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UE932 - Philosophie du langage et de l'esprit


Lieu et planning


  • Collège de France
    11 place Marcelin-Berthelot 75005 Paris
    Amphithéâtre Maurice-Halbwachs
    2nd semestre / bimensuel (indifférent), vendredi 14:00-17:00
    du 4 février 2022 au 25 mars 2022


Description


Dernière modification : 24 septembre 2021 11:22

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Analyse de discours Cognition Linguistique Philosophie analytique Pragmatique Sciences cognitives Sémantique
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • François Recanati [référent·e]   directeur d'études, EHESS - directeur de recherche (retraité·e), CNRS / Institut Jean-Nicod (IJN)

Le cours de cette année portera sur la fiction, et plus généralement sur la simulation mentale, dont il y a des raisons de penser qu’elle joue un rôle important dans le langage et la cognition. Il sera suivi d’un séminaire de philosophie du langage et de l’esprit où des chercheurs invités présenteront leurs travaux. Les validations seront coordonnées par Louis Rouillé, PRAG au Collège de France, qui organisera des travaux dirigés pour les étudiants souhaitant valider (validation possible notamment dans le cadre du Master de philosophie EHESS-PSL).

Le séminaire aura lieu au Collège de France, 11 place Marcelin-Berthelot, 75005 Paris, le vendredi de 14 h à 17 h, au S2, dans l’Amphithéâtre Maurice-Halbwachs. Séances les vendredis 4, 11 et 18 février, et les 11, 18 et 25 mars. Le séminaire se déroulera en deux parties :

1ère partie (cours) de 14 h à 15 h 30 : Fiction, simulation, faire comme si.

2ème partie (séminaire) de 15 h 30 à 17 h : Philosophie du langage et de l’esprit.


Master


Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.


Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

contacter Louis Rouillé (louis.rouilleATnetc.eu).

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis

niveau M2.


Compte rendu


Fiction, simulation, faire comme si

L’intérêt de la philosophie contemporaine pour la fiction va bien au-delà de l’esthétique et des sous-disciplines philosophiques qui prennent l’art pour objet. La fiction nous parle de choses (ou de personnes) qui n’existent pas. Comment cela est-il possible ? Le fait d’en parler ou d’y penser ne confère-t-il pas à ces choses ou à ces personnes une existence minimale ? Puisque Superman est, comme chacun sait, doté de super-pouvoirs et qu’il peut voler dans les airs, ne s’ensuit-il pas (en vertu de la règle logique dite de « généralisation existentielle ») qu’il y a un individu qui peut voler dans les airs ? Mais que signifie ce « il y a », étant donné que Superman n’existe pas ? Ces questions, présentes depuis l’origine de la philosophie, mobilisent les logiciens, les philosophes du langage et les métaphysiciens. 

Beaucoup, depuis les travaux pionniers de Kendall Walton, voient la fiction comme une forme de simulation en continuité avec les jeux de faire-semblant des enfants. Lorsque l’acteur jouant le rôle de Hamlet emploie le nom propre « Horatio », il fait comme s’il y avait un individu nommé « Horatio » auquel il (ou, plus exactement, le personnage qu’il incarne) faisait référence en employant ce nom. De la même façon, Flaubert, lorsqu’il emploie le nom « Emma Bovary », fait comme s’il y avait, portant ce nom, une personne réelle dont le récit rapporte les faits et gestes. Ceux qui lisent le récit font de même — ils exercent leur imagination. Cette conception offre l’avantage d’être en prise directe avec les recherches des psychologues et des philosophes de l’esprit autour de ce qu’on appelle la théorie de la simulation.

Les psychologues postulent une faculté spécifique qu’ils appellent « théorie de l’esprit » et qui nous permet notamment de nous représenter les états mentaux d’autrui (leurs intentions, leurs désirs et leurs croyances) et d’interpréter leur comportement à la lumière de ces états mentaux supposés. Parmi les théories mises en avant pour analyser cette faculté spécifique, la théorie dite de la simulation la fait reposer sur une aptitude plus fondamentale à se décentrer et à se projeter dans une situation imaginaire. Or c’est dans la pratique de la fiction que cette aptitude fondamentale à la simulation se manifeste de façon paradigmatique.

Dans la communication linguistique ordinaire, le locuteur dit quelque chose et l’auditeur, s’il juge son interlocuteur digne de foi, croit ce qu’on lui dit et intègre l’information à sa base de données. Dans la communication fictionnelle (celle, par exemple, qui s’établit entre l’auteur et le lecteur au moyen du texte de fiction), le destinataire fait comme si un interlocuteur digne de foi lui communiquait des informations, et il enregistre celles-ci dans un compartiment mental séparé où il bâtit une représentation complexe de l’univers fictionnel qu’on lui dépeint. Alors que la représentation du monde perpétuellement mise à jour par notre cerveau guide notre comportement, la représentation de l’univers fictionnel n’a pas d’impact sur le comportement : elle est déconnectée, séparée de la représentation du monde que nous utilisons comme base de données pour agir. Cette déconnexion nous permet de ne pas confondre la fiction et la réalité.

Pour rendre compte de cette déconnexion des représentations secondaires, certains auteurs postulent un espace de travail séparé où on peut simuler les états mentaux ordinaires du premier niveau. Cette aptitude à « recréer » les états mentaux de premier niveau dans un espace de travail séparé et déconnecté nous permet de nous mettre à la place d’autrui afin de comprendre ou d’anticiper son comportement, mais aussi d’envisager et d’explorer des possibilités notamment en planifiant notre comportement futur. On parle d’imagination pour tous les états ou actes mentaux déconnectés de la représentation primaire, c’est-à-dire les états mentaux qui se rapportent non au monde réel (celui dans lequel nous évoluons) mais à des mondes virtuels — ce que les philosophes appellent, depuis Leibniz, des « mondes possibles ». L’imagination joue un rôle essentiel dans la vie mentale, et l’étude de la fiction en fournit un observatoire privilégié.

Publications
  • Direct Reference: From Language to Thought. Traduction chinoise, China Renmin University Press, 2021, 260 p.
  • Oratio Obliqua, Oratio Recta : an Essay on Metarepresentation. Traduction chinoise, China Renmin University Press, 2022, 240 p.
  • Perspectival Thought : A Plea for (Moderate) Relativism. Traduction chinoise, China Renmin University Press, 2022, 210 p.
  • « Transparent Coreference », Topoi, 40, 2021, p. 107-115.
  • « Understanding Force Cancellation », Inquiry (online first, 2022) doi.org/10.1080/0020174X.2022.2075920.
  • « Entertaining as Simulation », dans Force, Content, and the Unity of the Proposition, sous la dir. de M. Schmitz et G. Mras, Londres, Routledge, 2021, p. 112-135.

Dernière modification : 24 septembre 2021 11:22

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Analyse de discours Cognition Linguistique Philosophie analytique Pragmatique Sciences cognitives Sémantique
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • François Recanati [référent·e]   directeur d'études, EHESS - directeur de recherche (retraité·e), CNRS / Institut Jean-Nicod (IJN)

Le cours de cette année portera sur la fiction, et plus généralement sur la simulation mentale, dont il y a des raisons de penser qu’elle joue un rôle important dans le langage et la cognition. Il sera suivi d’un séminaire de philosophie du langage et de l’esprit où des chercheurs invités présenteront leurs travaux. Les validations seront coordonnées par Louis Rouillé, PRAG au Collège de France, qui organisera des travaux dirigés pour les étudiants souhaitant valider (validation possible notamment dans le cadre du Master de philosophie EHESS-PSL).

Le séminaire aura lieu au Collège de France, 11 place Marcelin-Berthelot, 75005 Paris, le vendredi de 14 h à 17 h, au S2, dans l’Amphithéâtre Maurice-Halbwachs. Séances les vendredis 4, 11 et 18 février, et les 11, 18 et 25 mars. Le séminaire se déroulera en deux parties :

1ère partie (cours) de 14 h à 15 h 30 : Fiction, simulation, faire comme si.

2ème partie (séminaire) de 15 h 30 à 17 h : Philosophie du langage et de l’esprit.

Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.

Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

contacter Louis Rouillé (louis.rouilleATnetc.eu).

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis

niveau M2.

  • Collège de France
    11 place Marcelin-Berthelot 75005 Paris
    Amphithéâtre Maurice-Halbwachs
    2nd semestre / bimensuel (indifférent), vendredi 14:00-17:00
    du 4 février 2022 au 25 mars 2022

Fiction, simulation, faire comme si

L’intérêt de la philosophie contemporaine pour la fiction va bien au-delà de l’esthétique et des sous-disciplines philosophiques qui prennent l’art pour objet. La fiction nous parle de choses (ou de personnes) qui n’existent pas. Comment cela est-il possible ? Le fait d’en parler ou d’y penser ne confère-t-il pas à ces choses ou à ces personnes une existence minimale ? Puisque Superman est, comme chacun sait, doté de super-pouvoirs et qu’il peut voler dans les airs, ne s’ensuit-il pas (en vertu de la règle logique dite de « généralisation existentielle ») qu’il y a un individu qui peut voler dans les airs ? Mais que signifie ce « il y a », étant donné que Superman n’existe pas ? Ces questions, présentes depuis l’origine de la philosophie, mobilisent les logiciens, les philosophes du langage et les métaphysiciens. 

Beaucoup, depuis les travaux pionniers de Kendall Walton, voient la fiction comme une forme de simulation en continuité avec les jeux de faire-semblant des enfants. Lorsque l’acteur jouant le rôle de Hamlet emploie le nom propre « Horatio », il fait comme s’il y avait un individu nommé « Horatio » auquel il (ou, plus exactement, le personnage qu’il incarne) faisait référence en employant ce nom. De la même façon, Flaubert, lorsqu’il emploie le nom « Emma Bovary », fait comme s’il y avait, portant ce nom, une personne réelle dont le récit rapporte les faits et gestes. Ceux qui lisent le récit font de même — ils exercent leur imagination. Cette conception offre l’avantage d’être en prise directe avec les recherches des psychologues et des philosophes de l’esprit autour de ce qu’on appelle la théorie de la simulation.

Les psychologues postulent une faculté spécifique qu’ils appellent « théorie de l’esprit » et qui nous permet notamment de nous représenter les états mentaux d’autrui (leurs intentions, leurs désirs et leurs croyances) et d’interpréter leur comportement à la lumière de ces états mentaux supposés. Parmi les théories mises en avant pour analyser cette faculté spécifique, la théorie dite de la simulation la fait reposer sur une aptitude plus fondamentale à se décentrer et à se projeter dans une situation imaginaire. Or c’est dans la pratique de la fiction que cette aptitude fondamentale à la simulation se manifeste de façon paradigmatique.

Dans la communication linguistique ordinaire, le locuteur dit quelque chose et l’auditeur, s’il juge son interlocuteur digne de foi, croit ce qu’on lui dit et intègre l’information à sa base de données. Dans la communication fictionnelle (celle, par exemple, qui s’établit entre l’auteur et le lecteur au moyen du texte de fiction), le destinataire fait comme si un interlocuteur digne de foi lui communiquait des informations, et il enregistre celles-ci dans un compartiment mental séparé où il bâtit une représentation complexe de l’univers fictionnel qu’on lui dépeint. Alors que la représentation du monde perpétuellement mise à jour par notre cerveau guide notre comportement, la représentation de l’univers fictionnel n’a pas d’impact sur le comportement : elle est déconnectée, séparée de la représentation du monde que nous utilisons comme base de données pour agir. Cette déconnexion nous permet de ne pas confondre la fiction et la réalité.

Pour rendre compte de cette déconnexion des représentations secondaires, certains auteurs postulent un espace de travail séparé où on peut simuler les états mentaux ordinaires du premier niveau. Cette aptitude à « recréer » les états mentaux de premier niveau dans un espace de travail séparé et déconnecté nous permet de nous mettre à la place d’autrui afin de comprendre ou d’anticiper son comportement, mais aussi d’envisager et d’explorer des possibilités notamment en planifiant notre comportement futur. On parle d’imagination pour tous les états ou actes mentaux déconnectés de la représentation primaire, c’est-à-dire les états mentaux qui se rapportent non au monde réel (celui dans lequel nous évoluons) mais à des mondes virtuels — ce que les philosophes appellent, depuis Leibniz, des « mondes possibles ». L’imagination joue un rôle essentiel dans la vie mentale, et l’étude de la fiction en fournit un observatoire privilégié.

Publications
  • Direct Reference: From Language to Thought. Traduction chinoise, China Renmin University Press, 2021, 260 p.
  • Oratio Obliqua, Oratio Recta : an Essay on Metarepresentation. Traduction chinoise, China Renmin University Press, 2022, 240 p.
  • Perspectival Thought : A Plea for (Moderate) Relativism. Traduction chinoise, China Renmin University Press, 2022, 210 p.
  • « Transparent Coreference », Topoi, 40, 2021, p. 107-115.
  • « Understanding Force Cancellation », Inquiry (online first, 2022) doi.org/10.1080/0020174X.2022.2075920.
  • « Entertaining as Simulation », dans Force, Content, and the Unity of the Proposition, sous la dir. de M. Schmitz et G. Mras, Londres, Routledge, 2021, p. 112-135.