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UE191 - Des histoires de nombres : une approche historique des calculs, mesures, valeurs chiffrées et représentations de grandeurs


Lieu et planning


  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 3.07
    annuel / bimensuel (1re/3e/5e), jeudi 10:30-12:30
    du 3 novembre 2022 au 6 avril 2023
    Nombre de séances : 12


Description


Dernière modification : 13 juin 2022 09:32

Type d'UE
Enseignements fondamentaux de master
Disciplines
Anthropologie historique, Histoire, Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie Culture matérielle Épistémologie Histoire Histoire des sciences et des techniques Savoirs
Aires culturelles
Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Grégory Chambon [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Anthropologie et histoire des mondes antiques (AnHiMA)
  • Giovanna C. Cifoletti   directrice d'études (retraité·e), EHESS / Centre Alexandre-Koyré. Histoire des sciences et des techniques (CAK)

Notre environnement physique, médiatique et culturel est tellement saturé de nombres et de données chiffrées que leur origine, leur élaboration et leur sens finissent par être oubliés ou par passer inaperçus. On concède généralement que les nombres constituent l'un des instruments naturels et efficaces qui aide à appréhender individuellement et collectivement le monde. On leur confère naturellement une rationalité, une universalité et une objectivité qui occultent le fait qu’ils dépendent des usages. Depuis l'antiquité, on accorde alors une confiance absolue aux dispositifs de mesure et de traduction chiffrée de toutes sortes de réalités, naturelles et humaines.

Mais ces dispositifs ont une histoire complexe qui ne peut être dissociée d’un contexte social, culturel et politique. Penser, utiliser et écrire un nombre ne vont en fait pas de soi et font appel à un rapport particulier à la notion même de « nombre » qui se définit avant tout socialement et culturellement. Si on comprend la numératie (numeracy), comme les connaissances et les compétences requises pour gérer les exigences relatives aux calculs et aux nombres dans diverses situations, que ce soit en milieu scolaire, dans la vie professionnelle ou la vie de tous les jours, la trace de ces connaissances doit être recherchée non seulement dans des documentations scientifique ou en lien avec la vie pratique mais également dans la culture matérielle (artefacts, instruments...).

Cette UE propose de définir avec les étudiants un appareil critique et une méthodologie multidisciplinaire (histoire des sciences, anthropologie, sociologie, philosophie, psychologie cognitive) sur plusieurs cas d'études pour mieux appréhender non seulement les « données chiffrées » mais également le « sens » sous-jacent du nombre, qui se construit dans un cadre à la fois cognitif et culturel.

Le programme sera présenté à la rentrée.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de tronc commun – Savoirs en sociétés-Histoire des sciences, des techniques et des savoirs – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

par courriel.

Direction de travaux des étudiants

direction de masterants et de doctorants.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis

pas de pré-requis.


Compte rendu


Nous avons continué cette année d’explorer les usages des nombres dans différents domaines, en essayant d’historiciser le concept de nombre plutôt que d’écrire l’histoire d’un concept à partir de son appréhension mathématique, social et économique moderne. Plusieurs collègues sont intervenus lors des séances afin de présenter, comme l’an dernier, la façon, scientifique et/ou épistémologique, dont ils travaillent sur ou avec les nombres d’une part, et faire preuve d’un approche réflexive sur leur propre rapport aux nombres dans leur recherche d’autre part. L’objectif était de montrer aux étudiants la pluralité de regards sur les nombres, afin de déconstruire leur statut d’entités abstraites a-historiques. Des approches d’anthropologues, de sociologues, d’historiens des sciences, ont ainsi permis de réfléchir à la “matérialité” des nombres, c’est-à-dire à la façon de les représenter, de les matérialiser, de les associer à des gestes et des techniques, parallèlement à la façon de les penser, dans des milieux différents (savants, religieux, économiques, politiques…).

Après deux séance de présentation méthodologiques, nous avons invité séance Stéphane Lamassé (Université Paris 1 Panthéon/Sorbonne), qui nousle a présenté ses travaux récents sur les arithmétiques commerciales de la fin du Moyen Âge. En particulier, il s’agit de reconstituer les manières de calculer, de traiter des nombres et de manipuler les chiffres à partir de texte rédigés pour l’enseignement et comme séries de problèmes. Nous avons commencé notre exploration des nombres à l’époque moderne par l’intervention de Jean-Marie Coquard, docteur de l’EHESS. Il a présenté les mathématiques de Simon Stevin (1548-1620), notamment sa notion particulière de l’unité en tant que nombre, et du nombre en tant que quantité continue. Giovanna Cifoletti a tracé un ample panorama des domaines dans lesquels les nombres étaient utilisés au XVIe siècle, en Occident comme en Orient. Il ne s’agit pas seulement des pratiques commerciales et juridiques, qui ont encore des aspects mathématiques. A celles-ci il faut ajouter des domaines moins communs aujourd’hui mais indispensables à l’époque tels que la chronologie (biblique, littéraire etc.) pour les humanistes et l’astrologie pour les médecins. Grégory Chambon s’est intéressé aux premières traces des nombres dans les tablettes cunéiformes de Mésopotamie, afin de montrer comment cette genèse du nombre a accompagné la genèse de l’écriture, pour des raisons au départ administratives et économiques. Notre collègue Sylvain Piron nous a parlé de traités économiques des scolastiques, notamment des écrits du franciscain Pierre de Jean Olivi (~1248 – 1298). Ces écrits ne contiennent pas de chiffres, mais traitent un point fondamental ans la constitution d’un nombre particulier, le prix d’un bien. Olivi donne les principes qui aboutissent à la détermination d’un prix. Bertrand Paoloni a consacré son intervention au sujet de sa thèse à l’EHESS, l’invention de l’horloge cycloïdal par Christian Huygens (1629-1695) et le calcul du temps. Il nous a montré notamment la précision des horloges jouait un rôle crucial entre théorie et pratique ainsi que dans les échanges entre Académiciens et horlogers.

Guido Mambella (Reggio Emilia) nous a présenté les ouvrages de Gioseffo Zarlino (1517-1590). Non seulement ce compositeur et théoricien de la musique a écrit des traités more geometrico, mais sa théorie musicale soulignait la novelle notion de nombre sonore. Cette notion permet à Zarlino de transformer la théorie musicale à la Boèce. Face aux algébristes et à leurs solutions exactes mais impraticables, il valorise la pratique musicale et la musique « naturelle », parvenant ainsi à la détermination de fractions qui correspondent à des sons acceptables pour l’oreille. Chloé Ragazzoli a fait un exposé sur la notation et le sens des grands nombres en Egypte, en montrant que ces derniers, qui dépassaient les 100 000 et les millions, répondaient plus à des considérations cosmologiques et cosmogoniques qu’à des calculs ou des comptes en rapport avec la vie quotidienne des Égyptiens. Elle a en particulier souligné le lien étroit entre écriture, langage et systèmes de représentation du nombre. Danièle Dehouve s’est concentrée sur le chiffre 4 dans les dépots rituels et la mécanique du calendrier divinatoire aztèque. Elle a montré comment le 4 est au fondement d’une structure spatiale abstraite faite de cadrans, symbolisant la cosmogonie dans un mouvement dynamique (un centre avec un sens de rotation). Olivier Martin a abordé la question des nombres sous l’angle de la sociologie, en montrant comment la quantification en économie a basculé dans la quantification en sociologie et psychologie. Il a insisté sur une immense diversité des pratiques dans ce domaine : si la quantification semble être une attitude très répandue, les modalités et principes de sa réalisation sont très variables.

Dernière modification : 13 juin 2022 09:32

Type d'UE
Enseignements fondamentaux de master
Disciplines
Anthropologie historique, Histoire, Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie Culture matérielle Épistémologie Histoire Histoire des sciences et des techniques Savoirs
Aires culturelles
Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Grégory Chambon [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Anthropologie et histoire des mondes antiques (AnHiMA)
  • Giovanna C. Cifoletti   directrice d'études (retraité·e), EHESS / Centre Alexandre-Koyré. Histoire des sciences et des techniques (CAK)

Notre environnement physique, médiatique et culturel est tellement saturé de nombres et de données chiffrées que leur origine, leur élaboration et leur sens finissent par être oubliés ou par passer inaperçus. On concède généralement que les nombres constituent l'un des instruments naturels et efficaces qui aide à appréhender individuellement et collectivement le monde. On leur confère naturellement une rationalité, une universalité et une objectivité qui occultent le fait qu’ils dépendent des usages. Depuis l'antiquité, on accorde alors une confiance absolue aux dispositifs de mesure et de traduction chiffrée de toutes sortes de réalités, naturelles et humaines.

Mais ces dispositifs ont une histoire complexe qui ne peut être dissociée d’un contexte social, culturel et politique. Penser, utiliser et écrire un nombre ne vont en fait pas de soi et font appel à un rapport particulier à la notion même de « nombre » qui se définit avant tout socialement et culturellement. Si on comprend la numératie (numeracy), comme les connaissances et les compétences requises pour gérer les exigences relatives aux calculs et aux nombres dans diverses situations, que ce soit en milieu scolaire, dans la vie professionnelle ou la vie de tous les jours, la trace de ces connaissances doit être recherchée non seulement dans des documentations scientifique ou en lien avec la vie pratique mais également dans la culture matérielle (artefacts, instruments...).

Cette UE propose de définir avec les étudiants un appareil critique et une méthodologie multidisciplinaire (histoire des sciences, anthropologie, sociologie, philosophie, psychologie cognitive) sur plusieurs cas d'études pour mieux appréhender non seulement les « données chiffrées » mais également le « sens » sous-jacent du nombre, qui se construit dans un cadre à la fois cognitif et culturel.

Le programme sera présenté à la rentrée.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de tronc commun – Savoirs en sociétés-Histoire des sciences, des techniques et des savoirs – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques

par courriel.

Direction de travaux des étudiants

direction de masterants et de doctorants.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis

pas de pré-requis.

  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 3.07
    annuel / bimensuel (1re/3e/5e), jeudi 10:30-12:30
    du 3 novembre 2022 au 6 avril 2023
    Nombre de séances : 12

Nous avons continué cette année d’explorer les usages des nombres dans différents domaines, en essayant d’historiciser le concept de nombre plutôt que d’écrire l’histoire d’un concept à partir de son appréhension mathématique, social et économique moderne. Plusieurs collègues sont intervenus lors des séances afin de présenter, comme l’an dernier, la façon, scientifique et/ou épistémologique, dont ils travaillent sur ou avec les nombres d’une part, et faire preuve d’un approche réflexive sur leur propre rapport aux nombres dans leur recherche d’autre part. L’objectif était de montrer aux étudiants la pluralité de regards sur les nombres, afin de déconstruire leur statut d’entités abstraites a-historiques. Des approches d’anthropologues, de sociologues, d’historiens des sciences, ont ainsi permis de réfléchir à la “matérialité” des nombres, c’est-à-dire à la façon de les représenter, de les matérialiser, de les associer à des gestes et des techniques, parallèlement à la façon de les penser, dans des milieux différents (savants, religieux, économiques, politiques…).

Après deux séance de présentation méthodologiques, nous avons invité séance Stéphane Lamassé (Université Paris 1 Panthéon/Sorbonne), qui nousle a présenté ses travaux récents sur les arithmétiques commerciales de la fin du Moyen Âge. En particulier, il s’agit de reconstituer les manières de calculer, de traiter des nombres et de manipuler les chiffres à partir de texte rédigés pour l’enseignement et comme séries de problèmes. Nous avons commencé notre exploration des nombres à l’époque moderne par l’intervention de Jean-Marie Coquard, docteur de l’EHESS. Il a présenté les mathématiques de Simon Stevin (1548-1620), notamment sa notion particulière de l’unité en tant que nombre, et du nombre en tant que quantité continue. Giovanna Cifoletti a tracé un ample panorama des domaines dans lesquels les nombres étaient utilisés au XVIe siècle, en Occident comme en Orient. Il ne s’agit pas seulement des pratiques commerciales et juridiques, qui ont encore des aspects mathématiques. A celles-ci il faut ajouter des domaines moins communs aujourd’hui mais indispensables à l’époque tels que la chronologie (biblique, littéraire etc.) pour les humanistes et l’astrologie pour les médecins. Grégory Chambon s’est intéressé aux premières traces des nombres dans les tablettes cunéiformes de Mésopotamie, afin de montrer comment cette genèse du nombre a accompagné la genèse de l’écriture, pour des raisons au départ administratives et économiques. Notre collègue Sylvain Piron nous a parlé de traités économiques des scolastiques, notamment des écrits du franciscain Pierre de Jean Olivi (~1248 – 1298). Ces écrits ne contiennent pas de chiffres, mais traitent un point fondamental ans la constitution d’un nombre particulier, le prix d’un bien. Olivi donne les principes qui aboutissent à la détermination d’un prix. Bertrand Paoloni a consacré son intervention au sujet de sa thèse à l’EHESS, l’invention de l’horloge cycloïdal par Christian Huygens (1629-1695) et le calcul du temps. Il nous a montré notamment la précision des horloges jouait un rôle crucial entre théorie et pratique ainsi que dans les échanges entre Académiciens et horlogers.

Guido Mambella (Reggio Emilia) nous a présenté les ouvrages de Gioseffo Zarlino (1517-1590). Non seulement ce compositeur et théoricien de la musique a écrit des traités more geometrico, mais sa théorie musicale soulignait la novelle notion de nombre sonore. Cette notion permet à Zarlino de transformer la théorie musicale à la Boèce. Face aux algébristes et à leurs solutions exactes mais impraticables, il valorise la pratique musicale et la musique « naturelle », parvenant ainsi à la détermination de fractions qui correspondent à des sons acceptables pour l’oreille. Chloé Ragazzoli a fait un exposé sur la notation et le sens des grands nombres en Egypte, en montrant que ces derniers, qui dépassaient les 100 000 et les millions, répondaient plus à des considérations cosmologiques et cosmogoniques qu’à des calculs ou des comptes en rapport avec la vie quotidienne des Égyptiens. Elle a en particulier souligné le lien étroit entre écriture, langage et systèmes de représentation du nombre. Danièle Dehouve s’est concentrée sur le chiffre 4 dans les dépots rituels et la mécanique du calendrier divinatoire aztèque. Elle a montré comment le 4 est au fondement d’une structure spatiale abstraite faite de cadrans, symbolisant la cosmogonie dans un mouvement dynamique (un centre avec un sens de rotation). Olivier Martin a abordé la question des nombres sous l’angle de la sociologie, en montrant comment la quantification en économie a basculé dans la quantification en sociologie et psychologie. Il a insisté sur une immense diversité des pratiques dans ce domaine : si la quantification semble être une attitude très répandue, les modalités et principes de sa réalisation sont très variables.