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UE149 - Penser les anti-démocraties du XXIe siècle. Une enquête sur l’Iran, la Russie et la Turquie


Lieu et planning


  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 25-B
    2nd semestre / hebdomadaire, lundi 08:30-10:30
    du 20 février 2023 au 12 juin 2023
    Nombre de séances : 12


Description


Dernière modification : 13 mai 2022 16:55

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie historique, Histoire, Sociologie
Page web
-
Langues
anglais français
Mots-clés
Démocratie Droit, normes et société Empire Histoire Nationalisme Politique Violence
Aires culturelles
Iranien (monde) Russie Turc (domaine)
Intervenant·e·s
  • Hamit Bozarslan [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Centre d'études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques (CETOBaC)

« La mission historique millénaire », « l’avenir comme revanche sur le passé », « la fusion charnelle entre le chef et la nation », « la terre ne devenant patrie que par le sang des martyrs qui l’arrose », « la restauration de la nation dans sa pureté ontologique »… tels sont quelques-uns des thèmes qui structurent les discours des dirigeants iraniens, russes et turcs. Il s’agit des régimes qui préservent la charpente institutionnelle d’une démocratie classique (élections, parlement, cour constitutionnelle, cour des comptes…) mais qui se pensent comme des alternatives radicales, nationales et « viriles » à la démocratie libérale. Comprendre l’émergence de ces anti-démocraties en Iran, en Russie et en Turquie, trois pays aux trajectoires historiques si contrastées, exige la prise en considération des crises dont ils furent le théâtre au cours des quatre dernières décennies.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Études politiques – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Sociologie – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous pris par courriel : Hamit.Bozarslan@ehess.fr

Réception des candidats

sur rendez-vous pris par courriel : Hamit.Bozarslan@ehess.fr

Pré-requis
-

Compte rendu


Après avoir analysé pendant trois ans les régimes iranien, russe et turc pour la rédaction de notre ouvrage sur les anti-démocraties du XXIe siècle, nous avions décidé de consacrer l’édition 2022 de notre séminaire de l’EHESS à la crise des démocraties contemporaines et aux possibilités de leur refondation radicale. Ce projet, que nous n’avons pas abandonné mais ajourné, perdit beaucoup de son acuité lorsque, le 24 février, le « grand empereur » décida de s’« en aller en guerre », nous obligeant à nous pencher sur l’évolution de ce nouveau conflit armé au cœur du « continent des ténèbres ». Cependant, dépendant d’une actualité tissée au fil des semaines nous avons décidé d’adopter un concept que Michel Foucault avait jadis utilisé à propos de Kant, le « philosophe journaliste » au sens où nous nous efforcions de penser notre temps et notre espace de 2022 à partir des ingrédients qu’apportait le « jour ».

Des débuts désespérants à l’enlisement dans la durée, le « conflit ukrainien » a indéniablement exercé un profond effet transformateur et structurant dans la durée. La prise en compte de cette événementiel est importante en ce qu’il met à nu les blocages d’un Kremlin empêtré dans un discours qui, face à la réalité qui le dément chaque jour, ne cesse d’affirmer que « tout se déroule conformément au plan », et « dans le respect du calendrier prévu ». La chronologie, dont la valeur heuristique dans une étude historique n’est plus à rappeler, gagne ici une portée littéralement subversive. Certes, tout événement, tout conflit, tout fait social se prête à une lecture plurielle, sans laquelle ni les sciences sociales ni le débat public ne sauraient exister. Mais comme Hannah Arendt l’a magistralement souligné, cette liberté d’interprétation ne peut être accordée qu’à condition que les faits eux-mêmes soient admis, que les repères chronologiques, dans la mesure où ils se sont déjà constitués une fois pour toutes, soient reconnus. Or, évoquer le simple déroulement des faits de la cadence frénétique du début à l’étonnante lenteur par la suite, c’est aussi une façon de rappeler les intentions, affichées et non supposées, du poutinisme, démasquer ses mensonges, analyser l’hubris, ce sentiment de toute-puissance qui le marquait au début du conflit et alimentait son style aussi insolent que confiant.

À l’évidence, cet hubris, bien distinct de la volonté de surmonter le sentiment d’humiliation qui habite Poutine et nombre d’acteurs russes dont tous ne sont pas nostalgiques de l’URSS, n’est pas un fait récent. Des discours du chef de l’État russe répétés à la nausée au cours montrent clairement ce fait. Estimant définitivement tournée la page des années 1990 avec ses humiliations en chaîne – l’effarante dissolution de l’URSS, la désintégration sociale et économique de la société russe, les guerres de l’ex-Yougoslavie du bombardement de Belgrade par l’OTAN au soutien militaire occidental à la création de la république kosovare-, le « Document de politique étrangère » de la Fédération de Russie de 2008 définissait la Russie comme une « nation-civilisation » à part entière, située à l’exact antipode de la « civilisation occidentale », qui n’aurait cessé de la menacer au cours de l’histoire. Irréductible à tout autre altérité et ontologiquement inaliénable, la « civilisation » nationale représentait tout à la fois l’identité, le passé, la ligne de défense actuelle et l’avenir… de la Russie éternelle.  Les années 2000, et surtout 2010, virent également la refondation de l’armée et le développement d’une série de nouvelles armes grâce à la mobilisation des ressources encore intactes de l’ancien complexe militaro-industriel. La guerre en Géorgie, la reculade du Président américain en Syrie en 2013, puis le retrait américain de l’Afghanistan en  confortèrent Poutine dans l’idée qu’aucune puissance ne serait désormais en mesure d’entraver ses projets d’expansion territoriale dans son « étranger proche ».

Publications
  • Ukraine 2022. Le double aveuglement, Paris, CNRS Éditions, 2023, 104 p.
  • « Irak, Iran, Syrie, Turquie : les dynamiques de violence au Kurdistan-XIXe-XXe Siècles », dans États-nations et minorités. Maroc, Algérie, Libye, Égypte, Syrie, Turquie, Irak,  Iran, sous la dir. de T. Khalfoune, Casablanca, En toutes lettres, 2023, p. 187-204.
  • « L’automne du patriarche. Usure de la théocratie en Iran ? », Esprit, n° 496, 2023, p. 57-62.

Dernière modification : 13 mai 2022 16:55

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie historique, Histoire, Sociologie
Page web
-
Langues
anglais français
Mots-clés
Démocratie Droit, normes et société Empire Histoire Nationalisme Politique Violence
Aires culturelles
Iranien (monde) Russie Turc (domaine)
Intervenant·e·s
  • Hamit Bozarslan [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Centre d'études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques (CETOBaC)

« La mission historique millénaire », « l’avenir comme revanche sur le passé », « la fusion charnelle entre le chef et la nation », « la terre ne devenant patrie que par le sang des martyrs qui l’arrose », « la restauration de la nation dans sa pureté ontologique »… tels sont quelques-uns des thèmes qui structurent les discours des dirigeants iraniens, russes et turcs. Il s’agit des régimes qui préservent la charpente institutionnelle d’une démocratie classique (élections, parlement, cour constitutionnelle, cour des comptes…) mais qui se pensent comme des alternatives radicales, nationales et « viriles » à la démocratie libérale. Comprendre l’émergence de ces anti-démocraties en Iran, en Russie et en Turquie, trois pays aux trajectoires historiques si contrastées, exige la prise en considération des crises dont ils furent le théâtre au cours des quatre dernières décennies.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Études politiques – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Sociologie – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous pris par courriel : Hamit.Bozarslan@ehess.fr

Réception des candidats

sur rendez-vous pris par courriel : Hamit.Bozarslan@ehess.fr

Pré-requis
-
  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 25-B
    2nd semestre / hebdomadaire, lundi 08:30-10:30
    du 20 février 2023 au 12 juin 2023
    Nombre de séances : 12

Après avoir analysé pendant trois ans les régimes iranien, russe et turc pour la rédaction de notre ouvrage sur les anti-démocraties du XXIe siècle, nous avions décidé de consacrer l’édition 2022 de notre séminaire de l’EHESS à la crise des démocraties contemporaines et aux possibilités de leur refondation radicale. Ce projet, que nous n’avons pas abandonné mais ajourné, perdit beaucoup de son acuité lorsque, le 24 février, le « grand empereur » décida de s’« en aller en guerre », nous obligeant à nous pencher sur l’évolution de ce nouveau conflit armé au cœur du « continent des ténèbres ». Cependant, dépendant d’une actualité tissée au fil des semaines nous avons décidé d’adopter un concept que Michel Foucault avait jadis utilisé à propos de Kant, le « philosophe journaliste » au sens où nous nous efforcions de penser notre temps et notre espace de 2022 à partir des ingrédients qu’apportait le « jour ».

Des débuts désespérants à l’enlisement dans la durée, le « conflit ukrainien » a indéniablement exercé un profond effet transformateur et structurant dans la durée. La prise en compte de cette événementiel est importante en ce qu’il met à nu les blocages d’un Kremlin empêtré dans un discours qui, face à la réalité qui le dément chaque jour, ne cesse d’affirmer que « tout se déroule conformément au plan », et « dans le respect du calendrier prévu ». La chronologie, dont la valeur heuristique dans une étude historique n’est plus à rappeler, gagne ici une portée littéralement subversive. Certes, tout événement, tout conflit, tout fait social se prête à une lecture plurielle, sans laquelle ni les sciences sociales ni le débat public ne sauraient exister. Mais comme Hannah Arendt l’a magistralement souligné, cette liberté d’interprétation ne peut être accordée qu’à condition que les faits eux-mêmes soient admis, que les repères chronologiques, dans la mesure où ils se sont déjà constitués une fois pour toutes, soient reconnus. Or, évoquer le simple déroulement des faits de la cadence frénétique du début à l’étonnante lenteur par la suite, c’est aussi une façon de rappeler les intentions, affichées et non supposées, du poutinisme, démasquer ses mensonges, analyser l’hubris, ce sentiment de toute-puissance qui le marquait au début du conflit et alimentait son style aussi insolent que confiant.

À l’évidence, cet hubris, bien distinct de la volonté de surmonter le sentiment d’humiliation qui habite Poutine et nombre d’acteurs russes dont tous ne sont pas nostalgiques de l’URSS, n’est pas un fait récent. Des discours du chef de l’État russe répétés à la nausée au cours montrent clairement ce fait. Estimant définitivement tournée la page des années 1990 avec ses humiliations en chaîne – l’effarante dissolution de l’URSS, la désintégration sociale et économique de la société russe, les guerres de l’ex-Yougoslavie du bombardement de Belgrade par l’OTAN au soutien militaire occidental à la création de la république kosovare-, le « Document de politique étrangère » de la Fédération de Russie de 2008 définissait la Russie comme une « nation-civilisation » à part entière, située à l’exact antipode de la « civilisation occidentale », qui n’aurait cessé de la menacer au cours de l’histoire. Irréductible à tout autre altérité et ontologiquement inaliénable, la « civilisation » nationale représentait tout à la fois l’identité, le passé, la ligne de défense actuelle et l’avenir… de la Russie éternelle.  Les années 2000, et surtout 2010, virent également la refondation de l’armée et le développement d’une série de nouvelles armes grâce à la mobilisation des ressources encore intactes de l’ancien complexe militaro-industriel. La guerre en Géorgie, la reculade du Président américain en Syrie en 2013, puis le retrait américain de l’Afghanistan en  confortèrent Poutine dans l’idée qu’aucune puissance ne serait désormais en mesure d’entraver ses projets d’expansion territoriale dans son « étranger proche ».

Publications
  • Ukraine 2022. Le double aveuglement, Paris, CNRS Éditions, 2023, 104 p.
  • « Irak, Iran, Syrie, Turquie : les dynamiques de violence au Kurdistan-XIXe-XXe Siècles », dans États-nations et minorités. Maroc, Algérie, Libye, Égypte, Syrie, Turquie, Irak,  Iran, sous la dir. de T. Khalfoune, Casablanca, En toutes lettres, 2023, p. 187-204.
  • « L’automne du patriarche. Usure de la théocratie en Iran ? », Esprit, n° 496, 2023, p. 57-62.