuscrits.

(Discutant : Sylvain Piron, EHESS)

Mardi 17 décembre 2024 : Handicap sensoriel au Moyen Âge

  • Béatrice Delaurenti (directrice d'études, EHESS/CRH), « Que se passe-t-il quand un sens est lésé ? Réflexions sur la complémentarité des sens au XIIIe et au XIVe siècles »
  • Vincent Debiais (directeur de recherches, CNRS), « Surdités et silences : modalités de l’entendre médiéval »

Les relations entre surdité et silence sont complexes, indirectes ; expérientielles, elles sont aussi théoriques ou normatives. Au cours du Moyen Âge chrétien en Occident, la possibilité d’entendre et le fait de comprendre sont liés puisqu’il faut avoir reçu la révélation par les sens pour que la foi se développe dans l’esprit et le cœur. Le silence médiéval est donc avant tout une notion théorique qui échappe à toute phénoménologie pour référer à un état de l’âme propice au dialogue avec Dieu. C’est en tout cas ce que la plupart des études récentes sur le silence, et plus généralement sur les paysages sonores, ont révélé, laissant dans l’ombre de la théologie la pragmatique du lien entre surdité et silence. Pensée comme un préambule pour des recherches à poursuivre sur la ligne de crête entre histoire des sens et histoire des pratiques de communication, cette présentation tente de réconcilier les deux approches à partir de textes et d’images de la seconde moitié du Moyen Âge mettant en scène l’écoute et ses empêchements.

(Discutante : Ninon Dubourg, U. Cologne)

Mardi 7 janvier 2025 : Handicaps à l’époque moderne

  • Marie Bultez (Université de Tours, EA 6298, Centre tourangeau d’histoire et d’études des sources-CeTHiS), « Étudier l’incapacité physique aux XVIIe et XVIIIe siècles en Touraine : des individus invisibles ? »

Si la théorisation du concept de handicap ne débute qu’au XXe siècle, l’histoire des individus atteints de handicap est possible à travers le temps. Ici, la notion d’incapacité physique permet de réfléchir au positionnement des individus dans la société, avec pour la période de l’Ancien Régime, une division marquée entre les individus utiles au Royaume, et ceux qui en sont dépendants. Les XVIIe et XVIIIe siècles sont un moment de réflexion et de catégorisation du corps, de la sexualité et de la parentalité, afin que chacun reste à la place que sa naissance lui a offert. Cette réflexivité savante s’accompagne également par un désir des pouvoirs publics d’enfermer les comportements marginaux, et notamment les individus incapables de subvenir à leurs propres besoins. Cependant, le handicap peut toucher chaque individu, quel que soit son rang, son âge ou son genre, cette étude cherche à comprendre, par les pratiques quotidiennes, comment était pensée et expérimentée l’incapacité physique, et quel était son impact sur un individu et ses groupes proches.

(Discutante : Sylvie Steinberg, EHESS)

Mardi 21 janvier 2025 : Histoire de la folie

  • David Krausz (Doctorant - Université Libre de Bruxelles), « Raison et déraison dans le droit talmudique : sur l’usage du concept de fou (shoté) »

Dépourvus de discernement  ? 

Sur les convergences et divergences entre les cas du sourd-muet, du fou et du mineur en droit talmudique

Le droit talmudique se situe à mi-chemin entre les droits antiques qui fonctionnent au cas par cas et l’abstraction qui caractérise les systèmes de droit de nos jours. Ainsi, il élabore des règles de droit non pas à l’aide de l'abstraction, mais de cas qui comportent une « variable extrême », appelés en théorie du droit cas limite.

C'est le cas de la tryade formé par le sourd-muet [ḥeresh],  le fou [shoṭe] et le mineur [qaṭan], personnages juridiques considérés comme étant « dépourvus de discernement [da‘at] » (Mishna, ‘Arakhin 1:1). À travers ce cas, le droit talmudique engage une réflexion à propos non seulement de ce qu’est le discernement, mais surtout de ce qu’est l'action humaine intentionnelle qui en dépend, ainsi que de ses implications juridiques.

Cependant, à quelques reprises, nous pouvons aussi constater des différences de statut entre les trois membres de la tryade. Si le discernement et les intentions du sourd-muet, du fou et du mineur sont nuls d'un point vue juridique, cela ne se doit peut-être pas aux mêmes raisons pour chacun des trois cas. 

En ce qui concerne le sourd-muet, notamment, nous verrons dans cette intervention comment c'est la difficulté d'accès à ses pensées, plutôt que leur caractère défaillant, qui a des incidences légales. 

  • Mathis Farcy (Université Lumière Lyon 2 (UMR : LARHRA ; Ed483), Centre Hospitalier Saint Jean de Dieu de Lyon), « Se distinguer et s’aider : la question des situations de handicap dans le journal des malades de l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu de Lyon durant le second XXe siècle »

L’hôpital Saint-Jean-de-Dieu de Lyon, spécialisé dans la prise en charge des malades mentaux, accueille aussi des personnes en situation de handicap physique ou mental au XXe siècle. Mais les stigmates associés à la maladie mentale ou à l’institution psychiatrique pèsent sur tous les malades hospitalisés et les handicapent pour leur réinsertion dans la société. Le journal l’Espoir, écrit par les malades de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu entre 1957 et 1981, interroge la notion de situation de handicap telle qu'elle existe ou est produite dans un établissement psychiatrique et plus généralement dans la société française du second XXe siècle. Au-delà des critères médicaux, ce sont les critères sociaux du handicap qui sont (ré)interrogés. Si le handicap se définit par rapport à une norme, comment celle-ci est perceptible entre les murs de l’institution ? Les écrits dans l’Espoir montrent que les malades se distinguent entre eux selon leurs affections physique et psychique. Ils ne se considèrent pas tous éloignés de la même manière par rapport à la norme du « bien-portant » avec, au bout du spectre, des figures qui renvoient à des situations de handicap comme bornes extrêmes de la marginalité. Ce journal révèle de ce fait autant les représentations associées au handicap dans la société du second XXe siècle, que l’intériorisation des stigmates et des stéréotypes liés à la psychiatrie par les malades eux-mêmes. Ceux qui écrivent dans l’Espoir éclairent en revanche le soutien qui existe entre les hospitalisés, notamment envers les personnes en situation de handicap physique. Il s’agit ainsi d’un document d’archives unique pour une histoire sociale qui entend se départir d’une approche misérabiliste et soucieuse d’envisager sous différents angles les situations de handicap dans la France du XXe siècle.

Mardi 4 février 2025 :  Cristina Gil (professeure associée à l'École d'enseignement supérieur de l'Institut polytechnique de Setúbal - laboratoire des deaf studies - Université catholique de Lisbonne)

La Deaftopia est un concept qui englobe les rêves et les projections, ainsi que les craintes nées de l'imagination et des expériences des personnes sourdes dans leur quête de la "surditude". Le concept propose une nouvelle perspective sur les productions culturelles des communautés sourdes, en fusionnant les études culturelles, les études sur les sourds et les études utopiques. La riche contribution méthodologique des études culturelles offre une perspective théorique innovante dans l'analyse critique des productions culturelles des populations sourdes en tant que manifestations de la critique et de la résistance après des siècles d'oppression. Le changement de paradigme, de la perspective médicale qui conceptualise l'individu sourd comme pathologique et incomplet, à la perspective culturelle qui comprend les personnes sourdes comme une minorité ethnique, culturelle et linguistique, marque un tournant culturel dans les études sur les sourds et sa consolidation en tant que domaine au sein des sciences humaines, soulignant la pertinence de l'enquête sur les utopies des communautés sourdes dans le développement du concept deaftopia. L'analyse des représentations utopiques et dystopiques des personnes sourdes résulte d'une sélection minutieuse de récits et de discours trouvés dans la littérature et la visuature (littérature en langue des signes), tels que des romans, des récits, des poèmes, des discours et des textes non littéraires tels que des lettres et des manifestes politiques produits par des personnes sourdes. Les discours proviennent de diverses sources, notamment des groupes de population sourde, de l'art sourd tel que les films, des mouvements d'activisme sourd, et même des efforts associatifs et politiques pour la reconnaissance légale des langues des signes. Une perspective plus complexe de la Deaftopia englobe non seulement un avenir utopique (en ce qui concerne le rêve de la personne sourde), mais aussi les prémonitions dystopiques des menaces qui incitent à la création de contre-récits et de discours de résistance. L'objectif de cette étude est d'analyser rigoureusement les récits et les discours des communautés sourdes et de théoriser la Deaftopia en tant que concept scientifique et expression de la culture sourde. Cette recherche vise également à contribuer à la préservation de la culture sourde, des langues des signes et des épistémologies sourdes, et donc à servir d'exemple concret du "Deaf Gain".`

(Discutant : Fabrice Bertin, EHESS)

Mardi 4 mars 2025 : La folie en contexte colonial

  • Raphaël Gallien, (Université Paris Cité, CESSMA / CNRS, IMAF), «Handicap et institution psychiatrique en situation coloniale. Entre trajectoire d’enfermement et ambition de soin».

À partir d’une approche « par cas », nous interrogerons la place du handicap dans le monde colonial : ses héritages, ses recompositions sociales et discursives. Pour ce faire, nous nous concentrerons notamment sur la trajectoire d’un indigène, sans identité connue et dénommé « l’Inconnu » par les médecins, interné dans le seul hôpital psychiatrique de la colonie de Madagascar en 1910 en raison d’une « idiotie congénitale ». En mobilisant son dossier de patient, on découvre plus concrètement que son infirmité recouvre des troubles auditifs qui rendent difficile son accès à la parole et déterminent son internement. L’institution psychiatrique apparait alors comme le lieu d’accueil d’un handicap qui, s’il ne relève pas directement du champ psychiatrique, n’a pas d’autre espace pour exister aux yeux du pouvoir colonial. Outre la question de l’accueil clinique et spéculatif réservé par les autorités médicales à cet « Inconnu », nous reviendrons sur ce que ce « cas » vient nous dire des recompositions sociales du monde malgache en ce début de XXe siècle.

(Discutant : Romain Tiquet, CNRS, ERC MADAF)

Mardi 18 mars 2025 : Archéologie du handicap

  • Mathilde Daumas (Laboratoire d’anatomie, biomécanique et organogénèse, Faculté de médecine, Université Libre de Bruxelles) et Caroline Polet (Direction opérationnelle Terre et histoire de la vie, Institut royal des Sciences naturelles de Belgique), « Des moines handicapés ? Réflexions sur les individus porteurs d’incapacités physiques inhumés à l’abbaye des Dunes de Coxyde (XIIe-XVe siècle) »

L'étude des squelettes par les paléopathologistes permet d'évaluer l'état de santé des populations passées, notamment par l'identification de handicaps physiques et/ou mentaux laissant des traces osseuses.

Le cimetière médiéval de l’abbaye cistercienne des Dunes de Coxyde (Belgique) révèle plusieurs cas de handicaps importants, principalement locomoteurs. Ces pathologies, souvent congénitales et détectables dès la petite enfance, sont profondément invalidantes. Cependant, tous les individus étudiés ont atteint l'âge adulte, certains dépassant même les 60 ans, ce qui suggère une attention et des soins adaptés. 

Ce séminaire explore les implications sociales de ces handicaps visibles : ces individus étaient-ils pleinement intégrés dans la communauté monastique ou leur présence était-elle liée à leur condition physique et aux soins nécessaires ? Quelles pouvaient être leurs origines sociales ? Leurs handicaps a-t-il impacté leur traitement funéraire ? 

(Discutante : Ninon Dubourg, U. Cologne)

Mardi 1er avril 2025 : Le handicap au XXe-XXIe siècle

  • Juliette Naviaux (doctorante en histoire, cinéma documentaire, archives audiovisuelles et dont la thèse s’intitule Pratiques et usages du cinéma en milieu psychiatrique depuis les années 1970 : la caméra au service des équipes soignantes
  • Ioulia Shukan (directrice d’études de l’EHESS, Centre d’études russes, caucasiennes, est-européennes et centrasiatiques, CERCEC), « L’amputation de guerre en Ukraine : expériences individuelles et dispositifs de prise en charge médicale et sociale »

L’invasion militaire à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, sous forme d’une guerre conventionnelle (frappes d’artillerie, minage des sols), mais aussi d’une guerre technologique de drones chargés d’explosifs, atteint au plus profond l’intégrité corporelle. En deux ans et demi, elle aurait causé près de 50 000 amputations en Ukraine. À partir de l’analyse du « parcours de patient » de plusieurs combattants ayant perdu un membre inférieur ou supérieur au front, cette communication relira les épreuves individuelles de l’amputation aux dispositifs de sa prise en charge médicale et sociale, en prêtant une attention particulière à l’articulation entre l’action publique, l’entreprenariat privé, la philanthropie et la solidarité citoyenne dans ce domaine. Par-là, cette intervention mettra en exergue les tensions entre trois modèles de soin (biomédical, néo-libéral, solidaire-citoyen), concurrents et en pleine reconfiguration dans et par la guerre.

Mardi 6 mai 2025 : Histoire du sport

  • Sylvain Ferez (Université de Montpellier, directeur-adjoint du laboratoire Santé, éducation, situations de handicap) et Sébastien Ruffié (Laboratoire ACTES URp5_3 (Adaptation au climat tropical, exercices et santé), Université des Antilles) « De la rééducation des blessés de guerre à la reconnaissance de nouveaux types de performances sportives : mouvement paralympique et renversement de la question du handicap (1948-2012) »

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, un nouveau type de pratiques et d’organisations sportives apparaît, d’abord timidement. Il s'agit initialement de rééduquer des blessés de guerre pour permettre le retour à une vie sociale aussi "normale" que possible, notamment par l'accès au travail. Quelques décennies plus tard, le xxie siècle photographie, filme, enregistre et fait circuler  une multitude de discours et d'images sur les jeux dits « paralympiques », désormais associés et intégrés aux Jeux olympiques. Il est désormais question de performances sportives, dans un cadre assurant l'équité entre athlètes ayant des incapacités très diverses. En arrière-plan, c'est un renversement de la question du handicap qui s'est opéré. Pour saisir ce renversement, la communication s'efforcera de montrer les interactions entre histoire des sciences et des techniques, histoire des représentations et des mentalités, et histoire politique d'une mobilisation pour la reconnaissance et l'émancipation.

(Discutant : Didier Séguillon, MCF Émérite)

Mardi 3 juin 2025 : Une histoire genrée

  • Aude Fauvel, « Histoire genrée de la psychiatrie »

(Discutante : Anne Roekens, U. Namur)


Master


  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

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Dernière modification : 16 décembre 2024 13:53

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Anthropologie historique, Histoire
Page web
-
Langues
français lsf
Mots-clés
Anthropologie culturelle Anthropologie historique Anthropologie sociale Anthropologie visuelle Citoyenneté Communication Culture visuelle Discrimination Domination Droit, normes et société Dynamiques sociales Éducation Espace social Handicap Histoire Histoire culturelle Histoire des idées Langue des signes Minorités Sociohistoire Sourds Visuel
Aires culturelles
Afrique Amériques Europe Océanie Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s

Mis en place en 2021, le séminaire « Construire une histoire du handicap et de la surdité à travers les siècles » répond à un constat :  Deaf History (histoire des sourds), Disability History (histoire du handicap) et Mad History (histoire de la folie ou des troubles psychiques) ont chacune développé leurs propres réseaux scientifiques internationaux ainsi que leurs propres épistémologies avec une certaine distanciation voire cloisonnement.

En faisant converger notamment des historien·nes  qui, depuis les vingt dernières années, renouvellent les trois champs de recherche par des approches, des méthodes et des objets nouveaux, l’objectif de ce séminaire est donc de mettre en relation des recherches qui s’effectuent souvent en parallèle et de constituer un réseau scientifique qui dépasse les limites actuelles. Les communautés scientifiques s’intéressant à l’histoire du handicap, de la surdité et des troubles psychiques de l’espace francophone se sont plutôt construites autour des thématiques (cécité, surdité, psychiatrie) ou des périodes historiques et des aires culturelles précises (histoire du handicap du XXe siècle, ou dans l’Europe médiévale). À l’époque contemporaine ces communautés de recherche ont pris des chemins divergents. Du côté de la surdité, l’historiographie a fondé ses approches sur une conception socio-anthropologique des sourds et de la langue des signes en laissant le concept de surdité rivé à une histoire médicale de la déficience ou tout au moins, à une histoire de catégories technico-institutionnelles et à sa critique. Du côté de l’histoire du handicap, une partie de la recherche s’est centrée sur l’histoire institutionnelle du handicap et sur les politiques publiques de sa prise en charge.  

Si les histoires du handicap et de la surdité s’entremêlent au cours de l’époque contemporaine (l’origine de l’éducation des sourds et des aveugles remonte au XVIIIe siècle, les sourds luttent d’ailleurs aux côtés des aveugles pour conquérir le droit à une éducation gratuite, laïque et obligatoire au cours des années 1930), les historiographies de l’une et de l’autre ne se croisent que rarement. Les thématiques centrales divergent selon les époques : les chercheurs intéressé·es par les époques médiévale et moderne prêtent un intérêt considérable au poids de la religion, ce qui n’est pas le cas pour l’époque contemporaine. La littérature historique sur la période contemporaine a évolué d’un intérêt pour les politiques publiques, pour l’action des institutions éducatives ou associatives ou pour les trajectoires biographiques (des grands personnages historiques comme les médecins ou les éducateurs), vers des approches transnationales ou davantage biographiques, ou vers des approches plus intersectorielles, prenant en compte le genre ou la race. Quelques travaux historiques commencent à intégrer le paradigme intersectionnel dans leurs recherches, où le « handicap » est conceptualisé comme l’une des multiples caractéristiques identitaires de l’individu. Dans le champ de la Mad History, l’historiographie s’est intéressée récemment aux alternatives thérapeutiques à l’institutionnalisation, aux trajectoires de vie des personnes concernées, et aux relations entre les institutions et les familles.

Nous souhaitons donc poursuivre et formaliser l’élan de l’année universitaire précédente ; à la formation des jeunes chercheurs ; ainsi qu’à la structuration d’un réseau francophone de recherche sur l’histoire du handicap et de la surdité toutes périodes historiques confondues.

Mardi 5 novembre 2024 : Introduction. Histoire du handicap et échelles d’analyse

  • Gildas Brégain, « Quelques réflexions sur la méthodologie de l’histoire transnationale du handicap »
  • Anatole le Bras (Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines - CHCSC), « Présentation de l’ouvrage Aliénés. Une histoire sociale de la folie au XIXe siècle, (CNRS Éditions, 2024) »

Reconstituant les trajectoires de ces individus, des manifestations de troubles psychiques au placement à l’asile, il étudie au plus près la manière dont sont vécus la mise sous tutelle et l’isolement. Scrutant les relations des aliénés avec le monde extérieur, il souligne la façon dont les liens avec les proches se modifient, se distendent ou subsistent malgré le temps qui passe. Surgit alors une palette d’acteurs – familles, voisins, policiers, maires ou préfets – qui s’approprient l’internement, en font un moyen de régulation sociale et de règlement des conflits. Portant le regard au-delà des murs, cet ouvrage laisse entrevoir la vie, fragile, après l’asile. Il nous introduit aux formes d’accommodement ou de résistance des malades, dont les droits sont suspendus et les existences affectées pour longtemps du stigmate de la folie, dessinant ainsi les contours de la condition aliénée.

Mardi 19 novembre 2024 : Archéologie sudaméricaine

  • Marilou Renard (Centre de recherche en Amérique préhispanique de Sorbonne Université), « Le miroir des malformations comme passage vers l’Inframonde : l’intégration des nains, bossus et boiteux dans la société aztèque »

Les représentations des malformations et déformations acquises dans la société aztèque entre le XIIIe et le XVIe siècle témoignent d’une volonté d’intégrer le corps différent à la communauté. La différence physique est perçue comme une distinction des dieux, qui sont parfois eux-mêmes dotés d'une particularité physique. De puissants seigneurs s’entourent de compagnons présentant un pied bot, dotés d’une gibbosité ou d’une forme de nanisme, afin de revendiquer à travers eux un lien privilégié avec le monde surnaturel. S’ils sont présents lors des divertissements de cour et ainsi compris comme des bouffons, ils servent également de médiateurs entre les souverains et les divinités. C'est justement par leur différence que ces personnes trouvent leur place dans la pensée et la société aztèque.

(Discutant : Gildas Brégain, CNRS)

Mardi 3 décembre 2024 : Histoire matérielle du handicap

  • Ninon Dubourg (Alexander von Humboldt, Université de Cologne), « Une Histoire matérielle du handicap au Moyen Âge : les aides à la mobilité dans les Miracles de Saint Louis »

Qu'est-ce qui représente le mieux le handicap dans notre imaginaire collectif que le macaron, que l'on retrouve partout, des panneaux de signalisation aux files d'attente des supermarchés ? Adopté pour la première fois en 1969, le badge bleu est devenu synonyme de tous les types de handicaps. De même, les aides à la mobilité médiévales ont servi d'outils pour rendre le handicap visible aux yeux des médiévaux et dans les archives historiques. Cet article vise à démontrer comment les aides à la mobilité étaient utilisées comme symboles du handicap dans les mentalités médiévales, en revisitant le concept de « prothèse narrative » en tant que « stéréotype prothétique » ou « cliché », à l'instar de la perception moderne du fauteuil roulant. Ce papier soutient que l'exploration de l'histoire matérielle du handicap médiéval - un sujet largement négligé par les chercheurs - apportera de nouvelles connaissances sur les expériences vécues par les personnes handicapées au Moyen Âge.

L'étude de deux manuscrits des Miracles de Saint Louis est particulièrement révélatrice de la nécessité d'une approche interdisciplinaire et comparatiste pour écrire une histoire matérielle des aides à la mobilité médiévales. S'appuyant sur la première version de Guillaume de Saint Pathus vers 1302 (version C de 1330-1340, BNF MS 5716) et sur le travail d'un auteur anonyme entre 1480-1488 (BNF MS 2829), cettte communication analysera à la fois le discours (analyse des mots français utilisés et collecte d'informations sur les usages et les matérialités des objets) et les représentations visuelles des aides à la mobilité contenues dans ces manuscrits.

(Discutant : Sylvain Piron, EHESS)

Mardi 17 décembre 2024 : Handicap sensoriel au Moyen Âge

  • Béatrice Delaurenti (directrice d'études, EHESS/CRH), « Que se passe-t-il quand un sens est lésé ? Réflexions sur la complémentarité des sens au XIIIe et au XIVe siècles »
  • Vincent Debiais (directeur de recherches, CNRS), « Surdités et silences : modalités de l’entendre médiéval »

Les relations entre surdité et silence sont complexes, indirectes ; expérientielles, elles sont aussi théoriques ou normatives. Au cours du Moyen Âge chrétien en Occident, la possibilité d’entendre et le fait de comprendre sont liés puisqu’il faut avoir reçu la révélation par les sens pour que la foi se développe dans l’esprit et le cœur. Le silence médiéval est donc avant tout une notion théorique qui échappe à toute phénoménologie pour référer à un état de l’âme propice au dialogue avec Dieu. C’est en tout cas ce que la plupart des études récentes sur le silence, et plus généralement sur les paysages sonores, ont révélé, laissant dans l’ombre de la théologie la pragmatique du lien entre surdité et silence. Pensée comme un préambule pour des recherches à poursuivre sur la ligne de crête entre histoire des sens et histoire des pratiques de communication, cette présentation tente de réconcilier les deux approches à partir de textes et d’images de la seconde moitié du Moyen Âge mettant en scène l’écoute et ses empêchements.

(Discutante : Ninon Dubourg, U. Cologne)

Mardi 7 janvier 2025 : Handicaps à l’époque moderne

  • Marie Bultez (Université de Tours, EA 6298, Centre tourangeau d’histoire et d’études des sources-CeTHiS), « Étudier l’incapacité physique aux XVIIe et XVIIIe siècles en Touraine : des individus invisibles ? »

Si la théorisation du concept de handicap ne débute qu’au XXe siècle, l’histoire des individus atteints de handicap est possible à travers le temps. Ici, la notion d’incapacité physique permet de réfléchir au positionnement des individus dans la société, avec pour la période de l’Ancien Régime, une division marquée entre les individus utiles au Royaume, et ceux qui en sont dépendants. Les XVIIe et XVIIIe siècles sont un moment de réflexion et de catégorisation du corps, de la sexualité et de la parentalité, afin que chacun reste à la place que sa naissance lui a offert. Cette réflexivité savante s’accompagne également par un désir des pouvoirs publics d’enfermer les comportements marginaux, et notamment les individus incapables de subvenir à leurs propres besoins. Cependant, le handicap peut toucher chaque individu, quel que soit son rang, son âge ou son genre, cette étude cherche à comprendre, par les pratiques quotidiennes, comment était pensée et expérimentée l’incapacité physique, et quel était son impact sur un individu et ses groupes proches.

(Discutante : Sylvie Steinberg, EHESS)

Mardi 21 janvier 2025 : Histoire de la folie

  • David Krausz (Doctorant - Université Libre de Bruxelles), « Raison et déraison dans le droit talmudique : sur l’usage du concept de fou (shoté) »

Dépourvus de discernement  ? 

Sur les convergences et divergences entre les cas du sourd-muet, du fou et du mineur en droit talmudique

Le droit talmudique se situe à mi-chemin entre les droits antiques qui fonctionnent au cas par cas et l’abstraction qui caractérise les systèmes de droit de nos jours. Ainsi, il élabore des règles de droit non pas à l’aide de l'abstraction, mais de cas qui comportent une « variable extrême », appelés en théorie du droit cas limite.

C'est le cas de la tryade formé par le sourd-muet [ḥeresh],  le fou [shoṭe] et le mineur [qaṭan], personnages juridiques considérés comme étant « dépourvus de discernement [da‘at] » (Mishna, ‘Arakhin 1:1). À travers ce cas, le droit talmudique engage une réflexion à propos non seulement de ce qu’est le discernement, mais surtout de ce qu’est l'action humaine intentionnelle qui en dépend, ainsi que de ses implications juridiques.

Cependant, à quelques reprises, nous pouvons aussi constater des différences de statut entre les trois membres de la tryade. Si le discernement et les intentions du sourd-muet, du fou et du mineur sont nuls d'un point vue juridique, cela ne se doit peut-être pas aux mêmes raisons pour chacun des trois cas. 

En ce qui concerne le sourd-muet, notamment, nous verrons dans cette intervention comment c'est la difficulté d'accès à ses pensées, plutôt que leur caractère défaillant, qui a des incidences légales. 

  • Mathis Farcy (Université Lumière Lyon 2 (UMR : LARHRA ; Ed483), Centre Hospitalier Saint Jean de Dieu de Lyon), « Se distinguer et s’aider : la question des situations de handicap dans le journal des malades de l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu de Lyon durant le second XXe siècle »

L’hôpital Saint-Jean-de-Dieu de Lyon, spécialisé dans la prise en charge des malades mentaux, accueille aussi des personnes en situation de handicap physique ou mental au XXe siècle. Mais les stigmates associés à la maladie mentale ou à l’institution psychiatrique pèsent sur tous les malades hospitalisés et les handicapent pour leur réinsertion dans la société. Le journal l’Espoir, écrit par les malades de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu entre 1957 et 1981, interroge la notion de situation de handicap telle qu'elle existe ou est produite dans un établissement psychiatrique et plus généralement dans la société française du second XXe siècle. Au-delà des critères médicaux, ce sont les critères sociaux du handicap qui sont (ré)interrogés. Si le handicap se définit par rapport à une norme, comment celle-ci est perceptible entre les murs de l’institution ? Les écrits dans l’Espoir montrent que les malades se distinguent entre eux selon leurs affections physique et psychique. Ils ne se considèrent pas tous éloignés de la même manière par rapport à la norme du « bien-portant » avec, au bout du spectre, des figures qui renvoient à des situations de handicap comme bornes extrêmes de la marginalité. Ce journal révèle de ce fait autant les représentations associées au handicap dans la société du second XXe siècle, que l’intériorisation des stigmates et des stéréotypes liés à la psychiatrie par les malades eux-mêmes. Ceux qui écrivent dans l’Espoir éclairent en revanche le soutien qui existe entre les hospitalisés, notamment envers les personnes en situation de handicap physique. Il s’agit ainsi d’un document d’archives unique pour une histoire sociale qui entend se départir d’une approche misérabiliste et soucieuse d’envisager sous différents angles les situations de handicap dans la France du XXe siècle.

Mardi 4 février 2025 :  Cristina Gil (professeure associée à l'École d'enseignement supérieur de l'Institut polytechnique de Setúbal - laboratoire des deaf studies - Université catholique de Lisbonne)

La Deaftopia est un concept qui englobe les rêves et les projections, ainsi que les craintes nées de l'imagination et des expériences des personnes sourdes dans leur quête de la "surditude". Le concept propose une nouvelle perspective sur les productions culturelles des communautés sourdes, en fusionnant les études culturelles, les études sur les sourds et les études utopiques. La riche contribution méthodologique des études culturelles offre une perspective théorique innovante dans l'analyse critique des productions culturelles des populations sourdes en tant que manifestations de la critique et de la résistance après des siècles d'oppression. Le changement de paradigme, de la perspective médicale qui conceptualise l'individu sourd comme pathologique et incomplet, à la perspective culturelle qui comprend les personnes sourdes comme une minorité ethnique, culturelle et linguistique, marque un tournant culturel dans les études sur les sourds et sa consolidation en tant que domaine au sein des sciences humaines, soulignant la pertinence de l'enquête sur les utopies des communautés sourdes dans le développement du concept deaftopia. L'analyse des représentations utopiques et dystopiques des personnes sourdes résulte d'une sélection minutieuse de récits et de discours trouvés dans la littérature et la visuature (littérature en langue des signes), tels que des romans, des récits, des poèmes, des discours et des textes non littéraires tels que des lettres et des manifestes politiques produits par des personnes sourdes. Les discours proviennent de diverses sources, notamment des groupes de population sourde, de l'art sourd tel que les films, des mouvements d'activisme sourd, et même des efforts associatifs et politiques pour la reconnaissance légale des langues des signes. Une perspective plus complexe de la Deaftopia englobe non seulement un avenir utopique (en ce qui concerne le rêve de la personne sourde), mais aussi les prémonitions dystopiques des menaces qui incitent à la création de contre-récits et de discours de résistance. L'objectif de cette étude est d'analyser rigoureusement les récits et les discours des communautés sourdes et de théoriser la Deaftopia en tant que concept scientifique et expression de la culture sourde. Cette recherche vise également à contribuer à la préservation de la culture sourde, des langues des signes et des épistémologies sourdes, et donc à servir d'exemple concret du "Deaf Gain".`

(Discutant : Fabrice Bertin, EHESS)

Mardi 4 mars 2025 : La folie en contexte colonial

  • Raphaël Gallien, (Université Paris Cité, CESSMA / CNRS, IMAF), «Handicap et institution psychiatrique en situation coloniale. Entre trajectoire d’enfermement et ambition de soin».

À partir d’une approche « par cas », nous interrogerons la place du handicap dans le monde colonial : ses héritages, ses recompositions sociales et discursives. Pour ce faire, nous nous concentrerons notamment sur la trajectoire d’un indigène, sans identité connue et dénommé « l’Inconnu » par les médecins, interné dans le seul hôpital psychiatrique de la colonie de Madagascar en 1910 en raison d’une « idiotie congénitale ». En mobilisant son dossier de patient, on découvre plus concrètement que son infirmité recouvre des troubles auditifs qui rendent difficile son accès à la parole et déterminent son internement. L’institution psychiatrique apparait alors comme le lieu d’accueil d’un handicap qui, s’il ne relève pas directement du champ psychiatrique, n’a pas d’autre espace pour exister aux yeux du pouvoir colonial. Outre la question de l’accueil clinique et spéculatif réservé par les autorités médicales à cet « Inconnu », nous reviendrons sur ce que ce « cas » vient nous dire des recompositions sociales du monde malgache en ce début de XXe siècle.

(Discutant : Romain Tiquet, CNRS, ERC MADAF)

Mardi 18 mars 2025 : Archéologie du handicap

  • Mathilde Daumas (Laboratoire d’anatomie, biomécanique et organogénèse, Faculté de médecine, Université Libre de Bruxelles) et Caroline Polet (Direction opérationnelle Terre et histoire de la vie, Institut royal des Sciences naturelles de Belgique), « Des moines handicapés ? Réflexions sur les individus porteurs d’incapacités physiques inhumés à l’abbaye des Dunes de Coxyde (XIIe-XVe siècle) »

L'étude des squelettes par les paléopathologistes permet d'évaluer l'état de santé des populations passées, notamment par l'identification de handicaps physiques et/ou mentaux laissant des traces osseuses.

Le cimetière médiéval de l’abbaye cistercienne des Dunes de Coxyde (Belgique) révèle plusieurs cas de handicaps importants, principalement locomoteurs. Ces pathologies, souvent congénitales et détectables dès la petite enfance, sont profondément invalidantes. Cependant, tous les individus étudiés ont atteint l'âge adulte, certains dépassant même les 60 ans, ce qui suggère une attention et des soins adaptés. 

Ce séminaire explore les implications sociales de ces handicaps visibles : ces individus étaient-ils pleinement intégrés dans la communauté monastique ou leur présence était-elle liée à leur condition physique et aux soins nécessaires ? Quelles pouvaient être leurs origines sociales ? Leurs handicaps a-t-il impacté leur traitement funéraire ? 

(Discutante : Ninon Dubourg, U. Cologne)

Mardi 1er avril 2025 : Le handicap au XXe-XXIe siècle

  • Juliette Naviaux (doctorante en histoire, cinéma documentaire, archives audiovisuelles et dont la thèse s’intitule Pratiques et usages du cinéma en milieu psychiatrique depuis les années 1970 : la caméra au service des équipes soignantes
  • Ioulia Shukan (directrice d’études de l’EHESS, Centre d’études russes, caucasiennes, est-européennes et centrasiatiques, CERCEC), « L’amputation de guerre en Ukraine : expériences individuelles et dispositifs de prise en charge médicale et sociale »

L’invasion militaire à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, sous forme d’une guerre conventionnelle (frappes d’artillerie, minage des sols), mais aussi d’une guerre technologique de drones chargés d’explosifs, atteint au plus profond l’intégrité corporelle. En deux ans et demi, elle aurait causé près de 50 000 amputations en Ukraine. À partir de l’analyse du « parcours de patient » de plusieurs combattants ayant perdu un membre inférieur ou supérieur au front, cette communication relira les épreuves individuelles de l’amputation aux dispositifs de sa prise en charge médicale et sociale, en prêtant une attention particulière à l’articulation entre l’action publique, l’entreprenariat privé, la philanthropie et la solidarité citoyenne dans ce domaine. Par-là, cette intervention mettra en exergue les tensions entre trois modèles de soin (biomédical, néo-libéral, solidaire-citoyen), concurrents et en pleine reconfiguration dans et par la guerre.

Mardi 6 mai 2025 : Histoire du sport

  • Sylvain Ferez (Université de Montpellier, directeur-adjoint du laboratoire Santé, éducation, situations de handicap) et Sébastien Ruffié (Laboratoire ACTES URp5_3 (Adaptation au climat tropical, exercices et santé), Université des Antilles) « De la rééducation des blessés de guerre à la reconnaissance de nouveaux types de performances sportives : mouvement paralympique et renversement de la question du handicap (1948-2012) »

Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, un nouveau type de pratiques et d’organisations sportives apparaît, d’abord timidement. Il s'agit initialement de rééduquer des blessés de guerre pour permettre le retour à une vie sociale aussi "normale" que possible, notamment par l'accès au travail. Quelques décennies plus tard, le xxie siècle photographie, filme, enregistre et fait circuler  une multitude de discours et d'images sur les jeux dits « paralympiques », désormais associés et intégrés aux Jeux olympiques. Il est désormais question de performances sportives, dans un cadre assurant l'équité entre athlètes ayant des incapacités très diverses. En arrière-plan, c'est un renversement de la question du handicap qui s'est opéré. Pour saisir ce renversement, la communication s'efforcera de montrer les interactions entre histoire des sciences et des techniques, histoire des représentations et des mentalités, et histoire politique d'une mobilisation pour la reconnaissance et l'émancipation.

(Discutant : Didier Séguillon, MCF Émérite)

Mardi 3 juin 2025 : Une histoire genrée

  • Aude Fauvel, « Histoire genrée de la psychiatrie »

(Discutante : Anne Roekens, U. Namur)

  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
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  • 54 bd Raspail
    54 bd Raspail 75006 Paris
    Salle AS1_23
    annuel / bimensuel (1re/3e), mardi 17:00-19:00 / nombre de participant·e·s : 15
    du 5 novembre 2024 au 3 juin 2025
    Nombre de séances : 12

    Pas de séance les 18 février et 20 mai 2025