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UE812 - Savoirs du dehors : épistémologie, histoire, critique


Lieu et planning


  • 10 rue Monsieur-le-Prince
    Salle Alphonse-Dupront
    10 rue Monsieur-le-Prince 75006 Paris
    annuel / mensuel (3e), mercredi 14:30-17:30
    du 19 octobre 2022 au 18 janvier 2023

    EHESS
    54 bd Raspail 75006 Paris
    annuel / mensuel (3e), mercredi 14:30-17:30
    du 15 février 2023 au 21 juin 2023

    • Mercredi 15 février 2023, salle AS1_24
    • Mercredi 15 mars 2023, salle AS1_24
    • Mercredi 19 avril 2023, salle BS1_05
    • Mercredi 17 mai 2023, salle BS1_05
    • Mercredi 21 juin 2023, salle AS1_24

    Nombre de séances : 8


Description


Dernière modification : 19 octobre 2022 08:53

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Comparatisme Empire Épistémologie Orientalisme Philosophie politique Post-coloniales (études) Religieux (sciences sociales du)
Aires culturelles
Britanniques (études) Inde Juives (études) Musulmans (mondes)
Intervenant·e·s
  • Gildas Salmon [référent·e]   chargé de recherche, CNRS / Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités. Fonds Yan-Thomas (LIER-FYT)
  • Anoush Ganjipour   chargé de recherche, CNRS
  • Elad Lapidot   professeur des universités, Université de Lille

Lien Zoom: https://univ-lille-
fr.zoom.us/j/91826001600?pwd=QkNKMXMvaGU2b1kxNFZyblZPeHZVQT09
Passcode: 028795

Le séminaire a pour objet d’examiner ensemble trois types de réflexivité produits à partir de la rencontre des sciences sociales modernes avec les régimes de savoir qualifiées de « non-modernes ».

1) Depuis le XIXe siècle, le savoir occidental se caractérise par une volonté d’ouverture vers ce qui formait son dehors. Revendiquant une vocation universelle, les sciences sociales modernes ont effectué un mouvement théorique double. D’une part, elles ont voulu inclure, en tant qu'objets de connaissance, des individus, des sociétés ou des cultures non-occidentales. Mais d'autre part, elles ont aussi voulu tenir compte des autres savoirs ou régimes épistémologiques (qualifiés privativement comme « non-modernes » et « non-occidentaux »), et les intégrer afin de se donner un caractère englobant et absolu. Sur le plan pratique, cette ambition universaliste est indissociable de l'expansion coloniale de l'Europe : la volonté d’ouverture du savoir sur des sociétés « autres » s’est ainsi articulée avec la volonté de gouverner ces « autres ». C’est à partir de cette articulation qu’une série de nouvelles disciplines ont vu le jour qui, à leur tour, ont exercé un impact considérable sur l'affirmation des sciences sociales modernes et leur épistémologie tout au long des XIXe et XXe siècles : l’histoire des religions, l’orientalisme, la grammaire comparée, l’ethnologie etc.

2) La rencontre des modernes avec les cultures non-occidentales a produit un effet épistémologique inverse à l’intérieur de ces cultures : chez les populations autochtones, elle a déclenché une volonté analogue d’ouvrir leur savoir à l’épistémè moderne conçue précisément en tant que leur « dehors ». Une telle volonté semble comprendre à son tour trois aspects : a) développer un savoir sur les modernes ; b) intégrer les sciences sociales des modernes dans les traditions intellectuelles des « non-modernes » ; c) ces deux démarches ont été ici aussi conditionnées par le colonialisme, mais dans une configuration politique inverse, définie par le gouvernement et la domination que les modernes imposaient aux populations colonisées (le gouvernement exercé par les « autres » sur « nous »). Les répliques des penseurs indiens, musulmans, japonais ou chinois, ou encore celles des penseurs juifs européens aux sciences sociales et à la métaphysique modernes doivent être analysées et réévaluées dans cette perspective.

3) À partir de la seconde moitié du XXe siècle s’est développée, au sein des sciences sociales modernes, une approche critique du rapport que celles-ci ont entretenu avec leur dehors. Sous ses variantes discursives post-coloniales ou post-orientalistes, cette approche s’interroge précisément sur les conditions historico-politiques auxquelles les sciences sociales modernes ont pu faire des « autres » leur objet, ou subsumer leurs régimes de savoirs sous le leur. Elle met ainsi en question le lien entre les fondements épistémologiques ou métaphysiques de ces démarches d’une part et, de l’autre, la domination coloniale et l’idéologie du progrès qui a historiquement sous-tendu une telle domination. L'enjeu est de parvenir à déconstruire l'universalité et l'objectivité revendiquées par la « raison occidentale », et de lui rendre ainsi son caractère foncièrement situé, et intéressé.

L'étude comparative de ces trois dynamiques épistémiques et politiques a pour enjeu de comprendre comment la confrontation avec le dehors a opéré une problématisation mutuelle des savoirs, et a donné lieu, des deux côtés, à une mutation épistémologique qui ne peut être comprise que de manière relationnelle.

Dans ce séminaire mensuel, nous réunirons des spécialistes de l’épistémologie des sciences sociales modernes, des aires culturelles, ainsi que des historiens pour aborder à chaque fois l’un des aspects de notre thématique générale. Chaque séance se déroulera sous forme d’une intervention commentée par un discutant, suivie par la discussion avec les étudiants et le public.

19 octobre 2022 : Introduction : Anoush Ganjipour, Elad Lapidot, Gildas Salmon

I - ISLAM

16 novembre 2022 : Anoush Ganjipour (CNRS-ENS) : L’occidentalisme : la pensée islamique du 19e siècle face à l’épistémè moderne

  • Textes: Nikki Keddie, An Islamic Response to Imperialism. Political and Religious Writings of Sayyid Jamal ad-Din "al-Afghani", University of California Press, 1983.
  • Ernest Renan-Afghani, L’Islamisme et la science, Questions et réponses (le Journal des débats-1883)

18 janvier 2023 : Mohamed Haddad (Université de Carthage) : Mohamed Abduh (1849-1905) : les rencontres décisives

II - INDE

15 février 2023 : Gildas Salmon (CNRS-EHESS) : Gouverner l’Inde selon ses propres lois : le droit colonial comme capture des savoirs brahmaniques

  • Textes: William Jones, « Letter to the first Marquis Cornwallis », 19 March 1788, in The Letters of Sir William Jones, Oxford, Clarendon Press, 1970, p. 794-800
  • William Jones, First and Second Anniversary Discourses, in The Works of Sir William Jones, London, J. Stockdale & J. Walker, 1807, vol. 3, p. 1-23.

15 mars 2023 : Gildas Salmon (CNRS-EHESS) : Monothéisme et empire : l’indianisme britannique face à l’indianisme moghol

  • Texte: Nathaniel Brassey Halhed, « Preface », in A Code of Gentoo Laws, London, 1776

III - JUDAÏSME

19 avril 2023 : Elad Lapidot (Université de Lille) : La Wissenschaft des Judentums et le savoir étatique

  • Texte: Leopold Zunz, Quelques mots sur la littérature rabbinique (1818), trad. Marc de Launay (Hermann, 2015)

17 mai 2023 : Ron Naiweld (CNRS-EHESS) : Ce que Dieu perd quand on devient "savant". Le cas de la Société des Êtudes Juives

IV - GRÈCE

21 juin 2023 : Constantin Bobas (Université de Lille) : La Grèce ancienne comme une figure de l’Europe moderne


Master


  • Séminaires de recherche – Philosophie-Philosophie sociale et politique – M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel mensuelle = 3 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rdv

Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Compte rendu


Le séminaire a procédé à une relecture critique de l’histoire de la genèse de l’orientalisme. Il s’agissait de remonter au moment initial de la rencontre épistémique entre le savoir moderne et les traditions intellectuelles dites orientales constituant son “dehors”. Dès l’introduction du séminaire, l’accent a été mis sur la nature interactive de cette rencontre, nature qui a été largement ignorée ou minorée dans les approches post-orientalistes, postcoloniales ou décoloniales, et cela depuis L’orientalisme d’Edward Saïd qui a joué un rôle inaugural pour ces approches. En nous concentrant sur les quatre cas différents des traditions islamique, indienne, juive et grecque, nous avons essayé de saisir comment, vers la fin du XVIIIe et surtout courant le XIXe siècles, ces traditions se sont mobilisées chacune à sa façon pour s’emparer, par une démarche réciproque, de la modernité et de son régime du savoir comme leur « dehors ». L’analyse de chaque cas s’est développée sur deux axes : 1) la manière dont les traditions en question ont fait de la modernité leur objet (inouï) de savoir ; 2) les processus à travers lesquels elles ont cherché à s’approprier l’épistémè moderne et à l’intégrer dans leurs propres régimes du savoir.

Dans cette optique, les deux premières séances ont été consacrées à la tradition islamique, où Anoush Ganjipour et Mohamed Hadad (Université de Carthage, Tunis) se sont penchés sur la reconstruction épistémologique de cette tradition par la première génération des penseurs modernes de la terre d’islam au XIXe siècle. Leurs interventions ont dégagé deux facteurs déterminants pour une telle reconstruction : d’une part, la réflexion autocritique des modernes sur leur modernité et sur leur propre régime du savoir ; de l’autre, la nouvelle approche de la tradition islamique et sa réévaluation par le savoir orientaliste. De façon convergente, leurs analyses ont ensuite démontré que la rencontre cruciale a eu lieu ici entre le discours de la métaphysique islamique et celui des sciences sociales modernes.

Dans les deux séances suivantes, Gildas Salmon a abordé le cas de l’Inde en essayant d’élucider les raisons pour lesquelles le savoir orientaliste, à son stade de genèse dans le contexte colonial de l’Empire britannique, ne pouvait pas consister à l’applications d’un savoir préétabli à un nouvel objet, « l’Inde ». La construction d’un savoir occidental sur la langue, les religions ou le droit indien a d’abord obéi à l’impératif politique de gouverner l’Inde « selon ses propres lois ». C’est cette conviction tirée de la philosophie politique qui a orienté la formation d’une science comparative des normes, dont l’enjeu a ici été de montrer qu’elle avait largement exploité les savoirs construits par les Indiens sur leur propre société.

Concernant la tradition juive, Elad Lapidot et Ron Neiwled (CNRS-EHESS) se sont focalisés sur le rapport ambigu que le savoir moderne a entretenu avec elle, en la considérant à la fois comme sa partie intégrante et comme son dehors épistémique. À travers leurs relectures respectives des entreprises de Leopold Zunz et de Moses Hess, ils ont décelé les voies par lesquelles cette ambiguïté permettait à la tradition juive d’abord de se réactiver à l’intérieur du savoir moderne et ensuite de s’affirmer comme un régime épistémique alternatif face à celui-ci.

Et enfin, Constantin Bobas (Université de Lille) a interrogé le cas contradictoire de la tradition grecque où, d’une part, le savoir moderne s’identifiait comme héritier fidèle de cette tradition mais, de l’autre, l’excluait en tant que son dehors. Dans son intervention, il a retracé la trajectoire dialectique à travers laquelle la pensée grecque moderne s’est constituée au XIXe siècle à partir de la confrontation de la « Grèce » de l’intelligentsia grecque et de la Grèce des modernes.

Par l’examen sériel de ces variantes de la rencontre épistémique entre la modernité et les traditions « orientales », le séminaire a poursuivi deux objectifs : 1) saisir comment cette rencontre a produit, des deux côtés, des réflexivités internes aux régimes du savoir et des dynamiques épistémiques propres à chacun ; 2) déterminer l’impact de la position hégémonique du savoir moderne sur le caractère interactif de cette rencontre et sur les types de réflexivités engendrés dans chaque cas.

Dernière modification : 19 octobre 2022 08:53

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Comparatisme Empire Épistémologie Orientalisme Philosophie politique Post-coloniales (études) Religieux (sciences sociales du)
Aires culturelles
Britanniques (études) Inde Juives (études) Musulmans (mondes)
Intervenant·e·s
  • Gildas Salmon [référent·e]   chargé de recherche, CNRS / Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités. Fonds Yan-Thomas (LIER-FYT)
  • Anoush Ganjipour   chargé de recherche, CNRS
  • Elad Lapidot   professeur des universités, Université de Lille

Lien Zoom: https://univ-lille-
fr.zoom.us/j/91826001600?pwd=QkNKMXMvaGU2b1kxNFZyblZPeHZVQT09
Passcode: 028795

Le séminaire a pour objet d’examiner ensemble trois types de réflexivité produits à partir de la rencontre des sciences sociales modernes avec les régimes de savoir qualifiées de « non-modernes ».

1) Depuis le XIXe siècle, le savoir occidental se caractérise par une volonté d’ouverture vers ce qui formait son dehors. Revendiquant une vocation universelle, les sciences sociales modernes ont effectué un mouvement théorique double. D’une part, elles ont voulu inclure, en tant qu'objets de connaissance, des individus, des sociétés ou des cultures non-occidentales. Mais d'autre part, elles ont aussi voulu tenir compte des autres savoirs ou régimes épistémologiques (qualifiés privativement comme « non-modernes » et « non-occidentaux »), et les intégrer afin de se donner un caractère englobant et absolu. Sur le plan pratique, cette ambition universaliste est indissociable de l'expansion coloniale de l'Europe : la volonté d’ouverture du savoir sur des sociétés « autres » s’est ainsi articulée avec la volonté de gouverner ces « autres ». C’est à partir de cette articulation qu’une série de nouvelles disciplines ont vu le jour qui, à leur tour, ont exercé un impact considérable sur l'affirmation des sciences sociales modernes et leur épistémologie tout au long des XIXe et XXe siècles : l’histoire des religions, l’orientalisme, la grammaire comparée, l’ethnologie etc.

2) La rencontre des modernes avec les cultures non-occidentales a produit un effet épistémologique inverse à l’intérieur de ces cultures : chez les populations autochtones, elle a déclenché une volonté analogue d’ouvrir leur savoir à l’épistémè moderne conçue précisément en tant que leur « dehors ». Une telle volonté semble comprendre à son tour trois aspects : a) développer un savoir sur les modernes ; b) intégrer les sciences sociales des modernes dans les traditions intellectuelles des « non-modernes » ; c) ces deux démarches ont été ici aussi conditionnées par le colonialisme, mais dans une configuration politique inverse, définie par le gouvernement et la domination que les modernes imposaient aux populations colonisées (le gouvernement exercé par les « autres » sur « nous »). Les répliques des penseurs indiens, musulmans, japonais ou chinois, ou encore celles des penseurs juifs européens aux sciences sociales et à la métaphysique modernes doivent être analysées et réévaluées dans cette perspective.

3) À partir de la seconde moitié du XXe siècle s’est développée, au sein des sciences sociales modernes, une approche critique du rapport que celles-ci ont entretenu avec leur dehors. Sous ses variantes discursives post-coloniales ou post-orientalistes, cette approche s’interroge précisément sur les conditions historico-politiques auxquelles les sciences sociales modernes ont pu faire des « autres » leur objet, ou subsumer leurs régimes de savoirs sous le leur. Elle met ainsi en question le lien entre les fondements épistémologiques ou métaphysiques de ces démarches d’une part et, de l’autre, la domination coloniale et l’idéologie du progrès qui a historiquement sous-tendu une telle domination. L'enjeu est de parvenir à déconstruire l'universalité et l'objectivité revendiquées par la « raison occidentale », et de lui rendre ainsi son caractère foncièrement situé, et intéressé.

L'étude comparative de ces trois dynamiques épistémiques et politiques a pour enjeu de comprendre comment la confrontation avec le dehors a opéré une problématisation mutuelle des savoirs, et a donné lieu, des deux côtés, à une mutation épistémologique qui ne peut être comprise que de manière relationnelle.

Dans ce séminaire mensuel, nous réunirons des spécialistes de l’épistémologie des sciences sociales modernes, des aires culturelles, ainsi que des historiens pour aborder à chaque fois l’un des aspects de notre thématique générale. Chaque séance se déroulera sous forme d’une intervention commentée par un discutant, suivie par la discussion avec les étudiants et le public.

19 octobre 2022 : Introduction : Anoush Ganjipour, Elad Lapidot, Gildas Salmon

I - ISLAM

16 novembre 2022 : Anoush Ganjipour (CNRS-ENS) : L’occidentalisme : la pensée islamique du 19e siècle face à l’épistémè moderne

  • Textes: Nikki Keddie, An Islamic Response to Imperialism. Political and Religious Writings of Sayyid Jamal ad-Din "al-Afghani", University of California Press, 1983.
  • Ernest Renan-Afghani, L’Islamisme et la science, Questions et réponses (le Journal des débats-1883)

18 janvier 2023 : Mohamed Haddad (Université de Carthage) : Mohamed Abduh (1849-1905) : les rencontres décisives

II - INDE

15 février 2023 : Gildas Salmon (CNRS-EHESS) : Gouverner l’Inde selon ses propres lois : le droit colonial comme capture des savoirs brahmaniques

  • Textes: William Jones, « Letter to the first Marquis Cornwallis », 19 March 1788, in The Letters of Sir William Jones, Oxford, Clarendon Press, 1970, p. 794-800
  • William Jones, First and Second Anniversary Discourses, in The Works of Sir William Jones, London, J. Stockdale & J. Walker, 1807, vol. 3, p. 1-23.

15 mars 2023 : Gildas Salmon (CNRS-EHESS) : Monothéisme et empire : l’indianisme britannique face à l’indianisme moghol

  • Texte: Nathaniel Brassey Halhed, « Preface », in A Code of Gentoo Laws, London, 1776

III - JUDAÏSME

19 avril 2023 : Elad Lapidot (Université de Lille) : La Wissenschaft des Judentums et le savoir étatique

  • Texte: Leopold Zunz, Quelques mots sur la littérature rabbinique (1818), trad. Marc de Launay (Hermann, 2015)

17 mai 2023 : Ron Naiweld (CNRS-EHESS) : Ce que Dieu perd quand on devient "savant". Le cas de la Société des Êtudes Juives

IV - GRÈCE

21 juin 2023 : Constantin Bobas (Université de Lille) : La Grèce ancienne comme une figure de l’Europe moderne

  • Séminaires de recherche – Philosophie-Philosophie sociale et politique – M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel mensuelle = 3 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rdv

Réception des candidats
-
Pré-requis
-
  • 10 rue Monsieur-le-Prince
    Salle Alphonse-Dupront
    10 rue Monsieur-le-Prince 75006 Paris
    annuel / mensuel (3e), mercredi 14:30-17:30
    du 19 octobre 2022 au 18 janvier 2023

    EHESS
    54 bd Raspail 75006 Paris
    annuel / mensuel (3e), mercredi 14:30-17:30
    du 15 février 2023 au 21 juin 2023

    • Mercredi 15 février 2023, salle AS1_24
    • Mercredi 15 mars 2023, salle AS1_24
    • Mercredi 19 avril 2023, salle BS1_05
    • Mercredi 17 mai 2023, salle BS1_05
    • Mercredi 21 juin 2023, salle AS1_24

    Nombre de séances : 8

Le séminaire a procédé à une relecture critique de l’histoire de la genèse de l’orientalisme. Il s’agissait de remonter au moment initial de la rencontre épistémique entre le savoir moderne et les traditions intellectuelles dites orientales constituant son “dehors”. Dès l’introduction du séminaire, l’accent a été mis sur la nature interactive de cette rencontre, nature qui a été largement ignorée ou minorée dans les approches post-orientalistes, postcoloniales ou décoloniales, et cela depuis L’orientalisme d’Edward Saïd qui a joué un rôle inaugural pour ces approches. En nous concentrant sur les quatre cas différents des traditions islamique, indienne, juive et grecque, nous avons essayé de saisir comment, vers la fin du XVIIIe et surtout courant le XIXe siècles, ces traditions se sont mobilisées chacune à sa façon pour s’emparer, par une démarche réciproque, de la modernité et de son régime du savoir comme leur « dehors ». L’analyse de chaque cas s’est développée sur deux axes : 1) la manière dont les traditions en question ont fait de la modernité leur objet (inouï) de savoir ; 2) les processus à travers lesquels elles ont cherché à s’approprier l’épistémè moderne et à l’intégrer dans leurs propres régimes du savoir.

Dans cette optique, les deux premières séances ont été consacrées à la tradition islamique, où Anoush Ganjipour et Mohamed Hadad (Université de Carthage, Tunis) se sont penchés sur la reconstruction épistémologique de cette tradition par la première génération des penseurs modernes de la terre d’islam au XIXe siècle. Leurs interventions ont dégagé deux facteurs déterminants pour une telle reconstruction : d’une part, la réflexion autocritique des modernes sur leur modernité et sur leur propre régime du savoir ; de l’autre, la nouvelle approche de la tradition islamique et sa réévaluation par le savoir orientaliste. De façon convergente, leurs analyses ont ensuite démontré que la rencontre cruciale a eu lieu ici entre le discours de la métaphysique islamique et celui des sciences sociales modernes.

Dans les deux séances suivantes, Gildas Salmon a abordé le cas de l’Inde en essayant d’élucider les raisons pour lesquelles le savoir orientaliste, à son stade de genèse dans le contexte colonial de l’Empire britannique, ne pouvait pas consister à l’applications d’un savoir préétabli à un nouvel objet, « l’Inde ». La construction d’un savoir occidental sur la langue, les religions ou le droit indien a d’abord obéi à l’impératif politique de gouverner l’Inde « selon ses propres lois ». C’est cette conviction tirée de la philosophie politique qui a orienté la formation d’une science comparative des normes, dont l’enjeu a ici été de montrer qu’elle avait largement exploité les savoirs construits par les Indiens sur leur propre société.

Concernant la tradition juive, Elad Lapidot et Ron Neiwled (CNRS-EHESS) se sont focalisés sur le rapport ambigu que le savoir moderne a entretenu avec elle, en la considérant à la fois comme sa partie intégrante et comme son dehors épistémique. À travers leurs relectures respectives des entreprises de Leopold Zunz et de Moses Hess, ils ont décelé les voies par lesquelles cette ambiguïté permettait à la tradition juive d’abord de se réactiver à l’intérieur du savoir moderne et ensuite de s’affirmer comme un régime épistémique alternatif face à celui-ci.

Et enfin, Constantin Bobas (Université de Lille) a interrogé le cas contradictoire de la tradition grecque où, d’une part, le savoir moderne s’identifiait comme héritier fidèle de cette tradition mais, de l’autre, l’excluait en tant que son dehors. Dans son intervention, il a retracé la trajectoire dialectique à travers laquelle la pensée grecque moderne s’est constituée au XIXe siècle à partir de la confrontation de la « Grèce » de l’intelligentsia grecque et de la Grèce des modernes.

Par l’examen sériel de ces variantes de la rencontre épistémique entre la modernité et les traditions « orientales », le séminaire a poursuivi deux objectifs : 1) saisir comment cette rencontre a produit, des deux côtés, des réflexivités internes aux régimes du savoir et des dynamiques épistémiques propres à chacun ; 2) déterminer l’impact de la position hégémonique du savoir moderne sur le caractère interactif de cette rencontre et sur les types de réflexivités engendrés dans chaque cas.