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UE971 - Formes et pratiques performatives : quelles questions aujourd’hui ?


Lieu et planning


  • 54 bd Raspail
    54 bd Raspail 75006 Paris
    Salle AS1_08
    2nd semestre / bimensuel (1re/3e), mardi 19:00-21:00
    du 1er mars 2022 au 21 juin 2022
    Nombre de séances : 8


Description


Dernière modification : 16 février 2022 09:57

Type d'UE
Séminaires de centre
Centres
Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain (IIAC)
Disciplines
Signes, formes, représentations
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Arts Corps Esthétique Histoire
Aires culturelles
Contemporain (anthropologie du, monde)
Intervenant·e·s
  • Georges Vigarello [référent·e]   directeur d'études (retraité·e), EHESS / Laboratoire d’anthropologie critique interdisciplinaire (IIAC-LACI)
  • Sylvie Roques  
  • Pascale Weber   maîtresse de conférences, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Dans la tradition du langage populaire la performance signe une évaluation hiérarchique dans l’excellence ou dans l’exploit, mais depuis les années 1960 et ses avant-gardes artistiques, le mot « performance » évoque une action unique, donc non répétable, avec en son cœur la dépense corporelle, physique et l’accomplissement offert au regard du public. Seule existerait l’épaisseur quasi physique d’une mise en acte. Le mot anglais « performance » le dit plus spécifiquement encore : « The act of performing, execution, accomplishment » (Webster’s Dictionary).

Deux voies ont dominé dans ce qui pourrait s’appeler l’enjeu de la performance artistique.

La première est celle d’une exploitation quasi politique, l’utilisation de l’effervescence gestuelle par exemple comme un acte de transgression, un acte de remise en cause d’un ordre, la contestation concrète, quasi exemplifiée, des normes dominantes, des tabous, des frontières acquises. La seconde est plus individuelle, identifiée davantage au geste esthétique, elle est affirmation de singularité, exposition d’un soi. Elle décline les forces et les fragilités d’une identité. La première s’accordait avec une culture de la contestation, celle des années 1960-1970, celle d’un corps jouant avec toutes les transgressions, de l'avant-garde. La seconde s’accorde avec une culture de l’individualisme telle qu’elle s’est affirmée durant ces dernières décennies.

Aujourd'hui un versant central de la performance théâtrale affirme pouvoir exprimer le « tout » dans un immédiat sans distance, donner à la présence de chair tangible et instantanée, la valeur d’un « dire » sans parole. Dans cette perspective, il s’en suit un brouillage possible de frontières. La mise à distance qu’opérait la catharsis s’en trouve affaiblie. Les effets de la « mise à distance » étant compromis, c’est bien l’ordre symbolique qui en est affaibli : la présentation l’emporte sur la représentation, et le « performer » l’emporte sur le « personnage ».

Cet effacement de la parole comme de la politique n’est pourtant pas généralisable. Des performeur·e·s, au contraire, revendiquent depuis des pratiques corporelles comme la danse, la possibilité d’une performance verbale, discursive à valeur politique et mémorielle. Avec le retour de la parole nous assistons aussi au retour de l’historicité et de la politique.

Ré-émerge l’idée de performances non plus individuelles mais collectives telles que l’anthropologie a pu les analyser avec les notions de social drama de Turner, ou de performance ordinaire, chez Richard Schechner. La performance se reconfigure ainsi constamment dans ses enjeux politiques, culturels ou sociaux appelant pour l’analyser une exigence d’interdisciplinarité. Depuis des expériences aussi bien artistiques que politiques, historiques que contemporaines nous interrogerons ce que la notion de performance nous oblige à penser ensemble qui d’ordinaire demeure le plus souvent disjoint : le présent et le sédimenté sur le temps long du sujet comme du corps social, l’inventif et le répétitif, le conforme et le transgressif, l’entièrement neuf et le mémorial, le corps et la parole.

Nous aimerions ainsi depuis des analyses de performances artistiques mais aussi sociales, rituelles, politiques interroger ce que la notion de performance offre comme ressource épistémologiques pour ressaisir nos disciplines (histoire, science politique, anthropologie, études théâtrales, psychologie) sur des embranchements encore peu explorés ou abandonnés.

1er mars 2022 : Séance d’introduction : G. Vigarello (dir. d’études IIAC-EHESS) , P. Weber (MCF Paris 1) , S. Roques (chercheure associée IIAC-EHESS)

15 mars 2022 :  Amelia Jones : In Between Subjects: A Critical Genealogy of Queer Performance.

Amelia Jones is Robert A. Day Professor and Vice Dean at Roski School of Art & Design, USC. Publications include Seeing Differently: A History and Theory of Identification and the Visual Arts (2012) and Otherwise: Imagining Queer Feminist Art Histories, co-edited with Erin Silver (2016). The catalogue Queer Communion: Ron Athey (2020), co-edited with Andy Campbell, and which accompanies a retrospective of Athey’s work at Participant Inc. (New York) and ICA (Los Angeles), was listed among the “Best Art Books 2020” in the NY Times, and the exhibition was listed among Top Ten 2021 exhibitions in Artforum (December 2021). Her book entitled In Between Subjects: A Critical Genealogy of Queer Performance (2021) is published by Routledge Press.

5 avril 2022 : Arnaud Labelle-Rojoux : Performance mais encore ?

Arnaud Labelle-Rojouxs’est d'abord fait connaître dans le circuit de la performance dont il est devenu l'historien en 1988 avec son livre L'Acte pour l'art, premier d’une dizaine d’essais. Dernier en date : Duchamp aux Éditions François Bourin (2020). Il expose régulièrement depuis 2003 à la Galerie Loevenbruck qui le représente à Paris (en 2017 : En affinité(s) : Apple Shrine / Allan Kaprow / Arnaud Labelle-Rojoux ; en 2021 : Étant damné(s), un épisode de la Passion triste, avec Xavier Boussiron). Parmi les expositions collectives, il a participé à Notre Histoire, Palais de Tokyo, 2006 ; La Force de l'art 02, Grand Palais, Paris, 2009 ; Une forme pour toute action, Le Printemps de septembre, Toulouse, 2010 ; Les Maîtres du désordre, Musée du quai Branly, 2012 ; Le Surréalisme et l’objet, Centre Georges Pompidou, 2013 ; Le temps de l’audace, Institut d’art contemporain, Villeurbanne, 2016 ; ALBEROlaBELLEROJOUX au Filaf, Perpignan, 2019.

19 avril 2022 : Barbara Formis (Paris 1) : Le laboratoire du geste et performer l’ordinaire

Barbara Formis, est maîtresse de conférences en Esthétique et Philosophie de l’Art à l’Ecole des Arts de l’Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. Membre de l’Institut ACTE (EA 7539), ses travaux portent sur la philosophie du corps, l’esthétique contemporaine et le pragmatisme avec une attention particulière aux arts vivants (performance, danse, happenings) et à leur rôle au sein des phénomènes sociaux et des pratiques de la vie ordinaire. Elle est co-directrice, avec Judith Michalet, de la collection « Ressorts Esthétiques » aux Publications de la Sorbonne et co-directrice, avec Mélanie Perrier, du Laboratoire du Geste.

3 mai 2022 : Fanny de Chaillé : Performer Michel Foucault

Après des études universitaires d’Esthétique à la Sorbonne, Fanny de Chaillé travaille avec Daniel Larrieu au Centre chorégraphique national de Tours. C’est à partir de 2003 qu’elle développe un travail pour le théâtre avec les pièces Underwear (2003), Ta ta ta (2005) et Gonzo Conférence (2007). Elle collabore par ailleurs comme dramaturge avec Emmanuelle Huynh, Alain Buffard et Boris Charmatz. En résidence au Théâtre de la Cité Internationale à Paris, elle crée La Bibliothèque (2010) puis la pièce Je suis un metteur en scène japonais (2011) d’après Minetti de Thomas Bernhard. Elle débute une collaboration avec l’écrivain Pierre Alferi : COLOC dans le cadre du cycle de rencontres « l’objet des mots » (Actoral, 2012), le duo Répète (Concordanses, 2014), Les Grands (Chambéry 2017), où elle interroge le statut d’adulte et les différentes strates de réalité qui constituent un individu.

Elle est artiste associée à Malraux, Scène nationale Chambéry Savoie depuis 2014 où elle a créé la saison dernière Désordre du discours, d’après «L’Ordre du discours» de Michel Foucault. Elle y a également imaginé un projet d’ AUDIOGUIDE : LE MONT-CENIS, documentaire audio qui donne la parole à ses habitants ainsi qu’un projet d’installation destiné aux espaces publics POÈME MONUMENT en collaboration avec le designer David Dubois. Dans le cadre du dispositif « Talents Adami Théâtre » elle a créé LE CHOEUR au Festival d’Automne à Paris en 2020.

17 mai 2022 : Carole Douillard : Performer l’intime

La pratique artistique de Carole Douillard interroge le corps contraint et les relations instaurées avec les espaces physiques et psychiques. Le travail singulier de cette artiste franco-algérienne a été remarqué notamment lors de la 14e biennale de Lyon en 2017 avec Dog Life (Unfolded Pictures et To Hold), une de ses œuvres qui met en évidence les rapports entre corps et société autoritaire. Ces problématiques sont aussi identifiables avec Idir, qui prend la forme d’un reenactment de la performance historique de Bruce Nauman, Walking in an Exaggerated Manner Around the Perimeter of a Square ou encore il faut citer la performance Sleepers repris au théâtre de Gennevilliers en juin 2021 interrogeant le rapport intime à soi dans l’état de sommeil mis en oeuvre dans un espace public. Ses recherches performatives se complètent souvent de documents ou de photographies. Ses récents projets ont pris place à Los Angeles, au centre d’art LACE, à la biennale d’Oslo en Norvège, à Bruxelles (A performance Affair, 2018), à la Biennale de Lyon (Mondes Flottants, 2017).

7 juin 2022 :  Simona Polvani (postdoctorante Paris1) autour de la poésie performée et du genre

Simona Polvani est docteure en arts plastiques et arts de la scène (cotutelle université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Alma Mater Studiorum-Università di Bologna) avec une thèse intitulée La Performativité dans l’œuvre et la pratique artistique de Gao Xingjian. Chargée actuellement de cours à l’Ecole des Arts de la Sorbonne /UFR04 université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, elle est aussi artiste visuelle, autrice, en particulier de formes poétiques, et performeuse ainsi que traductrice théâtrale.

21 juin 2022 : conclusion


Master


Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.


Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Compte rendu


Comme les années précédentes, notre séminaire dans ses diverses interventions a confirmé le sens premier de la notion de performance : la présence intensifiée du corps et du geste, la centration systématique sur le présent, la non -répétabilité de l’acte exécuté et proposé. L’intérêt tout particulier de ce qui a été présenté cette année est aussi bien la diversité des thèmes leur originalité et osons le mot leur indéniable profondeur. 

Les réflexions récentes d’Amelia Jones ont nourri cette année notre séminaire autour de la question du genre et de l’histoire de l’art avec notamment son ouvrage critique In Between Subjects: A Critical Genealogy of Queer Performance (2021), comme entre autres celles d’Arnaud Labelle-Rojoux faisant retour sur son parcours artistique et théorique s’appuyant sur Twist tropiques (2012) et montrant la prééminence de la question de la forme ou encore celles du politique avec l’intervention plus récente de Carole Douillard s’appuyant sur ses propositions artistiques dans le domaine de la performance. Notre perspective demeure celle de croiser les problématiques concernant les pratiques performatives et les interrogations qui ne peuvent manquer de surgir à leur sujet en faisant dialoguer pratique et théorie. 

Dans une mise en perspective historique Simona Polvani a mis en évidence dans le domaine de la poésie performative un certain nombre de processus à l’œuvre tels ceux antagonistes de la construction et de la déconstruction auxquels s’ajoute celui de principe du recyclage. Cette poésie singulière peut prendre pour une courant d’artistes le sens d’une réécriture de soi-même, s’appuyant aussi sur une mise à distance et la destruction de stéréotypes comme chez Marinella Senatore. Finalement, Simona Polvani a montré comment ce que l’on appelle la poésie performative fait système et devient dispositif naissant d’impulsion comme la danse et tout compte fait bien surgit d’autres stimuli que le texte. On a pu évoquer finalement l’idée d’un dispositif dans l’espace autre que l’espace textuel et qui acquiert une inscription d’ordre plastique. Une telle perspective était également au centre de l’intervention de Fanny de Chaillé lorsqu’elle a évoqué nombre de ses propositions artistiques notamment lorsque son intention visait précisément à « sortir la langue de la page ». Ce fut le cas par exemple avec sa performance Le voyage d’hiver (2001), lecture performance d’une version synonymique d’un texte de Georges Perec mais aussi à l’œuvre plu récemment avec son spectacle sur Michel Foucault Désordre du discours (2019) où le discours est jeu et devient danse et mouvement. 

Finalement, c’est bien l’hybridité qui est manifeste comme nous est donné à comprendre la porosité des systèmes en harmonie, résonnance ou opposition. On peut alors s’interroger : la poésie performée au sens large serait -elle finalement émergence d’une forme spécifique « agie » en quelque sorte ou « agissante » ? Le corps n’y est pas absent il est parfois sollicité comme l’un des éléments même de cette poésie comme chez Hortense Gauthier qui propose parfois une écriture croisant nudité et numérique. 

Évoquer les formes et pratiques performatives ne peut faire l’économie de penser au geste. On a pu voir avec Barbara Formis que la question centrale du geste échappe à la saisie et qu’il nous faut le considérer dans sa valeur biologique ancré dans un système de d’échanges d’énergies, lié à un écosystème qui lui donne un sens. Le geste vu comme « partie d’ombre de l’agir », appartenant à une culture comme nous l’a appris Marcel Mauss mais finalement qui ne nous appartient pas en propre, contrairement à l’action, il ne tire pas son mode d’existence de moi. 

Peut-être nous faut-il revenir à l’origine et reprendre la définition des termes même et du contexte d’émergence. Perspective critique avec Amélia Jones qui a mis en perspective les termes comme ceux de performativité ou de théâtralité. Quelques éclairages pertinents n’ont pas manqué de surgir notamment à partir des termes « happenings /events » nuance proposée par Pascale Weber pour qui le happening « c’est quelque chose à interroger du point de vue du spectateur qui voit quelque chose se produire alors que la performance serait davantage perçue du côté du performer qui lui est présent pour dire quelque chose sans pour autant qu’il y ait un quelconque jugement ». L’idée surgit aussi selon laquelle genre et sexualité ne sont pas périphériques mais fondamentaux avec la prise en considération du contexte indiscutable de l’histoire du féminisme et des grands mouvements sociaux et politiques des années 60-70 où l’on a cherché à bouleverser par exemple le fonctionnement habituel du fétichisme. On peut songer par exemple à Valie Export dans sa performance Action Pants : Genital Panic (1969) très finement analysée par Amelia Jones où l’artiste déjoue les attentes face à la nudité d’un corps séduisant féminin. Est refusée la distance habituelle face à l’art. Il faut encore évoquer ORLAN avec Le baiser de l’artiste (1977) ou à Rhytm O (1974) de Marina Abramovic où celle-ci va autoriser le public à choisir un objet et à faire ce qu’il veut de son corps.

Dernière modification : 16 février 2022 09:57

Type d'UE
Séminaires de centre
Centres
Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain (IIAC)
Disciplines
Signes, formes, représentations
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Arts Corps Esthétique Histoire
Aires culturelles
Contemporain (anthropologie du, monde)
Intervenant·e·s
  • Georges Vigarello [référent·e]   directeur d'études (retraité·e), EHESS / Laboratoire d’anthropologie critique interdisciplinaire (IIAC-LACI)
  • Sylvie Roques  
  • Pascale Weber   maîtresse de conférences, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Dans la tradition du langage populaire la performance signe une évaluation hiérarchique dans l’excellence ou dans l’exploit, mais depuis les années 1960 et ses avant-gardes artistiques, le mot « performance » évoque une action unique, donc non répétable, avec en son cœur la dépense corporelle, physique et l’accomplissement offert au regard du public. Seule existerait l’épaisseur quasi physique d’une mise en acte. Le mot anglais « performance » le dit plus spécifiquement encore : « The act of performing, execution, accomplishment » (Webster’s Dictionary).

Deux voies ont dominé dans ce qui pourrait s’appeler l’enjeu de la performance artistique.

La première est celle d’une exploitation quasi politique, l’utilisation de l’effervescence gestuelle par exemple comme un acte de transgression, un acte de remise en cause d’un ordre, la contestation concrète, quasi exemplifiée, des normes dominantes, des tabous, des frontières acquises. La seconde est plus individuelle, identifiée davantage au geste esthétique, elle est affirmation de singularité, exposition d’un soi. Elle décline les forces et les fragilités d’une identité. La première s’accordait avec une culture de la contestation, celle des années 1960-1970, celle d’un corps jouant avec toutes les transgressions, de l'avant-garde. La seconde s’accorde avec une culture de l’individualisme telle qu’elle s’est affirmée durant ces dernières décennies.

Aujourd'hui un versant central de la performance théâtrale affirme pouvoir exprimer le « tout » dans un immédiat sans distance, donner à la présence de chair tangible et instantanée, la valeur d’un « dire » sans parole. Dans cette perspective, il s’en suit un brouillage possible de frontières. La mise à distance qu’opérait la catharsis s’en trouve affaiblie. Les effets de la « mise à distance » étant compromis, c’est bien l’ordre symbolique qui en est affaibli : la présentation l’emporte sur la représentation, et le « performer » l’emporte sur le « personnage ».

Cet effacement de la parole comme de la politique n’est pourtant pas généralisable. Des performeur·e·s, au contraire, revendiquent depuis des pratiques corporelles comme la danse, la possibilité d’une performance verbale, discursive à valeur politique et mémorielle. Avec le retour de la parole nous assistons aussi au retour de l’historicité et de la politique.

Ré-émerge l’idée de performances non plus individuelles mais collectives telles que l’anthropologie a pu les analyser avec les notions de social drama de Turner, ou de performance ordinaire, chez Richard Schechner. La performance se reconfigure ainsi constamment dans ses enjeux politiques, culturels ou sociaux appelant pour l’analyser une exigence d’interdisciplinarité. Depuis des expériences aussi bien artistiques que politiques, historiques que contemporaines nous interrogerons ce que la notion de performance nous oblige à penser ensemble qui d’ordinaire demeure le plus souvent disjoint : le présent et le sédimenté sur le temps long du sujet comme du corps social, l’inventif et le répétitif, le conforme et le transgressif, l’entièrement neuf et le mémorial, le corps et la parole.

Nous aimerions ainsi depuis des analyses de performances artistiques mais aussi sociales, rituelles, politiques interroger ce que la notion de performance offre comme ressource épistémologiques pour ressaisir nos disciplines (histoire, science politique, anthropologie, études théâtrales, psychologie) sur des embranchements encore peu explorés ou abandonnés.

1er mars 2022 : Séance d’introduction : G. Vigarello (dir. d’études IIAC-EHESS) , P. Weber (MCF Paris 1) , S. Roques (chercheure associée IIAC-EHESS)

15 mars 2022 :  Amelia Jones : In Between Subjects: A Critical Genealogy of Queer Performance.

Amelia Jones is Robert A. Day Professor and Vice Dean at Roski School of Art & Design, USC. Publications include Seeing Differently: A History and Theory of Identification and the Visual Arts (2012) and Otherwise: Imagining Queer Feminist Art Histories, co-edited with Erin Silver (2016). The catalogue Queer Communion: Ron Athey (2020), co-edited with Andy Campbell, and which accompanies a retrospective of Athey’s work at Participant Inc. (New York) and ICA (Los Angeles), was listed among the “Best Art Books 2020” in the NY Times, and the exhibition was listed among Top Ten 2021 exhibitions in Artforum (December 2021). Her book entitled In Between Subjects: A Critical Genealogy of Queer Performance (2021) is published by Routledge Press.

5 avril 2022 : Arnaud Labelle-Rojoux : Performance mais encore ?

Arnaud Labelle-Rojouxs’est d'abord fait connaître dans le circuit de la performance dont il est devenu l'historien en 1988 avec son livre L'Acte pour l'art, premier d’une dizaine d’essais. Dernier en date : Duchamp aux Éditions François Bourin (2020). Il expose régulièrement depuis 2003 à la Galerie Loevenbruck qui le représente à Paris (en 2017 : En affinité(s) : Apple Shrine / Allan Kaprow / Arnaud Labelle-Rojoux ; en 2021 : Étant damné(s), un épisode de la Passion triste, avec Xavier Boussiron). Parmi les expositions collectives, il a participé à Notre Histoire, Palais de Tokyo, 2006 ; La Force de l'art 02, Grand Palais, Paris, 2009 ; Une forme pour toute action, Le Printemps de septembre, Toulouse, 2010 ; Les Maîtres du désordre, Musée du quai Branly, 2012 ; Le Surréalisme et l’objet, Centre Georges Pompidou, 2013 ; Le temps de l’audace, Institut d’art contemporain, Villeurbanne, 2016 ; ALBEROlaBELLEROJOUX au Filaf, Perpignan, 2019.

19 avril 2022 : Barbara Formis (Paris 1) : Le laboratoire du geste et performer l’ordinaire

Barbara Formis, est maîtresse de conférences en Esthétique et Philosophie de l’Art à l’Ecole des Arts de l’Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. Membre de l’Institut ACTE (EA 7539), ses travaux portent sur la philosophie du corps, l’esthétique contemporaine et le pragmatisme avec une attention particulière aux arts vivants (performance, danse, happenings) et à leur rôle au sein des phénomènes sociaux et des pratiques de la vie ordinaire. Elle est co-directrice, avec Judith Michalet, de la collection « Ressorts Esthétiques » aux Publications de la Sorbonne et co-directrice, avec Mélanie Perrier, du Laboratoire du Geste.

3 mai 2022 : Fanny de Chaillé : Performer Michel Foucault

Après des études universitaires d’Esthétique à la Sorbonne, Fanny de Chaillé travaille avec Daniel Larrieu au Centre chorégraphique national de Tours. C’est à partir de 2003 qu’elle développe un travail pour le théâtre avec les pièces Underwear (2003), Ta ta ta (2005) et Gonzo Conférence (2007). Elle collabore par ailleurs comme dramaturge avec Emmanuelle Huynh, Alain Buffard et Boris Charmatz. En résidence au Théâtre de la Cité Internationale à Paris, elle crée La Bibliothèque (2010) puis la pièce Je suis un metteur en scène japonais (2011) d’après Minetti de Thomas Bernhard. Elle débute une collaboration avec l’écrivain Pierre Alferi : COLOC dans le cadre du cycle de rencontres « l’objet des mots » (Actoral, 2012), le duo Répète (Concordanses, 2014), Les Grands (Chambéry 2017), où elle interroge le statut d’adulte et les différentes strates de réalité qui constituent un individu.

Elle est artiste associée à Malraux, Scène nationale Chambéry Savoie depuis 2014 où elle a créé la saison dernière Désordre du discours, d’après «L’Ordre du discours» de Michel Foucault. Elle y a également imaginé un projet d’ AUDIOGUIDE : LE MONT-CENIS, documentaire audio qui donne la parole à ses habitants ainsi qu’un projet d’installation destiné aux espaces publics POÈME MONUMENT en collaboration avec le designer David Dubois. Dans le cadre du dispositif « Talents Adami Théâtre » elle a créé LE CHOEUR au Festival d’Automne à Paris en 2020.

17 mai 2022 : Carole Douillard : Performer l’intime

La pratique artistique de Carole Douillard interroge le corps contraint et les relations instaurées avec les espaces physiques et psychiques. Le travail singulier de cette artiste franco-algérienne a été remarqué notamment lors de la 14e biennale de Lyon en 2017 avec Dog Life (Unfolded Pictures et To Hold), une de ses œuvres qui met en évidence les rapports entre corps et société autoritaire. Ces problématiques sont aussi identifiables avec Idir, qui prend la forme d’un reenactment de la performance historique de Bruce Nauman, Walking in an Exaggerated Manner Around the Perimeter of a Square ou encore il faut citer la performance Sleepers repris au théâtre de Gennevilliers en juin 2021 interrogeant le rapport intime à soi dans l’état de sommeil mis en oeuvre dans un espace public. Ses recherches performatives se complètent souvent de documents ou de photographies. Ses récents projets ont pris place à Los Angeles, au centre d’art LACE, à la biennale d’Oslo en Norvège, à Bruxelles (A performance Affair, 2018), à la Biennale de Lyon (Mondes Flottants, 2017).

7 juin 2022 :  Simona Polvani (postdoctorante Paris1) autour de la poésie performée et du genre

Simona Polvani est docteure en arts plastiques et arts de la scène (cotutelle université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Alma Mater Studiorum-Università di Bologna) avec une thèse intitulée La Performativité dans l’œuvre et la pratique artistique de Gao Xingjian. Chargée actuellement de cours à l’Ecole des Arts de la Sorbonne /UFR04 université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, elle est aussi artiste visuelle, autrice, en particulier de formes poétiques, et performeuse ainsi que traductrice théâtrale.

21 juin 2022 : conclusion

Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.

Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-
  • 54 bd Raspail
    54 bd Raspail 75006 Paris
    Salle AS1_08
    2nd semestre / bimensuel (1re/3e), mardi 19:00-21:00
    du 1er mars 2022 au 21 juin 2022
    Nombre de séances : 8

Comme les années précédentes, notre séminaire dans ses diverses interventions a confirmé le sens premier de la notion de performance : la présence intensifiée du corps et du geste, la centration systématique sur le présent, la non -répétabilité de l’acte exécuté et proposé. L’intérêt tout particulier de ce qui a été présenté cette année est aussi bien la diversité des thèmes leur originalité et osons le mot leur indéniable profondeur. 

Les réflexions récentes d’Amelia Jones ont nourri cette année notre séminaire autour de la question du genre et de l’histoire de l’art avec notamment son ouvrage critique In Between Subjects: A Critical Genealogy of Queer Performance (2021), comme entre autres celles d’Arnaud Labelle-Rojoux faisant retour sur son parcours artistique et théorique s’appuyant sur Twist tropiques (2012) et montrant la prééminence de la question de la forme ou encore celles du politique avec l’intervention plus récente de Carole Douillard s’appuyant sur ses propositions artistiques dans le domaine de la performance. Notre perspective demeure celle de croiser les problématiques concernant les pratiques performatives et les interrogations qui ne peuvent manquer de surgir à leur sujet en faisant dialoguer pratique et théorie. 

Dans une mise en perspective historique Simona Polvani a mis en évidence dans le domaine de la poésie performative un certain nombre de processus à l’œuvre tels ceux antagonistes de la construction et de la déconstruction auxquels s’ajoute celui de principe du recyclage. Cette poésie singulière peut prendre pour une courant d’artistes le sens d’une réécriture de soi-même, s’appuyant aussi sur une mise à distance et la destruction de stéréotypes comme chez Marinella Senatore. Finalement, Simona Polvani a montré comment ce que l’on appelle la poésie performative fait système et devient dispositif naissant d’impulsion comme la danse et tout compte fait bien surgit d’autres stimuli que le texte. On a pu évoquer finalement l’idée d’un dispositif dans l’espace autre que l’espace textuel et qui acquiert une inscription d’ordre plastique. Une telle perspective était également au centre de l’intervention de Fanny de Chaillé lorsqu’elle a évoqué nombre de ses propositions artistiques notamment lorsque son intention visait précisément à « sortir la langue de la page ». Ce fut le cas par exemple avec sa performance Le voyage d’hiver (2001), lecture performance d’une version synonymique d’un texte de Georges Perec mais aussi à l’œuvre plu récemment avec son spectacle sur Michel Foucault Désordre du discours (2019) où le discours est jeu et devient danse et mouvement. 

Finalement, c’est bien l’hybridité qui est manifeste comme nous est donné à comprendre la porosité des systèmes en harmonie, résonnance ou opposition. On peut alors s’interroger : la poésie performée au sens large serait -elle finalement émergence d’une forme spécifique « agie » en quelque sorte ou « agissante » ? Le corps n’y est pas absent il est parfois sollicité comme l’un des éléments même de cette poésie comme chez Hortense Gauthier qui propose parfois une écriture croisant nudité et numérique. 

Évoquer les formes et pratiques performatives ne peut faire l’économie de penser au geste. On a pu voir avec Barbara Formis que la question centrale du geste échappe à la saisie et qu’il nous faut le considérer dans sa valeur biologique ancré dans un système de d’échanges d’énergies, lié à un écosystème qui lui donne un sens. Le geste vu comme « partie d’ombre de l’agir », appartenant à une culture comme nous l’a appris Marcel Mauss mais finalement qui ne nous appartient pas en propre, contrairement à l’action, il ne tire pas son mode d’existence de moi. 

Peut-être nous faut-il revenir à l’origine et reprendre la définition des termes même et du contexte d’émergence. Perspective critique avec Amélia Jones qui a mis en perspective les termes comme ceux de performativité ou de théâtralité. Quelques éclairages pertinents n’ont pas manqué de surgir notamment à partir des termes « happenings /events » nuance proposée par Pascale Weber pour qui le happening « c’est quelque chose à interroger du point de vue du spectateur qui voit quelque chose se produire alors que la performance serait davantage perçue du côté du performer qui lui est présent pour dire quelque chose sans pour autant qu’il y ait un quelconque jugement ». L’idée surgit aussi selon laquelle genre et sexualité ne sont pas périphériques mais fondamentaux avec la prise en considération du contexte indiscutable de l’histoire du féminisme et des grands mouvements sociaux et politiques des années 60-70 où l’on a cherché à bouleverser par exemple le fonctionnement habituel du fétichisme. On peut songer par exemple à Valie Export dans sa performance Action Pants : Genital Panic (1969) très finement analysée par Amelia Jones où l’artiste déjoue les attentes face à la nudité d’un corps séduisant féminin. Est refusée la distance habituelle face à l’art. Il faut encore évoquer ORLAN avec Le baiser de l’artiste (1977) ou à Rhytm O (1974) de Marina Abramovic où celle-ci va autoriser le public à choisir un objet et à faire ce qu’il veut de son corps.