Attention, les informations que vous consultez actuellement ne sont pas celles de l'année universitaire en cours. Consulter l'année universitaire 2024-2025.
UE24 - Identités philosophiques
Lieu et planning
-
Campus Condorcet
Cours des humanités 93300 Aubervilliers
1er semestre / hebdomadaire, mardi 14:30-16:30
du 8 novembre 2022 au 14 février 2023
Nombre de séances : 12Salle 25-B, Bâtiment EHESS-Condorcet
- mardi 8 novembre 2022
Salle 3.02, Centre de colloques- mardi 15 novembre 2022
Salle 3.01, Centre de colloques- mardi 22 novembre 2022
- mardi 29 novembre 2022
Salle 0.018, Bâtiment Recherche Sud- mardi 6 décembre 2022
Salle 3.05, Centre de colloques- mardi 13 décembre 2022
- mardi 3 janvier 2023
- mardi 10 janvier 2023
- mardi 17 janvier 2023
- mardi 24 janvier 2023
- mardi 31 janvier 2023 (en distanciel)
- mardi 7 février 2023
- mardi 14 février 2023
Description
Dernière modification : 21 octobre 2022 08:46
- Type d'UE
- Séminaires DE/MC
- Disciplines
- Histoire, Philosophie et épistémologie, Signes, formes, représentations, Sociologie
- Page web
- https://drive.google.com/drive/folders/16FRYVFDQ-4IGhYN733e6K6gM9ztCsySu?usp=sharing
- Langues
- français
- Mots-clés
- Anthropologie historique Collectifs Culture Dynamiques sociales Écriture Histoire culturelle Histoire intellectuelle Imaginaire Institutions Intellectuels Interactions Moyen Âge/Histoire médiévale Nationalisme Philosophie Philosophie sociale Professions Rituel Savoirs Sociohistoire Transnational
- Aires culturelles
- Allemandes (études) Amérique du Nord Europe France Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
- Catherine König-Pralong [référent·e] directrice d'études, EHESS / Centre Alexandre-Koyré. Histoire des sciences et des techniques (CAK)
Dans un ouvrage paru en 2010, le sociologue Jean-Louis Fabiani demandait « Qu’est-ce qu’un philosophe français ? ». Ce séminaire reprend la question pour interroger la notion d’identité philosophique appréhendée dans ses deux sens : celui de l’identité que confère à un acteur intellectuel la pratique de la philosophie et celui de l’identité conférée aux différentes philosophies par une appartenance géographique, politique, institutionnelle ou communautaire. On postule que cette double question n’est pas apparue au XIXe siècle avec les États-nations, mais qu’elle se posait déjà, d’autres manières, au Moyen Âge. Dans son éloge de l’université de Paris, en 1323, le philosophe Jean de Jandun affirmait que n’être pas de Paris, c’est être à moitié homme. Le séminaire établira une comparaison entre Moyen Âge et modernité. Dans sa première partie, il s’intéressera à l’identité philosophique constituée au Moyen Âge tardif par la situation dans un lieu et par l’appartenance à un groupe ou à une école. On enquêtera sur la formation d’identités philosophiques non parisiennes, marginales donc, en demandant « Qu’est-ce qu’un philosophe allemand au Moyen Âge ? », « Comment ne pas être un philosophe scolastique parisien ? », « Qu’est-ce que la philosophie oxonienne ? », et « Qui était philosophe en Italie ? ». La deuxième partie du séminaire portera sur le monde contemporain, celui des philosophies nationales, en étudiant, à partir du cas français (de Comte et Cousin à Bergson), la formation d’identités philosophiques dans le concert des nations européennes. On s’intéressera enfin à la manière dont ces philosophies ont été évaluées hors de leurs frontières nationales et reflétées dans le miroir de l’histoire de la philosophie états-unienne au XIXe siècle (jusqu’en 1915).
Attention : le séminaire a lieu dans différentes salles jusqu'en janvier. Reportez-vous aux indications de salles dans le programme ci-dessous !
8 novembre 2022 (Bâtiment EHESS-Condorcet, salle 25-B) : Introduction générale : histoire de la philosophie, sociologie de la philosophie et histoire des savoirs
Première partie. Formations d'identités philosophiques au Moyen Âge
15 novembre 2022 (Centre de colloques, salle 3.02) : Paris, épicentre de la philosophie. Écoles et université comme lieux de socialisation philosophique
22 novembre 2022 (Centre de colloques, salle 3.01) : De Paris à l'Italie : quitter la philosophie pour des sciences et savoirs utiles. L’identification négative
29 novembre 2022 (Centre de colloques, salle 3.01) : La constitution d’une identité philosophique par la distinction : des philosophes « Allemands » contre les « scolastiques » parisiens
6 décembre 2022 (Bâtiment Recherche Sud, salle 0.018) : La science anglaise : concurrence, échanges et stratégies de différenciation
13 décembre 2022 (Centre de colloques, salle 3.05) : Identités philosophiques laïques au Moyen Âge
Seconde partie. La philosophie « française » au XIXe siècle
10 janvier 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : De l’université médiévale aux universités des nations modernes : histoire et historiographie
17 janvier 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : Le cas de la philosophie française au XIXe siècle. La constitution d’une philosophie nationale et la référence médiévale
24 janvier 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : La philosophie « française » en France, de Cousin à Bergson. Qu'est-ce que l'esprit français?
31 janvier 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : La philosophie française et la philosophie allemande : concurrence, échanges et stratégies de différenciation
7 février 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : La philosophie « française » vue des États-Unis
14 février 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : Trois bilans à la fin du siècle sur la philosophie « française » : Ravaisson, Boutroux, Bergson
Master
-
Séminaires de recherche
– Arts, littératures et langages-Pratiques, discours et usages
– M1/S1-M2/S3
Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture -
Séminaires de recherche
– Études politiques
– M1/S1-M2/S3
Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture -
Séminaires de recherche
– Philosophie-Philosophie sociale et politique
– M1/S1-M2/S3
Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture -
Séminaires de recherche
– Savoirs en sociétés-Histoire des sciences, des techniques et des savoirs
– M1/S1-M2/S3
Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture
Renseignements
- Contacts additionnels
- -
- Informations pratiques
- -
- Direction de travaux des étudiants
- -
- Réception des candidats
- -
- Pré-requis
- -
Compte rendu
D’un triple point de vue d’histoire de la philosophie, de sociologie des savoirs et d’histoire des savoirs, nous avons enquêté sur la formation d’identités philosophiques, dans le double sens de l’identité que confère la pratique de la philosophie à ses acteurs et, deuxièmement, de la constitution de philosophies à caractère identitaire : nationales, d’école, de groupe, ou orientées par un projet spécifique conçu par démarcation de programmes concurrents. Adoptant un cadre temporel long, des écoles de philosophie et de droit du XIIe siècle à la philosophie française de la troisième République, nous avons mis en résonnance deux moments de l’histoire intellectuelle « européenne » : le Moyen Âge scolastique, caractérisé par la fondation de l’université, et le XIXe siècle qui a inventé la médiévistique, alors même que les systèmes universitaires étaient profondément réformés et que, dans un mouvement d’historicisation qui a marqué l’ensemble des savoirs, l’histoire de la philosophie était institutionnalisée. La discussion des notions d’« intégration logique » et d’« école de pensée » telles que Bourdieu les a théorisées, et de celle de « coalitions of the mind » forgée par Randall Collins, nous a fourni une voie d’accès à l’histoire et à la sociologie des écoles. La première partie du séminaire, sur le Moyen Âge, s’est concentrée sur divers contextes, institutionnels et intellectuels, où ont été produites des propositions philosophiques à caractère identitaire. Aux universitaires parisiens, fiers de leur aura scientifique comme de leurs privilèges juridiques et sociaux, se sont opposés des groupes d’intellectuels « allemands » (teutonici), souvent formés à Paris, qui qualifièrent leurs homologues parisiens de « scholastici » en forme de dépréciation, et définirent leur propre manière de philosopher en se distinguant d’eux. Comme nous l’avons vu à l’étude de Pierre de Blois, les juristes italiens, depuis Bologne, prononcèrent eux aussi de sévères critiques à l’encontre du savoir parisien, en soulignant son caractère abstrait, déconnecté de la vie sociale. Nous avons ensuite abordé la question de la philosophie « laïque », produite par des acteurs intellectuels, y compris des femmes, qui se savaient marginaux, puis, à partir de l’histoire des sciences britanniques du XXe siècle, nous avons repris la question de la prétendue « science expérimentale » dont le caractère serait anglais de manière génuine. En janvier et février 2023, la seconde partie du séminaire s’est concentrée sur la cas français au XIXe siècle, et la constitution d’une philosophie qui a en partie procédé de l’écriture d’une histoire nationale de la philosophie médiévale. Partant des mouvements de réforme des universités au début du siècle, nous avons observé des phénomènes de constitution de la tradition en enquêtant sur l’impact de la concurrence intellectuelle, puis de l’antagonisme avec l’Allemagne. De manière traditionnelle, nous avons distingué deux moments : avant et après la défaite de 1871. Durant la première moitié du siècle, ce furent en particulier Victor Cousin et la nébuleuse de ses élèves, alliés, obligés et adversaires déclarés qui œuvrèrent à la constitution d’identités philosophiques françaises. Abélard et Descartes fonctionnèrent comme des jalons historiques et des principes d’organisation du canon. Durant la troisième République, alors que les sciences humaines étaient bousculées par les sciences sociales et l’enseignement de la philosophie contesté (en particulier par Durkheim), les philosophes tentèrent d’affirmer l’utilité sociale de leur discipline en élaborant diverses stratégies identitaires compatibles avec les missions conférées à la France par la science sociale depuis Saint-Simon. Pour clore le séminaire, nous avons adopté la vision des acteurs eux-mêmes en lisant les trois rapports sur la philosophie en France au XIXe siècle qui furent rédigés par Félix Ravaisson (1867), Émile Boutroux (1908) et Henri Bergson (1915). Sous les plumes de ces philosophes, comme chez les Dominicains allemands des XIIIe-XIVe siècles, la philosophie, universelle dans ses prétentions théoriques sinon par définition, était fermement inscrite dans des contextes socio-intellectuels et essentiellement déterminée par ces derniers.
Publications
- « La science arabe en Allemagne de l’Est. Une histoire du matérialisme athée », Communications, 113 (Le mythe de la science, ed. A. Romano), 2023, p. 149-159.
- « How Modern Historians of Philosophy Drew Their World Maps. Discussion of Chinese and Indian Ways of Thinking in Early Modern European Philosophy: The Reception and the Exclusion. By Selusi Ambrogio. London: Bloomsbury Academic, 2020 », Philosophy East & West, 73, 2023, p. 203-215.
- « Permanence et transformations des politiques de la race [au sujet de Jean-Frédéric Schaub, Silvia Sebastiani, Race et histoire dans les sociétés occidentales (XVe-XVIIIe siècle), Paris, Albin Michel, 2021] », Critique, 912, 2023, p. 423-432.
- Avec Marie-Hélène Blanchet, Dominique Iogna-Prat et Laura Pettinaroli, « Universalisme », dans Dominique Iogna-Prat, Alain Rauwel, Frédéric Gabriel (eds), Dictionnaire critique de l’Église, Paris, PUF, 2023.
Dernière modification : 21 octobre 2022 08:46
- Type d'UE
- Séminaires DE/MC
- Disciplines
- Histoire, Philosophie et épistémologie, Signes, formes, représentations, Sociologie
- Page web
- https://drive.google.com/drive/folders/16FRYVFDQ-4IGhYN733e6K6gM9ztCsySu?usp=sharing
- Langues
- français
- Mots-clés
- Anthropologie historique Collectifs Culture Dynamiques sociales Écriture Histoire culturelle Histoire intellectuelle Imaginaire Institutions Intellectuels Interactions Moyen Âge/Histoire médiévale Nationalisme Philosophie Philosophie sociale Professions Rituel Savoirs Sociohistoire Transnational
- Aires culturelles
- Allemandes (études) Amérique du Nord Europe France Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
- Catherine König-Pralong [référent·e] directrice d'études, EHESS / Centre Alexandre-Koyré. Histoire des sciences et des techniques (CAK)
Dans un ouvrage paru en 2010, le sociologue Jean-Louis Fabiani demandait « Qu’est-ce qu’un philosophe français ? ». Ce séminaire reprend la question pour interroger la notion d’identité philosophique appréhendée dans ses deux sens : celui de l’identité que confère à un acteur intellectuel la pratique de la philosophie et celui de l’identité conférée aux différentes philosophies par une appartenance géographique, politique, institutionnelle ou communautaire. On postule que cette double question n’est pas apparue au XIXe siècle avec les États-nations, mais qu’elle se posait déjà, d’autres manières, au Moyen Âge. Dans son éloge de l’université de Paris, en 1323, le philosophe Jean de Jandun affirmait que n’être pas de Paris, c’est être à moitié homme. Le séminaire établira une comparaison entre Moyen Âge et modernité. Dans sa première partie, il s’intéressera à l’identité philosophique constituée au Moyen Âge tardif par la situation dans un lieu et par l’appartenance à un groupe ou à une école. On enquêtera sur la formation d’identités philosophiques non parisiennes, marginales donc, en demandant « Qu’est-ce qu’un philosophe allemand au Moyen Âge ? », « Comment ne pas être un philosophe scolastique parisien ? », « Qu’est-ce que la philosophie oxonienne ? », et « Qui était philosophe en Italie ? ». La deuxième partie du séminaire portera sur le monde contemporain, celui des philosophies nationales, en étudiant, à partir du cas français (de Comte et Cousin à Bergson), la formation d’identités philosophiques dans le concert des nations européennes. On s’intéressera enfin à la manière dont ces philosophies ont été évaluées hors de leurs frontières nationales et reflétées dans le miroir de l’histoire de la philosophie états-unienne au XIXe siècle (jusqu’en 1915).
Attention : le séminaire a lieu dans différentes salles jusqu'en janvier. Reportez-vous aux indications de salles dans le programme ci-dessous !
8 novembre 2022 (Bâtiment EHESS-Condorcet, salle 25-B) : Introduction générale : histoire de la philosophie, sociologie de la philosophie et histoire des savoirs
Première partie. Formations d'identités philosophiques au Moyen Âge
15 novembre 2022 (Centre de colloques, salle 3.02) : Paris, épicentre de la philosophie. Écoles et université comme lieux de socialisation philosophique
22 novembre 2022 (Centre de colloques, salle 3.01) : De Paris à l'Italie : quitter la philosophie pour des sciences et savoirs utiles. L’identification négative
29 novembre 2022 (Centre de colloques, salle 3.01) : La constitution d’une identité philosophique par la distinction : des philosophes « Allemands » contre les « scolastiques » parisiens
6 décembre 2022 (Bâtiment Recherche Sud, salle 0.018) : La science anglaise : concurrence, échanges et stratégies de différenciation
13 décembre 2022 (Centre de colloques, salle 3.05) : Identités philosophiques laïques au Moyen Âge
Seconde partie. La philosophie « française » au XIXe siècle
10 janvier 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : De l’université médiévale aux universités des nations modernes : histoire et historiographie
17 janvier 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : Le cas de la philosophie française au XIXe siècle. La constitution d’une philosophie nationale et la référence médiévale
24 janvier 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : La philosophie « française » en France, de Cousin à Bergson. Qu'est-ce que l'esprit français?
31 janvier 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : La philosophie française et la philosophie allemande : concurrence, échanges et stratégies de différenciation
7 février 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : La philosophie « française » vue des États-Unis
14 février 2023 (Centre de colloques, salle 3.05) : Trois bilans à la fin du siècle sur la philosophie « française » : Ravaisson, Boutroux, Bergson
-
Séminaires de recherche
– Arts, littératures et langages-Pratiques, discours et usages
– M1/S1-M2/S3
Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture -
Séminaires de recherche
– Études politiques
– M1/S1-M2/S3
Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture -
Séminaires de recherche
– Philosophie-Philosophie sociale et politique
– M1/S1-M2/S3
Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture -
Séminaires de recherche
– Savoirs en sociétés-Histoire des sciences, des techniques et des savoirs
– M1/S1-M2/S3
Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture
- Contacts additionnels
- -
- Informations pratiques
- -
- Direction de travaux des étudiants
- -
- Réception des candidats
- -
- Pré-requis
- -
-
Campus Condorcet
Cours des humanités 93300 Aubervilliers
1er semestre / hebdomadaire, mardi 14:30-16:30
du 8 novembre 2022 au 14 février 2023
Nombre de séances : 12Salle 25-B, Bâtiment EHESS-Condorcet
- mardi 8 novembre 2022
Salle 3.02, Centre de colloques- mardi 15 novembre 2022
Salle 3.01, Centre de colloques- mardi 22 novembre 2022
- mardi 29 novembre 2022
Salle 0.018, Bâtiment Recherche Sud- mardi 6 décembre 2022
Salle 3.05, Centre de colloques- mardi 13 décembre 2022
- mardi 3 janvier 2023
- mardi 10 janvier 2023
- mardi 17 janvier 2023
- mardi 24 janvier 2023
- mardi 31 janvier 2023 (en distanciel)
- mardi 7 février 2023
- mardi 14 février 2023
D’un triple point de vue d’histoire de la philosophie, de sociologie des savoirs et d’histoire des savoirs, nous avons enquêté sur la formation d’identités philosophiques, dans le double sens de l’identité que confère la pratique de la philosophie à ses acteurs et, deuxièmement, de la constitution de philosophies à caractère identitaire : nationales, d’école, de groupe, ou orientées par un projet spécifique conçu par démarcation de programmes concurrents. Adoptant un cadre temporel long, des écoles de philosophie et de droit du XIIe siècle à la philosophie française de la troisième République, nous avons mis en résonnance deux moments de l’histoire intellectuelle « européenne » : le Moyen Âge scolastique, caractérisé par la fondation de l’université, et le XIXe siècle qui a inventé la médiévistique, alors même que les systèmes universitaires étaient profondément réformés et que, dans un mouvement d’historicisation qui a marqué l’ensemble des savoirs, l’histoire de la philosophie était institutionnalisée. La discussion des notions d’« intégration logique » et d’« école de pensée » telles que Bourdieu les a théorisées, et de celle de « coalitions of the mind » forgée par Randall Collins, nous a fourni une voie d’accès à l’histoire et à la sociologie des écoles. La première partie du séminaire, sur le Moyen Âge, s’est concentrée sur divers contextes, institutionnels et intellectuels, où ont été produites des propositions philosophiques à caractère identitaire. Aux universitaires parisiens, fiers de leur aura scientifique comme de leurs privilèges juridiques et sociaux, se sont opposés des groupes d’intellectuels « allemands » (teutonici), souvent formés à Paris, qui qualifièrent leurs homologues parisiens de « scholastici » en forme de dépréciation, et définirent leur propre manière de philosopher en se distinguant d’eux. Comme nous l’avons vu à l’étude de Pierre de Blois, les juristes italiens, depuis Bologne, prononcèrent eux aussi de sévères critiques à l’encontre du savoir parisien, en soulignant son caractère abstrait, déconnecté de la vie sociale. Nous avons ensuite abordé la question de la philosophie « laïque », produite par des acteurs intellectuels, y compris des femmes, qui se savaient marginaux, puis, à partir de l’histoire des sciences britanniques du XXe siècle, nous avons repris la question de la prétendue « science expérimentale » dont le caractère serait anglais de manière génuine. En janvier et février 2023, la seconde partie du séminaire s’est concentrée sur la cas français au XIXe siècle, et la constitution d’une philosophie qui a en partie procédé de l’écriture d’une histoire nationale de la philosophie médiévale. Partant des mouvements de réforme des universités au début du siècle, nous avons observé des phénomènes de constitution de la tradition en enquêtant sur l’impact de la concurrence intellectuelle, puis de l’antagonisme avec l’Allemagne. De manière traditionnelle, nous avons distingué deux moments : avant et après la défaite de 1871. Durant la première moitié du siècle, ce furent en particulier Victor Cousin et la nébuleuse de ses élèves, alliés, obligés et adversaires déclarés qui œuvrèrent à la constitution d’identités philosophiques françaises. Abélard et Descartes fonctionnèrent comme des jalons historiques et des principes d’organisation du canon. Durant la troisième République, alors que les sciences humaines étaient bousculées par les sciences sociales et l’enseignement de la philosophie contesté (en particulier par Durkheim), les philosophes tentèrent d’affirmer l’utilité sociale de leur discipline en élaborant diverses stratégies identitaires compatibles avec les missions conférées à la France par la science sociale depuis Saint-Simon. Pour clore le séminaire, nous avons adopté la vision des acteurs eux-mêmes en lisant les trois rapports sur la philosophie en France au XIXe siècle qui furent rédigés par Félix Ravaisson (1867), Émile Boutroux (1908) et Henri Bergson (1915). Sous les plumes de ces philosophes, comme chez les Dominicains allemands des XIIIe-XIVe siècles, la philosophie, universelle dans ses prétentions théoriques sinon par définition, était fermement inscrite dans des contextes socio-intellectuels et essentiellement déterminée par ces derniers.
Publications
- « La science arabe en Allemagne de l’Est. Une histoire du matérialisme athée », Communications, 113 (Le mythe de la science, ed. A. Romano), 2023, p. 149-159.
- « How Modern Historians of Philosophy Drew Their World Maps. Discussion of Chinese and Indian Ways of Thinking in Early Modern European Philosophy: The Reception and the Exclusion. By Selusi Ambrogio. London: Bloomsbury Academic, 2020 », Philosophy East & West, 73, 2023, p. 203-215.
- « Permanence et transformations des politiques de la race [au sujet de Jean-Frédéric Schaub, Silvia Sebastiani, Race et histoire dans les sociétés occidentales (XVe-XVIIIe siècle), Paris, Albin Michel, 2021] », Critique, 912, 2023, p. 423-432.
- Avec Marie-Hélène Blanchet, Dominique Iogna-Prat et Laura Pettinaroli, « Universalisme », dans Dominique Iogna-Prat, Alain Rauwel, Frédéric Gabriel (eds), Dictionnaire critique de l’Église, Paris, PUF, 2023.