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UE951 - Histoire de la famille. Pouvoirs et dépendances au sein de la famille. Perspectives comparatives (XVIe-XXIe siècle)


Lieu et planning


  • 48 bd Jourdan
    48 bd Jourdan 75014 Paris
    annuel / bimensuel (2e/4e), jeudi 17:00-19:00
    du 24 novembre 2022 au 8 juin 2023
    Nombre de séances : 12


Description


Dernière modification : 21 mai 2022 12:22

Type d'UE
Séminaires collectifs de recherche
Disciplines
Histoire, Sociologie
Page web
-
Langues
anglais espagnol français portugais
Mots-clés
Anthropologie historique Coloniales (études) Culture Démographie Diaspora Droit, normes et société Économie Enfance Enquêtes Esclavage Espace social État et politiques publiques Ethnographie Ethnologie Fait religieux Famille Genre Globalisation Handicap Histoire Histoire du droit Histoire économique et sociale Informatique et sciences sociales Laïcité Médecine Mémoire Méthodes quantitatives Migration(s) Minorités Parenté Patrimoine Politiques sociales Religieux (sciences sociales du) Rurales (études) Santé Sexualité Socio-économie Sociohistoire Sociologie Transnational Travail Urbaines (études)
Aires culturelles
Afrique Amérique du Nord Amérique du Sud Amériques Asie Asie centrale Atlantiques (mondes) Chine Corée Europe Europe centrale et orientale France Ibérique (monde) Inde Japon Maghreb Méditerranéens (mondes) Musulmans (mondes) Russie Transméditerranée Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Antoinette Fauve-Chamoux [référent·e]   maîtresse de conférences (retraité·e), EHESS / Centre de recherches historiques (CRH)
  • Lucia Carle   professeur associé à la Fondation Nuto Revelli - Italie
  • Claudia Contente   enseignant-chercheur, Université Pompeu Fabra, Barcelone
  • Helena Da Silva   enseignant-chercheur, IHC - FCSH/NOVA, Portugal - Université Le Havre Normandie
  • Marius Eppel   enseignant-chercheur, Université Babes-Bolyai de Cluj, Roumanie
  • Mary Louise Nagata   professeure des universités, Francis Marion University

Nous aborderons les modèles de pouvoir dans le cadre de la famille, les conditions de co-résidence des individus apparentés ou non au sein des unités domestiques, la formation des couples, légitimes ou non, leur dissolution, la transmission transgénérationnelle du patrimoine, la condition des veuves, des personnes âgées et des célibataires, l’avenir des enfants et leur mobilité géographique et sociale suivant la position dans la fratrie, le genre et le marché du travail.
Seront examinées les différentes juridictions et les pratiques morales et coutumières concernant l’autorité du chef de famille (homme ou femme) sur les membres de ménage, cherchant à définir quels sont les devoirs et obligations des parents. Dans une optique largement comparative, nous chercherons à mettre en évidence les interactions entre, d’une part, le changement social et, d’autre part, les stratégies individuelles et collectives concernant les comportements de reproduction démographique aussi bien que socio-économique et les choix de vie. On s’attachera enfin aux rôles respectifs joués historiquement par les réseaux de parenté, la communauté, les rituels coutumiers, la religion et l’État sur la famille.

Programme détaillé communiqué ultérieurement.


Master


Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.


Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

Tous niveaux. Inscription requise auprès d'Antoinette Fauve-Chamoux avec CV a jour et Projet de Recherche

"Antoinette Fauve-Chamoux" <antoinette.fauve-chamoux@ehess.fr>

Direction de travaux des étudiants

"Antoinette Fauve-Chamoux" <antoinette.fauve-chamoux@ehess.fr>

sur RDV uniquement

Réception des candidats

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Pré-requis

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Compte rendu


Ce séminaire collectif de recherche, fondé en 2001, a réuni, en présentiel, les partenaires permanents de l’équipe enseignante avec les étudiants avancés et chercheurs inscrits. En partenariat avec CY University Paris, AGORA Research Center, les séances se sont en même temps tenues en hybride, dans la salle affectée à notre séminaire par l’École normale supérieure au Campus Jourdan, avec une large et régulière participation internationale bilingue, anglais et français. L’attention s’est portée sur les stratégies familiales et la différence de genre en matière de formation de la famille, d’activité professionnelle, de promotion sociale et de part d’héritage. Les interactions entre d’une part le changement socio-économique, politique et juridique et, d’autre part, les stratégies individuelles et collectives concernant les comportements de reproduction et les choix de vie ultérieure furent mises en évidence. Dans l’esprit interdisciplinaire de l’École des Annales, nous avons abordé la question du poids de l’État et des institutions locales, civiles, religieuses et corporatives face d’un côté à la force des coutumes et de l’autre à la puissance des changements de mentalité caractérisant les générations nouvelles. 

Nous avons poursuivi nos travaux et nos échanges réguliers de longue date avec nos collègues ibériques en organisant une série de séminaires comparatifs. Dans ce cadre, Ofelia Rey Castelao (Université de Santiago de Compostela, Espagne), lauréate 2022 du grand prix d’histoire espagnole décerné par le ministère de la Culture de son pays, pour son ouvrage majeur sur femmes et migrations à l’époque moderne, paru aux Presses universitaires de Saint Jacques de Compostelle en 2021[1], a tracé un parallèle convainquant entre deux sociétés pourtant géographiquement distantes, à partir de sources originales qui se trouvent exactement du même type au Chili et en Espagne du XVIIIe siècle, alors sous même législation. Elle a donc pu étudier, des deux côtés de l’Atlantique, la place des femmes dans les procès civils et criminels, selon les diverses juridictions, qu’il s’agisse de tribunaux royaux, locaux ou ecclésiastiques, mettant en évidence que les femmes savaient parfaitement défendre leurs intérêts et ceux de leurs enfants, mobilisant les aides nécessaires à combler leur analphabétisme. Ruben Castro Rodondo (Université de Cantabrie) a poursuivi son étude historique des enfants non désirés en Espagne du Nord-Ouest, présenté le destin des enfants illégitimes en Cantabrie castillane à la fin de l’Ancien Régime et leur forte mortalité. De son côté, Pablo Vázquez Bello (Université de Santiago de Compostela) démontre que se développent à l’époque (1659-1834), en Galice, des associations religieuses actives, qui, comme le font les Franciscains de Saint Jacques de Compostelle, constitués en Vénérable Tiers-Ordre, réussissent à mobiliser des membres de familles locales, pratiquant un système de médiation et d’intégration de personnes laïques immigrantes. Non loin de là, au Portugal, Maria Marta Lobo de Araújo (Université du Minho & Laboratoire Paysage, Patrimoine et Territoire-2PT, Braga) a bien montré l’action des Miséricordes portugaises à l’âge moderne et la politique d’investissement de ménages locaux aisés dans ces institutions caritatives, afin d’aider les pauvres sous l’Ancien Régime. En particulier, les administrateurs ont les moyens de doter quelques orphelines infortunées de Ponte de Lima (XVIIe-XVIIIe siècles) pour leur permettre un mariage chrétien dans de bonnes conditions socio-économiques. Ils sélectionnent les candidates selon des critères moraux mais aussi selon leur apparence physique, évitant de privilégier les plus attrayantes qui pourraient tomber dans la paresse ou la débauche. Claudia Novais, insiste d’ailleurs, dans sa thèse sur Braga, sur l’importance de la notion d’honneur pour les femmes, à travers les archives notariales de la même période. Toujours dans la ligne de recherche interdisciplinaire encouragée par ce laboratoire portugais d’excellence de Braga (Paysage, Patrimoine et Territoire-2PT), Luís Gonçalves Ferreira analyse avec finesse la politique d’assistance pratiquée aux XVIIe et XVIIIe siècles, par les institutions portugaises de charité que sont les Miséricordes, en particulier en matière d’aide aux familles nécessiteuses et aux femmes pauvres qui, à Braga, reçoivent diverses formes d’aumône, en argent ou en vêtements (vestiarias). Dans quatre pour cent des cas, il s’agit d’un linceul pour leurs funérailles. De tous temps, les habits, avec leurs couleurs, leurs symboliques diverses et leurs fonctions plus ou moins valorisantes, ont servi de marqueurs sociaux-économiques et hiérarchiques pour ceux qui les portent, volontairement ou non, que ce soit dans le cadre d’un métier, d’un état, d’un rang, d’une culture etc.  Il en est de même des cycles de la mode, y compris en matière immobilière et mobilière. Sur ce dernier point, Daniel Mena Acevedo (Université de Saint-Jacques de Compostelle) a apporté une contribution très originale consacrée à l’histoire de l’aménagement domestique chez les élites galiciennes (1750-1820), montrant l’évolution du mobilier intérieur et de la décoration dans les maisons urbaines espagnoles, avec leurs éléments traditionnels et leurs innovations, cela suivant l’appartenance sociale, professionnelle et le niveau d’éducation. L’historien de l’architecture Paolo Cornaglia (Polytechnique de Turin, Italie), qui bénéficie d’archives historiques exceptionnelles, a étudié pour sa part les plans des palais royaux construits à Turin et aménagés pour le mode de vie spécifique de la Famille Royale de Savoie. Il a présenté son travail tout récent sur les résidences des princes de Savoie-Carignano, leurs strictes règles pour la vie quotidienne, publique et privée, selon l’âge, le sexe, rang et circonstances familiales ou politiques, beaux et mauvais jours, maladies, drames et deuils. Pour ce qui est des troubles physiques et psychiques, Alexandra Esteves (Université du Minho & Lab2PT, Portugal) a abordé les stratégies de guérison qui concernent les maladies chroniques des femmes des classes aisées au Portugal au XIXe et au début du XXe siècle. Elle passe en revue les traitements attribués, plus ou moins efficaces, soulignant l’importance traditionnelle des problèmes gynécologiques. La tuberculose menace hommes et femmes à tous les niveaux sociaux, particulièrement dans les grandes villes de Lisbonne et Porto. Chlorose et anémie frappent les femmes mélancoliques, mal nourries, hystériques ou souffrant d’anorexie. La question des cancers féminins ne préoccupe sérieusement la communauté médicale qu’à partir des années 1920 et les mesures de protection des femmes enceintes ne sont envisagées qu’avec les années 1930. Evelien Walhout (Université de Leiden, Pays-Bas) a reconstruit l’histoire de l’épidémie de choléra en 1866 à Amsterdam et étudie l’ensemble des modalités de lutte élaborées et mises en œuvre contre ce fléau par les divers acteurs aux différents niveaux décisionnels (politique publique, mesures sanitaires et médicales etc.), pour la période 1856-1920, avec un intérêt particulier pour la mortalité différentielle selon le sexe et l’âge. Elle travaille aussi sur la mortalité maternelle et la mortalité infantile, faisant suite à ses travaux précédents concernant l’impact des guerres et des crises économiques sur le sex ratio de la population locale. Cette dernière question fut abordée aussi cette année par Szymon Antosik (Université Adam Mickiewicz, Poznań, Pologne), au sein des familles les plus aisées de Poznan au cours du XIXe siècle, où un surplus de naissances de garçons est constaté, ce qui donne raison, sans pouvoir vraiment l’expliquer, à l’hypothèse émise par Robert Trivers et Dan Willard, il y a cinquante ans. Ces derniers avaient proposé en 1973, dans la revue Science (n°179, 90–92), l’hypothèse selon laquelle, la sélection naturelle favoriserait la capacité des parents à ajuster le sex ratio de leur progéniture en fonction de leur capacité à investir. Les données sur les mammifères soutiennent souvent ce modèle : à mesure que la condition maternelle décline, la femelle adulte a tendance à produire un ratio mâles/femelles plus faible. La question reste ouverte pour les humains et l’objet d’intenses débats. L’historienne biologiste Graźyna Liczbinska (Université Adam Mickiewicz, Poznań, Pologne), soutient que les états de stress que les femmes subissent en temps de crises et de guerre, avec privations et maladies, les exposent à des grossesses difficiles, fausses couches, naissances de mort-nés ou de prématurés à petit poids. S’appuyant sur des données quantitatives démographiques et médicales enregistrées pendant la Première Guerre Mondiale et la Grande Dépression, l’auteur démontre que l’exposition à ces risques a influencé non seulement la fragilité de la reproduction de leurs enfants à la génération suivante mais a impacté aussi négativement la génération de leurs petits-enfants. Les riches sources digitalisées – registres de population et archives hospitalières – permettent de disposer, en effet, d’informations sur l’état de santé des nourrissons, en particulier ceux des mères célibataires. Toujours dans le cadre de ce groupe de travail polonais très productif, Patryk Pankowski (Université Adam Mickiewicz, Pologne) a retracé, grâce aux registres paroissiaux de la ville de Poznań, l’impact de l’épidémie de choléra de 1866 sur le nombre des mariages qui y furent retardés, décalant par là même les premières naissances d’enfants pour ces jeunes couples urbains.  

En matière d’alliance matrimoniale, Marius Eppel (Université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie) présente la grande enquête historique menée au Centre d’Études sur la Population de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, sur mariage mixte et confession religieuse en Transylvanie aux XIXe et XXe siècles et aussi les nombreux entretiens oraux qu’il a réalisés dans les départements d’Arad, d’Alba, et de Cluj. Il explique que le caractère multiethnique et multiconfessionnel de la Transylvanie s’est accentué avec le temps, à la fois dans la mentalité collective et les opinions individuelles et familiales. Au XIXe siècle le mariage interconfessionnel était perçu de façon unitaire par les Églises de Transylvanie. Par la suite, avec les lois de 1894 et 1895, l’état est intervenu sur la question matrimoniale, ce qui a déterminé les couples à contracter également un mariage civil. Pour les unions interconfessionnelles dont un des partenaires est catholique romain, il a été possible de sauvegarder le principe sexus sexum sequitur, à savoir que les garçons adoptent la confession de leur père, et les filles celle de leur mère. Prévu dans l’article 12 de la Loi LIII de 1868 et repris ensuite par la Loi XXXII de l’année 1894 sur la religion des enfants, cet article précisait ainsi la manière de transmettre la religion de parent à enfant. De son côté, Julieta Rotaru (Institut national des langues et civilisations orientales, INaLCO, Paris) étudie, pour la Roumanie de 1838, le travail assuré par les femmes tsiganes dans différents groupes socioprofessionnels de Valachie préindustrielle. Toutes les catégories de tsiganes sont actives, souvent domestiques dès leur plus jeune âge, elles sont mobiles. Les journalières sont nombreuses, et celles dont la profession n’est pas précisée gagnaient leur pain par des activités saisonnières, travaillant dans l’agriculture pour leurs maîtres. Une fois mariées, elles peuvent en même temps assurer le travail domestique au sein de leur propre ménage. Elles prennent soin de leurs enfants et des personnes âgées et accomplissent des tâches que l’on aurait pu croire réservées aux hommes. Elles savent en particulier travailler le bois pour fabriquer fuseaux au tour et cuillères pour le marché. Veuves, l’âge venant, elles peuvent apparaître comme chef de ménage, et sont alors très souvent fileuses, tout en bénéficiant d’un réseau de relations et du respect traditionnellement dû à la mère tsigane, respectée dans son groupe.

La fin du XIXe siècle, en France, est marquée par un nouvel intérêt pour l’enfance, comme le montre Iris Charriou (Université Paris Cité) par son étude fine des cultures matérielles et des modalités de circulation sociale des objets dédiés aux nourrissons à Paris, entre 1866 et 1912, vêtements et articles manufacturés spécifiques, souvent coûteux, adaptés à la croissance de l’enfant, facilitant la vie quotidienne d’une mère citadine, garantissant le bien-être et la sécurité du bébé. Judith Odier (École normale supérieure, ENS-Paris-Saclay), étudiant les riches archives de l’Asile Sainte Anne, ouvert en 1867 à Paris, aborde les troubles physiques, psychologiques et mentaux induits par les crises économiques du XIXe siècle, en particulier chez les femmes, centrant son exposé sur folie, maternité et liens familiaux dans le Paris des années 1920. Presque la moitié des internées étudiées présentent un délire de persécution, suite à des violences sexuelles, des décès proches, abandons et traumatismes multiples, souvent intervenus au sein de la famille. Catherine Canel-Dol (EHESS, Paris), auteur d’une thèse de doctorat d’histoire sur l’adoption en France de 1789 à 1923, a présenté la Loi du 19 juin 1923 autorisant en France l’adoption d’enfants, loi dont le centenaire est célébré cette année. Historienne et juriste, la grande question qu’elle aborde est de savoir si le dispositif proposé était archaïque ou bien précurseur, dégageant différents modèles stratégiques de reproduction familiale, consécutifs à cette nouvelle législation.

Pour l’Europe du Nord, à travers l’exemple d’Helsinki, Beatrice Moring (Université de Cambridge, Grande Bretagne) a insisté sur le travail permanent des femmes qui assurèrent, en Finlande, au cours du XIXe siècle, un rôle économique régulateur. Une fois veuves, elles doivent subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants en milieu urbain. Les femmes finlandaises témoignent alors d’une grande inventivité et résilience pour toujours conserver un niveau de vie décent, avec une bonne économie ménagère et le sens des affaires, si possible à l’aide de leur entourage familial. Elles savent tirer parti du fait que leur capitale est alors en fort développement urbain. À tous les niveaux sociaux, on voit des veuves actives s’occuper de la bonne gestion du patrimoine familial.  

Lucia Carle (Fondation Nuto Revelli, Italie) retrace l’histoire pluriséculaire d’un fief du Saint-Empire romain germanique du XVe au XIXe siècle, à Monesiglio, Piémont italien. Elle procède à une analyse majeure des héritiers successifs, reconstruisant l’évolution du pouvoir familial, les liens intergénérationnels et les stratégies matrimoniales complexes au sein des branches Caldera et del Carretto, qui se partagent longtemps une même seigneurie : la branche aînée des co-seigneurs investie des trois quarts par l’empereur du Saint-Empire en 1722, puis par Charles-Emmanuel III de Savoie en 1766, et la branche cadette, celle des Carretto, ne jouissant longtemps que du dernier quart, mais finalement héritant du titre et de l’ensemble des propriétés, par une sentence de 1791. D’autres séances de ce séminaire collectif de recherche furent aussi consacrées à l’étude comparative des modèles familiaux de reproduction, mettant toujours l’accent sur le rôle des femmes, les stratégies de continuité familiale et l’action des communautés locales, aussi bien rurales qu’urbaines. Salomé Egloff (Université de Zurich, Suisse) a présenté, à travers deux études de cas situées en Suisse centrale, en régions préalpines, comment les communautés villageoises et leurs familles, au sein de systèmes montagneux bénéficiant de biens communaux depuis le haut moyen âge – ici surtout pâturages de vallées et alpages –, ont mis en œuvre, au fil des siècles, certaines stratégies d’alliance matrimoniale et de dévolution afin de préserver au mieux l’accès et le bon usage de ces biens communs par leur progéniture, entre 1600 et 1800. Pour ce faire, les mariages mixtes lorsqu’un des conjoints est non natif du village, sont strictement régulés, surtout lorsque le système local de partage des biens est inégalitaire, ce qui varie d’une vallée à l’autre. Kamen Dontchev (Institut d’Ethnologie, Académie des Sciences de Bulgarie), spécialiste internationalement reconnu du droit coutumier bulgare, a apporté une vue comparative d’importance, mettant en parallèle les caractéristiques des droit coutumiers des pays francophones européens, s’attachant tout particulièrement à identifier le rôle et le poids des femmes sur le devenir des familles, et leurs stratégies de continuité. Il a été possible, à cette occasion, de comparer les résultats de ses recherches avec les dynamiques de transformation familiale observée en Afrique par Mamadou Sounoussy Diallo (Université Général Lansana Conte, Conakry, Guinée) qui a mené tout récemment une analyse socio-anthropologique de la crise d’autorité dans la famille urbaine en Guinée.

Poursuivant nos perspectives eurasiennes comparatives (Japon, Corée, Chine), initiées de longue date, Mary Louise Nagata (Université Francis Marion, USA) a présenté les différents modèles de migration et d’intégration ouverts aux migrants arrivant des campagnes nippones à Kyoto, Japon, à la fin de l’époque Tokugawa (1843-1869). Parmi les options qui s’ouvraient, les jeunes femmes avaient le choix de séjourner chez un employeur en tant que servante, se marier dans une entreprise familiale localement bien établie, épouser un homme autochtone et l’aider ensuite dans son entreprise, ou bien de rentrer plus tard à leur village avec leurs compétences acquises. Les migrants ont servi de médiateurs entre leurs communautés d’origine et la ville et ont facilité la propagation des liens commerciaux et artisanaux. En général, le rôle des femmes est important dans la continuité des lignées, tout comme l’effet de la mobilité géographique et sociale sur les familles et les formes spécifiques d’intégration urbaine suivant les types de migration. Enfin, une séance a été consacrée à l’exposé de Daniel Etienne Altman (CY University Paris, AGORA Research Center, France) qui a dévoilé les premiers résultats de son projet de recherche doctorale, consacré à l’histoire longue, depuis la fin du XIXe siècle – suite aux épisodes de discriminations subies –, de l’identité sociale et culturelle des familles d’immigrants russophones de confession juive aux États-Unis (observés tout particulièrement à Miami), proposant une analyse neuve et comparative, combinant nombre de sources historiques, histoires familiales, fictions, témoignages autobiographiques, et entretiens oraux recueillis par lui sur place.

[1] Ofelia Rey Castelao, El vuelo corto. Mujeres y migracionses en la Edad Moderna. Santiago de Compostela, Universidade de Santiago de Compostela, Editora academica, 2021.

Publications

Dernière modification : 21 mai 2022 12:22

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Séminaires collectifs de recherche
Disciplines
Histoire, Sociologie
Page web
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Langues
anglais espagnol français portugais
Mots-clés
Anthropologie historique Coloniales (études) Culture Démographie Diaspora Droit, normes et société Économie Enfance Enquêtes Esclavage Espace social État et politiques publiques Ethnographie Ethnologie Fait religieux Famille Genre Globalisation Handicap Histoire Histoire du droit Histoire économique et sociale Informatique et sciences sociales Laïcité Médecine Mémoire Méthodes quantitatives Migration(s) Minorités Parenté Patrimoine Politiques sociales Religieux (sciences sociales du) Rurales (études) Santé Sexualité Socio-économie Sociohistoire Sociologie Transnational Travail Urbaines (études)
Aires culturelles
Afrique Amérique du Nord Amérique du Sud Amériques Asie Asie centrale Atlantiques (mondes) Chine Corée Europe Europe centrale et orientale France Ibérique (monde) Inde Japon Maghreb Méditerranéens (mondes) Musulmans (mondes) Russie Transméditerranée Transnational/transfrontières
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  • Antoinette Fauve-Chamoux [référent·e]   maîtresse de conférences (retraité·e), EHESS / Centre de recherches historiques (CRH)
  • Lucia Carle   professeur associé à la Fondation Nuto Revelli - Italie
  • Claudia Contente   enseignant-chercheur, Université Pompeu Fabra, Barcelone
  • Helena Da Silva   enseignant-chercheur, IHC - FCSH/NOVA, Portugal - Université Le Havre Normandie
  • Marius Eppel   enseignant-chercheur, Université Babes-Bolyai de Cluj, Roumanie
  • Mary Louise Nagata   professeure des universités, Francis Marion University

Nous aborderons les modèles de pouvoir dans le cadre de la famille, les conditions de co-résidence des individus apparentés ou non au sein des unités domestiques, la formation des couples, légitimes ou non, leur dissolution, la transmission transgénérationnelle du patrimoine, la condition des veuves, des personnes âgées et des célibataires, l’avenir des enfants et leur mobilité géographique et sociale suivant la position dans la fratrie, le genre et le marché du travail.
Seront examinées les différentes juridictions et les pratiques morales et coutumières concernant l’autorité du chef de famille (homme ou femme) sur les membres de ménage, cherchant à définir quels sont les devoirs et obligations des parents. Dans une optique largement comparative, nous chercherons à mettre en évidence les interactions entre, d’une part, le changement social et, d’autre part, les stratégies individuelles et collectives concernant les comportements de reproduction démographique aussi bien que socio-économique et les choix de vie. On s’attachera enfin aux rôles respectifs joués historiquement par les réseaux de parenté, la communauté, les rituels coutumiers, la religion et l’État sur la famille.

Programme détaillé communiqué ultérieurement.

Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.

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  • 48 bd Jourdan
    48 bd Jourdan 75014 Paris
    annuel / bimensuel (2e/4e), jeudi 17:00-19:00
    du 24 novembre 2022 au 8 juin 2023
    Nombre de séances : 12

Ce séminaire collectif de recherche, fondé en 2001, a réuni, en présentiel, les partenaires permanents de l’équipe enseignante avec les étudiants avancés et chercheurs inscrits. En partenariat avec CY University Paris, AGORA Research Center, les séances se sont en même temps tenues en hybride, dans la salle affectée à notre séminaire par l’École normale supérieure au Campus Jourdan, avec une large et régulière participation internationale bilingue, anglais et français. L’attention s’est portée sur les stratégies familiales et la différence de genre en matière de formation de la famille, d’activité professionnelle, de promotion sociale et de part d’héritage. Les interactions entre d’une part le changement socio-économique, politique et juridique et, d’autre part, les stratégies individuelles et collectives concernant les comportements de reproduction et les choix de vie ultérieure furent mises en évidence. Dans l’esprit interdisciplinaire de l’École des Annales, nous avons abordé la question du poids de l’État et des institutions locales, civiles, religieuses et corporatives face d’un côté à la force des coutumes et de l’autre à la puissance des changements de mentalité caractérisant les générations nouvelles. 

Nous avons poursuivi nos travaux et nos échanges réguliers de longue date avec nos collègues ibériques en organisant une série de séminaires comparatifs. Dans ce cadre, Ofelia Rey Castelao (Université de Santiago de Compostela, Espagne), lauréate 2022 du grand prix d’histoire espagnole décerné par le ministère de la Culture de son pays, pour son ouvrage majeur sur femmes et migrations à l’époque moderne, paru aux Presses universitaires de Saint Jacques de Compostelle en 2021[1], a tracé un parallèle convainquant entre deux sociétés pourtant géographiquement distantes, à partir de sources originales qui se trouvent exactement du même type au Chili et en Espagne du XVIIIe siècle, alors sous même législation. Elle a donc pu étudier, des deux côtés de l’Atlantique, la place des femmes dans les procès civils et criminels, selon les diverses juridictions, qu’il s’agisse de tribunaux royaux, locaux ou ecclésiastiques, mettant en évidence que les femmes savaient parfaitement défendre leurs intérêts et ceux de leurs enfants, mobilisant les aides nécessaires à combler leur analphabétisme. Ruben Castro Rodondo (Université de Cantabrie) a poursuivi son étude historique des enfants non désirés en Espagne du Nord-Ouest, présenté le destin des enfants illégitimes en Cantabrie castillane à la fin de l’Ancien Régime et leur forte mortalité. De son côté, Pablo Vázquez Bello (Université de Santiago de Compostela) démontre que se développent à l’époque (1659-1834), en Galice, des associations religieuses actives, qui, comme le font les Franciscains de Saint Jacques de Compostelle, constitués en Vénérable Tiers-Ordre, réussissent à mobiliser des membres de familles locales, pratiquant un système de médiation et d’intégration de personnes laïques immigrantes. Non loin de là, au Portugal, Maria Marta Lobo de Araújo (Université du Minho & Laboratoire Paysage, Patrimoine et Territoire-2PT, Braga) a bien montré l’action des Miséricordes portugaises à l’âge moderne et la politique d’investissement de ménages locaux aisés dans ces institutions caritatives, afin d’aider les pauvres sous l’Ancien Régime. En particulier, les administrateurs ont les moyens de doter quelques orphelines infortunées de Ponte de Lima (XVIIe-XVIIIe siècles) pour leur permettre un mariage chrétien dans de bonnes conditions socio-économiques. Ils sélectionnent les candidates selon des critères moraux mais aussi selon leur apparence physique, évitant de privilégier les plus attrayantes qui pourraient tomber dans la paresse ou la débauche. Claudia Novais, insiste d’ailleurs, dans sa thèse sur Braga, sur l’importance de la notion d’honneur pour les femmes, à travers les archives notariales de la même période. Toujours dans la ligne de recherche interdisciplinaire encouragée par ce laboratoire portugais d’excellence de Braga (Paysage, Patrimoine et Territoire-2PT), Luís Gonçalves Ferreira analyse avec finesse la politique d’assistance pratiquée aux XVIIe et XVIIIe siècles, par les institutions portugaises de charité que sont les Miséricordes, en particulier en matière d’aide aux familles nécessiteuses et aux femmes pauvres qui, à Braga, reçoivent diverses formes d’aumône, en argent ou en vêtements (vestiarias). Dans quatre pour cent des cas, il s’agit d’un linceul pour leurs funérailles. De tous temps, les habits, avec leurs couleurs, leurs symboliques diverses et leurs fonctions plus ou moins valorisantes, ont servi de marqueurs sociaux-économiques et hiérarchiques pour ceux qui les portent, volontairement ou non, que ce soit dans le cadre d’un métier, d’un état, d’un rang, d’une culture etc.  Il en est de même des cycles de la mode, y compris en matière immobilière et mobilière. Sur ce dernier point, Daniel Mena Acevedo (Université de Saint-Jacques de Compostelle) a apporté une contribution très originale consacrée à l’histoire de l’aménagement domestique chez les élites galiciennes (1750-1820), montrant l’évolution du mobilier intérieur et de la décoration dans les maisons urbaines espagnoles, avec leurs éléments traditionnels et leurs innovations, cela suivant l’appartenance sociale, professionnelle et le niveau d’éducation. L’historien de l’architecture Paolo Cornaglia (Polytechnique de Turin, Italie), qui bénéficie d’archives historiques exceptionnelles, a étudié pour sa part les plans des palais royaux construits à Turin et aménagés pour le mode de vie spécifique de la Famille Royale de Savoie. Il a présenté son travail tout récent sur les résidences des princes de Savoie-Carignano, leurs strictes règles pour la vie quotidienne, publique et privée, selon l’âge, le sexe, rang et circonstances familiales ou politiques, beaux et mauvais jours, maladies, drames et deuils. Pour ce qui est des troubles physiques et psychiques, Alexandra Esteves (Université du Minho & Lab2PT, Portugal) a abordé les stratégies de guérison qui concernent les maladies chroniques des femmes des classes aisées au Portugal au XIXe et au début du XXe siècle. Elle passe en revue les traitements attribués, plus ou moins efficaces, soulignant l’importance traditionnelle des problèmes gynécologiques. La tuberculose menace hommes et femmes à tous les niveaux sociaux, particulièrement dans les grandes villes de Lisbonne et Porto. Chlorose et anémie frappent les femmes mélancoliques, mal nourries, hystériques ou souffrant d’anorexie. La question des cancers féminins ne préoccupe sérieusement la communauté médicale qu’à partir des années 1920 et les mesures de protection des femmes enceintes ne sont envisagées qu’avec les années 1930. Evelien Walhout (Université de Leiden, Pays-Bas) a reconstruit l’histoire de l’épidémie de choléra en 1866 à Amsterdam et étudie l’ensemble des modalités de lutte élaborées et mises en œuvre contre ce fléau par les divers acteurs aux différents niveaux décisionnels (politique publique, mesures sanitaires et médicales etc.), pour la période 1856-1920, avec un intérêt particulier pour la mortalité différentielle selon le sexe et l’âge. Elle travaille aussi sur la mortalité maternelle et la mortalité infantile, faisant suite à ses travaux précédents concernant l’impact des guerres et des crises économiques sur le sex ratio de la population locale. Cette dernière question fut abordée aussi cette année par Szymon Antosik (Université Adam Mickiewicz, Poznań, Pologne), au sein des familles les plus aisées de Poznan au cours du XIXe siècle, où un surplus de naissances de garçons est constaté, ce qui donne raison, sans pouvoir vraiment l’expliquer, à l’hypothèse émise par Robert Trivers et Dan Willard, il y a cinquante ans. Ces derniers avaient proposé en 1973, dans la revue Science (n°179, 90–92), l’hypothèse selon laquelle, la sélection naturelle favoriserait la capacité des parents à ajuster le sex ratio de leur progéniture en fonction de leur capacité à investir. Les données sur les mammifères soutiennent souvent ce modèle : à mesure que la condition maternelle décline, la femelle adulte a tendance à produire un ratio mâles/femelles plus faible. La question reste ouverte pour les humains et l’objet d’intenses débats. L’historienne biologiste Graźyna Liczbinska (Université Adam Mickiewicz, Poznań, Pologne), soutient que les états de stress que les femmes subissent en temps de crises et de guerre, avec privations et maladies, les exposent à des grossesses difficiles, fausses couches, naissances de mort-nés ou de prématurés à petit poids. S’appuyant sur des données quantitatives démographiques et médicales enregistrées pendant la Première Guerre Mondiale et la Grande Dépression, l’auteur démontre que l’exposition à ces risques a influencé non seulement la fragilité de la reproduction de leurs enfants à la génération suivante mais a impacté aussi négativement la génération de leurs petits-enfants. Les riches sources digitalisées – registres de population et archives hospitalières – permettent de disposer, en effet, d’informations sur l’état de santé des nourrissons, en particulier ceux des mères célibataires. Toujours dans le cadre de ce groupe de travail polonais très productif, Patryk Pankowski (Université Adam Mickiewicz, Pologne) a retracé, grâce aux registres paroissiaux de la ville de Poznań, l’impact de l’épidémie de choléra de 1866 sur le nombre des mariages qui y furent retardés, décalant par là même les premières naissances d’enfants pour ces jeunes couples urbains.  

En matière d’alliance matrimoniale, Marius Eppel (Université Babes-Bolyai, Cluj-Napoca, Roumanie) présente la grande enquête historique menée au Centre d’Études sur la Population de l’Université Babeş-Bolyai de Cluj-Napoca, sur mariage mixte et confession religieuse en Transylvanie aux XIXe et XXe siècles et aussi les nombreux entretiens oraux qu’il a réalisés dans les départements d’Arad, d’Alba, et de Cluj. Il explique que le caractère multiethnique et multiconfessionnel de la Transylvanie s’est accentué avec le temps, à la fois dans la mentalité collective et les opinions individuelles et familiales. Au XIXe siècle le mariage interconfessionnel était perçu de façon unitaire par les Églises de Transylvanie. Par la suite, avec les lois de 1894 et 1895, l’état est intervenu sur la question matrimoniale, ce qui a déterminé les couples à contracter également un mariage civil. Pour les unions interconfessionnelles dont un des partenaires est catholique romain, il a été possible de sauvegarder le principe sexus sexum sequitur, à savoir que les garçons adoptent la confession de leur père, et les filles celle de leur mère. Prévu dans l’article 12 de la Loi LIII de 1868 et repris ensuite par la Loi XXXII de l’année 1894 sur la religion des enfants, cet article précisait ainsi la manière de transmettre la religion de parent à enfant. De son côté, Julieta Rotaru (Institut national des langues et civilisations orientales, INaLCO, Paris) étudie, pour la Roumanie de 1838, le travail assuré par les femmes tsiganes dans différents groupes socioprofessionnels de Valachie préindustrielle. Toutes les catégories de tsiganes sont actives, souvent domestiques dès leur plus jeune âge, elles sont mobiles. Les journalières sont nombreuses, et celles dont la profession n’est pas précisée gagnaient leur pain par des activités saisonnières, travaillant dans l’agriculture pour leurs maîtres. Une fois mariées, elles peuvent en même temps assurer le travail domestique au sein de leur propre ménage. Elles prennent soin de leurs enfants et des personnes âgées et accomplissent des tâches que l’on aurait pu croire réservées aux hommes. Elles savent en particulier travailler le bois pour fabriquer fuseaux au tour et cuillères pour le marché. Veuves, l’âge venant, elles peuvent apparaître comme chef de ménage, et sont alors très souvent fileuses, tout en bénéficiant d’un réseau de relations et du respect traditionnellement dû à la mère tsigane, respectée dans son groupe.

La fin du XIXe siècle, en France, est marquée par un nouvel intérêt pour l’enfance, comme le montre Iris Charriou (Université Paris Cité) par son étude fine des cultures matérielles et des modalités de circulation sociale des objets dédiés aux nourrissons à Paris, entre 1866 et 1912, vêtements et articles manufacturés spécifiques, souvent coûteux, adaptés à la croissance de l’enfant, facilitant la vie quotidienne d’une mère citadine, garantissant le bien-être et la sécurité du bébé. Judith Odier (École normale supérieure, ENS-Paris-Saclay), étudiant les riches archives de l’Asile Sainte Anne, ouvert en 1867 à Paris, aborde les troubles physiques, psychologiques et mentaux induits par les crises économiques du XIXe siècle, en particulier chez les femmes, centrant son exposé sur folie, maternité et liens familiaux dans le Paris des années 1920. Presque la moitié des internées étudiées présentent un délire de persécution, suite à des violences sexuelles, des décès proches, abandons et traumatismes multiples, souvent intervenus au sein de la famille. Catherine Canel-Dol (EHESS, Paris), auteur d’une thèse de doctorat d’histoire sur l’adoption en France de 1789 à 1923, a présenté la Loi du 19 juin 1923 autorisant en France l’adoption d’enfants, loi dont le centenaire est célébré cette année. Historienne et juriste, la grande question qu’elle aborde est de savoir si le dispositif proposé était archaïque ou bien précurseur, dégageant différents modèles stratégiques de reproduction familiale, consécutifs à cette nouvelle législation.

Pour l’Europe du Nord, à travers l’exemple d’Helsinki, Beatrice Moring (Université de Cambridge, Grande Bretagne) a insisté sur le travail permanent des femmes qui assurèrent, en Finlande, au cours du XIXe siècle, un rôle économique régulateur. Une fois veuves, elles doivent subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants en milieu urbain. Les femmes finlandaises témoignent alors d’une grande inventivité et résilience pour toujours conserver un niveau de vie décent, avec une bonne économie ménagère et le sens des affaires, si possible à l’aide de leur entourage familial. Elles savent tirer parti du fait que leur capitale est alors en fort développement urbain. À tous les niveaux sociaux, on voit des veuves actives s’occuper de la bonne gestion du patrimoine familial.  

Lucia Carle (Fondation Nuto Revelli, Italie) retrace l’histoire pluriséculaire d’un fief du Saint-Empire romain germanique du XVe au XIXe siècle, à Monesiglio, Piémont italien. Elle procède à une analyse majeure des héritiers successifs, reconstruisant l’évolution du pouvoir familial, les liens intergénérationnels et les stratégies matrimoniales complexes au sein des branches Caldera et del Carretto, qui se partagent longtemps une même seigneurie : la branche aînée des co-seigneurs investie des trois quarts par l’empereur du Saint-Empire en 1722, puis par Charles-Emmanuel III de Savoie en 1766, et la branche cadette, celle des Carretto, ne jouissant longtemps que du dernier quart, mais finalement héritant du titre et de l’ensemble des propriétés, par une sentence de 1791. D’autres séances de ce séminaire collectif de recherche furent aussi consacrées à l’étude comparative des modèles familiaux de reproduction, mettant toujours l’accent sur le rôle des femmes, les stratégies de continuité familiale et l’action des communautés locales, aussi bien rurales qu’urbaines. Salomé Egloff (Université de Zurich, Suisse) a présenté, à travers deux études de cas situées en Suisse centrale, en régions préalpines, comment les communautés villageoises et leurs familles, au sein de systèmes montagneux bénéficiant de biens communaux depuis le haut moyen âge – ici surtout pâturages de vallées et alpages –, ont mis en œuvre, au fil des siècles, certaines stratégies d’alliance matrimoniale et de dévolution afin de préserver au mieux l’accès et le bon usage de ces biens communs par leur progéniture, entre 1600 et 1800. Pour ce faire, les mariages mixtes lorsqu’un des conjoints est non natif du village, sont strictement régulés, surtout lorsque le système local de partage des biens est inégalitaire, ce qui varie d’une vallée à l’autre. Kamen Dontchev (Institut d’Ethnologie, Académie des Sciences de Bulgarie), spécialiste internationalement reconnu du droit coutumier bulgare, a apporté une vue comparative d’importance, mettant en parallèle les caractéristiques des droit coutumiers des pays francophones européens, s’attachant tout particulièrement à identifier le rôle et le poids des femmes sur le devenir des familles, et leurs stratégies de continuité. Il a été possible, à cette occasion, de comparer les résultats de ses recherches avec les dynamiques de transformation familiale observée en Afrique par Mamadou Sounoussy Diallo (Université Général Lansana Conte, Conakry, Guinée) qui a mené tout récemment une analyse socio-anthropologique de la crise d’autorité dans la famille urbaine en Guinée.

Poursuivant nos perspectives eurasiennes comparatives (Japon, Corée, Chine), initiées de longue date, Mary Louise Nagata (Université Francis Marion, USA) a présenté les différents modèles de migration et d’intégration ouverts aux migrants arrivant des campagnes nippones à Kyoto, Japon, à la fin de l’époque Tokugawa (1843-1869). Parmi les options qui s’ouvraient, les jeunes femmes avaient le choix de séjourner chez un employeur en tant que servante, se marier dans une entreprise familiale localement bien établie, épouser un homme autochtone et l’aider ensuite dans son entreprise, ou bien de rentrer plus tard à leur village avec leurs compétences acquises. Les migrants ont servi de médiateurs entre leurs communautés d’origine et la ville et ont facilité la propagation des liens commerciaux et artisanaux. En général, le rôle des femmes est important dans la continuité des lignées, tout comme l’effet de la mobilité géographique et sociale sur les familles et les formes spécifiques d’intégration urbaine suivant les types de migration. Enfin, une séance a été consacrée à l’exposé de Daniel Etienne Altman (CY University Paris, AGORA Research Center, France) qui a dévoilé les premiers résultats de son projet de recherche doctorale, consacré à l’histoire longue, depuis la fin du XIXe siècle – suite aux épisodes de discriminations subies –, de l’identité sociale et culturelle des familles d’immigrants russophones de confession juive aux États-Unis (observés tout particulièrement à Miami), proposant une analyse neuve et comparative, combinant nombre de sources historiques, histoires familiales, fictions, témoignages autobiographiques, et entretiens oraux recueillis par lui sur place.

[1] Ofelia Rey Castelao, El vuelo corto. Mujeres y migracionses en la Edad Moderna. Santiago de Compostela, Universidade de Santiago de Compostela, Editora academica, 2021.

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