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UE254 - Eros et démocratie : le destin du féminin


Lieu et planning


  • Campus Condorcet (GED/bât. recherche Sud/Nord)
    Salle 2.11 - Humathèque (ex-Grand équipement documentaire/GED)
    Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    annuel / bimensuel (1re/3e), jeudi 14:30-18:30
    du 17 novembre 2022 au 1er juin 2023
    Nombre de séances : 12

    La séance du 19 janvier 2023 est reportée au 26 janvier 2023, salle A102, bâtiment EHESS, Campus Condorcet


Description


Dernière modification : 27 septembre 2022 17:33

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Philosophie et épistémologie, Signes, formes, représentations, Sociologie
Page web
-
Langues
français
L’enseignement est uniquement dispensé dans cette langue.
Mots-clés
Affects Anthropologie Arts Corps Culture Démocratie Féminisme Imaginaire Nazisme Philosophie Psychanalyse Sexualité Shoah
Aires culturelles
Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Agnès Antoine [référent·e]   professeure agrégée, EHESS / Centre des savoirs sur le politique : recherches et analyses (CESPRA)

Ce séminaire s’inscrit dans le cadre d’une réflexion philosophique et psychanalytique sur le  «malaise dans la civilisation  démocratique » et le type de renoncement pulsionnel qu’a induit l’idéologie de la rationalité dans le régime socio-politique de l’égalité, alors même qu’il est porteur d’une promesse de « réhabilitation de la chair », pour parler comme les Saint-Simoniens.  Pour dessiner ce que pourrait être une « démocratie sensible » et analyser le changement de civilisation en cours du fait de l’effacement progressif des derniers vestiges patriarcaux, nous explorons la question du féminin symbolique et de son destin culturel passé et à venir, et tout particulièrement l’énigme de son déni ou de son refoulement.

Cette année, nous continuerons à nous intéresser au versant « pathique » de l’existence humaine, si souvent dénié ou dévalorisé, en explorant plus avant la trilogie « sensation, figuration / représentation,  création ». Il s’agira de revenir à l’enracinement corporel et sensible du psychisme humain, et d’analyser les différents processus et formes de symbolisation de l’épreuve du monde, pour aboutir à une réflexion sur la spécificité du travail de création. 

Nous approcherons cette archéologie du sensible, de la trace à l’œuvre, à travers des textes psychanalytiques, en particulier ceux de Freud (Le délire et les rêves dans La Gradiva de Jensen, Le malaise dans la culture), Lacan (L’éthique de la psychanalyse) et Didier Anzieu ( Le moi-peau et Le corps de l’œuvre. Essais psychanalytiques sur le travail créateur), mais aussi à travers des textes philosophiques et littéraires  (Y. Bonnefoy, R. Barthes etc).  Nous privilégierons également la rencontre sensible d’œuvres plastiques, selon une «science affective» en résonance avec les strates psychiques explorées et leur mode de connaissance.

Le séminaire court sur deux semestres et sa seconde moitié se déroulera sur un mode plus participatif : les étudiants seront invités à présenter dans un exposé oral personnel les réflexions qu’ont fait naître en eux le parcours du premier semestre, à partir de leur propre champ de recherche et de lectures qui leur auront été suggérées.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Formes et objets – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 12 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Pratiques, discours et usages – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 12 ECTS
    MCC – exposé oral

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

par courriel : agnes.antoine@ehess.fr

Pré-requis
-

Compte rendu


Cette année, l’exploration de la question du sensible, de son lien avec le féminin, des forces de résistance civilisationnelles à leur égard, m’a amenée à approfondir la dimension « pathique » de l’existence humaine, si souvent déniée ou dévalorisée. Il s’est agi de revenir à l’enracinement corporel et sensible du psychisme humain, et d’analyser les différents processus et formes de symbolisation de l’épreuve du monde, depuis les enregistrements de traces sensorielles et émotionnelles jusqu’aux œuvres matérialisées, pour aboutir à une réflexion sur la spécificité du travail de création.

Après un rappel de la théorie freudienne de la culture comme renoncement pulsionnel, nous avons réfléchi au changement contemporain de régime symbolique collectif et de régime psychique individuel qui résulte d’un moindre renoncement à la nature et d’une plus grande proximité à l’origine. Nous y avons été introduits par le texte d’Yves Bonnefoy ( 1992) sur la série marine du peintre Pierre Alechinsky, les Traversées : le poète y souligne les liens entre régime culturel et régime de signes, et fait l’éloge à cet égard des contrées psychiques et des registres d’expression qu’a ré-ouvert en Occident le « romantisme nordique », dont le langage pictural d’Alechinsky, explorant la marge et les confins,  lui semble emblématique.

Nous avons rappelé que Freud, passionné par l’Antiquité, avait d’emblée pensé la psychanalyse comme une archéologie du psychisme et utilisé quant à lui la métaphore de la ville enfouie sous des strates ou des constructions ultérieures pour penser l’origine et la psychogenèse. Son commentaire (1907) de la nouvelle de Wilhelm Jensen, Gradiva, une fantaisie pompéienne (1903), que nous avons alors étudié en détail, déploie cette métaphore pour mieux établir la force des processus inconscients et la spécificité de leur grammaire, à travers les rêves et délires envahissants d’un héros archéologue, prisonnier de sa rationalité et de son idéalisme. 

Mais jusqu’où l’inventeur de la psychanalyse a-t-il poussé son exploration ? Que nous révèle le bas-relief de la Gradiva, ce moulage d’une femme antique qui a séduit tant Jensen, que son héros Norbert, puis Jung, Freud et ses successeurs (nous avons projeté le film « surréaliste » de Raymonde Carasco, Gradiva, esquisse I [1977]) ? Quel souvenir y est-il « commémoré » ? Dans un texte fondateur de 1896 (lettre 52/112 à W. Fliess), Freud a énoncé l’idée non seulement qu’il y a différentes strates ou régimes de langage dans le psychisme humain, mais qu’ils correspondent à des formes d’enregistrement et de représentation de sensations qui se sont succédées depuis l’origine suivant un processus de « traduction ». Pouvons-nous recontacter, plus encore que Freud, et comme le suggère Yves Bonnefoy, ces proto-représentations et leur mécanisme de symbolisation ?

J’ai présenté alors ce que la psychanalyse postfreudienne et contemporaine a apporté de nouveau sur les signifiants les plus archaïques, précédant les signifiants imagés et langagiers. J’ai évoqué en particulier la conceptualisation d’un processus psychique « originaire » et de ses « pictogrammes » chez Piera Aulagnier (cf. La violence de l’interprétation, 1975) et celle de signifiants de forme, dits « formels », chez Didier Anzieu (cf. Les enveloppes psychiques, 1987). J’ai aussi développé, en m’appuyant entre autres sur  le tableau d’André Masson Gradiva (1939), mes hypothèses sur la nature des premières traces mémorisées et sur leurs primes représentations, que je rattache aux éprouvés de  la vie fœtale et du passage natal, comme Otto Rank en avait déjà eu l’intuition un siècle plus tôt.

L’intérêt de cet approfondissement « archéologique », pour tous ceux qui réfléchissent sur l’art, est de nous conduire à dégager les « briques élémentaires » de l’imaginaire, selon l’expression du psychanalyste Bernard Golse, et de nous permettre d’élucider les sources du processus de création.

Dans la dernière partie du séminaire, nous avons commencé à travailler l’ouvrage de Didier Anzieu consacré à l’analyse de ce processus, Le corps de l’œuvre. Essais psychanalytiques sur le travail créateur (1981) et à dialoguer avec lui, à l’aune de ces avancées contemporaines sur l’originaire.

La visite en groupe de l’exposition Monet-Mitchell, qui se tenait à la Fondation Vuitton (5 novembre 2022-27 février 2023) nous a permis d’explorer concrètement ce processus et ses soubassements psychiques, à travers les œuvres et les témoignages parlés/écrits de ces deux artistes en quête de capture des sensations ressenties et des émotions qui leur sont liées. Un retour sur Alechinsky « à l’œuvre », à travers le documentaire de Robert Buber, Alechinsky, l’œil du peintre (1997), a complété cette enquête.

Dernière modification : 27 septembre 2022 17:33

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Philosophie et épistémologie, Signes, formes, représentations, Sociologie
Page web
-
Langues
français
L’enseignement est uniquement dispensé dans cette langue.
Mots-clés
Affects Anthropologie Arts Corps Culture Démocratie Féminisme Imaginaire Nazisme Philosophie Psychanalyse Sexualité Shoah
Aires culturelles
Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Agnès Antoine [référent·e]   professeure agrégée, EHESS / Centre des savoirs sur le politique : recherches et analyses (CESPRA)

Ce séminaire s’inscrit dans le cadre d’une réflexion philosophique et psychanalytique sur le  «malaise dans la civilisation  démocratique » et le type de renoncement pulsionnel qu’a induit l’idéologie de la rationalité dans le régime socio-politique de l’égalité, alors même qu’il est porteur d’une promesse de « réhabilitation de la chair », pour parler comme les Saint-Simoniens.  Pour dessiner ce que pourrait être une « démocratie sensible » et analyser le changement de civilisation en cours du fait de l’effacement progressif des derniers vestiges patriarcaux, nous explorons la question du féminin symbolique et de son destin culturel passé et à venir, et tout particulièrement l’énigme de son déni ou de son refoulement.

Cette année, nous continuerons à nous intéresser au versant « pathique » de l’existence humaine, si souvent dénié ou dévalorisé, en explorant plus avant la trilogie « sensation, figuration / représentation,  création ». Il s’agira de revenir à l’enracinement corporel et sensible du psychisme humain, et d’analyser les différents processus et formes de symbolisation de l’épreuve du monde, pour aboutir à une réflexion sur la spécificité du travail de création. 

Nous approcherons cette archéologie du sensible, de la trace à l’œuvre, à travers des textes psychanalytiques, en particulier ceux de Freud (Le délire et les rêves dans La Gradiva de Jensen, Le malaise dans la culture), Lacan (L’éthique de la psychanalyse) et Didier Anzieu ( Le moi-peau et Le corps de l’œuvre. Essais psychanalytiques sur le travail créateur), mais aussi à travers des textes philosophiques et littéraires  (Y. Bonnefoy, R. Barthes etc).  Nous privilégierons également la rencontre sensible d’œuvres plastiques, selon une «science affective» en résonance avec les strates psychiques explorées et leur mode de connaissance.

Le séminaire court sur deux semestres et sa seconde moitié se déroulera sur un mode plus participatif : les étudiants seront invités à présenter dans un exposé oral personnel les réflexions qu’ont fait naître en eux le parcours du premier semestre, à partir de leur propre champ de recherche et de lectures qui leur auront été suggérées.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Formes et objets – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 12 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Pratiques, discours et usages – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 12 ECTS
    MCC – exposé oral
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

par courriel : agnes.antoine@ehess.fr

Pré-requis
-
  • Campus Condorcet (GED/bât. recherche Sud/Nord)
    Salle 2.11 - Humathèque (ex-Grand équipement documentaire/GED)
    Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    annuel / bimensuel (1re/3e), jeudi 14:30-18:30
    du 17 novembre 2022 au 1er juin 2023
    Nombre de séances : 12

    La séance du 19 janvier 2023 est reportée au 26 janvier 2023, salle A102, bâtiment EHESS, Campus Condorcet

Cette année, l’exploration de la question du sensible, de son lien avec le féminin, des forces de résistance civilisationnelles à leur égard, m’a amenée à approfondir la dimension « pathique » de l’existence humaine, si souvent déniée ou dévalorisée. Il s’est agi de revenir à l’enracinement corporel et sensible du psychisme humain, et d’analyser les différents processus et formes de symbolisation de l’épreuve du monde, depuis les enregistrements de traces sensorielles et émotionnelles jusqu’aux œuvres matérialisées, pour aboutir à une réflexion sur la spécificité du travail de création.

Après un rappel de la théorie freudienne de la culture comme renoncement pulsionnel, nous avons réfléchi au changement contemporain de régime symbolique collectif et de régime psychique individuel qui résulte d’un moindre renoncement à la nature et d’une plus grande proximité à l’origine. Nous y avons été introduits par le texte d’Yves Bonnefoy ( 1992) sur la série marine du peintre Pierre Alechinsky, les Traversées : le poète y souligne les liens entre régime culturel et régime de signes, et fait l’éloge à cet égard des contrées psychiques et des registres d’expression qu’a ré-ouvert en Occident le « romantisme nordique », dont le langage pictural d’Alechinsky, explorant la marge et les confins,  lui semble emblématique.

Nous avons rappelé que Freud, passionné par l’Antiquité, avait d’emblée pensé la psychanalyse comme une archéologie du psychisme et utilisé quant à lui la métaphore de la ville enfouie sous des strates ou des constructions ultérieures pour penser l’origine et la psychogenèse. Son commentaire (1907) de la nouvelle de Wilhelm Jensen, Gradiva, une fantaisie pompéienne (1903), que nous avons alors étudié en détail, déploie cette métaphore pour mieux établir la force des processus inconscients et la spécificité de leur grammaire, à travers les rêves et délires envahissants d’un héros archéologue, prisonnier de sa rationalité et de son idéalisme. 

Mais jusqu’où l’inventeur de la psychanalyse a-t-il poussé son exploration ? Que nous révèle le bas-relief de la Gradiva, ce moulage d’une femme antique qui a séduit tant Jensen, que son héros Norbert, puis Jung, Freud et ses successeurs (nous avons projeté le film « surréaliste » de Raymonde Carasco, Gradiva, esquisse I [1977]) ? Quel souvenir y est-il « commémoré » ? Dans un texte fondateur de 1896 (lettre 52/112 à W. Fliess), Freud a énoncé l’idée non seulement qu’il y a différentes strates ou régimes de langage dans le psychisme humain, mais qu’ils correspondent à des formes d’enregistrement et de représentation de sensations qui se sont succédées depuis l’origine suivant un processus de « traduction ». Pouvons-nous recontacter, plus encore que Freud, et comme le suggère Yves Bonnefoy, ces proto-représentations et leur mécanisme de symbolisation ?

J’ai présenté alors ce que la psychanalyse postfreudienne et contemporaine a apporté de nouveau sur les signifiants les plus archaïques, précédant les signifiants imagés et langagiers. J’ai évoqué en particulier la conceptualisation d’un processus psychique « originaire » et de ses « pictogrammes » chez Piera Aulagnier (cf. La violence de l’interprétation, 1975) et celle de signifiants de forme, dits « formels », chez Didier Anzieu (cf. Les enveloppes psychiques, 1987). J’ai aussi développé, en m’appuyant entre autres sur  le tableau d’André Masson Gradiva (1939), mes hypothèses sur la nature des premières traces mémorisées et sur leurs primes représentations, que je rattache aux éprouvés de  la vie fœtale et du passage natal, comme Otto Rank en avait déjà eu l’intuition un siècle plus tôt.

L’intérêt de cet approfondissement « archéologique », pour tous ceux qui réfléchissent sur l’art, est de nous conduire à dégager les « briques élémentaires » de l’imaginaire, selon l’expression du psychanalyste Bernard Golse, et de nous permettre d’élucider les sources du processus de création.

Dans la dernière partie du séminaire, nous avons commencé à travailler l’ouvrage de Didier Anzieu consacré à l’analyse de ce processus, Le corps de l’œuvre. Essais psychanalytiques sur le travail créateur (1981) et à dialoguer avec lui, à l’aune de ces avancées contemporaines sur l’originaire.

La visite en groupe de l’exposition Monet-Mitchell, qui se tenait à la Fondation Vuitton (5 novembre 2022-27 février 2023) nous a permis d’explorer concrètement ce processus et ses soubassements psychiques, à travers les œuvres et les témoignages parlés/écrits de ces deux artistes en quête de capture des sensations ressenties et des émotions qui leur sont liées. Un retour sur Alechinsky « à l’œuvre », à travers le documentaire de Robert Buber, Alechinsky, l’œil du peintre (1997), a complété cette enquête.