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UE543 - Domination impériale et exercices indigènes de la violence : États, ethnies et individus dans la modernité


Lieu et planning


  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 25-A
    annuel / bimensuel (2e/4e), mardi 14:30-16:30
    du 8 novembre 2022 au 23 mai 2023
    Nombre de séances : 12


Description


Dernière modification : 19 mai 2022 15:36

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie, Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Capitalisme Domination Empire Marché Violence
Aires culturelles
Afrique Amériques Asie Europe
Intervenant·e·s
  • Jean-Bernard Ouédraogo [référent·e]   directeur d'études, EHESS - directeur de recherche, CNRS / Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales (LAP-LAIOS)

Le concept de violence, dans son acception habituelle de simple manifestation de la contrainte, a une fonction heuristique limité : il apparaît souvent comme une disposition naturelle, car récurrente et observable dans toutes les sociétés. Or la violence est aussi un très bon analyseur des rapports sociaux. Robert Muchembled affirmait que « la manière dont une société gère la violence aujourd’hui comme autrefois, permet de découvrir ses mécanismes internes les plus cachés ». Je voudrais proposer en ce sens une lecture de la violence comme modalité de l’action sociale, de construction des espaces politiques et de leurs gestions. On l’analysera, non comme un principe ataviste d’action, mais comme une expression de la transformation des relations sociales. Je considérai plus précisément deux objets d’étude : l’intensification concurrentielle des rapports sociaux, avec les mobilisations collectives violentes dites communautaires qu’elle provoque ; et l’expression des enjeux autour de l’État, en considérant cette configuration centrale comme le lieu d’un processus de « coopération » concurrente, souvent violente.

A) Les affrontements « communautaires » sont apparus comme la résurgence inévitable d'une « réalité africaine tribale ». Il nous semble que ces interprétations tiennent très peu compte de l'évolution sociale actuelle des sociétés africaines et qu'elles se contentent d'énoncer une indignation. Comment alors analyser cette violence communautaire que des génocides ont si brutalement inscrite dans le cycle de l'urgence ? Le propos rejette les arguments culturalistes et faussement « anthropologiques » et s'appuie résolument sur la dynamique historique des sociétés africaines pour expliquer l'avènement de la violence et montrer comment dans cette perspective, et à cet effet, se forment ou se consolident des réseaux d'appartenances sociales. Rien dans ces conflits « ethniques » n'exprime une résurgence exclusive d'une irréductible condition humaine « barbare », au contraire, ils signifient des intérêts modernes en conflit. Le séminaire proposera une analyse des violences collectives basée sur une observation des conditions matérielles et symboliques des conflits « communautaires » réévaluer les désignations ethniques ou tribales si hâtivement convoquées mais qui masquent d'autant plus qu'on les croit évidentes.

B) L’installation de la violence (répressions, coup d’état, massacres policiers) au cœur de l’État, loin de signifier la simple inadéquation de règles politiques inadaptées, est l’une des expressions du politique dans l’Afrique contemporaine. La « démocratie », comme mode de gouvernement, loin d’être l’expression d’une pluralité des opinions, construites dans un for intérieur insondable, ainsi que le prescrivent les principes théoriques du libéralisme classique, est en fait souvent la tentative d’imposer un nouveau monopole politique. Les organes législatifs et les moyens étatiques d’exercice de la violence sont objets et enjeux des luttes sociales pour l’appropriation des biens. Interroger l’État et les formes de violence qui l’impliquent, c’est ainsi questionner la dynamique de la composition des valeurs sociales et de la définition des moyens légitimes de lutte. L’analyse de l’expression de la violence étatique est volontiers placé sous le registre de l’inadaptation, en tant que produit importé, tel un outil de gouvernement mal maîtrisé par des indigènes peu habitués aux règles de gouvernance modernes. Or l’espace politique et son institution principale, l’État, est obligatoirement sous l’influence des dynamiques historiques. Interroger l’État, c’est questionner les modes d’agglomération des groupes sociaux.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

écrire à l'intervenant.

Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous pris par courriel.

Réception des candidats

sur rendez-vous pris par courriel.

Pré-requis
-

Compte rendu


En poursuivant l’exploration des situations sociales complexes d’où émergent de formes multiples de violences, le séminaire en s’appuyant sur les coups d’états a examiné les tensions politiques qui informent les espaces de la domination locale. Les mémoires et  thèses des étudiants et mes ouvrages sur les cas ivoiriens et burkinabé ont permis une articulation féconde entre les concepts et les situations concrètes ; un grand intérêt fut accordé aux faits. Cinq intervenants extérieurs ont à chaque fois permis d’approfondir les aspects théoriques en le mettant à l’épreuve d’un cas particulier. Abderrahmane Moussaoui fut notre premier intervenant extérieur, professeur en anthropologie à l’Université Lyon 2, nous a gratifié une analyse lumineuse de Le hirak algérien et les fantômes du passé. La récurrence du slogan de Silmiya Silmiya (pacifique, pacifique), lui permet de remonter la source de cette obsession collective portée par des jeunes manifestants qui n’ont pas connu la colonisation. Cet appel au ‎pacifisme s’apparente, selon Abderrahmane Moussaoui, à ‎une ‎sorte d’exorcise d'un mal profond : la période coloniale et les années de violence. Le Hirak algérien est une demande pressante de sortie de violence qui hante encore les esprits. La séance animée par Sylvestre Meinzer anthropologue et cinéaste basée sur son film Les voies jaunes, raconte ce moment de l’histoire où revêtu d’un gilet jaune des femmes et des hommes se rassemblent pour exprimer leur colère et leur détermination à changer de monde. La narration filmique, immédiatement, met en exergue des vies palpables, dévoile les traces d’existence et donne chaire aux concepts, aux commentaires journalistiques. Patrice Yengo, pharmacien et anthropologue dans exposé sur Guerre civile du Congo-Brazzaville (1993-2002) et réajustement de la domination impérialenous conduit dans son verbe précis et poétique à comprendre comment la chute de l’Union soviétique entraina dans le Congo politique un réajustement violents de la domination impériale dont la recrudescence des conflits en Afrique sera un grand marqueur. En conjuguant un usage sophistiqué des théories anthropologiques et une conceptualisation issue du vocabulaire indigène, Patrice Yengo offre une interprétation extrêmement riche des réalités africaines souvent maltraitées par des perspectives étroites, réductionnistes, pauvres. Dans une perspective exploratoire, Elísio Macamo, professeur à l’Université de Bâle, en Suisse, nous a proposé l'examen minutieux de sa volonté de comprendre Imagination fertile et violence armée dans le nord du Mozambique. Il exprime des réserves théoriques sur la manière dont les sciences sociales abordent les phénomènes de violence contre l'État. Macamo pose que les commentateurs usent de « démons analytiques » et de « faits stylisés » pour imposer une projection simplement imaginaire sur la réalité, renoncant à comprendre la réalité concrète. Enfin, Daniela Ricci, cinéaste, enseignante à l’université de Nanterre propose un examen critique de la vie et de l’œuvre du cinéaste éthiopien Haile Gerima, dans un exposé intitulé Domination et formes des violences dans les films d’Afrique et des diasporas. À partir du fait que les violences coloniales marquent durablement les imaginaires des colonisés, Elle entreprend de démonter à travers cette œuvre singulière que le déni de reconnaissance, les injustices et l’exclusion sociale sont aussi des formes d’oppres­sion et que les cueillir à leurs racines permet de mieux les comprendre et d’en minimiser leurs effets. Le cinéma de Haile Gerima en mettant dans une forme propre ces violences historiques, insidieuses, milite contre les modes de domination qui s’enracinent dans les consciences et incite les spectateurs à s’en débarrasser. 

Le prochain cycle s’engagera l’étude des formes globales des violences localisées, manifestations paradoxales des fractures annoncées du monde désormais commun parce que divisé.

Dernière modification : 19 mai 2022 15:36

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie, Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Capitalisme Domination Empire Marché Violence
Aires culturelles
Afrique Amériques Asie Europe
Intervenant·e·s
  • Jean-Bernard Ouédraogo [référent·e]   directeur d'études, EHESS - directeur de recherche, CNRS / Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales (LAP-LAIOS)

Le concept de violence, dans son acception habituelle de simple manifestation de la contrainte, a une fonction heuristique limité : il apparaît souvent comme une disposition naturelle, car récurrente et observable dans toutes les sociétés. Or la violence est aussi un très bon analyseur des rapports sociaux. Robert Muchembled affirmait que « la manière dont une société gère la violence aujourd’hui comme autrefois, permet de découvrir ses mécanismes internes les plus cachés ». Je voudrais proposer en ce sens une lecture de la violence comme modalité de l’action sociale, de construction des espaces politiques et de leurs gestions. On l’analysera, non comme un principe ataviste d’action, mais comme une expression de la transformation des relations sociales. Je considérai plus précisément deux objets d’étude : l’intensification concurrentielle des rapports sociaux, avec les mobilisations collectives violentes dites communautaires qu’elle provoque ; et l’expression des enjeux autour de l’État, en considérant cette configuration centrale comme le lieu d’un processus de « coopération » concurrente, souvent violente.

A) Les affrontements « communautaires » sont apparus comme la résurgence inévitable d'une « réalité africaine tribale ». Il nous semble que ces interprétations tiennent très peu compte de l'évolution sociale actuelle des sociétés africaines et qu'elles se contentent d'énoncer une indignation. Comment alors analyser cette violence communautaire que des génocides ont si brutalement inscrite dans le cycle de l'urgence ? Le propos rejette les arguments culturalistes et faussement « anthropologiques » et s'appuie résolument sur la dynamique historique des sociétés africaines pour expliquer l'avènement de la violence et montrer comment dans cette perspective, et à cet effet, se forment ou se consolident des réseaux d'appartenances sociales. Rien dans ces conflits « ethniques » n'exprime une résurgence exclusive d'une irréductible condition humaine « barbare », au contraire, ils signifient des intérêts modernes en conflit. Le séminaire proposera une analyse des violences collectives basée sur une observation des conditions matérielles et symboliques des conflits « communautaires » réévaluer les désignations ethniques ou tribales si hâtivement convoquées mais qui masquent d'autant plus qu'on les croit évidentes.

B) L’installation de la violence (répressions, coup d’état, massacres policiers) au cœur de l’État, loin de signifier la simple inadéquation de règles politiques inadaptées, est l’une des expressions du politique dans l’Afrique contemporaine. La « démocratie », comme mode de gouvernement, loin d’être l’expression d’une pluralité des opinions, construites dans un for intérieur insondable, ainsi que le prescrivent les principes théoriques du libéralisme classique, est en fait souvent la tentative d’imposer un nouveau monopole politique. Les organes législatifs et les moyens étatiques d’exercice de la violence sont objets et enjeux des luttes sociales pour l’appropriation des biens. Interroger l’État et les formes de violence qui l’impliquent, c’est ainsi questionner la dynamique de la composition des valeurs sociales et de la définition des moyens légitimes de lutte. L’analyse de l’expression de la violence étatique est volontiers placé sous le registre de l’inadaptation, en tant que produit importé, tel un outil de gouvernement mal maîtrisé par des indigènes peu habitués aux règles de gouvernance modernes. Or l’espace politique et son institution principale, l’État, est obligatoirement sous l’influence des dynamiques historiques. Interroger l’État, c’est questionner les modes d’agglomération des groupes sociaux.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques

écrire à l'intervenant.

Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous pris par courriel.

Réception des candidats

sur rendez-vous pris par courriel.

Pré-requis
-
  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 25-A
    annuel / bimensuel (2e/4e), mardi 14:30-16:30
    du 8 novembre 2022 au 23 mai 2023
    Nombre de séances : 12

En poursuivant l’exploration des situations sociales complexes d’où émergent de formes multiples de violences, le séminaire en s’appuyant sur les coups d’états a examiné les tensions politiques qui informent les espaces de la domination locale. Les mémoires et  thèses des étudiants et mes ouvrages sur les cas ivoiriens et burkinabé ont permis une articulation féconde entre les concepts et les situations concrètes ; un grand intérêt fut accordé aux faits. Cinq intervenants extérieurs ont à chaque fois permis d’approfondir les aspects théoriques en le mettant à l’épreuve d’un cas particulier. Abderrahmane Moussaoui fut notre premier intervenant extérieur, professeur en anthropologie à l’Université Lyon 2, nous a gratifié une analyse lumineuse de Le hirak algérien et les fantômes du passé. La récurrence du slogan de Silmiya Silmiya (pacifique, pacifique), lui permet de remonter la source de cette obsession collective portée par des jeunes manifestants qui n’ont pas connu la colonisation. Cet appel au ‎pacifisme s’apparente, selon Abderrahmane Moussaoui, à ‎une ‎sorte d’exorcise d'un mal profond : la période coloniale et les années de violence. Le Hirak algérien est une demande pressante de sortie de violence qui hante encore les esprits. La séance animée par Sylvestre Meinzer anthropologue et cinéaste basée sur son film Les voies jaunes, raconte ce moment de l’histoire où revêtu d’un gilet jaune des femmes et des hommes se rassemblent pour exprimer leur colère et leur détermination à changer de monde. La narration filmique, immédiatement, met en exergue des vies palpables, dévoile les traces d’existence et donne chaire aux concepts, aux commentaires journalistiques. Patrice Yengo, pharmacien et anthropologue dans exposé sur Guerre civile du Congo-Brazzaville (1993-2002) et réajustement de la domination impérialenous conduit dans son verbe précis et poétique à comprendre comment la chute de l’Union soviétique entraina dans le Congo politique un réajustement violents de la domination impériale dont la recrudescence des conflits en Afrique sera un grand marqueur. En conjuguant un usage sophistiqué des théories anthropologiques et une conceptualisation issue du vocabulaire indigène, Patrice Yengo offre une interprétation extrêmement riche des réalités africaines souvent maltraitées par des perspectives étroites, réductionnistes, pauvres. Dans une perspective exploratoire, Elísio Macamo, professeur à l’Université de Bâle, en Suisse, nous a proposé l'examen minutieux de sa volonté de comprendre Imagination fertile et violence armée dans le nord du Mozambique. Il exprime des réserves théoriques sur la manière dont les sciences sociales abordent les phénomènes de violence contre l'État. Macamo pose que les commentateurs usent de « démons analytiques » et de « faits stylisés » pour imposer une projection simplement imaginaire sur la réalité, renoncant à comprendre la réalité concrète. Enfin, Daniela Ricci, cinéaste, enseignante à l’université de Nanterre propose un examen critique de la vie et de l’œuvre du cinéaste éthiopien Haile Gerima, dans un exposé intitulé Domination et formes des violences dans les films d’Afrique et des diasporas. À partir du fait que les violences coloniales marquent durablement les imaginaires des colonisés, Elle entreprend de démonter à travers cette œuvre singulière que le déni de reconnaissance, les injustices et l’exclusion sociale sont aussi des formes d’oppres­sion et que les cueillir à leurs racines permet de mieux les comprendre et d’en minimiser leurs effets. Le cinéma de Haile Gerima en mettant dans une forme propre ces violences historiques, insidieuses, milite contre les modes de domination qui s’enracinent dans les consciences et incite les spectateurs à s’en débarrasser. 

Le prochain cycle s’engagera l’étude des formes globales des violences localisées, manifestations paradoxales des fractures annoncées du monde désormais commun parce que divisé.