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UE84 - Enquêter sur le 11/09. Enquêter sur le politique


Lieu et planning


  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Salle 3.06
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    annuel / mensuel, samedi 09:00-13:00
    du 8 octobre 2022 au 11 mars 2023

    • Samedi 8 octobre 2022
    • Samedi 19 novembre 2022
    • Samedi 3 décembre 2022
    • Mercredi 11 janvier 2023 (de 14 h à 16 h), salle AS1_08, 54 bd Raspail 75006 Paris
    • Samedi 14 janvier 2023
    • Samedi 28 janvier 2023
    • Samedi 8 avril 2023

Description


Dernière modification : 16 décembre 2022 18:14

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Sociologie
Page web
-
Langues
français
L’enseignement est uniquement dispensé dans cette langue.
Mots-clés
Action publique Citoyenneté Démocratie Enquêtes Guerre Méthodes et techniques des sciences sociales Pragmatisme Sociologie politique
Aires culturelles
Amérique du Nord Europe
Intervenant·e·s
  • Alain Mahé [référent·e]   maître de conférences, EHESS / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)
  • Kamel Boukir   maître de conférences, EHESS / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)
  • Cédric Terzi   maître de conférences, Université de Lille / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)

Le 11-septembre a été « établi »comme un événement permettant de démarquer les amis et les ennemis. Nous retracerons ce cheminement en observant comment les autorités étatsuniennes et l’ONU sont intervenues dans les heures et les jours suivant le drame pour combler discursivement la béance ouverte par l’indétermination de la situation, et pour fixer au plus vite le sens de l’événement face à l’effroi et la sidération suscités par l’irruption de l’inimaginable et sa diffusion en direct à la télévision. Nous étudierons comment des mesures, adoptées dans l’urgence et préalablement à toute enquête, ont durablement bousculé les procédures instituées. Nous prêterons la plus grande attention à la manière dont un événement, d’abord envisagé comme un acte terroriste, a été constitué comme un acte de guerre appelant une « riposte », préfigurant les opérations militaires à mener en Afghanistan. Réciproquement, nous décrirons comment l’émergence et la stabilisation de cette configuration agonistique a appelé à faire front et donc à établir une coalition, fondant le consensus nécessaire à l’adoption d’un arsenal législatif dont la figure de proue est le Patriot Act.

Après une première séance présentant les résultats de l'enquête de l'année précédente sur les effets du "direct télévisé“  (sur A.B.C, C.N.N. et France 2) lors du 11/09, les cinq séances suivantes seront consacrées, dans l'ordre à : 1) Les 9/11 advocates  : l'ébranlement ; 2) La commission d'enquête, les auditions (family steering committee / les témoins et la parole des gens), le rapport ; 3) Le NIST (qu’est-ce que voir une tour tomber ?) ; 4)  Loose Change / le Nouveau Pearl Harbour ; 5) La sanctuarisation du 11/9 et les débunkers.


Master


Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.


Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

le séminaire de cette année sera composée de 6 séances de quatre heures chacune.

Direction de travaux des étudiants

contacter Alain Mahé par courriel : mahe@ehess.fr

Réception des candidats

contacter Alain Mahé par courriel : mahe@ehess.fr

Pré-requis
-

Compte rendu


Depuis le 11 septembre 2001, la question du rapport à la réalité est devenue un enjeu politique de premier ordre. Dans son travail conceptuel, Claude Lefort a attiré notre attention analytique sur les relations entre Loi, Savoir et Pouvoir pour caractériser différents types de régimes politiques. Nous avons fait de ces distinctions analytiques des consignes de méthode pour analyser les transformations anthropologiques dont le 11 septembre constitue un jalon et un excellent poste d’observation. Ces transformations anthropologiques renvoient directement à l’importance des procédures, des méthodes, des médiations que se donne une collectivité pour attester du réel dès lors qu’elle assume en son sein la division, et donc qu’elle ne peut plus recourir à un garant ultime pour dire le vrai.

1) L’une de ces transformations est la désaffection de plus en plus manifeste des démocraties libérales à assumer les divisions sociales dans un espace capable d’accueillir pacifiquement le conflit, ce qui est concomitant d’une brutalisation des espaces publics qui se traduit par le durcissement des confrontations polémiques, et la réduction du débat à des bipolarisations agonistiques. Ici, opacifier les médiations, consiste à rendre visibles les opérations qui disposent, ou au contraire soustraient, des situations à l’enquête.

2) Cette première transformation s’accompagne d’une deuxième par la remise en question de plusieurs principes juridiques sur lesquels étaient assis jusque-là la notion d’état de droit : principes de présomption d’innocence, de liberté d’expression, de liberté d’aller et venir, de la force probatoire des faits sur les opinions, de la responsabilité individuelle et non collective, de la responsabilité de ses actes et non de ses intentions, ainsi que de la prescription, etc. la liste n’étant pas exhaustive. Conformément à notre programme méthodologique, nous avons décrit cette crise de l’état de droit en nous attachant à opacifier les médiations. Pour ce faire nous avons prêté en une attention particulière au contournement des règles du droit comme médiation dans la formation de jugements de fait et de valeur au cours d’une enquête pluraliste.

3) Du coup, et c’est une troisième transformation, l’omniprésence de la guerre s’accompagne d’un retrait sensible du droit comme institution de médiation. La guerre est de plus en plus une matrice interprétative pour saisir les échanges de violence.

Notre attachement à opacifier les médiations, c’est-à-dire à décrire les procédures que les communautés se donnent pour s’auto-instituer, nous permettra d’élucider la formation de collectivités politiques diverses. Celles qui s’unissent dans la fusion patriotique de la guerre. Ou bien celles qui s’instituent dans la réflexivité de la loi comme tiers anonyme.

4) Enfin, le dernier point traité dans le séminaire de cette année concerne le rapport entre médias et cognition dans l’attestation d’une réalité partagée. Ce problème touche à la difficile question du rapport entre corps, perception, signes et monde extérieur. Il s’agit d’un enjeu général qui concerne les médiations qui interviennent dans l’organisation de l’expérience du monde vécu. Dans le cas du 11 septembre, la formation du jugement repose – et ne cesse de revenir – sur le partage de captations télévisuelles prises sur le vif et diffusées en direct. Ce que nous observons dans cette situation n’a fait que préfigurer le paradigme informatique. En deux décennies, nous sommes passés de la communication telle que l’envisageait Habermas, à une communication conçue comme traitement d’informations. Sous ce paradigme cognitif, la communication est un transfert d’informations à somme nulle, qui ouvre l’espace d’un fantasme où le corps social et les individus se donneraient en toute transparence. En affirmant que le symbolique ne peut pas être réduit à une opération cognitive à somme nulle, nous entendons rendre empiriquement observable la différence entre visibilité et image. Le régime des visibilités est celui de la transparence et de la fusion identitaire : ce qui est donné à voir parle immédiatement et de lui-même. Dans le régime des images, les représentations se donnent comme des médiations opaques. Ce qui est donné à voir incarne son objet, lequel demeure irrémédiablement infigurable. Il ne peut donc être question d’en incorporer le sens ultime. Ce qui nous renvoie à la distinction — essentielle dans la pensée de Claude Lefort — entre deux concepts : l’incorporation et l’incarnation.

Dernière modification : 16 décembre 2022 18:14

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Sociologie
Page web
-
Langues
français
L’enseignement est uniquement dispensé dans cette langue.
Mots-clés
Action publique Citoyenneté Démocratie Enquêtes Guerre Méthodes et techniques des sciences sociales Pragmatisme Sociologie politique
Aires culturelles
Amérique du Nord Europe
Intervenant·e·s
  • Alain Mahé [référent·e]   maître de conférences, EHESS / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)
  • Kamel Boukir   maître de conférences, EHESS / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)
  • Cédric Terzi   maître de conférences, Université de Lille / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)

Le 11-septembre a été « établi »comme un événement permettant de démarquer les amis et les ennemis. Nous retracerons ce cheminement en observant comment les autorités étatsuniennes et l’ONU sont intervenues dans les heures et les jours suivant le drame pour combler discursivement la béance ouverte par l’indétermination de la situation, et pour fixer au plus vite le sens de l’événement face à l’effroi et la sidération suscités par l’irruption de l’inimaginable et sa diffusion en direct à la télévision. Nous étudierons comment des mesures, adoptées dans l’urgence et préalablement à toute enquête, ont durablement bousculé les procédures instituées. Nous prêterons la plus grande attention à la manière dont un événement, d’abord envisagé comme un acte terroriste, a été constitué comme un acte de guerre appelant une « riposte », préfigurant les opérations militaires à mener en Afghanistan. Réciproquement, nous décrirons comment l’émergence et la stabilisation de cette configuration agonistique a appelé à faire front et donc à établir une coalition, fondant le consensus nécessaire à l’adoption d’un arsenal législatif dont la figure de proue est le Patriot Act.

Après une première séance présentant les résultats de l'enquête de l'année précédente sur les effets du "direct télévisé“  (sur A.B.C, C.N.N. et France 2) lors du 11/09, les cinq séances suivantes seront consacrées, dans l'ordre à : 1) Les 9/11 advocates  : l'ébranlement ; 2) La commission d'enquête, les auditions (family steering committee / les témoins et la parole des gens), le rapport ; 3) Le NIST (qu’est-ce que voir une tour tomber ?) ; 4)  Loose Change / le Nouveau Pearl Harbour ; 5) La sanctuarisation du 11/9 et les débunkers.

Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.

Contacts additionnels
-
Informations pratiques

le séminaire de cette année sera composée de 6 séances de quatre heures chacune.

Direction de travaux des étudiants

contacter Alain Mahé par courriel : mahe@ehess.fr

Réception des candidats

contacter Alain Mahé par courriel : mahe@ehess.fr

Pré-requis
-
  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Salle 3.06
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    annuel / mensuel, samedi 09:00-13:00
    du 8 octobre 2022 au 11 mars 2023

    • Samedi 8 octobre 2022
    • Samedi 19 novembre 2022
    • Samedi 3 décembre 2022
    • Mercredi 11 janvier 2023 (de 14 h à 16 h), salle AS1_08, 54 bd Raspail 75006 Paris
    • Samedi 14 janvier 2023
    • Samedi 28 janvier 2023
    • Samedi 8 avril 2023

Depuis le 11 septembre 2001, la question du rapport à la réalité est devenue un enjeu politique de premier ordre. Dans son travail conceptuel, Claude Lefort a attiré notre attention analytique sur les relations entre Loi, Savoir et Pouvoir pour caractériser différents types de régimes politiques. Nous avons fait de ces distinctions analytiques des consignes de méthode pour analyser les transformations anthropologiques dont le 11 septembre constitue un jalon et un excellent poste d’observation. Ces transformations anthropologiques renvoient directement à l’importance des procédures, des méthodes, des médiations que se donne une collectivité pour attester du réel dès lors qu’elle assume en son sein la division, et donc qu’elle ne peut plus recourir à un garant ultime pour dire le vrai.

1) L’une de ces transformations est la désaffection de plus en plus manifeste des démocraties libérales à assumer les divisions sociales dans un espace capable d’accueillir pacifiquement le conflit, ce qui est concomitant d’une brutalisation des espaces publics qui se traduit par le durcissement des confrontations polémiques, et la réduction du débat à des bipolarisations agonistiques. Ici, opacifier les médiations, consiste à rendre visibles les opérations qui disposent, ou au contraire soustraient, des situations à l’enquête.

2) Cette première transformation s’accompagne d’une deuxième par la remise en question de plusieurs principes juridiques sur lesquels étaient assis jusque-là la notion d’état de droit : principes de présomption d’innocence, de liberté d’expression, de liberté d’aller et venir, de la force probatoire des faits sur les opinions, de la responsabilité individuelle et non collective, de la responsabilité de ses actes et non de ses intentions, ainsi que de la prescription, etc. la liste n’étant pas exhaustive. Conformément à notre programme méthodologique, nous avons décrit cette crise de l’état de droit en nous attachant à opacifier les médiations. Pour ce faire nous avons prêté en une attention particulière au contournement des règles du droit comme médiation dans la formation de jugements de fait et de valeur au cours d’une enquête pluraliste.

3) Du coup, et c’est une troisième transformation, l’omniprésence de la guerre s’accompagne d’un retrait sensible du droit comme institution de médiation. La guerre est de plus en plus une matrice interprétative pour saisir les échanges de violence.

Notre attachement à opacifier les médiations, c’est-à-dire à décrire les procédures que les communautés se donnent pour s’auto-instituer, nous permettra d’élucider la formation de collectivités politiques diverses. Celles qui s’unissent dans la fusion patriotique de la guerre. Ou bien celles qui s’instituent dans la réflexivité de la loi comme tiers anonyme.

4) Enfin, le dernier point traité dans le séminaire de cette année concerne le rapport entre médias et cognition dans l’attestation d’une réalité partagée. Ce problème touche à la difficile question du rapport entre corps, perception, signes et monde extérieur. Il s’agit d’un enjeu général qui concerne les médiations qui interviennent dans l’organisation de l’expérience du monde vécu. Dans le cas du 11 septembre, la formation du jugement repose – et ne cesse de revenir – sur le partage de captations télévisuelles prises sur le vif et diffusées en direct. Ce que nous observons dans cette situation n’a fait que préfigurer le paradigme informatique. En deux décennies, nous sommes passés de la communication telle que l’envisageait Habermas, à une communication conçue comme traitement d’informations. Sous ce paradigme cognitif, la communication est un transfert d’informations à somme nulle, qui ouvre l’espace d’un fantasme où le corps social et les individus se donneraient en toute transparence. En affirmant que le symbolique ne peut pas être réduit à une opération cognitive à somme nulle, nous entendons rendre empiriquement observable la différence entre visibilité et image. Le régime des visibilités est celui de la transparence et de la fusion identitaire : ce qui est donné à voir parle immédiatement et de lui-même. Dans le régime des images, les représentations se donnent comme des médiations opaques. Ce qui est donné à voir incarne son objet, lequel demeure irrémédiablement infigurable. Il ne peut donc être question d’en incorporer le sens ultime. Ce qui nous renvoie à la distinction — essentielle dans la pensée de Claude Lefort — entre deux concepts : l’incorporation et l’incarnation.