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UE844 - Les Trompettes de la renommée. Anthropologie comparative du prestige


Lieu et planning


  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Salle 3.08
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    1er semestre / hebdomadaire, jeudi 12:30-14:30
    du 10 novembre 2022 au 23 février 2023
    Nombre de séances : 12

    La séance du 16 février 2023 est reportée au 23 février 2023, de 12 h 30 à 14 h 30, salle 25-B, bâtiment EHESS, Campus Condorcet


Description


Dernière modification : 31 octobre 2022 13:04

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
anglais français
Mots-clés
Anthropologie Collectifs Communication Comparatisme Dynamiques sociales Ethnographie Genre Image Journalisme Médias Mobilisation(s) Réseaux sociaux Symbolique
Aires culturelles
Afrique Amérique du Nord Contemporain (anthropologie du, monde) Europe Méditerranéens (mondes) Océanie
Intervenant·e·s
  • Julien Bonhomme [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Laboratoire d'anthropologie sociale (LAS)

Le séminaire portera sur les dynamiques sociales de la renommée, un type de capital symbolique au cœur de la vie collective. Ce faisant, nous explorerons un ensemble de notions connexes comme la célébrité, la réputation, le prestige, l’honneur ou encore le charisme. En quoi la célébrité médiatique se distingue-t-elle de la gloire aristocratique ? Qu’est-ce qui différencie la popularité d’une vedette de la respectabilité des élites ? Comment respect, statut et distinction sociale s’articulent-ils ? À quoi reconnaît-on le prestige ou le charisme ? La croyance, le charme ou l’enchantement en sont-ils des ingrédients essentiels ? Comment les réputations se construisent-elles à travers l’opinion publique et la rumeur ?

En guise d’entrée en la matière, nous partirons d’une enquête consacrée à la fabrique de la célébrité sportive au sein de la lutte sénégalaise, véritable passion nationale. Pour percer dans l’arène, les lutteurs doivent accomplir tout un travail réputationnel, se faire un nom et devenir « populaire ». Nous insisterons en particulier sur le rôle des griots et des journalistes dans la production collective de la célébrité. Au-delà de ce cas ethnographique, le séminaire entend étudier les dynamiques du prestige et de la renommée dans une perspective comparatiste aussi large que possible. Nous reviendrons par exemple sur les big men, figures centrales du prestige et du pouvoir en Mélanésie. Cela nous donnera l’occasion de nous intéresser aux économies du prestige, aux relations de clientélisme ou encore aux formes de transaction et de conversion entre la « richesse-en-personnes » et la richesse matérielle. Mais nous nous pencherons également sur la culture euro-américaine de la célébrité, sur l’émergence et la diffusion planétaire du vedettariat en lien avec les industries culturelles et les cultures populaires. Enfin, nous aborderons la question de la visibilité et de la notoriété en ligne, de la construction des réputations numériques et des stratégies d’influence sur les réseaux sociaux.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Sciences sociales-Pratiques de l'interdisciplinarité en sciences sociales – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

Sur rendez-vous (demande par mail avec envoi d'un CV et d'un bref projet de recherche)

Réception des candidats

Sur rendez-vous (demande par mail)

Pré-requis
-

Compte rendu


Pour sa première année, le séminaire a posé les jalons d’une anthropologie comparative des formes du capital symbolique. La chanson de Brassens « Les Trompettes de la renommée » nous a servi d’entrée en la matière pour aborder notre sujet. À partir de la revisite d’auteurs comme Weber, Veblen, Mauss, Elias et Bourdieu, nous avons proposé un cadre théorique général pour étudier les dynamiques sociales de la renommée dans un horizon comparatiste aussi bien historique qu’anthropologique. Nous avons également abordé des notions connexes comme la célébrité, le prestige, la réputation, l’honneur et le respect. Leur dénominateur commun tourne autour de l’enjeu de la reconnaissance de la valeur sociale des personnes.

Nous nous sommes arrêtés sur le concept de « capital symbolique », capital de reconnaissance et de légitimité. Dans certaines sociétés (ou situations sociales), il existe sous une forme diffuse et se fonde sur la reconnaissance interpersonnelle (selon la logique de l’honneur dans la société kabyle selon Bourdieu). Par contraste, l’État, mais aussi les médias, supposent la concentration des instances de consécration chargées d’allouer le capital symbolique (parce que c’est sa forme la plus légitime dans le cas de l’État ou la plus visible dans celui des médias). Il ne s’agit pas tant d’une dichotomie entre sociétés à État et sans État que d’une question d’échelle. Comment articuler le niveau des interactions interpersonnelles, où la « face » représente la forme élémentaire de la reconnaissance sociale, et la prise en compte plus large du capital symbolique certifié par l’État ou du capital de visibilité conféré par les médias ?

Une fois établi ce cadre théorique, nous nous sommes penchés sur le cas des griots en Afrique de l’Ouest, en particulier dans les aires mandé et wolof. À travers ses louanges, le griot est l’« agent constitutif du prestige des autres » (selon la belle formule de Sory Camara). Nous sommes revenus sur les formes de stratification sociale en Afrique de l’Ouest. Plutôt qu’une approche en termes de hiérarchie statutaire et de « castes », nous avons insisté sur les dynamiques de la relation clientéliste entre les griots et leurs « nobles » patrons. Nous avons examiné comment se configurait leur rencontre au niveau fin des interactions : échange de dons contre louanges, performances verbales, ficelles du métier (quitte à recourir au chantage pour « obliger » le patron en menaçant de lui faire perdre la face).

Le capital de reconnaissance d’une personne repose sur une combinaison d’éléments assignés selon la naissance et l’origine (associés au patronyme) et d’éléments résultant de ses accomplissements personnels (associés au nom individuel). Il faut mériter sa naissance et son héritage, mais, pour être reconnue socialement, la réussite personnelle doit être légitimée selon l’ordre de la « tradition », même si cette dernière est largement « inventée » comme nous l’avons montré en insistant sur les usages sociopolitiques du passé (en revenant sur l’histoire de l’empire mandingue selon la tradition orale et sur la patrimonialisation de ce passé à travers l’épopée de Soundiata Keïta et la charte du Mandé).

Le rôle du griot consiste précisément à convertir la réussite personnelle en reconnaissance sociale, autrement dit à transformer d’autres espèces de capitaux en capital symbolique (un capital de légitimation traditionnelle). Pour cette raison, les griots ont su s’adapter aux vicissitudes de l’histoire depuis l’époque coloniale : ils se sont mis au service des nouvelles élites (post)coloniales et ont pu continuer de jouer leur rôle d’« agent de change » dans la compétition pour le prestige. La situation contemporaine est marquée par un rapprochement entre le métier traditionnel de griot (rebaptisé « communicateur traditionnel ») et des professions modernes dans le secteur de l’information, de la communication et du spectacle, comme en témoignent les figures du griot-artiste (chanteuse ou musicien) et du griot-journaliste. Cette convergence entre « griotisme » et médias illustre les processus de reconfiguration des instances du capital symbolique à l’œuvre dans les sociétés ouest-africaines contemporaines.

Dernière modification : 31 octobre 2022 13:04

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
anglais français
Mots-clés
Anthropologie Collectifs Communication Comparatisme Dynamiques sociales Ethnographie Genre Image Journalisme Médias Mobilisation(s) Réseaux sociaux Symbolique
Aires culturelles
Afrique Amérique du Nord Contemporain (anthropologie du, monde) Europe Méditerranéens (mondes) Océanie
Intervenant·e·s
  • Julien Bonhomme [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Laboratoire d'anthropologie sociale (LAS)

Le séminaire portera sur les dynamiques sociales de la renommée, un type de capital symbolique au cœur de la vie collective. Ce faisant, nous explorerons un ensemble de notions connexes comme la célébrité, la réputation, le prestige, l’honneur ou encore le charisme. En quoi la célébrité médiatique se distingue-t-elle de la gloire aristocratique ? Qu’est-ce qui différencie la popularité d’une vedette de la respectabilité des élites ? Comment respect, statut et distinction sociale s’articulent-ils ? À quoi reconnaît-on le prestige ou le charisme ? La croyance, le charme ou l’enchantement en sont-ils des ingrédients essentiels ? Comment les réputations se construisent-elles à travers l’opinion publique et la rumeur ?

En guise d’entrée en la matière, nous partirons d’une enquête consacrée à la fabrique de la célébrité sportive au sein de la lutte sénégalaise, véritable passion nationale. Pour percer dans l’arène, les lutteurs doivent accomplir tout un travail réputationnel, se faire un nom et devenir « populaire ». Nous insisterons en particulier sur le rôle des griots et des journalistes dans la production collective de la célébrité. Au-delà de ce cas ethnographique, le séminaire entend étudier les dynamiques du prestige et de la renommée dans une perspective comparatiste aussi large que possible. Nous reviendrons par exemple sur les big men, figures centrales du prestige et du pouvoir en Mélanésie. Cela nous donnera l’occasion de nous intéresser aux économies du prestige, aux relations de clientélisme ou encore aux formes de transaction et de conversion entre la « richesse-en-personnes » et la richesse matérielle. Mais nous nous pencherons également sur la culture euro-américaine de la célébrité, sur l’émergence et la diffusion planétaire du vedettariat en lien avec les industries culturelles et les cultures populaires. Enfin, nous aborderons la question de la visibilité et de la notoriété en ligne, de la construction des réputations numériques et des stratégies d’influence sur les réseaux sociaux.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Sciences sociales-Pratiques de l'interdisciplinarité en sciences sociales – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

Sur rendez-vous (demande par mail avec envoi d'un CV et d'un bref projet de recherche)

Réception des candidats

Sur rendez-vous (demande par mail)

Pré-requis
-
  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Salle 3.08
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    1er semestre / hebdomadaire, jeudi 12:30-14:30
    du 10 novembre 2022 au 23 février 2023
    Nombre de séances : 12

    La séance du 16 février 2023 est reportée au 23 février 2023, de 12 h 30 à 14 h 30, salle 25-B, bâtiment EHESS, Campus Condorcet

Pour sa première année, le séminaire a posé les jalons d’une anthropologie comparative des formes du capital symbolique. La chanson de Brassens « Les Trompettes de la renommée » nous a servi d’entrée en la matière pour aborder notre sujet. À partir de la revisite d’auteurs comme Weber, Veblen, Mauss, Elias et Bourdieu, nous avons proposé un cadre théorique général pour étudier les dynamiques sociales de la renommée dans un horizon comparatiste aussi bien historique qu’anthropologique. Nous avons également abordé des notions connexes comme la célébrité, le prestige, la réputation, l’honneur et le respect. Leur dénominateur commun tourne autour de l’enjeu de la reconnaissance de la valeur sociale des personnes.

Nous nous sommes arrêtés sur le concept de « capital symbolique », capital de reconnaissance et de légitimité. Dans certaines sociétés (ou situations sociales), il existe sous une forme diffuse et se fonde sur la reconnaissance interpersonnelle (selon la logique de l’honneur dans la société kabyle selon Bourdieu). Par contraste, l’État, mais aussi les médias, supposent la concentration des instances de consécration chargées d’allouer le capital symbolique (parce que c’est sa forme la plus légitime dans le cas de l’État ou la plus visible dans celui des médias). Il ne s’agit pas tant d’une dichotomie entre sociétés à État et sans État que d’une question d’échelle. Comment articuler le niveau des interactions interpersonnelles, où la « face » représente la forme élémentaire de la reconnaissance sociale, et la prise en compte plus large du capital symbolique certifié par l’État ou du capital de visibilité conféré par les médias ?

Une fois établi ce cadre théorique, nous nous sommes penchés sur le cas des griots en Afrique de l’Ouest, en particulier dans les aires mandé et wolof. À travers ses louanges, le griot est l’« agent constitutif du prestige des autres » (selon la belle formule de Sory Camara). Nous sommes revenus sur les formes de stratification sociale en Afrique de l’Ouest. Plutôt qu’une approche en termes de hiérarchie statutaire et de « castes », nous avons insisté sur les dynamiques de la relation clientéliste entre les griots et leurs « nobles » patrons. Nous avons examiné comment se configurait leur rencontre au niveau fin des interactions : échange de dons contre louanges, performances verbales, ficelles du métier (quitte à recourir au chantage pour « obliger » le patron en menaçant de lui faire perdre la face).

Le capital de reconnaissance d’une personne repose sur une combinaison d’éléments assignés selon la naissance et l’origine (associés au patronyme) et d’éléments résultant de ses accomplissements personnels (associés au nom individuel). Il faut mériter sa naissance et son héritage, mais, pour être reconnue socialement, la réussite personnelle doit être légitimée selon l’ordre de la « tradition », même si cette dernière est largement « inventée » comme nous l’avons montré en insistant sur les usages sociopolitiques du passé (en revenant sur l’histoire de l’empire mandingue selon la tradition orale et sur la patrimonialisation de ce passé à travers l’épopée de Soundiata Keïta et la charte du Mandé).

Le rôle du griot consiste précisément à convertir la réussite personnelle en reconnaissance sociale, autrement dit à transformer d’autres espèces de capitaux en capital symbolique (un capital de légitimation traditionnelle). Pour cette raison, les griots ont su s’adapter aux vicissitudes de l’histoire depuis l’époque coloniale : ils se sont mis au service des nouvelles élites (post)coloniales et ont pu continuer de jouer leur rôle d’« agent de change » dans la compétition pour le prestige. La situation contemporaine est marquée par un rapprochement entre le métier traditionnel de griot (rebaptisé « communicateur traditionnel ») et des professions modernes dans le secteur de l’information, de la communication et du spectacle, comme en témoignent les figures du griot-artiste (chanteuse ou musicien) et du griot-journaliste. Cette convergence entre « griotisme » et médias illustre les processus de reconfiguration des instances du capital symbolique à l’œuvre dans les sociétés ouest-africaines contemporaines.