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UE177 - Les recompositions contemporaines du croire


Lieu et planning


  • 48 bd Jourdan
    Salle R03-35
    48 bd Jourdan 75014 Paris
    annuel / mensuel, vendredi 14:00-17:00
    du 25 novembre 2022 au 26 mai 2023
    Nombre de séances : 4

    • Vendredi 25 novembre 2022
    • Vendredi 27 janvier 2023
    • Vendredi 10 mars 2023
    • Vendredi 26 mai 2023

Description


Dernière modification : 16 mai 2022 14:15

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Fait religieux Politique Religieux (sciences sociales du) Sociohistoire Sociologie politique
Aires culturelles
Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Patrick Michel [référent·e]   directeur d'études, EHESS - directeur de recherche (émérite), CNRS / Centre Maurice-Halbwachs (CMH)
  • Jean-Philippe Heurtin   professeur des universités, Université de Strasbourg

« Tour à tour instituantes et instituées, instauratrices et manipulées, les croyances ont une liquidité qui échappe d’autant plus à l’analyse qu’elle lui apparaît plus fondamentale ». C’est dans cette perspective, ouverte par Michel de Certeau, que le séminaire, dans la continuité de celui consacré aux « approches contemporaines de la conversion » (2015-2019), entend s’inscrire. Il s’agira donc de se saisir des recompositions contemporaines du croire, en rompant avec une approche qui se limiterait au seul religieux. Trop souvent de fait, le « croire » se voit rabattu sur ce religieux, et d’ailleurs souvent sur le religieux institutionnel, ce qui conduit à l’appréhender à travers les catégories produites pour rendre compte de ce religieux institutionnel.  On privilégiera une approche interdisciplinaire où seront analysés les redéploiements du croire, quel que soit le registre où celui-ci se voit sollicité, du religieux au politique, ou encore de l’identitaire au style de vie.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.


Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis
-

Compte rendu


A été poursuivie en 2022-2023 la réflexion entamée les années précédentes sur les redéploiements du croire, analysés quel que soit le registre où ce croire se voit sollicité, du religieux au politique, ou encore de l’identitaire au style de vie.

Deux points ont fait l’objet d’une attention particulière.  Le premier concerne la pertinence des catégories utilisées pour cerner les croyances et rendre compte de leurs recompositions. C’est dans cette perspective que sont intervenues, dans une approche anthropologique, Fanny Charrasse « Comment ne plus croire à la croyance quand on enquête sur elle ? Retour sur une enquête auprès des magnétiseurs en France et des chamanes au Pérou » ; et Roberte Hamayon « Le croyant est à la fois croyant et dupe, parce qu’il veut être dupe » (J. Huizinga, Homo ludens).

Le deuxième aspect retenu portait sur « l’envers », les marges, les limites et les incertitudes du croire, à travers deux analyses :  « Croire ou ne pas croire, est-ce la question ? » (Patrick Michel) et « Je sais bien, mais quand même » ou comment une croyance peut être abandonnée et conservée à la fois (Jean-Philippe Heurtin).

La première de ces analyses s’intéressait à l’ensemble athéisme, a-religion, irreligion, indifférence. Si l’athéisme demeure, dans certaines sociétés, légalement impossible ou socialement difficile, ce qui en fait un objet de scandale, partout ailleurs ce qui était attitude marginale est devenu fait social majoritaire, pour autant qu’on reconduise l’athéisme non au refus militant de Dieu, qui continue à ne concerner qu’une faible partie de nos contemporains, mais à une profonde indifférence, celle-ci pouvant revêtir de nombreuses formes.

Ce n’est pas là que la question de l’existence ou de la non-existence de Dieu ait été résolue. Elle apparaît en revanche avoir perdu sa capacité organisatrice. La radicale individualisation qui caractérise les modes contemporains d’établissement d’un rapport au sens vaut effacement, pour la religion, de la centralité qu’elle prétendait incarner. Une telle évolution, sur fond de prise de distance massive à l’égard de toute institution de la croyance, débouche sur deux conséquences majeures : la difficulté de plus en plus grande à accréditer la distinction entre croyant et non croyant dès lors qu’il n’existe plus, sinon en théorie, au moins de facto, de « contenu » de croyance susceptible de faire référence ; et dès lors, la perte de pertinence sociologique d’un concept de croyant (ou d’ailleurs d’athée) qui ne pouvait faire sens qu’au regard de ce même contenu de référence.

La seconde analyse a été ouverte à partir du texte d’O. Mannoni « Je sais bien, mais quand même » qui à partir de la relation de l’expérience initiatique Hopi ouvre à la possibilité de penser une double dimension de la croyance/incroyance qui permet de sortir du clivage et de renvoyer au pluralisme de nos formes d'engagement dans le monde : on peut conserver une croyance en l’abandonnant – ou du moins en la déplaçant. La force de la formule de Mannoni – mise à l’épreuve sur un terrain anthropologique par J. Favret-Saada – rend compte exactement de cette double face de nos engagements, sans obliger à choisir, à hiérarchiser, à trancher. Ce qui est sans doute une caractéristique profondément moderne. On rejoint B. Latour quand il prononçait : « Est moderne celui qui croit que les autres croient ». Non par une forme de relativisme des points de vue, mais pour indiquer que les modernes se sont construits sur l’idée – et non la réalité – d’un abandon de l’ambivalence. Comme le montre d’ailleurs Mannoni, pour qu’il y ait un abandon/conservation de la croyance, pour que la croyance puisse être déplacée, il faut qu’il reste des crédules qui se chargent de nos croyances après leur répudiation. Ce qu’énonçait Lacan quand il écrivait : « La croyance suppose le support de l’autre ». Mais cette reconnaissance ouvre à la possibilité de reconnaître une structure du rapport croyant, par laquelle une croyance peut se maintenir, malgré le démenti de la réalité, en se transformant. L’enquête peut alors s’ouvrir sur les différentes structures possibles de ce rapport.

Publications

Jean-Philippe Heurtin

  • « Norbert Elias, la socio-genèse de la sociologie et la démocratisation fonctionnelle des sociétés européenne », Raison Pratiques, 2022.
  • « Esprit », dans Dictionnaire critique de l’Église, sous la dir. de  F. Gabriel F., D. Iogna-Prat et A. Rauwel, Paris, PUF, 2023.

Patrick Michel

  • « L’Église catholique est-elle un entrepreneur de mémoire ? , dans La mémoire collective en question(s), sous la dir. de Sarah Gensburger et Sandrine Lefranc, PUF, Paris, 2023, p. 157-166.
  • « Préface » d’Illuminations carcérales – Comment la vie en prison produit du religieux, sous la dir. de Thibault Ducloux, Labor et Fides, Genève, 2023, p. 9-13.

Dernière modification : 16 mai 2022 14:15

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Fait religieux Politique Religieux (sciences sociales du) Sociohistoire Sociologie politique
Aires culturelles
Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Patrick Michel [référent·e]   directeur d'études, EHESS - directeur de recherche (émérite), CNRS / Centre Maurice-Halbwachs (CMH)
  • Jean-Philippe Heurtin   professeur des universités, Université de Strasbourg

« Tour à tour instituantes et instituées, instauratrices et manipulées, les croyances ont une liquidité qui échappe d’autant plus à l’analyse qu’elle lui apparaît plus fondamentale ». C’est dans cette perspective, ouverte par Michel de Certeau, que le séminaire, dans la continuité de celui consacré aux « approches contemporaines de la conversion » (2015-2019), entend s’inscrire. Il s’agira donc de se saisir des recompositions contemporaines du croire, en rompant avec une approche qui se limiterait au seul religieux. Trop souvent de fait, le « croire » se voit rabattu sur ce religieux, et d’ailleurs souvent sur le religieux institutionnel, ce qui conduit à l’appréhender à travers les catégories produites pour rendre compte de ce religieux institutionnel.  On privilégiera une approche interdisciplinaire où seront analysés les redéploiements du croire, quel que soit le registre où celui-ci se voit sollicité, du religieux au politique, ou encore de l’identitaire au style de vie.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.

Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis
-
  • 48 bd Jourdan
    Salle R03-35
    48 bd Jourdan 75014 Paris
    annuel / mensuel, vendredi 14:00-17:00
    du 25 novembre 2022 au 26 mai 2023
    Nombre de séances : 4

    • Vendredi 25 novembre 2022
    • Vendredi 27 janvier 2023
    • Vendredi 10 mars 2023
    • Vendredi 26 mai 2023

A été poursuivie en 2022-2023 la réflexion entamée les années précédentes sur les redéploiements du croire, analysés quel que soit le registre où ce croire se voit sollicité, du religieux au politique, ou encore de l’identitaire au style de vie.

Deux points ont fait l’objet d’une attention particulière.  Le premier concerne la pertinence des catégories utilisées pour cerner les croyances et rendre compte de leurs recompositions. C’est dans cette perspective que sont intervenues, dans une approche anthropologique, Fanny Charrasse « Comment ne plus croire à la croyance quand on enquête sur elle ? Retour sur une enquête auprès des magnétiseurs en France et des chamanes au Pérou » ; et Roberte Hamayon « Le croyant est à la fois croyant et dupe, parce qu’il veut être dupe » (J. Huizinga, Homo ludens).

Le deuxième aspect retenu portait sur « l’envers », les marges, les limites et les incertitudes du croire, à travers deux analyses :  « Croire ou ne pas croire, est-ce la question ? » (Patrick Michel) et « Je sais bien, mais quand même » ou comment une croyance peut être abandonnée et conservée à la fois (Jean-Philippe Heurtin).

La première de ces analyses s’intéressait à l’ensemble athéisme, a-religion, irreligion, indifférence. Si l’athéisme demeure, dans certaines sociétés, légalement impossible ou socialement difficile, ce qui en fait un objet de scandale, partout ailleurs ce qui était attitude marginale est devenu fait social majoritaire, pour autant qu’on reconduise l’athéisme non au refus militant de Dieu, qui continue à ne concerner qu’une faible partie de nos contemporains, mais à une profonde indifférence, celle-ci pouvant revêtir de nombreuses formes.

Ce n’est pas là que la question de l’existence ou de la non-existence de Dieu ait été résolue. Elle apparaît en revanche avoir perdu sa capacité organisatrice. La radicale individualisation qui caractérise les modes contemporains d’établissement d’un rapport au sens vaut effacement, pour la religion, de la centralité qu’elle prétendait incarner. Une telle évolution, sur fond de prise de distance massive à l’égard de toute institution de la croyance, débouche sur deux conséquences majeures : la difficulté de plus en plus grande à accréditer la distinction entre croyant et non croyant dès lors qu’il n’existe plus, sinon en théorie, au moins de facto, de « contenu » de croyance susceptible de faire référence ; et dès lors, la perte de pertinence sociologique d’un concept de croyant (ou d’ailleurs d’athée) qui ne pouvait faire sens qu’au regard de ce même contenu de référence.

La seconde analyse a été ouverte à partir du texte d’O. Mannoni « Je sais bien, mais quand même » qui à partir de la relation de l’expérience initiatique Hopi ouvre à la possibilité de penser une double dimension de la croyance/incroyance qui permet de sortir du clivage et de renvoyer au pluralisme de nos formes d'engagement dans le monde : on peut conserver une croyance en l’abandonnant – ou du moins en la déplaçant. La force de la formule de Mannoni – mise à l’épreuve sur un terrain anthropologique par J. Favret-Saada – rend compte exactement de cette double face de nos engagements, sans obliger à choisir, à hiérarchiser, à trancher. Ce qui est sans doute une caractéristique profondément moderne. On rejoint B. Latour quand il prononçait : « Est moderne celui qui croit que les autres croient ». Non par une forme de relativisme des points de vue, mais pour indiquer que les modernes se sont construits sur l’idée – et non la réalité – d’un abandon de l’ambivalence. Comme le montre d’ailleurs Mannoni, pour qu’il y ait un abandon/conservation de la croyance, pour que la croyance puisse être déplacée, il faut qu’il reste des crédules qui se chargent de nos croyances après leur répudiation. Ce qu’énonçait Lacan quand il écrivait : « La croyance suppose le support de l’autre ». Mais cette reconnaissance ouvre à la possibilité de reconnaître une structure du rapport croyant, par laquelle une croyance peut se maintenir, malgré le démenti de la réalité, en se transformant. L’enquête peut alors s’ouvrir sur les différentes structures possibles de ce rapport.

Publications

Jean-Philippe Heurtin

  • « Norbert Elias, la socio-genèse de la sociologie et la démocratisation fonctionnelle des sociétés européenne », Raison Pratiques, 2022.
  • « Esprit », dans Dictionnaire critique de l’Église, sous la dir. de  F. Gabriel F., D. Iogna-Prat et A. Rauwel, Paris, PUF, 2023.

Patrick Michel

  • « L’Église catholique est-elle un entrepreneur de mémoire ? , dans La mémoire collective en question(s), sous la dir. de Sarah Gensburger et Sandrine Lefranc, PUF, Paris, 2023, p. 157-166.
  • « Préface » d’Illuminations carcérales – Comment la vie en prison produit du religieux, sous la dir. de Thibault Ducloux, Labor et Fides, Genève, 2023, p. 9-13.