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UE654 - Formes de narration et dispositifs d’écriture en anthropologie


Lieu et planning


  • EHESS-Toulouse
    Université Toulouse-Jean Jaurès, Maison de la recherche, 5 allées Antonio-Machado 31000 Toulouse
    annuel / mensuel (indifférent), jeudi 14:00-16:00
    du 6 octobre 2022 au 15 juin 2023


Description


Dernière modification : 13 septembre 2022 11:42

Type d'UE
Séminaires de centre
Centres
Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires (LISST)
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie Écriture
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s

Ce séminaire est le lieu d’une réflexion collective sur les formes de narration en anthropologie. Il vise à explorer et à proposer des dispositifs d’écriture mêlant les procédés textuels, visuels et sonores, en prêtant chaque fois attention aux problèmes épistémologiques et politiques qu’ils soulèvent. Ces dernières années, nous avons engagé un travail d’écriture sur la notion de quotidien, que nous appréhendons au regard de trois notions servant de contrepoint : le moment (ce volet est  finalisé) ; le geste (que nous poursuivrons cette année) ; et l’événement (qui constituera le troisième volet). Les « textes » sont produits à partir des ethnographies respectives des participants et de textes théoriques. Ils sont travaillés au fil des séances qui se tiennent un jeudi par mois, de 14 h à 16 h, à partir d'octobre.  Voir ci-dessous le calendrier des séances. Nous pouvons fournir un lien de connexion pour les participants non toulousains.

Calendrier des séances / Maison de la Recherche, Université Toulouse 2 / Le jeudi de 14 h à 16 h :

  • 6 octobre - salle E309
  • 10 novembre - salle F337
  • 15 décembre - salle F337
  • 19 janvier  - salle E309
  • 16 février  - salle F337
  • 16 mars  - salle F337
  • 13 avril - salle F337
  • 11 mai - salle E323
  • 15 juin - salle F337

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.


Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

EHESS-Toulouse, Université Toulouse-Jean Jaurès, Maison de la recherche, 5 allées Antonio-Machado 31000 Toulouse.
 

Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Compte rendu


Dans l’espace du séminaire, nous explorons les chemins débridés de l’écriture – au sens large – afin de (re)penser les manières de dire, d’envisager une autre transmission de nos recherches, un autre partage. Cette année, cette exploration s’est incarnée en deux axes principaux : le rapport des corps aux lieux, d’une part, et l’usage du dessin et de la poésie en anthropologie, d’autre part.

Nous nous sommes ainsi intéressés aux agencements d’un lieu et d’un corps, à travers l’expérience de l’alitement et la perception du monde qui en découle, relatée dans Un lit de malade six pieds de long, de Masaoka Shiki, poète japonais de l’ère Meiji, qui a réformé l’écriture des haïkus, et à travers le travail chorégraphique de Hijikata Tatsumi, créateur du butō, dont l’enjeu était de libérer le corps de ses fonctions afin d’ouvrir d’autres relations à l’espace – la proximité avec le corps sans organe d’Artaud a également été discutée. Lors de ces séances, nous avons introduit des exercices corporels et respiratoires, qui venaient ponctuer l’exposé et les lectures, afin d’instaurer une certaine qualité d’attention, une certaine disposition propice à recevoir et à ressentir par le corps un propos.

Concernant toujours le rapport des corps aux lieux, nous avons conduit une recherche sur le geste de la révolte, geste des corps révoltés (principalement à partir des émeutes qui ont suivi l’assassinat de George Floyd), laquelle, quant à elle, a fait émerger l’importance du hasard. Dès lors, comment rendre le hasard de la révolte dans l’écriture ? La piste que nous avons explorée a été de soumettre l’écriture elle-même à un certain degré de hasard, en concevant un jeu de dés (jeu de hasard par excellence) dont les faces comportaient une image ou un texte en relation avec les émeutes. Au fur et à mesure des lancés de dés, et comme une sorte de cadavre exquis, s’est alors construit un récit, mêlant au hasard images, commentaires journalistiques, textes analytiques des émeutes et offrant une trame particulière à l’analyse critique. Un récit qui peut être chaque fois recomposé, par de nouveaux lancés, appelant dès lors un renouvellement de l’analyse.

Nous avons poursuivi ces réflexions avec le second axe concernant le recours au dessin et à la poésie dans l’écriture anthropologique. L’écriture, nous dit Michael Taussig (I swear I saw this, 2011), « ne peut rendre justice au contingent, au concret, au particulier », elle n’est jamais en adéquation avec l’expérience dont elle rend compte. Il y a bien la photographie, mais pour Taussig, « la photo est réelle » là où « le dessin est une accentuation de la réalité ». En d’autres termes, le dessin est une ouverture particulière du sens, à l’instar de ce que Barthes appelait le troisième sens. Taussig, toujours : « Le dessin excède ce qui est vu. C’est un voir/ une vision (seeing) qui doute de lui-même et, plus encore, qui doute du monde des hommes. Née du doute dans l’acte de perception, cette petite image est comme un sursaut destiné à simplifier et à répéter cet acte au point où l’image agit comme un talisman. » (traduit depuis Taussig, 2011 : 1-2).

L’écriture poétique serait-elle, comme le dessin, une alternative possible à la défection de l’écriture académique qui, inéluctablement, construit les histoires en informations ? Dans son livre The Day of Shelly’s Death (2014), l’anthropologue Renato Rosaldo a composé des poèmes relatant la mort de sa femme sur leur terrain commun aux Philippines, auprès des Ilongots, et offrant une compréhension anthropologique de la rage, une émotion centrale chez les Ilongots. Peut-être plus qu’un problème uniquement lié à l’écriture, c’est aussi ici l’expérience personnelle comme catégorie analytique qui est en jeu/je. Un « je » qui trouve son chemin dans les poèmes, tous écrits à la première personne, mais une personne qui chaque fois diffère – soit autant de points de vue, autant de « je », qui offrent des ressentis sensibles particuliers, et un partage quelque peu impossible de la rage, mais un partage tout de même.

Les événements extrêmes tendent toujours à redéfinir radicalement nos rapports aux mots. Ils sollicitent une expression que l’on pourrait dire expérientielle. L’enjeu devient alors de pouvoir mettre en partage l’expérience, d’établir un « lieu commun » de compréhension.

Dernière modification : 13 septembre 2022 11:42

Type d'UE
Séminaires de centre
Centres
Laboratoire interdisciplinaire solidarités, sociétés, territoires (LISST)
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie Écriture
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s

Ce séminaire est le lieu d’une réflexion collective sur les formes de narration en anthropologie. Il vise à explorer et à proposer des dispositifs d’écriture mêlant les procédés textuels, visuels et sonores, en prêtant chaque fois attention aux problèmes épistémologiques et politiques qu’ils soulèvent. Ces dernières années, nous avons engagé un travail d’écriture sur la notion de quotidien, que nous appréhendons au regard de trois notions servant de contrepoint : le moment (ce volet est  finalisé) ; le geste (que nous poursuivrons cette année) ; et l’événement (qui constituera le troisième volet). Les « textes » sont produits à partir des ethnographies respectives des participants et de textes théoriques. Ils sont travaillés au fil des séances qui se tiennent un jeudi par mois, de 14 h à 16 h, à partir d'octobre.  Voir ci-dessous le calendrier des séances. Nous pouvons fournir un lien de connexion pour les participants non toulousains.

Calendrier des séances / Maison de la Recherche, Université Toulouse 2 / Le jeudi de 14 h à 16 h :

  • 6 octobre - salle E309
  • 10 novembre - salle F337
  • 15 décembre - salle F337
  • 19 janvier  - salle E309
  • 16 février  - salle F337
  • 16 mars  - salle F337
  • 13 avril - salle F337
  • 11 mai - salle E323
  • 15 juin - salle F337

Le programme détaillé n'est pas disponible.

Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.

Contacts additionnels
-
Informations pratiques

EHESS-Toulouse, Université Toulouse-Jean Jaurès, Maison de la recherche, 5 allées Antonio-Machado 31000 Toulouse.
 

Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-
  • EHESS-Toulouse
    Université Toulouse-Jean Jaurès, Maison de la recherche, 5 allées Antonio-Machado 31000 Toulouse
    annuel / mensuel (indifférent), jeudi 14:00-16:00
    du 6 octobre 2022 au 15 juin 2023

Dans l’espace du séminaire, nous explorons les chemins débridés de l’écriture – au sens large – afin de (re)penser les manières de dire, d’envisager une autre transmission de nos recherches, un autre partage. Cette année, cette exploration s’est incarnée en deux axes principaux : le rapport des corps aux lieux, d’une part, et l’usage du dessin et de la poésie en anthropologie, d’autre part.

Nous nous sommes ainsi intéressés aux agencements d’un lieu et d’un corps, à travers l’expérience de l’alitement et la perception du monde qui en découle, relatée dans Un lit de malade six pieds de long, de Masaoka Shiki, poète japonais de l’ère Meiji, qui a réformé l’écriture des haïkus, et à travers le travail chorégraphique de Hijikata Tatsumi, créateur du butō, dont l’enjeu était de libérer le corps de ses fonctions afin d’ouvrir d’autres relations à l’espace – la proximité avec le corps sans organe d’Artaud a également été discutée. Lors de ces séances, nous avons introduit des exercices corporels et respiratoires, qui venaient ponctuer l’exposé et les lectures, afin d’instaurer une certaine qualité d’attention, une certaine disposition propice à recevoir et à ressentir par le corps un propos.

Concernant toujours le rapport des corps aux lieux, nous avons conduit une recherche sur le geste de la révolte, geste des corps révoltés (principalement à partir des émeutes qui ont suivi l’assassinat de George Floyd), laquelle, quant à elle, a fait émerger l’importance du hasard. Dès lors, comment rendre le hasard de la révolte dans l’écriture ? La piste que nous avons explorée a été de soumettre l’écriture elle-même à un certain degré de hasard, en concevant un jeu de dés (jeu de hasard par excellence) dont les faces comportaient une image ou un texte en relation avec les émeutes. Au fur et à mesure des lancés de dés, et comme une sorte de cadavre exquis, s’est alors construit un récit, mêlant au hasard images, commentaires journalistiques, textes analytiques des émeutes et offrant une trame particulière à l’analyse critique. Un récit qui peut être chaque fois recomposé, par de nouveaux lancés, appelant dès lors un renouvellement de l’analyse.

Nous avons poursuivi ces réflexions avec le second axe concernant le recours au dessin et à la poésie dans l’écriture anthropologique. L’écriture, nous dit Michael Taussig (I swear I saw this, 2011), « ne peut rendre justice au contingent, au concret, au particulier », elle n’est jamais en adéquation avec l’expérience dont elle rend compte. Il y a bien la photographie, mais pour Taussig, « la photo est réelle » là où « le dessin est une accentuation de la réalité ». En d’autres termes, le dessin est une ouverture particulière du sens, à l’instar de ce que Barthes appelait le troisième sens. Taussig, toujours : « Le dessin excède ce qui est vu. C’est un voir/ une vision (seeing) qui doute de lui-même et, plus encore, qui doute du monde des hommes. Née du doute dans l’acte de perception, cette petite image est comme un sursaut destiné à simplifier et à répéter cet acte au point où l’image agit comme un talisman. » (traduit depuis Taussig, 2011 : 1-2).

L’écriture poétique serait-elle, comme le dessin, une alternative possible à la défection de l’écriture académique qui, inéluctablement, construit les histoires en informations ? Dans son livre The Day of Shelly’s Death (2014), l’anthropologue Renato Rosaldo a composé des poèmes relatant la mort de sa femme sur leur terrain commun aux Philippines, auprès des Ilongots, et offrant une compréhension anthropologique de la rage, une émotion centrale chez les Ilongots. Peut-être plus qu’un problème uniquement lié à l’écriture, c’est aussi ici l’expérience personnelle comme catégorie analytique qui est en jeu/je. Un « je » qui trouve son chemin dans les poèmes, tous écrits à la première personne, mais une personne qui chaque fois diffère – soit autant de points de vue, autant de « je », qui offrent des ressentis sensibles particuliers, et un partage quelque peu impossible de la rage, mais un partage tout de même.

Les événements extrêmes tendent toujours à redéfinir radicalement nos rapports aux mots. Ils sollicitent une expression que l’on pourrait dire expérientielle. L’enjeu devient alors de pouvoir mettre en partage l’expérience, d’établir un « lieu commun » de compréhension.