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UE110 - Anthropologie de l'infertilité


Lieu et planning


  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle A202
    2nd semestre / hebdomadaire, vendredi 14:30-16:30
    du 24 février 2023 au 2 juin 2023
    Nombre de séances : 12


Description


Dernière modification : 23 février 2023 17:27

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie Capitalisme Cognition Collectifs Ethnographie Histoire des idées Histoire des sciences et des techniques Inégalités Médecine Professions Santé Savoirs Textes
Aires culturelles
Asie méridionale Inde
Intervenant·e·s
  • Caterina Guenzi [référent·e]   maîtresse de conférences, EHESS / Centre d'études sud-asiatiques et himalayennes (CESAH)

Si de nos jours l’infertilité est principalement associée aux nouvelles technologies reproductives et en particulier à la fécondation in vitro (FIV), il existe depuis toujours des formes d’aide à la conception pour les personnes souhaitant engendrer un enfant. Dans ce séminaire, j’examinerai des formes variées d’assistance à la procréation en prenant notamment appui sur des sources textuelles sanskrites (XVIIe-XIXe siècle) et une enquête ethnographique en cours en Inde du Nord. Je m’intéresserai plus particulièrement aux différentes catégories de personnes convoquées pour favoriser l’obtention d’une descendance, ces « autres » qui, par-delà le couple, sont impliqués dans le processus de reproduction. Non seulement les spécialistes détenteurs d’un savoir (gynécologues, prêtres brahmanes, médecins ayurvédiques, etc.), mais aussi toute tierce personne à qui on fait appel pour contribuer, de manière directe ou indirecte, à la procréation (divinités, membres de la famille, donneuses et donneurs de gamètes, mères porteuses, protagonistes des récits de vies antérieures, etc.). Le traitement de l’infertilité sera ainsi abordé comme une entreprise collective révélatrice des rapports sociaux.

24 février : Introduction : matériaux, approches et questionnements.

3 mars : Qu’est-ce que l’infertilité ? D’une langue à l’autre.

10 mars : La procréation assistée par des brahmanes.

17 mars : Infertilité, eugenisme et reproduction sélective.

24 mars : Virginie Rozée (Ined) : « Un travail comme un autre ? Discours et expériences des femmes gestatrices indiennes »

31 mars : Un air de famille : phénotype, caste et religion dans la reproduction assistée en Inde.

7 avril : Sophie Vasset (Université de Montpellier) : « Stérilité, espoir, moqueries et traitements au dix-huitième siècle »

14 avril : Fabrice Cahen (Ined) :  « Insémination artificielle et banques de sperme: retour sur le cas français (1970-1990) »

21 avril : Œufs brouillés : les « egg donations » entre altruisme, opportunisme et exploitation.

12 mai : Stimulations (trans-)nationales : cartographier les dons d’ovocytes.

26 mai : Quand on marche sur des œufs : la réglementation des « banques d’ovocytes » (oocyte banks) en Inde.

2 juin : Travaux des étudiant.e.s


Master


  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral, fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Études asiatiques-Histoire et sciences sociales : terrains, textes et images – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral, fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Savoirs en sociétés-Histoire des sciences, des techniques et des savoirs – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral, fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Compte rendu


Lors des premières séances du séminaire nous avons interrogé le champ lexical de l’infertilité  (notamment en grec ancien, latin, français, anglais et sanskrit) et ses transformations sémantiques. En combinant des sources textuelles et des études ethnographiques (Afrique, Asie), nous avons montré que l’infertilité peut désigner des phénomènes aussi différents que : l’incapacité à concevoir (sur une période variable pouvant aller de douze mois à douze ans, selon les cultures médicales et juridiques établissant le délai au bout duquel la répudiation ou le divorce deviennent légitimes), la naissance d’un seul enfant, parfois deux, l’absence d’enfants en bonne santé, les échecs reproductifs ou bien la naissance d’enfants de sexe féminin exclusivement. Ainsi, d’après la Karmavipākasaṃhitā, un traité sanskrit brahmanique de la première modernité proposant des remèdes rituels pour des couples « infertiles », la naissance d’une ou plusieurs filles, la mort d’un fils en bas âge, un fils dépravé, ou la survenue d’une fausse-couche sont autant de manifestations de l’infertilité (vandhyātva) conçue comme une « rupture de lignage » (vaṃśaccheda), plutôt que comme une incapacité à concevoir. Les sources littéraires et médicales, françaises et anglaises, du XVIIIe siècle présentées par Sophie Vasset (Université Paul-Valéry-Montpellier) ont également fait émerger la diversité des définitions, représentations et traitements de l’infertilité souvent associés aux notions d’impotence, d’obstruction et d’excès appliquées au corps féminin.

La seconde partie du séminaire a porté sur le rôle des « tiers reproducteurs » (donneuses et donneurs de gamètes, mère porteuses) dans l’assistance médicale à la procréation et sur les enjeux sociaux, économiques et juridiques que soulève leur implication dans le processus reproductif. Virginie Rozée (INED) a présenté les débats sur la gestation pour autrui en Inde tout en examinant les caractéristiques de ce marché du travail fortement connoté du point de vue moral. Fabrice Cahen (INED) a retracé le processus d’institutionnalisation des Cecos en France, tout en soulignant la spécificité de ces banques de gamètes strictement réglementées, centralisées et résistant à la marchandisation. Plusieurs séances ont ensuite été consacrées à l’industrie reproductive prenant forme autour de la pratique médicale de l’aspiration d’ovocytes pour autrui, en Inde comme ailleurs (États-Unis, Israël, Roumanie, Espagne). En m’appuyant sur une enquête de terrain de dix mois menée en Inde du Nord dans des cliniques d’infertilité offrant ce type de service, j’ai examiné les processus de prospection, sélection, classification, recrutement, rémunération et évaluation des femmes qu’on appelle couramment egg donors, mais que les études critiques qualifient de egg providers ou egg sellers pour souligner aussi bien la dimension commerciale de l’échange que l’agentivité des femmes impliquées dans ce type de « biotravail ».

Malgré la diversité des matériaux examinés et des approches développées dans la première et seconde partie, un questionnement commun a relié les différentes séances du séminaire. Que ce soit avant ou après l’introduction des nouvelles technologies reproductives, en Inde, aux États-Unis ou ailleurs, les représentations et les traitements de l’infertilité sont souvent liés à la question du type de progéniture souhaitée et des pratiques de sélection à l’œuvre dans les différentes étapes du processus reproductif afin d’obtenir l’enfant souhaité. La diversité des cas examinés a ainsi fait émerger une pluralité de savoirs et de techniques développés respectivement  dans les champs rituel, médical ou commercial afin de garantir la naissance d’un enfant doué de certaines qualités en termes de sexe, de santé, de capacités intellectuelles, de phénotype (couleur de peau, taille, etc.) ou d’autres caractéristiques identitaires.

Publications
  • « The Burmese Hour », Journal of Burma Studies, vol. 26, n° 2, 2022, p. 275-310.

Dernière modification : 23 février 2023 17:27

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie Capitalisme Cognition Collectifs Ethnographie Histoire des idées Histoire des sciences et des techniques Inégalités Médecine Professions Santé Savoirs Textes
Aires culturelles
Asie méridionale Inde
Intervenant·e·s
  • Caterina Guenzi [référent·e]   maîtresse de conférences, EHESS / Centre d'études sud-asiatiques et himalayennes (CESAH)

Si de nos jours l’infertilité est principalement associée aux nouvelles technologies reproductives et en particulier à la fécondation in vitro (FIV), il existe depuis toujours des formes d’aide à la conception pour les personnes souhaitant engendrer un enfant. Dans ce séminaire, j’examinerai des formes variées d’assistance à la procréation en prenant notamment appui sur des sources textuelles sanskrites (XVIIe-XIXe siècle) et une enquête ethnographique en cours en Inde du Nord. Je m’intéresserai plus particulièrement aux différentes catégories de personnes convoquées pour favoriser l’obtention d’une descendance, ces « autres » qui, par-delà le couple, sont impliqués dans le processus de reproduction. Non seulement les spécialistes détenteurs d’un savoir (gynécologues, prêtres brahmanes, médecins ayurvédiques, etc.), mais aussi toute tierce personne à qui on fait appel pour contribuer, de manière directe ou indirecte, à la procréation (divinités, membres de la famille, donneuses et donneurs de gamètes, mères porteuses, protagonistes des récits de vies antérieures, etc.). Le traitement de l’infertilité sera ainsi abordé comme une entreprise collective révélatrice des rapports sociaux.

24 février : Introduction : matériaux, approches et questionnements.

3 mars : Qu’est-ce que l’infertilité ? D’une langue à l’autre.

10 mars : La procréation assistée par des brahmanes.

17 mars : Infertilité, eugenisme et reproduction sélective.

24 mars : Virginie Rozée (Ined) : « Un travail comme un autre ? Discours et expériences des femmes gestatrices indiennes »

31 mars : Un air de famille : phénotype, caste et religion dans la reproduction assistée en Inde.

7 avril : Sophie Vasset (Université de Montpellier) : « Stérilité, espoir, moqueries et traitements au dix-huitième siècle »

14 avril : Fabrice Cahen (Ined) :  « Insémination artificielle et banques de sperme: retour sur le cas français (1970-1990) »

21 avril : Œufs brouillés : les « egg donations » entre altruisme, opportunisme et exploitation.

12 mai : Stimulations (trans-)nationales : cartographier les dons d’ovocytes.

26 mai : Quand on marche sur des œufs : la réglementation des « banques d’ovocytes » (oocyte banks) en Inde.

2 juin : Travaux des étudiant.e.s

  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral, fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Études asiatiques-Histoire et sciences sociales : terrains, textes et images – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral, fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Savoirs en sociétés-Histoire des sciences, des techniques et des savoirs – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral, fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-
  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle A202
    2nd semestre / hebdomadaire, vendredi 14:30-16:30
    du 24 février 2023 au 2 juin 2023
    Nombre de séances : 12

Lors des premières séances du séminaire nous avons interrogé le champ lexical de l’infertilité  (notamment en grec ancien, latin, français, anglais et sanskrit) et ses transformations sémantiques. En combinant des sources textuelles et des études ethnographiques (Afrique, Asie), nous avons montré que l’infertilité peut désigner des phénomènes aussi différents que : l’incapacité à concevoir (sur une période variable pouvant aller de douze mois à douze ans, selon les cultures médicales et juridiques établissant le délai au bout duquel la répudiation ou le divorce deviennent légitimes), la naissance d’un seul enfant, parfois deux, l’absence d’enfants en bonne santé, les échecs reproductifs ou bien la naissance d’enfants de sexe féminin exclusivement. Ainsi, d’après la Karmavipākasaṃhitā, un traité sanskrit brahmanique de la première modernité proposant des remèdes rituels pour des couples « infertiles », la naissance d’une ou plusieurs filles, la mort d’un fils en bas âge, un fils dépravé, ou la survenue d’une fausse-couche sont autant de manifestations de l’infertilité (vandhyātva) conçue comme une « rupture de lignage » (vaṃśaccheda), plutôt que comme une incapacité à concevoir. Les sources littéraires et médicales, françaises et anglaises, du XVIIIe siècle présentées par Sophie Vasset (Université Paul-Valéry-Montpellier) ont également fait émerger la diversité des définitions, représentations et traitements de l’infertilité souvent associés aux notions d’impotence, d’obstruction et d’excès appliquées au corps féminin.

La seconde partie du séminaire a porté sur le rôle des « tiers reproducteurs » (donneuses et donneurs de gamètes, mère porteuses) dans l’assistance médicale à la procréation et sur les enjeux sociaux, économiques et juridiques que soulève leur implication dans le processus reproductif. Virginie Rozée (INED) a présenté les débats sur la gestation pour autrui en Inde tout en examinant les caractéristiques de ce marché du travail fortement connoté du point de vue moral. Fabrice Cahen (INED) a retracé le processus d’institutionnalisation des Cecos en France, tout en soulignant la spécificité de ces banques de gamètes strictement réglementées, centralisées et résistant à la marchandisation. Plusieurs séances ont ensuite été consacrées à l’industrie reproductive prenant forme autour de la pratique médicale de l’aspiration d’ovocytes pour autrui, en Inde comme ailleurs (États-Unis, Israël, Roumanie, Espagne). En m’appuyant sur une enquête de terrain de dix mois menée en Inde du Nord dans des cliniques d’infertilité offrant ce type de service, j’ai examiné les processus de prospection, sélection, classification, recrutement, rémunération et évaluation des femmes qu’on appelle couramment egg donors, mais que les études critiques qualifient de egg providers ou egg sellers pour souligner aussi bien la dimension commerciale de l’échange que l’agentivité des femmes impliquées dans ce type de « biotravail ».

Malgré la diversité des matériaux examinés et des approches développées dans la première et seconde partie, un questionnement commun a relié les différentes séances du séminaire. Que ce soit avant ou après l’introduction des nouvelles technologies reproductives, en Inde, aux États-Unis ou ailleurs, les représentations et les traitements de l’infertilité sont souvent liés à la question du type de progéniture souhaitée et des pratiques de sélection à l’œuvre dans les différentes étapes du processus reproductif afin d’obtenir l’enfant souhaité. La diversité des cas examinés a ainsi fait émerger une pluralité de savoirs et de techniques développés respectivement  dans les champs rituel, médical ou commercial afin de garantir la naissance d’un enfant doué de certaines qualités en termes de sexe, de santé, de capacités intellectuelles, de phénotype (couleur de peau, taille, etc.) ou d’autres caractéristiques identitaires.

Publications
  • « The Burmese Hour », Journal of Burma Studies, vol. 26, n° 2, 2022, p. 275-310.