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UE916 - Du sol à l'assiette : histoire environnementale des transformations de l'agriculture européenne au XXe siècle
Lieu et planning
-
Bâtiment EHESS-Condorcet
Salle A515
EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
annuel / mensuel (2e), mercredi 15:00-18:00
du 13 octobre 2021 au 8 juin 2022Les séances des 9 mars, 13 avril, 11 mai et 8 juin 2022 se dérouleront de 13:30 à 16:30
Description
Dernière modification : 17 mai 2022 15:29
- Type d'UE
- Séminaires DR/CR
- Disciplines
- Histoire
- Page web
- https://moodle.ehess.fr/course/view.php?id=707
- Langues
- -
- Mots-clés
- Agriculture Alimentation Histoire environnementale
- Aires culturelles
- Asie centrale Europe Europe centrale et orientale Russie
Intervenant·e·s
- Marc Elie [référent·e] chargé de recherche, CNRS / Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC)
- Céline Pessis contrat postdoctoral, IFRIS
- Marin Coudreau contrat postdoctoral, CNRS / Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC)
Ce séminaire prend la suite du séminaire de l’an dernier (2020-2021). Les thèmes des séances et les lectures sont profondément renouvelés.
Margot Lyautey (doctorante EHESS) est membre de l'équipe de coordination du séminaire
Les agricultures européennes ont connu des bouleversements très profonds au XXe siècle : spécialisation et concentration d’un nombre toujours plus faible d’exploitants travaillant des surfaces et des cheptels toujours plus grands ; industrialisation (machinisme, chimie, génie génétique) de tous les processus, de la sélection à la transformation en passant par la production ; poids toujours croissant de l’expertise agronomique, commerciale, assurantielle et bancaire extérieure à l’exploitation. De même, les habitudes alimentaires ont drastiquement évolué, sous l’influence de l’industrie alimentaire, vers une nourriture plus carnée, grasse et sucrée et toujours plus transformée. Combattues par des mouvements politiques, des scientifiques, des activistes et des associations de consommateurs, ces transformations n’ont pas éradiqué de nombreuses pratiques agricoles et alimentaires alternatives, dont certaines ont donné naissance à des filières économiques nouvelles.
Mais le XXe siècle européen est aussi celui des carences alimentaires et des famines. Surproduction et privation, malbouffe et faim, modernisme et arriération ne se succèdent pas seulement ; ils sont souvent concomitants, non seulement pendant les périodes de guerre et de conflit du premier XXe siècle, mais aussi entre un Ouest d’abondance et un Est de pénurie.
Ce séminaire propose d’étudier ces bouleversements et ces contradictions comme affectant autant les corps, les organismes et les écosystèmes que les sociétés et l’économie rurales. En prenant appui sur nos propres travaux et sur l’historiographie, nous adoptons comme objets principaux d’enquête les sols, les organismes et les corps. Ces choses environnantes et intimes, nous y accédons en historisant leur objectivation dans des systèmes savoirs et leur modification par l’intervention technique : par exemple, expertise agronomique et sélection variétale et animale, lutte contre les adventices et développement de la chimie, nutritionnisme et industrie agroalimentaire.
L’Europe est prise dans son extension maximale, de l’Europe atlantique jusqu’aux portes de l’Asie centrale, et dans ses extensions coloniales. Cette définition géographique large fait dialoguer plusieurs aires culturelles par-delà le « rideau de fer ». Elle se décline dans des contextes précis qui sont ceux de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni (et de leurs empires), de l’Ukraine, de la Russie et du Kazakhstan. Cet enracinement dans des terrains bien maîtrisés permet d’envisager sereinement la comparaison et l’étude des circulations transnationales des modèles agraires et alimentaires.
13 octobre : Capitalisme, kolkhoze et agriculture
Cette séance introduit le séminaire dans son ensemble et s’appesantit sur certaines de ses grandes interrogations : l’évolution contrastée des structures agraires à l’est et à l’ouest du continent (croissance des surfaces, collectivisation-décollectivisation), l’importance croissante de l’expertise chimique dans les décisions des exploitants, et les agricultures alternatives.
Nous discuterons des textes de Frank Uekötter et de Deborah Fitzgerald.
Un tour de table approfondi permettra de connaître les questionnements et intérêts de chacune.
Chacun·e des quatre organisateurs présentera un point historiographique sur les questions liées à ses recherches afin d’offrir un tour d’horizon des avancées et des problèmes du champ.
Lecture obligatoire :
Uekoetter Frank, “Ignorance is Strength: Science-based Agriculture and the Merits of Incomplete Knowledge,” Managing the Unknown: Essays on Environmental Ignorance, 2014, p. 122—139. https://research.birmingham.ac.uk/portal/files/52955562/06_Uekoetter_CE_FU.pdf
Fitzgerald Deborah, « Circulations USA-URSS et idéal industrialisateur de l’agriculture dans l’entre-deux-guerres » dans Margot Lyautey, Léna Humbert et Christophe Bonneuil (eds.), Histoire des modernisations agricoles au XXe siècle, Presses universitaires de Rennes, 2021, p. 27-37.
10 novembre : Agricultures alternatives
Les « agricultures alternatives » s’entendent ici comme des pratiques agricoles se structurant parallèlement — ou dans une relation dialectique — aux modes dominants de mise en valeur des territoires agricoles, marqués par un investissement croissant des États, des sciences et des logiques industrielles au cours du XXe siècle. De l’agriculture « naturelle » portée par la Lebensreform allemande aux pratiques de cueillette et de jardinage urbain dans la Russie (post) soviétique, cette séance explorera divers moments et espaces interstitiels, multifonctionnels, voire de déprofessionnalisation agricole. En étudiant la structuration de réseaux d’agricultures alternatives (notamment « biologiques » ou « organiques »), nous chercherons à comprendre comment ces dernières sont construites comme ressources nourricières, comme contributions à la santé ou à la pureté nationales, ou encore comme innovations environnementales partagées.
Lectures obligatoires :
Corinna Treitel, “Artificial or Biological? Nature, Fertilizer and the German Origins of Organic Agriculture,” in Denise Philips, Sharon Kinglsand (ed.), New Perspectives on the History of Life Sciences and Agriculture, 2015, p. 183–203.
Camille Robert-Boeuf, « Cultiver la ville en Russie. La datcha à Kazan : histoire de pratiques jardinières », Géographie et cultures, 101, 2017.
8 décembre : Mondes toxiques et santé environnementale
Si depuis la publication de Silent Spring en 1962 les pesticides ont constitué un objet classique de l’histoire environnementale, les études hors d’Occident sont demeurées périphériques à la recherche. Les études aréales offrent pourtant de riches terrains d’enquête pour les sciences humaines et sociales, ainsi que d’importantes perspectives de décentrements critiques. Dans cette séance, nous nous intéresserons aux transformations des environnements, des corps et des sociétés par les pesticides dans la Caraïbe et en Russie-URSS. En partant des matrices que sont les plantations et les guerres dans l’émergence des mondes toxiques, nous chercherons à comprendre les contaminations différenciées et inégales des environnements et des corps par la chimie, ainsi que la production asymétrique de savoirs et d’ignorance quant à leurs effets.
Lectures obligatoires :
Malcom Ferdinand, “Bridging the Divide to Face the Plantationocene: The Chlordecone Contamination and the 2009 Social Events in Martinique and Guadeloupe,” dans H. Adlai Murdoch (eds.), The Struggle of Non-Sovereign Caribbean Territories. Neoliberalism since the French Antillean Uprisings of 2009, Rutgers University Press, 2021, pp. 53–74.
Marin Coudreau, « Silent Spring décentré, pesticides et santé environnementale en Russie-URSS » (travail en cours).
12 janvier : Le maïs hybride à l’est et à l’ouest. Circulations d’un modèle états-unien et adaptations nationales (France & URSS)
La recherche variétale a bouleversé l’agriculture, depuis la production elle-même (rendements, qualité, biodiversité) jusqu’à l’organisation de l’économie agricole (intégration verticale, expertise), précipitant récemment un important débat public autour des organismes génétiquement modifiés. Cette séance revient sur l’adoption-adaptation après-guerre, en URSS et en France, d’une innovation en sélection végétale venue des États-Unis : le maïs hybride. Quelles furent les conditions politiques, économiques et sociales de l’introduction de ces nouvelles semences ?
Lectures obligatoires :
Hale-Dorrell Aaron Todd, Corn crusade: Khrushchev’s farming revolution in the post-Stalin Soviet Union, New York, Oxford University Press, 2018, Chapitre 7, “American technology, Soviet practice”.
Bonneuil Christophe, Semences, une histoire politique : amélioration des plantes, agriculture et alimentation en France depuis la Seconde Guerre mondiale, Paris/France, Éditions Charles Léopold Mayer, 2012, chapitre 3, « La voie française du maïs hybride ».
9 février : Colonisations environnementales du nord au sud et d’ouest en est
[Chapeau à définir]
Lectures obligatoires :
Monica M. van Beusekom, “Colonisation Indigène : French Rural Development Ideology at the Office du Niger, 1920–1940,” The International Journal of African Historical Studies, 1997, Vol. 30, No. 2 (1997), pp. 299–323.
Benjamin Loring, “Colonizers with Party Cards: Soviet Internal Colonialism in Central Asia, 1917–39,” Kritika: Explorations in Russian and Eurasian History, Volume 15, Number 1, Winter 2014, pp. 77–102.
9 mars : Guerres, rationnement, ersatz et famines
Cette séance s’intéressera aux effets des deux conflits mondiaux sur les politiques d’alimentation menées par les États européens au XXe siècle. À partir du cas allemand et du « pain de guerre », nous nous demanderons quels furent les héritages des politiques d’approvisionnement alimentaire de la Grande Guerre. Nous nous tournerons ensuite vers les politiques alimentaires de l’Allemagne nazie dans l’entre-deux-guerres, puis pendant la Seconde Guerre mondiale où le Troisième Reich organise son ravitaillement à l’échelle continentale. Puis, nous nous demanderons plus largement comment ces politiques alimentaires ont servi des politiques d’État menant à des famines instrumentalisées en URSS et à des politiques planifiées, coloniales et génocidaires (Hungerplan) dans les territoires occupés par l’Allemagne nazie. Enfin nous aborderons les liens entre alimentation en temps de guerre et innovations technologiques (pour les emballages entre autres). Nous tenterons de mettre en lumière les multiples pistes offertes par l’histoire environnementale pour renouveler notre compréhension des interrelations entre guerre, alimentation, famine et rationnement.
Intervention de Nina Régis sur le pain de guerre allemand pendant la Grande Guerre.
Lectures obligatoires :
Uwe Spiekermann, “Brown Bread for Victory: German and British Wholemeal Politics in the Inter-War Period,” in F. Trentmann, F. Just (ed), Food and Conflict in Europe in the Age of the Two World Wars, Palgrave Macmillan, 2006, pp. 143–171.
Rebecca Manley, “Nutritional Dystrophy: The science and semantics of starvation in World War II,” in Wendy Goldman et Donald Filtzer (éd.), Hunger and War: Food Provisioning in the Soviet Union during World War II, Bloomington, Indiana, Indiana University Press, 2015, pp. 206–265.
13 avril : Alimentation, marchés et terroirs
Cette séance explore les constructions historiquement situées et les circulations transnationales de la notion de terroir, attribut canonique de la gastronomie française. Comment se construisent, dans les cas français et russe, l’origine et la spécificité des produits « de pays » ? Comment science, écologie, culture et politique interagissent dans cette fabrication de territoires agri-alimentaires ? Entre localisme et impérialisme, entre ancrage naturel et pratiques culturelles, nous verrons que la production de terroirs et d’une qualité alimentaire « d’origine » participe également de la construction des marchés et d’un ordre agro-industriel. Plus largement, il s’agira de relire le développement agro-alimentaire au prisme des rapports sociaux locaux et impériaux, mais aussi des écologies territoriales, et comme vecteur de réinvention d’identités nationales.
Lectures obligatoires :
Stephen V. Bittner, Whites and Reds: A History of Wine in the Lands of Tsar and Commissar, Oxford University Press, 2021, chapitre 1, “Terroir, the Landscape of Winemaking,” pp. 24–59.
Claire Delfosse, « Le pays et ses produits : défense et illustration d’une identité », Études sociales, n° 139-140, 2004, p. 117-138.
11 mai (salle 0.019, bât. recherche sud, campus Condorcet): Cycles biogéochimiques et engrais
Le XXe siècle européen voit se poursuivre la rupture dite « métabolique » débutée au second XIXe siècle avec la transformation des méthodes de fertilisation des sols (recours croissant à des matières fossiles importées et à de nouveaux engrais chimiques, recul parallèle de l’usage des ordures ménagères, alors requalifiées comme déchets). Cette rupture des flux de matières entre villes et campagnes se double au XXe siècle d’une spécialisation des régions agricoles (entre grandes cultures et élevage intensif) qui accroît l’ouverture des cycles de carbone et de nutriments. Des premières modélisations des cycles biogéochimiques au renouveau des pratiques de compostage, cette séance considère les types d’analyses, les alertes et les projets de restauration des cycles organiques qui accompagnèrent ces transformations métaboliques des environnements agricoles dans l’Europe du XXe siècle.
Avec la participation d’Étienne Dufour (doctorant Géographies Cités)
Lectures obligatoires :
Hutchinson G. Evelyn, “The Biosphere,” Scientific American, septembre 1970, vol. 223, nᵒ 3, p. 45–53.
Étienne Dufour, « Regain et déclin du recyclage agricole des ordures ménagères (1940-1990, région parisienne) » (travail en cours)
La séance du 8 juin se déroulera en salle 1.17, GED, Campus Condorcet
Master
-
Séminaires de recherche
– Savoirs en sociétés-Études environnementales
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel mensuelle = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture
Renseignements
- Contacts additionnels
- -
- Informations pratiques
- inscription obligatoire sur : https://participations.ehess.fr/demandes/__nouvelle__?seminaire=916
lectures disponibles sur Moodle : https://moodle.ehess.fr/
Évaluation
Pas de rendu final !
Contrôle continu : En préparation de chacune de quatre séances de votre choix sur les huit que comporte le séminaire, vous présenterez en deux pages maximum l’intérêt, les enjeux et les limites des deux textes proposés. Déposez sur Moodle ou envoyez-nous votre texte par courriel au plus tard le dimanche précédent chaque séance avant 18 h.
De plus, deux participant·e·s présentent les textes à chaque séance.
- Direction de travaux des étudiants
Les personnes intéressées sont invités à contacter par courriel les organisateurs.
- Réception des candidats
Les personnes intéressées sont invités à contacter par courriel les organisateurs.
- Pré-requis
Aucun
Dernière modification : 17 mai 2022 15:29
- Type d'UE
- Séminaires DR/CR
- Disciplines
- Histoire
- Page web
- https://moodle.ehess.fr/course/view.php?id=707
- Langues
- -
- Mots-clés
- Agriculture Alimentation Histoire environnementale
- Aires culturelles
- Asie centrale Europe Europe centrale et orientale Russie
Intervenant·e·s
- Marc Elie [référent·e] chargé de recherche, CNRS / Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC)
- Céline Pessis contrat postdoctoral, IFRIS
- Marin Coudreau contrat postdoctoral, CNRS / Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen (CERCEC)
Ce séminaire prend la suite du séminaire de l’an dernier (2020-2021). Les thèmes des séances et les lectures sont profondément renouvelés.
Margot Lyautey (doctorante EHESS) est membre de l'équipe de coordination du séminaire
Les agricultures européennes ont connu des bouleversements très profonds au XXe siècle : spécialisation et concentration d’un nombre toujours plus faible d’exploitants travaillant des surfaces et des cheptels toujours plus grands ; industrialisation (machinisme, chimie, génie génétique) de tous les processus, de la sélection à la transformation en passant par la production ; poids toujours croissant de l’expertise agronomique, commerciale, assurantielle et bancaire extérieure à l’exploitation. De même, les habitudes alimentaires ont drastiquement évolué, sous l’influence de l’industrie alimentaire, vers une nourriture plus carnée, grasse et sucrée et toujours plus transformée. Combattues par des mouvements politiques, des scientifiques, des activistes et des associations de consommateurs, ces transformations n’ont pas éradiqué de nombreuses pratiques agricoles et alimentaires alternatives, dont certaines ont donné naissance à des filières économiques nouvelles.
Mais le XXe siècle européen est aussi celui des carences alimentaires et des famines. Surproduction et privation, malbouffe et faim, modernisme et arriération ne se succèdent pas seulement ; ils sont souvent concomitants, non seulement pendant les périodes de guerre et de conflit du premier XXe siècle, mais aussi entre un Ouest d’abondance et un Est de pénurie.
Ce séminaire propose d’étudier ces bouleversements et ces contradictions comme affectant autant les corps, les organismes et les écosystèmes que les sociétés et l’économie rurales. En prenant appui sur nos propres travaux et sur l’historiographie, nous adoptons comme objets principaux d’enquête les sols, les organismes et les corps. Ces choses environnantes et intimes, nous y accédons en historisant leur objectivation dans des systèmes savoirs et leur modification par l’intervention technique : par exemple, expertise agronomique et sélection variétale et animale, lutte contre les adventices et développement de la chimie, nutritionnisme et industrie agroalimentaire.
L’Europe est prise dans son extension maximale, de l’Europe atlantique jusqu’aux portes de l’Asie centrale, et dans ses extensions coloniales. Cette définition géographique large fait dialoguer plusieurs aires culturelles par-delà le « rideau de fer ». Elle se décline dans des contextes précis qui sont ceux de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni (et de leurs empires), de l’Ukraine, de la Russie et du Kazakhstan. Cet enracinement dans des terrains bien maîtrisés permet d’envisager sereinement la comparaison et l’étude des circulations transnationales des modèles agraires et alimentaires.
13 octobre : Capitalisme, kolkhoze et agriculture
Cette séance introduit le séminaire dans son ensemble et s’appesantit sur certaines de ses grandes interrogations : l’évolution contrastée des structures agraires à l’est et à l’ouest du continent (croissance des surfaces, collectivisation-décollectivisation), l’importance croissante de l’expertise chimique dans les décisions des exploitants, et les agricultures alternatives.
Nous discuterons des textes de Frank Uekötter et de Deborah Fitzgerald.
Un tour de table approfondi permettra de connaître les questionnements et intérêts de chacune.
Chacun·e des quatre organisateurs présentera un point historiographique sur les questions liées à ses recherches afin d’offrir un tour d’horizon des avancées et des problèmes du champ.
Lecture obligatoire :
Uekoetter Frank, “Ignorance is Strength: Science-based Agriculture and the Merits of Incomplete Knowledge,” Managing the Unknown: Essays on Environmental Ignorance, 2014, p. 122—139. https://research.birmingham.ac.uk/portal/files/52955562/06_Uekoetter_CE_FU.pdf
Fitzgerald Deborah, « Circulations USA-URSS et idéal industrialisateur de l’agriculture dans l’entre-deux-guerres » dans Margot Lyautey, Léna Humbert et Christophe Bonneuil (eds.), Histoire des modernisations agricoles au XXe siècle, Presses universitaires de Rennes, 2021, p. 27-37.
10 novembre : Agricultures alternatives
Les « agricultures alternatives » s’entendent ici comme des pratiques agricoles se structurant parallèlement — ou dans une relation dialectique — aux modes dominants de mise en valeur des territoires agricoles, marqués par un investissement croissant des États, des sciences et des logiques industrielles au cours du XXe siècle. De l’agriculture « naturelle » portée par la Lebensreform allemande aux pratiques de cueillette et de jardinage urbain dans la Russie (post) soviétique, cette séance explorera divers moments et espaces interstitiels, multifonctionnels, voire de déprofessionnalisation agricole. En étudiant la structuration de réseaux d’agricultures alternatives (notamment « biologiques » ou « organiques »), nous chercherons à comprendre comment ces dernières sont construites comme ressources nourricières, comme contributions à la santé ou à la pureté nationales, ou encore comme innovations environnementales partagées.
Lectures obligatoires :
Corinna Treitel, “Artificial or Biological? Nature, Fertilizer and the German Origins of Organic Agriculture,” in Denise Philips, Sharon Kinglsand (ed.), New Perspectives on the History of Life Sciences and Agriculture, 2015, p. 183–203.
Camille Robert-Boeuf, « Cultiver la ville en Russie. La datcha à Kazan : histoire de pratiques jardinières », Géographie et cultures, 101, 2017.
8 décembre : Mondes toxiques et santé environnementale
Si depuis la publication de Silent Spring en 1962 les pesticides ont constitué un objet classique de l’histoire environnementale, les études hors d’Occident sont demeurées périphériques à la recherche. Les études aréales offrent pourtant de riches terrains d’enquête pour les sciences humaines et sociales, ainsi que d’importantes perspectives de décentrements critiques. Dans cette séance, nous nous intéresserons aux transformations des environnements, des corps et des sociétés par les pesticides dans la Caraïbe et en Russie-URSS. En partant des matrices que sont les plantations et les guerres dans l’émergence des mondes toxiques, nous chercherons à comprendre les contaminations différenciées et inégales des environnements et des corps par la chimie, ainsi que la production asymétrique de savoirs et d’ignorance quant à leurs effets.
Lectures obligatoires :
Malcom Ferdinand, “Bridging the Divide to Face the Plantationocene: The Chlordecone Contamination and the 2009 Social Events in Martinique and Guadeloupe,” dans H. Adlai Murdoch (eds.), The Struggle of Non-Sovereign Caribbean Territories. Neoliberalism since the French Antillean Uprisings of 2009, Rutgers University Press, 2021, pp. 53–74.
Marin Coudreau, « Silent Spring décentré, pesticides et santé environnementale en Russie-URSS » (travail en cours).
12 janvier : Le maïs hybride à l’est et à l’ouest. Circulations d’un modèle états-unien et adaptations nationales (France & URSS)
La recherche variétale a bouleversé l’agriculture, depuis la production elle-même (rendements, qualité, biodiversité) jusqu’à l’organisation de l’économie agricole (intégration verticale, expertise), précipitant récemment un important débat public autour des organismes génétiquement modifiés. Cette séance revient sur l’adoption-adaptation après-guerre, en URSS et en France, d’une innovation en sélection végétale venue des États-Unis : le maïs hybride. Quelles furent les conditions politiques, économiques et sociales de l’introduction de ces nouvelles semences ?
Lectures obligatoires :
Hale-Dorrell Aaron Todd, Corn crusade: Khrushchev’s farming revolution in the post-Stalin Soviet Union, New York, Oxford University Press, 2018, Chapitre 7, “American technology, Soviet practice”.
Bonneuil Christophe, Semences, une histoire politique : amélioration des plantes, agriculture et alimentation en France depuis la Seconde Guerre mondiale, Paris/France, Éditions Charles Léopold Mayer, 2012, chapitre 3, « La voie française du maïs hybride ».
9 février : Colonisations environnementales du nord au sud et d’ouest en est
[Chapeau à définir]
Lectures obligatoires :
Monica M. van Beusekom, “Colonisation Indigène : French Rural Development Ideology at the Office du Niger, 1920–1940,” The International Journal of African Historical Studies, 1997, Vol. 30, No. 2 (1997), pp. 299–323.
Benjamin Loring, “Colonizers with Party Cards: Soviet Internal Colonialism in Central Asia, 1917–39,” Kritika: Explorations in Russian and Eurasian History, Volume 15, Number 1, Winter 2014, pp. 77–102.
9 mars : Guerres, rationnement, ersatz et famines
Cette séance s’intéressera aux effets des deux conflits mondiaux sur les politiques d’alimentation menées par les États européens au XXe siècle. À partir du cas allemand et du « pain de guerre », nous nous demanderons quels furent les héritages des politiques d’approvisionnement alimentaire de la Grande Guerre. Nous nous tournerons ensuite vers les politiques alimentaires de l’Allemagne nazie dans l’entre-deux-guerres, puis pendant la Seconde Guerre mondiale où le Troisième Reich organise son ravitaillement à l’échelle continentale. Puis, nous nous demanderons plus largement comment ces politiques alimentaires ont servi des politiques d’État menant à des famines instrumentalisées en URSS et à des politiques planifiées, coloniales et génocidaires (Hungerplan) dans les territoires occupés par l’Allemagne nazie. Enfin nous aborderons les liens entre alimentation en temps de guerre et innovations technologiques (pour les emballages entre autres). Nous tenterons de mettre en lumière les multiples pistes offertes par l’histoire environnementale pour renouveler notre compréhension des interrelations entre guerre, alimentation, famine et rationnement.
Intervention de Nina Régis sur le pain de guerre allemand pendant la Grande Guerre.
Lectures obligatoires :
Uwe Spiekermann, “Brown Bread for Victory: German and British Wholemeal Politics in the Inter-War Period,” in F. Trentmann, F. Just (ed), Food and Conflict in Europe in the Age of the Two World Wars, Palgrave Macmillan, 2006, pp. 143–171.
Rebecca Manley, “Nutritional Dystrophy: The science and semantics of starvation in World War II,” in Wendy Goldman et Donald Filtzer (éd.), Hunger and War: Food Provisioning in the Soviet Union during World War II, Bloomington, Indiana, Indiana University Press, 2015, pp. 206–265.
13 avril : Alimentation, marchés et terroirs
Cette séance explore les constructions historiquement situées et les circulations transnationales de la notion de terroir, attribut canonique de la gastronomie française. Comment se construisent, dans les cas français et russe, l’origine et la spécificité des produits « de pays » ? Comment science, écologie, culture et politique interagissent dans cette fabrication de territoires agri-alimentaires ? Entre localisme et impérialisme, entre ancrage naturel et pratiques culturelles, nous verrons que la production de terroirs et d’une qualité alimentaire « d’origine » participe également de la construction des marchés et d’un ordre agro-industriel. Plus largement, il s’agira de relire le développement agro-alimentaire au prisme des rapports sociaux locaux et impériaux, mais aussi des écologies territoriales, et comme vecteur de réinvention d’identités nationales.
Lectures obligatoires :
Stephen V. Bittner, Whites and Reds: A History of Wine in the Lands of Tsar and Commissar, Oxford University Press, 2021, chapitre 1, “Terroir, the Landscape of Winemaking,” pp. 24–59.
Claire Delfosse, « Le pays et ses produits : défense et illustration d’une identité », Études sociales, n° 139-140, 2004, p. 117-138.
11 mai (salle 0.019, bât. recherche sud, campus Condorcet): Cycles biogéochimiques et engrais
Le XXe siècle européen voit se poursuivre la rupture dite « métabolique » débutée au second XIXe siècle avec la transformation des méthodes de fertilisation des sols (recours croissant à des matières fossiles importées et à de nouveaux engrais chimiques, recul parallèle de l’usage des ordures ménagères, alors requalifiées comme déchets). Cette rupture des flux de matières entre villes et campagnes se double au XXe siècle d’une spécialisation des régions agricoles (entre grandes cultures et élevage intensif) qui accroît l’ouverture des cycles de carbone et de nutriments. Des premières modélisations des cycles biogéochimiques au renouveau des pratiques de compostage, cette séance considère les types d’analyses, les alertes et les projets de restauration des cycles organiques qui accompagnèrent ces transformations métaboliques des environnements agricoles dans l’Europe du XXe siècle.
Avec la participation d’Étienne Dufour (doctorant Géographies Cités)
Lectures obligatoires :
Hutchinson G. Evelyn, “The Biosphere,” Scientific American, septembre 1970, vol. 223, nᵒ 3, p. 45–53.
Étienne Dufour, « Regain et déclin du recyclage agricole des ordures ménagères (1940-1990, région parisienne) » (travail en cours)
La séance du 8 juin se déroulera en salle 1.17, GED, Campus Condorcet
-
Séminaires de recherche
– Savoirs en sociétés-Études environnementales
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel mensuelle = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture
- Contacts additionnels
- -
- Informations pratiques
- inscription obligatoire sur : https://participations.ehess.fr/demandes/__nouvelle__?seminaire=916
lectures disponibles sur Moodle : https://moodle.ehess.fr/
Évaluation
Pas de rendu final !
Contrôle continu : En préparation de chacune de quatre séances de votre choix sur les huit que comporte le séminaire, vous présenterez en deux pages maximum l’intérêt, les enjeux et les limites des deux textes proposés. Déposez sur Moodle ou envoyez-nous votre texte par courriel au plus tard le dimanche précédent chaque séance avant 18 h.
De plus, deux participant·e·s présentent les textes à chaque séance.
- Direction de travaux des étudiants
Les personnes intéressées sont invités à contacter par courriel les organisateurs.
- Réception des candidats
Les personnes intéressées sont invités à contacter par courriel les organisateurs.
- Pré-requis
Aucun
-
Bâtiment EHESS-Condorcet
Salle A515
EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
annuel / mensuel (2e), mercredi 15:00-18:00
du 13 octobre 2021 au 8 juin 2022Les séances des 9 mars, 13 avril, 11 mai et 8 juin 2022 se dérouleront de 13:30 à 16:30