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UE259 - Anthropologie pragmatique. Rituel et diplomatie en Amérique indienne


Lieu et planning


  • EPHE
    escalier E, 1er étage, 17 rue de la Sorbonne 75005 Paris
    annuel / bimensuel (1re/3e), jeudi 11:00-13:00
    du 3 novembre 2022 au 15 juin 2023
    Nombre de séances : 16


Description


Dernière modification : 17 mai 2022 16:13

Type d'UE
Séminaires de centre
Centres
Laboratoire d'anthropologie sociale (LAS)
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie et linguistique Anthropologie sociale Ethnologie Fait religieux Interactions Politique Pragmatique Rituel Santé
Aires culturelles
Amérique du Sud
Intervenant·e·s

Ce séminaire de recherche aborde, dans une perspective comparatiste, les formes de communication amérindiennes, les interactions sociales, l’affectivité et les savoirs qui leurs sont attachés. Il présente les enjeux théoriques et méthodologiques d’une anthropologie du langage et des signes située dans la crise écopolitique contemporaine. On examine les usages de la traduction – interlinguistique, conceptuelle, intersémiotique – et les relations diplomatiques que les amérindiens mobilisent pour dialoguer avec les animaux ou les esprits, faire entendre leur voix sur les scènes nationales et internationales et transmettre leurs savoirs. Ces rapports diplomates qui génèrent à la fois instabilité (malentendus, conflits, incertitudes) et créativité, impliquent une transformation des manières de communiquer avec autrui. Chaque sujet s’engage en effet à traduire les mondes propre et alien au moyen de signes, afin d’établir une zone proximale de contact. On s’interroge sur cette zone grise de la rencontre, dans laquelle un dialogue prend place « à la lisière » entre les mondes et les espèces, dans des domaines tels que la chasse, le chamanisme ou la politique. L’étude de ces phénomènes s’inscrit dans une réflexion plus large sur la façon dont les sociétés humaines conceptualisent, d’un point de vue emic, l’ontologie propre au langage et l’efficacité de la parole rituelle et politique. Cette réflexion s’appuie sur des matériaux ethnolinguistiques et une série d'études de cas détaillées issues de l’ethnographie des sociétés amérindiennes en Amazonie et dans les Andes. Une attention particulière est prêtée à des aspects peu explorés de la communication linguistique, venant puiser dans l’expression sensible (geste, iconicité, rythme, mise en scène, performance dans l’espace public) et l’imagination rituelle.

Co-responsables du séminaire: Maddyson Borka (doctorante INALCO-Université Paris Nanterre). Emilio Frignati (doctorant LAS, EHESS), Paul Codjia (post-doctorant LAS, EHESS), Thomas Mouriès (postdoctorant, EREA/LAS, EHESS).

Programme 2022-2023

Semestre 1

Jeudi 3 novembre 2022 : Étiologie andine : agentivité et paradigmes de la relationnalité dans les Andes aymarophones

Les trois premières séances du séminaire visent à rendre compte de l’intégration du covid-19 au sein des conceptions étiologiques et ontologiques andines (Bolivie, Pérou, Chili), au moyen de l’anthropologie linguistique traitant de façon intégrée pratiques sociales et verbales. À partir d’une ethnographie menée auprès de locuteurs aymarophones sur la Isla de la Luna (Lac Titicaca, Bolivie), nous commencerons par présenter les catégories émiques de la maladie, du corps et de la personne, en mettant l’accent sur l’attribution de propriétés agentives aux entités pathogènes non-humaines, tant dans les discours qui les entourent  dans les pratiques rituelles visant à négocier les relations entretenues avec elles.

Jeudi 17 novembre 2022 : Kuruna virus uka usu katxirïstama « Le coronavirus, cette maladie, elle veut t’attraper » :  Une approche ethnosyntaxique des campagnes préventives en aymara face au covid-19 (Bolivie, Pérou, Chili)

Dès le début de la pandémie de covid-19, les gouvernements bolivien, péruvien et chilien ainsi que des organismes internationaux, ont lancé des campagnes de prévention en langue aymara visant à informer la population sur l’arrivée du nouveau virus, les symptômes permettant de reconnaître une personne contaminée, et les gestes barrières à adopter pour s’en protéger. En portant une attention particulière aux ressources morphosyntaxiques mobilisées dans ces campagnes, il s’agira de présenter et d’interroger l’usage de formes expressives significatives de l’attribution de propriétés agentives au coronavirus.

Jeudi 1er décembre 2022 : Accueillir le nouveau mallku. Retour sur la prophylaxie rituelle mise en place dans les Andes boliviennes lors de la pandémie de covid-19

Si l’analyse linguistique de discours en aymara autour du coronavirus révèle des formes d’encodage grammatical et lexical de propriétés agentives attribuées au virus, les pratiques rituelles préventives ou curatives qui lui sont associées, renvoient elles aussi à la possibilité de négocier avec cette entité pathogène et d’atténuer sa nocivité. L’ethnographie permet alors d’envisager ces pratiques prophylactiques et thérapeutiques, déployées depuis le début de la pandémie, comme des moments de communication avec un nouvel agent non-humain puissant, un mallku, avec qui les humains doivent désormais composer.

Jeudi 15 décembre 2022 : Dire « nous » en Amazonie péruvienne : la composition d’un collectif politique autochtone

Le premier défi des populations amazoniennes du Pérou a été de se penser ensemble comme un tout réflexif, un « nous, peuples autochtones » – autrement dit, de passer des guerres inter- ou intra-tribales à une communauté d’appartenance et de destin. Cette transformation compte au moins deux versants, qu’il est nécessaire de penser ensemble : les institutions, sorte de corps d’emprunt métamorphique, et les discours, où il faudra notamment interroger la catégorie juridico-politique de « peuple » en tant qu’opérateur d’identification à un « nous » et de distinction d’avec un « eux ».

Jeudi 5 janvier 2023 :  La rencontre des Amérindiens avec l’État : entrer dans l’histoire, défaire l’historicité, repenser le commun

Il ne s’agit pas ici de remonter aux premières rencontres entre les Indiens d’Amérique et les États coloniaux ou post-coloniaux, mais de partir d’une ethnographie précise où cette rencontre a eu lieu et où l’État péruvien tente d’absorber ses interlocuteurs indigènes dans une histoire nationale édifiante. La réponse des leaders autochtones d’Amazonie, sans nier leur appartenance à l’histoire, consista alors à opérer une série d’esquives et d’écarts qui dessinèrent une autre manière de penser la temporalité historique, une autre manière d’agir dans l’histoire et, enfin, une autre manière d’imaginer la possibilité d’un monde commun.

Jeudi 19 janvier 2023 : Médecine interculturelle dans les Andes boliviennes en temps de pandémie

Depuis la fin des années 1970, la médecine dite traditionnelle connaît un processus de bureaucratisation qui s’est accéléré en Bolivie depuis l’arrivée d’Evo Morales au pouvoir en 2006. A partir de la comparaison de parcours thérapeutiques de locuteurs aymarophones contaminés au covid-19, à la fois en zones urbaines (El Alto, La Paz) et rurales (Isla de la Luna, Copacabana), il s’agira de montrer comment le recours à la medicina tradicional s’inscrit à la fois dans un rapport d’opposition et de complémentarité à la biomédecine occidentale, tant dans les pratiques individuelles que dans la praxis de l’Etat bolivien.

Jeudi 2 février 2023 : Une cosmopolitique de la vision : comment un motif cosmologique se transfère du champ rituel au champ politique ?

La politique amérindienne se singularise non seulement par la manière dont elle emprunte avec succès des éléments extérieurs (institutions, règles, discours) mais, surtout, par la manière dont elle les transforme à partir de motifs cosmologiques coutumiers, comme celui, par exemple, de la quête visionnaire chez les Awajún d’Amazonie péruvienne. Il s’agira alors d’analyser comment ces motifs sont transposés et transformés dans ce passage d’un champ d’application à un autre, du rituel au politique, et avec quels effets.

Jeudi 16 février 2023 : Le guerrier et le diplomate : deux styles de la politique amérindienne

Si les leaders autochtones d’Amazonie péruvienne se réclament souvent d’un ethos guerrier dans leur manière de faire de la politique, ce style n’est pas exclusif et il peut varier selon les groupes ethniques considérés. Dans cette séance, nous comparerons le style confrontationnel des Awajún à celui, plus diplomatique, des Shipibos – tous deux en Amazonie péruvienne. Ce faisant, nous explorerons aussi les soubassements cosmologiques de ces deux styles de communication politique.

Semestre 2

Jeudi 9 mars 2023 : Chants rituels, émotion et imagination en Amazonie

Chez les populations Aent chicham, il existe un objet rituel singulier : les chants anen réputés posséder le pouvoir d’influencer les émotions et les pensées des allocutaires humains, animaux ou végétaux à condition qu’ils soient énoncés mentalement. Pour comprendre l’efficacité postulée de ces chants, il faudra, dans un premier temps, saisir les conceptions locales relatives à l’affectivité puis étudier les conditions de leur énonciation. Nous découvrirons qu’il s’agit de véritables techniques de l’imagination.

Jeudi 23 mars 2023 : Amour et deuil. Pragmatique des interactions imaginées

Nous continuerons l’exploration de l’efficacité postulée des chants anen à travers l’étude de deux contextes typiques de leur énonciation : la relation amoureuse et le deuil. Les émotions intenses alors ressenties sont considérées comme les effets d’une interaction en cours avec l’être aimé (même absent) ou le mort. La communication rituelle silencieuse grâce aux anen n’est possible que parce que ce collectif admet la possibilité d’interactions par la pensée, attestées par leur impact affectif sur celui qui les vit. Cette possibilité a des conséquences cruciales sur les processus locaux d'inférence et d’interprétation des situations d’interactions. Nous esquisserons les contours d’une pragmatique des interactions imaginées articulant le visible et l’invisible, le dit et le non-dit.

Jeudi 6 avril 2023 : Nouvelles formes de gouvernance et apprentissage rituel du leadership chez les peuples wampis d’Amazonie

Depuis 2015, des Gouvernements autochtones autoproclamés voient le jour au Nord de l’Amazonie péruvienne pour protéger les territoires des entreprises extractives. Ces nouvelles structures politiques combinent des outils étatiques et des formes de leadership plus « traditionnelles ». Les fondateurs du Gouvernement Wampis promeuvent un leadership dont on peut faire l’apprentissage à travers des rituels de quêtes visionnaires. Cette séance explorera en termes affectifs la nature de la relation entre un leader et ses suiveurs à partir de l’analyse de ces rituels et des chants anen énoncés à l’occasion.

Jeudi 20 avril 2023 : Un gouvernement de « visionnaires » : hiérarchie et autonomie en tension

La structure hiérarchique de ces nouveaux gouvernements autochtones entre en tension avec l’attachement des individus et de leur famille à leur autonomie, une valeur cardinale chez les groupes régionaux : on rechigne à se soumettre à l’autorité d’un non-consanguin. Cette séance s’attachera à décrire les ressorts verbaux, interactionnels et émotionnels employés par les leaders élus et les autres participants lors des assemblées pour résoudre cette tension, conduisant à une forme de paradoxe du leadership wampis.

Jeudi 11 mai 2023 : La Légende de Yuruparí et le savoir rituel dans le Vaupés amazonien : plurilinguisme, relations interethniques et rapports aux non-humains

Cette séance a pour objectif premier de familiariser les auditeurs et auditrices avec les formes du savoir rituel dans le contexte propre à la région du Vaupés. Pour cela, l’étude d’un texte historique datant de la fin du XIXe siècle – la Légende de Yuruparí – sert de fil conducteur. Elle permet d’une part de souligner l’aspect plurilingue et interethnique des mythes, des incantations et des chants chamaniques dans la région et, d’autre part, d’aborder la question des transformations historiques de ces savoirs dans le contexte colonial.

Jeudi 25 mai 2023 : Une Babel amazonienne ? De quelques conceptions tukano sur l’origine et la séparation des langues

Le thème de la confusio linguarum n’est pas un attribut exclusif des traditions européennes. C’est en des termes fort différents de la Genèse (11 : 1-9) et selon un positionnement ontologique autre que les peuples tukano du Vaupés amazonien ont apporté des réponses aux questionnements sur l’origine et la multiplicité des langues. Celles-ci prennent la forme de mythes et d’incantations dont l’étude s’avère essentielle pour comprendre les théories locales du langage et, partant, les modes de communication rituelle entre humains et non-humains.

Jeudi 8 juin 2023 : Kapiwaya et chants des animaux : langage opaque et communication trans-spécifique

L’exposition comparative de deux registres de chants rituels – les kapiwaya et les chants des animaux – vise à identifier des caractéristiques et des mécanismes communs à différentes formes de communication rituelle dans le Vaupés amazonien. Selon cette perspective, l’utilisation d’un langage opaque et la pratique des « masques sonores » sont envisagés comme des éléments fondateurs de l’établissement d’une communication par-delà les frontières spécifiques.

Jeudi 15 juin 2023 : L’hétérophonie comme dispositif rituel : accumulation de voix et présence d’esprits

À partir de l’ethnographie détaillée d’un rituel et des divers évènements discursifs qui le structurent, l’analyse s’intéresse à l’importance de l’hétérophonie comme dispositif musical et rituel permettant, dans le Vaupés amazonien, de suggérer la présence d’une multitude d’esprits non-humains. L’accumulation simultanée de diverses voix et registres musicaux indépendants produit une couche sonore feuilletée où se donnent à entendre des identités sociales et ontologiques diverses, qui coexistent sur la scène rituelle.


Master


Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.


Renseignements


Contacts additionnels
frignatie@gmail.com maddyson.borka@gmail.com thomas.mouries@gmail.com paul.codjia@hotmail.fr
Informations pratiques

le séminaire a lieu les jeudis en Sorbonne, 17 rue de la Sorbonne, EPHE, escalier E, 1er étage, de 11 h à 13 h, du 3 novembre 2022 au 15 juin 2023 .

 

Direction de travaux des étudiants

pas de direction des travaux étudiants pour l'année 2022-2023.

Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Dernière modification : 17 mai 2022 16:13

Type d'UE
Séminaires de centre
Centres
Laboratoire d'anthropologie sociale (LAS)
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie et linguistique Anthropologie sociale Ethnologie Fait religieux Interactions Politique Pragmatique Rituel Santé
Aires culturelles
Amérique du Sud
Intervenant·e·s

Ce séminaire de recherche aborde, dans une perspective comparatiste, les formes de communication amérindiennes, les interactions sociales, l’affectivité et les savoirs qui leurs sont attachés. Il présente les enjeux théoriques et méthodologiques d’une anthropologie du langage et des signes située dans la crise écopolitique contemporaine. On examine les usages de la traduction – interlinguistique, conceptuelle, intersémiotique – et les relations diplomatiques que les amérindiens mobilisent pour dialoguer avec les animaux ou les esprits, faire entendre leur voix sur les scènes nationales et internationales et transmettre leurs savoirs. Ces rapports diplomates qui génèrent à la fois instabilité (malentendus, conflits, incertitudes) et créativité, impliquent une transformation des manières de communiquer avec autrui. Chaque sujet s’engage en effet à traduire les mondes propre et alien au moyen de signes, afin d’établir une zone proximale de contact. On s’interroge sur cette zone grise de la rencontre, dans laquelle un dialogue prend place « à la lisière » entre les mondes et les espèces, dans des domaines tels que la chasse, le chamanisme ou la politique. L’étude de ces phénomènes s’inscrit dans une réflexion plus large sur la façon dont les sociétés humaines conceptualisent, d’un point de vue emic, l’ontologie propre au langage et l’efficacité de la parole rituelle et politique. Cette réflexion s’appuie sur des matériaux ethnolinguistiques et une série d'études de cas détaillées issues de l’ethnographie des sociétés amérindiennes en Amazonie et dans les Andes. Une attention particulière est prêtée à des aspects peu explorés de la communication linguistique, venant puiser dans l’expression sensible (geste, iconicité, rythme, mise en scène, performance dans l’espace public) et l’imagination rituelle.

Co-responsables du séminaire: Maddyson Borka (doctorante INALCO-Université Paris Nanterre). Emilio Frignati (doctorant LAS, EHESS), Paul Codjia (post-doctorant LAS, EHESS), Thomas Mouriès (postdoctorant, EREA/LAS, EHESS).

Programme 2022-2023

Semestre 1

Jeudi 3 novembre 2022 : Étiologie andine : agentivité et paradigmes de la relationnalité dans les Andes aymarophones

Les trois premières séances du séminaire visent à rendre compte de l’intégration du covid-19 au sein des conceptions étiologiques et ontologiques andines (Bolivie, Pérou, Chili), au moyen de l’anthropologie linguistique traitant de façon intégrée pratiques sociales et verbales. À partir d’une ethnographie menée auprès de locuteurs aymarophones sur la Isla de la Luna (Lac Titicaca, Bolivie), nous commencerons par présenter les catégories émiques de la maladie, du corps et de la personne, en mettant l’accent sur l’attribution de propriétés agentives aux entités pathogènes non-humaines, tant dans les discours qui les entourent  dans les pratiques rituelles visant à négocier les relations entretenues avec elles.

Jeudi 17 novembre 2022 : Kuruna virus uka usu katxirïstama « Le coronavirus, cette maladie, elle veut t’attraper » :  Une approche ethnosyntaxique des campagnes préventives en aymara face au covid-19 (Bolivie, Pérou, Chili)

Dès le début de la pandémie de covid-19, les gouvernements bolivien, péruvien et chilien ainsi que des organismes internationaux, ont lancé des campagnes de prévention en langue aymara visant à informer la population sur l’arrivée du nouveau virus, les symptômes permettant de reconnaître une personne contaminée, et les gestes barrières à adopter pour s’en protéger. En portant une attention particulière aux ressources morphosyntaxiques mobilisées dans ces campagnes, il s’agira de présenter et d’interroger l’usage de formes expressives significatives de l’attribution de propriétés agentives au coronavirus.

Jeudi 1er décembre 2022 : Accueillir le nouveau mallku. Retour sur la prophylaxie rituelle mise en place dans les Andes boliviennes lors de la pandémie de covid-19

Si l’analyse linguistique de discours en aymara autour du coronavirus révèle des formes d’encodage grammatical et lexical de propriétés agentives attribuées au virus, les pratiques rituelles préventives ou curatives qui lui sont associées, renvoient elles aussi à la possibilité de négocier avec cette entité pathogène et d’atténuer sa nocivité. L’ethnographie permet alors d’envisager ces pratiques prophylactiques et thérapeutiques, déployées depuis le début de la pandémie, comme des moments de communication avec un nouvel agent non-humain puissant, un mallku, avec qui les humains doivent désormais composer.

Jeudi 15 décembre 2022 : Dire « nous » en Amazonie péruvienne : la composition d’un collectif politique autochtone

Le premier défi des populations amazoniennes du Pérou a été de se penser ensemble comme un tout réflexif, un « nous, peuples autochtones » – autrement dit, de passer des guerres inter- ou intra-tribales à une communauté d’appartenance et de destin. Cette transformation compte au moins deux versants, qu’il est nécessaire de penser ensemble : les institutions, sorte de corps d’emprunt métamorphique, et les discours, où il faudra notamment interroger la catégorie juridico-politique de « peuple » en tant qu’opérateur d’identification à un « nous » et de distinction d’avec un « eux ».

Jeudi 5 janvier 2023 :  La rencontre des Amérindiens avec l’État : entrer dans l’histoire, défaire l’historicité, repenser le commun

Il ne s’agit pas ici de remonter aux premières rencontres entre les Indiens d’Amérique et les États coloniaux ou post-coloniaux, mais de partir d’une ethnographie précise où cette rencontre a eu lieu et où l’État péruvien tente d’absorber ses interlocuteurs indigènes dans une histoire nationale édifiante. La réponse des leaders autochtones d’Amazonie, sans nier leur appartenance à l’histoire, consista alors à opérer une série d’esquives et d’écarts qui dessinèrent une autre manière de penser la temporalité historique, une autre manière d’agir dans l’histoire et, enfin, une autre manière d’imaginer la possibilité d’un monde commun.

Jeudi 19 janvier 2023 : Médecine interculturelle dans les Andes boliviennes en temps de pandémie

Depuis la fin des années 1970, la médecine dite traditionnelle connaît un processus de bureaucratisation qui s’est accéléré en Bolivie depuis l’arrivée d’Evo Morales au pouvoir en 2006. A partir de la comparaison de parcours thérapeutiques de locuteurs aymarophones contaminés au covid-19, à la fois en zones urbaines (El Alto, La Paz) et rurales (Isla de la Luna, Copacabana), il s’agira de montrer comment le recours à la medicina tradicional s’inscrit à la fois dans un rapport d’opposition et de complémentarité à la biomédecine occidentale, tant dans les pratiques individuelles que dans la praxis de l’Etat bolivien.

Jeudi 2 février 2023 : Une cosmopolitique de la vision : comment un motif cosmologique se transfère du champ rituel au champ politique ?

La politique amérindienne se singularise non seulement par la manière dont elle emprunte avec succès des éléments extérieurs (institutions, règles, discours) mais, surtout, par la manière dont elle les transforme à partir de motifs cosmologiques coutumiers, comme celui, par exemple, de la quête visionnaire chez les Awajún d’Amazonie péruvienne. Il s’agira alors d’analyser comment ces motifs sont transposés et transformés dans ce passage d’un champ d’application à un autre, du rituel au politique, et avec quels effets.

Jeudi 16 février 2023 : Le guerrier et le diplomate : deux styles de la politique amérindienne

Si les leaders autochtones d’Amazonie péruvienne se réclament souvent d’un ethos guerrier dans leur manière de faire de la politique, ce style n’est pas exclusif et il peut varier selon les groupes ethniques considérés. Dans cette séance, nous comparerons le style confrontationnel des Awajún à celui, plus diplomatique, des Shipibos – tous deux en Amazonie péruvienne. Ce faisant, nous explorerons aussi les soubassements cosmologiques de ces deux styles de communication politique.

Semestre 2

Jeudi 9 mars 2023 : Chants rituels, émotion et imagination en Amazonie

Chez les populations Aent chicham, il existe un objet rituel singulier : les chants anen réputés posséder le pouvoir d’influencer les émotions et les pensées des allocutaires humains, animaux ou végétaux à condition qu’ils soient énoncés mentalement. Pour comprendre l’efficacité postulée de ces chants, il faudra, dans un premier temps, saisir les conceptions locales relatives à l’affectivité puis étudier les conditions de leur énonciation. Nous découvrirons qu’il s’agit de véritables techniques de l’imagination.

Jeudi 23 mars 2023 : Amour et deuil. Pragmatique des interactions imaginées

Nous continuerons l’exploration de l’efficacité postulée des chants anen à travers l’étude de deux contextes typiques de leur énonciation : la relation amoureuse et le deuil. Les émotions intenses alors ressenties sont considérées comme les effets d’une interaction en cours avec l’être aimé (même absent) ou le mort. La communication rituelle silencieuse grâce aux anen n’est possible que parce que ce collectif admet la possibilité d’interactions par la pensée, attestées par leur impact affectif sur celui qui les vit. Cette possibilité a des conséquences cruciales sur les processus locaux d'inférence et d’interprétation des situations d’interactions. Nous esquisserons les contours d’une pragmatique des interactions imaginées articulant le visible et l’invisible, le dit et le non-dit.

Jeudi 6 avril 2023 : Nouvelles formes de gouvernance et apprentissage rituel du leadership chez les peuples wampis d’Amazonie

Depuis 2015, des Gouvernements autochtones autoproclamés voient le jour au Nord de l’Amazonie péruvienne pour protéger les territoires des entreprises extractives. Ces nouvelles structures politiques combinent des outils étatiques et des formes de leadership plus « traditionnelles ». Les fondateurs du Gouvernement Wampis promeuvent un leadership dont on peut faire l’apprentissage à travers des rituels de quêtes visionnaires. Cette séance explorera en termes affectifs la nature de la relation entre un leader et ses suiveurs à partir de l’analyse de ces rituels et des chants anen énoncés à l’occasion.

Jeudi 20 avril 2023 : Un gouvernement de « visionnaires » : hiérarchie et autonomie en tension

La structure hiérarchique de ces nouveaux gouvernements autochtones entre en tension avec l’attachement des individus et de leur famille à leur autonomie, une valeur cardinale chez les groupes régionaux : on rechigne à se soumettre à l’autorité d’un non-consanguin. Cette séance s’attachera à décrire les ressorts verbaux, interactionnels et émotionnels employés par les leaders élus et les autres participants lors des assemblées pour résoudre cette tension, conduisant à une forme de paradoxe du leadership wampis.

Jeudi 11 mai 2023 : La Légende de Yuruparí et le savoir rituel dans le Vaupés amazonien : plurilinguisme, relations interethniques et rapports aux non-humains

Cette séance a pour objectif premier de familiariser les auditeurs et auditrices avec les formes du savoir rituel dans le contexte propre à la région du Vaupés. Pour cela, l’étude d’un texte historique datant de la fin du XIXe siècle – la Légende de Yuruparí – sert de fil conducteur. Elle permet d’une part de souligner l’aspect plurilingue et interethnique des mythes, des incantations et des chants chamaniques dans la région et, d’autre part, d’aborder la question des transformations historiques de ces savoirs dans le contexte colonial.

Jeudi 25 mai 2023 : Une Babel amazonienne ? De quelques conceptions tukano sur l’origine et la séparation des langues

Le thème de la confusio linguarum n’est pas un attribut exclusif des traditions européennes. C’est en des termes fort différents de la Genèse (11 : 1-9) et selon un positionnement ontologique autre que les peuples tukano du Vaupés amazonien ont apporté des réponses aux questionnements sur l’origine et la multiplicité des langues. Celles-ci prennent la forme de mythes et d’incantations dont l’étude s’avère essentielle pour comprendre les théories locales du langage et, partant, les modes de communication rituelle entre humains et non-humains.

Jeudi 8 juin 2023 : Kapiwaya et chants des animaux : langage opaque et communication trans-spécifique

L’exposition comparative de deux registres de chants rituels – les kapiwaya et les chants des animaux – vise à identifier des caractéristiques et des mécanismes communs à différentes formes de communication rituelle dans le Vaupés amazonien. Selon cette perspective, l’utilisation d’un langage opaque et la pratique des « masques sonores » sont envisagés comme des éléments fondateurs de l’établissement d’une communication par-delà les frontières spécifiques.

Jeudi 15 juin 2023 : L’hétérophonie comme dispositif rituel : accumulation de voix et présence d’esprits

À partir de l’ethnographie détaillée d’un rituel et des divers évènements discursifs qui le structurent, l’analyse s’intéresse à l’importance de l’hétérophonie comme dispositif musical et rituel permettant, dans le Vaupés amazonien, de suggérer la présence d’une multitude d’esprits non-humains. L’accumulation simultanée de diverses voix et registres musicaux indépendants produit une couche sonore feuilletée où se donnent à entendre des identités sociales et ontologiques diverses, qui coexistent sur la scène rituelle.

Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.

Contacts additionnels
frignatie@gmail.com maddyson.borka@gmail.com thomas.mouries@gmail.com paul.codjia@hotmail.fr
Informations pratiques

le séminaire a lieu les jeudis en Sorbonne, 17 rue de la Sorbonne, EPHE, escalier E, 1er étage, de 11 h à 13 h, du 3 novembre 2022 au 15 juin 2023 .

 

Direction de travaux des étudiants

pas de direction des travaux étudiants pour l'année 2022-2023.

Réception des candidats
-
Pré-requis
-
  • EPHE
    escalier E, 1er étage, 17 rue de la Sorbonne 75005 Paris
    annuel / bimensuel (1re/3e), jeudi 11:00-13:00
    du 3 novembre 2022 au 15 juin 2023
    Nombre de séances : 16