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UE673 - Espaces sexués : le genre de l’ethnographie


Lieu et planning


  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    Salle 25-B
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    2nd semestre / hebdomadaire, jeudi 10:30-12:30
    du 2 mars 2023 au 29 juin 2023
    Nombre de séances : 14

    La séance du 9 mars 2023 est annulée


Description


Dernière modification : 25 juillet 2022 15:46

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Analyse de discours Anthropologie Anthropologie sociale Écriture Épistémologie Espace Espace social Ethnographie Genre Histoire des sciences et des techniques Méthodes et techniques des sciences sociales Spatialisation, territoires Textes
Aires culturelles
Afrique Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Klaus Hamberger [référent·e]   maître de conférences, EHESS / Laboratoire d'anthropologie sociale (LAS)

Appuyé sur un corpus d’écrits ethnographiques portant sur le genre en Afrique de l’Ouest, ce séminaire cherche à explorer de quelles façons les pratiques de l’ethnographie – du terrain à l’écriture – sont sexuées. Cette question ne se réduit pas à savoir comment elles sont influencées par le genre de l’ethnographe et celui de ses interlocuteurs et interlocutrices, conçus du point de vue de leur propre société ou du point de vue de l’autre. Dans la perspective proposée, les techniques de terrain, les méthodes de documentation et les styles d’écriture eux-mêmes ont un genre, et contribuent à leur tour à façonner ou infléchir le genre de l’ethnographe.

Dans la continuité des séminaires précédents, cette recherche portera une attention particulière à la dimension spatiale. Du rapport physique à l’espace de terrain jusqu’à l’organisation spatiale des textes qui en découlent, le genre émerge d’une polarisation des pratiques spatiales (approches exploratrices ou réceptives, démarches tranchantes ou tâtonnantes, postures ostentatoires ou réflexives) qui se manifestent dans les conduites motrices autant que dans les formes expressives. La comparaison entre les pratiques de terrain et celles de l’écriture nous permettra ainsi d’aborder le texte ethnographique en tant qu’espace sexué.

Couvrant une période d’environ un siècle et demi, le corpus des textes étudiés sera articulé avec les trajectoires des auteur·es. La diversité de leurs métiers (voyageur·es, administrateurs, missionnaires, universitaires, écrivain·es) et de leurs origines (occidentales ou africaines) nous permettra aussi de préciser le rapport complexe que la polarité des genres entretient avec le rapport des classes et la relation coloniale.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – travail écrit
  • Séminaires de recherche – Études sur le genre-Anthropologie – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – travail écrit
  • Séminaires de recherche – Études sur le genre-Histoire – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – travail écrit
  • Séminaires de recherche – Études sur le genre-Sociologie – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – travail écrit
  • Séminaires de recherche – Territoires et développement - Territoires, espaces, sociétés – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – travail écrit

Renseignements


Contacts additionnels
-
Labels
EUR Gender and Sexuality Studies
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Compte rendu


Ce séminaire s’est inscrit, d’une part, dans la continuité des études sur le genre des pratiques ethnographiques (comme celles de Marianne Lemaire, intervenante invitée), d’autre part, dans une approche qui situe le genre dans la morphologie des interactions. En l’occurrence, il s’agissait de l’étudier par le prisme de la morphologie de l’écriture, en nous appuyant sur un échantillon d’ouvrages ethnographiques portant sur l’Afrique de l’Ouest depuis le début du XXe siècle.

Partant des ouvrages non-universitaires du début de la période coloniale, nous avons d’emblée pu distinguer deux styles à maints égards opposés l’un à l’autre :

Le « récit d’explorateur », souvent adopté par des militaires, voyageurs et journalistes, mais aussi par les premières femmes ethnographes de la région, retrace un parcours (de l’extérieur vers l’intérieur), concret et situé, mobilisant les sensations, émotions et jugements de valeur de l’ethnographe, accentuant l’altérité des sociétés rencontrées et privilégiant les méthodes d’observation. Caractéristique d’une ethnographie de démarrage (ou de passage) aux relents initiatiques, ce genre d’écriture s’adresse avant tout à un public occidental dont il s’agit, selon le cas, de conquérir l’opinion, ébranler les préjugés ou attiser la curiosité.

En revanche, la « monographie d’administrateur », style typique des fonctionnaires coloniaux (largement masculins), souvent forte d’un séjour de longue durée et d’une bonne maîtrise des langues vernaculaires, adopte une posture surplombante, effaçant la présence de l’ethnographe, privilégiant les méthodes d’entretien et prétendant à la documentation fidèle des conceptions africaines dont l’altérité est plutôt minimisée. Encyclopédique et peu accessible, cette littérature s’adresse avant tout aux dirigeants sur place, pour qui la compréhension du « point de vue indigène » constitue une ressource élémentaire. Toutefois ce style est aussi largement adopté par les premiers ethnographes africains, eux-aussi souvent issus des classes dirigeantes et concernés par la bonne gouvernance (au sein ou en dehors du cadre colonial).

L’ethnographie universitaire, qui prend son essor après la deuxième guerre mondiale, se caractérise par des combinaisons variées entre ces deux styles. D’une part, elle suit le modèle surplombant de l’administration coloniale avec laquelle elle est encore souvent directement engagée (nombre de jeunes thésard.es, dont beaucoup de femmes, travaillent ainsi comme compilateurs et compilatrices pour les recueils de l’International African Institute). D’autre part, la position même du doctorant ou de la doctorante arrivant sur le terrain pousse à l’adaptation du récit d’explorateur (ou d’initiant) restituant les conditions d’acquisition du savoir – qu’il s’agisse de le légitimer par l’autorité de l’informateur-initiateur (figure stylisée par Marcel Griaule, mais aussi importante pour une certaine tradition anticoloniale d’ethnographie africaine), ou au contraire de mettre cette autorité en perspective (dans la tradition de la critique féministe).

En termes de genre, ces deux styles présentent un profil complexe. Si, dans une approche morphologique du genre, on aurait d’abord tendance à considérer le style « explorateur » (pénétratif et extraverti) comme « masculin », le style « monographique » (réceptif et englobant) comme « féminin », c’est bien le premier qui est plébiscité par les ethnographes femmes, alors que le second est resté longuement la marque des hommes. De fait, les deux styles se distinguent avant tout par la façon dont ils mobilisent ou effacent le genre de l’ethnographe. Renvoyant au vécu subjectif et corporel, le style « explorateur » l’évoque tantôt implicitement (comme lorsque le Capitaine Binger décrit les mœurs des femmes africaines qu’il connaît avant tout comme partenaires sexuelles de ses soldats), tantôt explicitement (comme lorsqu’une épouse d’administrateur comme Dorothy Talbot se voit admise aux « mystères des femmes »). En revanche, le style « monographique » éclipse le genre (généralement masculin) de l’ethnographe autant que sa posture prétendument réceptive éclipse le geste qui impose le cadre même de la réception, et qui, en tant qu’« essai de pénétration de l’âme africaine » (L.-V. Thomas), ne fait souvent que prolonger le geste de l’explorateur qui lui a frayé le chemin. 

Dernière modification : 25 juillet 2022 15:46

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Analyse de discours Anthropologie Anthropologie sociale Écriture Épistémologie Espace Espace social Ethnographie Genre Histoire des sciences et des techniques Méthodes et techniques des sciences sociales Spatialisation, territoires Textes
Aires culturelles
Afrique Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Klaus Hamberger [référent·e]   maître de conférences, EHESS / Laboratoire d'anthropologie sociale (LAS)

Appuyé sur un corpus d’écrits ethnographiques portant sur le genre en Afrique de l’Ouest, ce séminaire cherche à explorer de quelles façons les pratiques de l’ethnographie – du terrain à l’écriture – sont sexuées. Cette question ne se réduit pas à savoir comment elles sont influencées par le genre de l’ethnographe et celui de ses interlocuteurs et interlocutrices, conçus du point de vue de leur propre société ou du point de vue de l’autre. Dans la perspective proposée, les techniques de terrain, les méthodes de documentation et les styles d’écriture eux-mêmes ont un genre, et contribuent à leur tour à façonner ou infléchir le genre de l’ethnographe.

Dans la continuité des séminaires précédents, cette recherche portera une attention particulière à la dimension spatiale. Du rapport physique à l’espace de terrain jusqu’à l’organisation spatiale des textes qui en découlent, le genre émerge d’une polarisation des pratiques spatiales (approches exploratrices ou réceptives, démarches tranchantes ou tâtonnantes, postures ostentatoires ou réflexives) qui se manifestent dans les conduites motrices autant que dans les formes expressives. La comparaison entre les pratiques de terrain et celles de l’écriture nous permettra ainsi d’aborder le texte ethnographique en tant qu’espace sexué.

Couvrant une période d’environ un siècle et demi, le corpus des textes étudiés sera articulé avec les trajectoires des auteur·es. La diversité de leurs métiers (voyageur·es, administrateurs, missionnaires, universitaires, écrivain·es) et de leurs origines (occidentales ou africaines) nous permettra aussi de préciser le rapport complexe que la polarité des genres entretient avec le rapport des classes et la relation coloniale.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – travail écrit
  • Séminaires de recherche – Études sur le genre-Anthropologie – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – travail écrit
  • Séminaires de recherche – Études sur le genre-Histoire – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – travail écrit
  • Séminaires de recherche – Études sur le genre-Sociologie – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – travail écrit
  • Séminaires de recherche – Territoires et développement - Territoires, espaces, sociétés – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – travail écrit
Contacts additionnels
-
Labels
EUR Gender and Sexuality Studies
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-
  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    Salle 25-B
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    2nd semestre / hebdomadaire, jeudi 10:30-12:30
    du 2 mars 2023 au 29 juin 2023
    Nombre de séances : 14

    La séance du 9 mars 2023 est annulée

Ce séminaire s’est inscrit, d’une part, dans la continuité des études sur le genre des pratiques ethnographiques (comme celles de Marianne Lemaire, intervenante invitée), d’autre part, dans une approche qui situe le genre dans la morphologie des interactions. En l’occurrence, il s’agissait de l’étudier par le prisme de la morphologie de l’écriture, en nous appuyant sur un échantillon d’ouvrages ethnographiques portant sur l’Afrique de l’Ouest depuis le début du XXe siècle.

Partant des ouvrages non-universitaires du début de la période coloniale, nous avons d’emblée pu distinguer deux styles à maints égards opposés l’un à l’autre :

Le « récit d’explorateur », souvent adopté par des militaires, voyageurs et journalistes, mais aussi par les premières femmes ethnographes de la région, retrace un parcours (de l’extérieur vers l’intérieur), concret et situé, mobilisant les sensations, émotions et jugements de valeur de l’ethnographe, accentuant l’altérité des sociétés rencontrées et privilégiant les méthodes d’observation. Caractéristique d’une ethnographie de démarrage (ou de passage) aux relents initiatiques, ce genre d’écriture s’adresse avant tout à un public occidental dont il s’agit, selon le cas, de conquérir l’opinion, ébranler les préjugés ou attiser la curiosité.

En revanche, la « monographie d’administrateur », style typique des fonctionnaires coloniaux (largement masculins), souvent forte d’un séjour de longue durée et d’une bonne maîtrise des langues vernaculaires, adopte une posture surplombante, effaçant la présence de l’ethnographe, privilégiant les méthodes d’entretien et prétendant à la documentation fidèle des conceptions africaines dont l’altérité est plutôt minimisée. Encyclopédique et peu accessible, cette littérature s’adresse avant tout aux dirigeants sur place, pour qui la compréhension du « point de vue indigène » constitue une ressource élémentaire. Toutefois ce style est aussi largement adopté par les premiers ethnographes africains, eux-aussi souvent issus des classes dirigeantes et concernés par la bonne gouvernance (au sein ou en dehors du cadre colonial).

L’ethnographie universitaire, qui prend son essor après la deuxième guerre mondiale, se caractérise par des combinaisons variées entre ces deux styles. D’une part, elle suit le modèle surplombant de l’administration coloniale avec laquelle elle est encore souvent directement engagée (nombre de jeunes thésard.es, dont beaucoup de femmes, travaillent ainsi comme compilateurs et compilatrices pour les recueils de l’International African Institute). D’autre part, la position même du doctorant ou de la doctorante arrivant sur le terrain pousse à l’adaptation du récit d’explorateur (ou d’initiant) restituant les conditions d’acquisition du savoir – qu’il s’agisse de le légitimer par l’autorité de l’informateur-initiateur (figure stylisée par Marcel Griaule, mais aussi importante pour une certaine tradition anticoloniale d’ethnographie africaine), ou au contraire de mettre cette autorité en perspective (dans la tradition de la critique féministe).

En termes de genre, ces deux styles présentent un profil complexe. Si, dans une approche morphologique du genre, on aurait d’abord tendance à considérer le style « explorateur » (pénétratif et extraverti) comme « masculin », le style « monographique » (réceptif et englobant) comme « féminin », c’est bien le premier qui est plébiscité par les ethnographes femmes, alors que le second est resté longuement la marque des hommes. De fait, les deux styles se distinguent avant tout par la façon dont ils mobilisent ou effacent le genre de l’ethnographe. Renvoyant au vécu subjectif et corporel, le style « explorateur » l’évoque tantôt implicitement (comme lorsque le Capitaine Binger décrit les mœurs des femmes africaines qu’il connaît avant tout comme partenaires sexuelles de ses soldats), tantôt explicitement (comme lorsqu’une épouse d’administrateur comme Dorothy Talbot se voit admise aux « mystères des femmes »). En revanche, le style « monographique » éclipse le genre (généralement masculin) de l’ethnographe autant que sa posture prétendument réceptive éclipse le geste qui impose le cadre même de la réception, et qui, en tant qu’« essai de pénétration de l’âme africaine » (L.-V. Thomas), ne fait souvent que prolonger le geste de l’explorateur qui lui a frayé le chemin.