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UE545 - La maison : objet anthropologique par excellence


Lieu et planning


  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 3.09
    2nd semestre / hebdomadaire, mardi 10:30-12:30
    du 7 mars 2023 au 6 juin 2023
    Nombre de séances : 12


Description


Dernière modification : 19 mai 2022 15:03

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
-
Mots-clés
Anthropologie Architecture Culture matérielle Poétique Symbolique
Aires culturelles
Amérique du Nord Amériques Europe
Intervenant·e·s

En règle générale, la question de l'architecture vernaculaire est abordée à partir de ses aspects techniques et environnementaux. Cette approche a le mérite d'effacer, dans ce domaine plus que dans tout autre, le Grand Partage entre l'Occident et le reste du monde. Sans reléguer complètement au second plan cette matérialité, nous aborderons toutefois la maison comme ce lieu dont la finalité vise en priorité tantôt  la protection tantôt l'habiter, dans le sens où l'entendait Heidegger. Dans le sillage de la réflexion menée les années antérieures autour du thème de l'hétérosexualité comme relation sociale première, nous envisagerons ainsi la maison comme le lieu par excellence qui a vocation à abriter cette relation, mais aussi comme celui où elle se dissout dans un ensemble plus vaste de contraintes qu'impose, pour leur propre compte, l'ordre social et symbolique. On s'apercevra alors que le Grand Partage resurgit, presque intact. L'année dernière, nous avions entrepris notre enquête avec les architectures amérindiennes, nous souhaitons cette année la poursuivre en élargissant le spectre de notre regard à d'autres aires culturelles.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral ou fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis
-

Compte rendu


Au second semestre de l'année écoulée, nous avons assuré notre séminaire de recherche, sur une base hebdomadaire. Nous avons commencé par reprendre le thème de l'habitat d'une façon très générale en soulignant comment il représente un enjeu théorique important pour l'anthropologie tout en semblant se dérober à nous, telle une anguille qui glisse entre les doigts. À la différence de la parenté, du mythe ou de la technique, qui jusqu'à un certain point peuvent s'étudier en tant qu'objets séparés, la maison revêt d'emblée une nature multiple qui brouille les cartes. À la fois lieu de protection, unité sociologique et vecteur symbolique d'un rapport au monde, elle se révèle toujours une entité relevant d'un second degré. Sa construction suppose la mobilisation de plusieurs techniques primaires ; une grande malléabilité préside aux agencements familiaux qu'elle abrite ; sa signification, qui varie considérablement selon les aires culturelles, allie volontiers les références astrales, minérales, végétales ou animales, du macrocosmique ou microcosmique. Sans parler de la dimension proprement religieuse que l'habitat possède le plus souvent, et ce, d'ailleurs en relation avec un culte des morts ou des ancêtres. 

Les toutes premières séances du séminaire ont donné lieu à un vaste panorama consacré au sujet. Puis, nous avons rapidement focalisé notre propos sur l'Europe, puisque nous prenions la suite du séminaire de l'année précédente où nous avions largement traité de l'Amérique, de la nature transformationnelle, au sens lévi-straussien, de son architecture. Après avoir rappelé combien les Européens accordaient une grande valeur matérielle à leur habitat, synonyme pour eux d'investissement très importants, nous nous sommes intéressés aux matériaux employés, tantôt bois et ses dérivés (chaume), tantôt pierre et ses succédanés (briques, tuiles, etc.). La question de la relation entre la matière et la forme a ainsi croisé de nouveau notre chemin. Ce qui nous a permis d'émettre une hypothèse inédite sur l'origine de la voûte. Nous sommes partis du constat que, dès les traités d'architecture de l'antiquité, en particulier celui de Vitruve, la pierre apparaît comme l'élément idéal pour élever les murs et le bois, du fait sa capacité de portance à horizontal, pour couvrir le bâti. Cette répartition fonctionnelle des matériaux butte pourtant sur une difficulté : comment créer des baies dans des murs sans avoir recours à des traverses en bois, dès lors que prévaut le principe d'une affection stricte des matériaux ? La voûte s'impose alors d'elle-même. Il est frappant d'ailleurs d'observer que sa réalisation passe par un stade intermédiaire d'un cintre. Celui-ci, de nature provisoire, est toujours en bois. Ainsi, la matière minérale se substitue à la matière ligneuse non seulement de façon abstraite, mais aussi très concrètement lors du processus de construction du bâtiment. Notre hypothèse relativise l'inventivité technique que le sens commun envisage volontiers comme l'apanage de notre civilisation : illuminations jaillissantes par intermittence de quelques génies individuels. La voûte résulte au contraire d'une très ancienne contrainte tout aussi symbolique que matérielle qu'a longuement méditée l'esprit occidental avant de parvenir à lui trouver une solution sur le plan technique. 

La suite du séminaire a consisté, à partir de l'exemple de l'architecture vernaculaire des hautes vallées alpines, a montré le primat du sémantique sur les stratégies d'adaptation à un milieu hostile. Notre vision va à l'encontre de pratiquement toute la littérature sur le sujet. Mieux, la mise au jour d'un système de transformations similaire à celui établi par Lévi-Strauss pour les mythes amérindiens non seulement prend à contre-pied un pan entier de l'heuristique adaptative qui convient aussi bien aux géographes qu'aux ethnologues (plus proches les uns des autres qu'ils ne le croient sur ces thématiques) mais bousculent également les historiens en mettant en avant le rôle éminent de la révolution pastorale dans la colonisation, tardive en Europe, de hautes vallées alpines. Le fait que l'architecture alpine fasse système, en instaurant des oppositions dont la distribution se révèle régulière à travers l'espace, traduit en effet le caractère relativement simultané de son émergence, du moins à l'échelle de l'histoire, en l'occurrence durant une période qui court entre l'extrême fin du XVIe et le milieu du XIXe

Une séance du séminaire a été consacrée au rapport entre maisonnée comme entité économique et destin différentiel des garçons et des filles dans les paysanneries du XIXe grâce à l'intervention de Laurent Herment et Patrice Boujaaba. Les trois dernières séances du séminaire ont enfin été consacrées à des exposés d'étudiants sur leurs recherches en cours. Qu'ils aient été nombreux à accepter de se soumettre à cet exercice nous a semblé la preuve qu'un certain degré de confiance s'était établi au sein du séminaire au cours du semestre écoulé. Notons enfin que nous avons participé tout au long de l'année à une expérience pédagogique en milieu scolaire. Il s'est agi pour nous, sous les auspices de l'association F93 (émanation du département de la Seine-Saint-Denis), d'intervenir à huit reprises dans une classe de 4° d'un collège de Rosny-sous-Bois autour du thème « tous au lit ». Cet intitulé, choisi par la direction de l'association en question et à première vue plutôt scabreux, nous a permis d'évoquer sans difficulté devant les adolescents certains thèmes majeurs de l'anthropologie, à savoir la naissance, la conjugalité, la maladie et la mort. Le sexualité en revanche est restée dans l'ordre du non-dit. 

Publications
  • « Portrait de Lévi-Strauss en diffusionniste impénitent », Cahiers d’anthropologie sociale, n° 20 (Claude Lévi-Strauss. Penser le monde autrement), 2022, p. 153-165. 
  • « La transformation lévi-straussienne comme vertige de l’histoire (en Amérique) », dans Penser l’événement. Entre temps et histoire, sous la dir. d’Hugo Dumoulin, Judith Revel et Jean-Baptiste Vuillerod, Paris, CNRS Éditions, 2023, p. 245-262.

Dernière modification : 19 mai 2022 15:03

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
-
Mots-clés
Anthropologie Architecture Culture matérielle Poétique Symbolique
Aires culturelles
Amérique du Nord Amériques Europe
Intervenant·e·s

En règle générale, la question de l'architecture vernaculaire est abordée à partir de ses aspects techniques et environnementaux. Cette approche a le mérite d'effacer, dans ce domaine plus que dans tout autre, le Grand Partage entre l'Occident et le reste du monde. Sans reléguer complètement au second plan cette matérialité, nous aborderons toutefois la maison comme ce lieu dont la finalité vise en priorité tantôt  la protection tantôt l'habiter, dans le sens où l'entendait Heidegger. Dans le sillage de la réflexion menée les années antérieures autour du thème de l'hétérosexualité comme relation sociale première, nous envisagerons ainsi la maison comme le lieu par excellence qui a vocation à abriter cette relation, mais aussi comme celui où elle se dissout dans un ensemble plus vaste de contraintes qu'impose, pour leur propre compte, l'ordre social et symbolique. On s'apercevra alors que le Grand Partage resurgit, presque intact. L'année dernière, nous avions entrepris notre enquête avec les architectures amérindiennes, nous souhaitons cette année la poursuivre en élargissant le spectre de notre regard à d'autres aires culturelles.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral ou fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis
-
  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 3.09
    2nd semestre / hebdomadaire, mardi 10:30-12:30
    du 7 mars 2023 au 6 juin 2023
    Nombre de séances : 12

Au second semestre de l'année écoulée, nous avons assuré notre séminaire de recherche, sur une base hebdomadaire. Nous avons commencé par reprendre le thème de l'habitat d'une façon très générale en soulignant comment il représente un enjeu théorique important pour l'anthropologie tout en semblant se dérober à nous, telle une anguille qui glisse entre les doigts. À la différence de la parenté, du mythe ou de la technique, qui jusqu'à un certain point peuvent s'étudier en tant qu'objets séparés, la maison revêt d'emblée une nature multiple qui brouille les cartes. À la fois lieu de protection, unité sociologique et vecteur symbolique d'un rapport au monde, elle se révèle toujours une entité relevant d'un second degré. Sa construction suppose la mobilisation de plusieurs techniques primaires ; une grande malléabilité préside aux agencements familiaux qu'elle abrite ; sa signification, qui varie considérablement selon les aires culturelles, allie volontiers les références astrales, minérales, végétales ou animales, du macrocosmique ou microcosmique. Sans parler de la dimension proprement religieuse que l'habitat possède le plus souvent, et ce, d'ailleurs en relation avec un culte des morts ou des ancêtres. 

Les toutes premières séances du séminaire ont donné lieu à un vaste panorama consacré au sujet. Puis, nous avons rapidement focalisé notre propos sur l'Europe, puisque nous prenions la suite du séminaire de l'année précédente où nous avions largement traité de l'Amérique, de la nature transformationnelle, au sens lévi-straussien, de son architecture. Après avoir rappelé combien les Européens accordaient une grande valeur matérielle à leur habitat, synonyme pour eux d'investissement très importants, nous nous sommes intéressés aux matériaux employés, tantôt bois et ses dérivés (chaume), tantôt pierre et ses succédanés (briques, tuiles, etc.). La question de la relation entre la matière et la forme a ainsi croisé de nouveau notre chemin. Ce qui nous a permis d'émettre une hypothèse inédite sur l'origine de la voûte. Nous sommes partis du constat que, dès les traités d'architecture de l'antiquité, en particulier celui de Vitruve, la pierre apparaît comme l'élément idéal pour élever les murs et le bois, du fait sa capacité de portance à horizontal, pour couvrir le bâti. Cette répartition fonctionnelle des matériaux butte pourtant sur une difficulté : comment créer des baies dans des murs sans avoir recours à des traverses en bois, dès lors que prévaut le principe d'une affection stricte des matériaux ? La voûte s'impose alors d'elle-même. Il est frappant d'ailleurs d'observer que sa réalisation passe par un stade intermédiaire d'un cintre. Celui-ci, de nature provisoire, est toujours en bois. Ainsi, la matière minérale se substitue à la matière ligneuse non seulement de façon abstraite, mais aussi très concrètement lors du processus de construction du bâtiment. Notre hypothèse relativise l'inventivité technique que le sens commun envisage volontiers comme l'apanage de notre civilisation : illuminations jaillissantes par intermittence de quelques génies individuels. La voûte résulte au contraire d'une très ancienne contrainte tout aussi symbolique que matérielle qu'a longuement méditée l'esprit occidental avant de parvenir à lui trouver une solution sur le plan technique. 

La suite du séminaire a consisté, à partir de l'exemple de l'architecture vernaculaire des hautes vallées alpines, a montré le primat du sémantique sur les stratégies d'adaptation à un milieu hostile. Notre vision va à l'encontre de pratiquement toute la littérature sur le sujet. Mieux, la mise au jour d'un système de transformations similaire à celui établi par Lévi-Strauss pour les mythes amérindiens non seulement prend à contre-pied un pan entier de l'heuristique adaptative qui convient aussi bien aux géographes qu'aux ethnologues (plus proches les uns des autres qu'ils ne le croient sur ces thématiques) mais bousculent également les historiens en mettant en avant le rôle éminent de la révolution pastorale dans la colonisation, tardive en Europe, de hautes vallées alpines. Le fait que l'architecture alpine fasse système, en instaurant des oppositions dont la distribution se révèle régulière à travers l'espace, traduit en effet le caractère relativement simultané de son émergence, du moins à l'échelle de l'histoire, en l'occurrence durant une période qui court entre l'extrême fin du XVIe et le milieu du XIXe

Une séance du séminaire a été consacrée au rapport entre maisonnée comme entité économique et destin différentiel des garçons et des filles dans les paysanneries du XIXe grâce à l'intervention de Laurent Herment et Patrice Boujaaba. Les trois dernières séances du séminaire ont enfin été consacrées à des exposés d'étudiants sur leurs recherches en cours. Qu'ils aient été nombreux à accepter de se soumettre à cet exercice nous a semblé la preuve qu'un certain degré de confiance s'était établi au sein du séminaire au cours du semestre écoulé. Notons enfin que nous avons participé tout au long de l'année à une expérience pédagogique en milieu scolaire. Il s'est agi pour nous, sous les auspices de l'association F93 (émanation du département de la Seine-Saint-Denis), d'intervenir à huit reprises dans une classe de 4° d'un collège de Rosny-sous-Bois autour du thème « tous au lit ». Cet intitulé, choisi par la direction de l'association en question et à première vue plutôt scabreux, nous a permis d'évoquer sans difficulté devant les adolescents certains thèmes majeurs de l'anthropologie, à savoir la naissance, la conjugalité, la maladie et la mort. Le sexualité en revanche est restée dans l'ordre du non-dit. 

Publications
  • « Portrait de Lévi-Strauss en diffusionniste impénitent », Cahiers d’anthropologie sociale, n° 20 (Claude Lévi-Strauss. Penser le monde autrement), 2022, p. 153-165. 
  • « La transformation lévi-straussienne comme vertige de l’histoire (en Amérique) », dans Penser l’événement. Entre temps et histoire, sous la dir. d’Hugo Dumoulin, Judith Revel et Jean-Baptiste Vuillerod, Paris, CNRS Éditions, 2023, p. 245-262.