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UE883 - Histoire des sciences humaines et sociales
Lieu et planning
-
Bâtiment EHESS-Condorcet
EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
Salle 25-B
annuel / bimensuel (1re/3e), vendredi 12:30-14:30
du 15 octobre 2021 au 20 mai 2022
Nombre de séances : 12
Description
Dernière modification : 12 mai 2022 10:51
- Type d'UE
- Séminaires DR/CR
- Disciplines
- Histoire
- Page web
- -
- Langues
- français
- Mots-clés
- Histoire des sciences et des techniques Historiographie
- Aires culturelles
- -
Intervenant·e·s
- Emanuel Bertrand [référent·e] maître de conférences, ESPCI / Centre Alexandre-Koyré. Histoire des sciences et des techniques (CAK)
- Serge Reubi maître de conférences, Muséum national d'histoire naturelle / Centre Alexandre-Koyré. Histoire des sciences et des techniques (CAK)
- Nathalie Richard professeure des universités, Le Mans Université
Le séminaire d’Histoire des sciences humaines et sociales propose une approche volontairement généraliste du domaine. Les sciences humaines et sociales sont souvent appréhendées selon des historiographies disciplinaires. L’objectif du séminaire est de prendre du recul par rapport à ce type de perspective, en montrant que l’on peut faire par exemple une histoire des partages et des échanges entre science de l’homme, philosophie, médecine, littérature, sciences de la nature, etc. On s’attachera aux pratiques, aux savoirs, aux dénominations et aux acteurs à partir desquels s’est constitué et se constitue le projet d’édifier une ou des sciences prenant l’Homme et les humains comme objet. Soutenu par la Société française pour l’histoire des sciences de l'homme (SFHSH), ce séminaire est un forum de discussions sur les problématiques actuelles, sur les livres récemment parus, sur le statut et les usages des archives, sur les méthodes et les fonctions d’une approche historique des sciences qui prennent l’humain pour objet. Il s’adresse aux chercheurs, aux doctorants et aux étudiants en histoire des sciences et, plus largement, en sciences humaines et sociales.
Ce séminaire est organisé par Emanuel Bertrand, Jacqueline Carroy, Wolf Feuerhahn, Serge Reubi, Nathalie Richard.
15 octobre 2021 : Sébastien Lemerle (Université Paris Nanterre), « Le cerveau reptilien et ses doubles. Contribution à l’étude de la diffusion des neurosciences »
Il est soutenu de longue date que la diffusion des connaissances aboutit la plupart du temps à des résultats clairement distincts de leurs origines scientifiques, « à autre chose que le savoir lui-même soi-disant partagé. », selon les mots de Philippe Roqueplo (1974). Cette communication présentera un approfondissement de cette thèse avec les outils de la démarche sociologique, dans le domaine des neurosciences. Partant d’un cadre historique général, présenté dans Le Singe, le gène et le neurone (2013), de renouveau des idéologies biologisantes en France depuis les années 1970, elle s’appuiera sur l’exemple de la théorie du cerveau reptilien, qui présente la particularité d’être à la fois fausse et prisée depuis fort longtemps dans de nombreux secteurs du monde social. Ce faisant, elle s’interrogera sur certaines contraintes, internes et externes, intrinsèques à la vulgarisation scientifique.
19 novembre 2021 : Frédéric Vandenberghe (Institut de philosophie et de sciences sociales, Université fédérale de Rio de Janeiro) - (invité en visioconférence), « Les nouveaux mouvements théoriques en sciences humaines »
Comment traduire la “social theory” de la tradition anglo-saxonne en français ? La question ne concerne pas seulement le lexique, mais implique une réflexion plus fondamentale sur le statut de la théorie dans les sciences sociales et humaines contemporaines. Pour répondre à la question, l’intervention retracera l’histoire récente des théories de la société en essayant de découvrir ce qui fait leur unité et leur donne leur cohérence. La présentation accentuera trois moments dans la reconfiguration des problématiques de la théorie de la société : dans un premier moment, nous analyserons ce qui s’est passé avec (et après) les nouvelles synthèses théoriques du siècle passé et suggérerons que l’engagement avec ou contre Bourdieu explique la distribution des postions. Ensuite, nous analyserons les mouvements académiques qui promeuvent la réorganisation des théories de moyenne portée autour d’une thématique particulièere (par ex. la culture, la relation, la morale, etc.) et qui trouvent leur couronnement dans un manuel (par ex. Handbook of Relational Sociology). Enfin, nous réfléchirons également sur l’émergence des Studies aux confins des sciences sociales et humaines et analyserons leurs relations avec les « tournants » et les transformations sociétales.
3 décembre 2021 : Wolf Feuerhahn (CNRS, Centre Koyré), « Comment devient-on un théoricien de l'histoire ? Koselleck, Suhrkamp et l'ombre de Carl Schmitt (années 1960-70) »
En 1979, plus de dix ans après sa fondation, Reinhart Koselleck fut le premier historien à être publié dans la prestigieuse collection “Theorie” des éditions Suhrkamp. Le livre (Vergangene Zukunft. Zur Semantik geschichtlicher Zeiten - Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques) allait rapidement devenir un classique, considéré comme un manifeste historiographique et être traduit en de nombreuses langues. L’objectif de notre contribution est de saisir en contexte la position adoptée par Koselleck, quelle définition de l’histoire il défendait. Afin d’éviter au maximum de céder à des constructions rétrospectives, nous partirons d’un des articles du volume dans lequel il dresse le portrait idéal de l’historien contemporain, de son paratexte, de ses références et de son histoire éditoriale en ayant recours aux archives de la maison Suhrkamp. L’ambition sera donc double : élucider les références tutélaires notamment au juriste nazi Carl Schmitt et proposer un pratique singulière de la contextualisation. In fine, le livre de Koselleck devrait apparaître comme une prise de position dans une lutte pour la définition légitime du label « théorie » dans l’Allemagne de l’ouest des années 1960-1970.
17 décembre 2021 : Timothée Duverger (Sciences Po Bordeaux, Centre Émile Durkheim), « Pour une contre-histoire de l'économie »
L'économie sociale et solidaire, souvent caractérisée par ses trois principales composantes - associations, mutuelles, coopératives -, résulte d'une histoire bi-séculaire. Mais l'historiographie l'a souvent oubliée, ce qui se vérifie tant dans l'histoire des entreprises, d'obédience libérale, que dans l'histoire sociale, marquée par le marxisme lui préférant les conflits de classes. Il existe pourtant une autre tradition, dont la diversité des sources idéologiques, des pratiques et des activités, pourrait alimenter le débat autour de l'économie de demain, devant prendre en compte les enjeux sociaux et écologiques, de même que l'ancrage territorial ou les aspirations autour de la participation citoyenne. Cette histoire, que nous inscrirons dans les transformations du capitalisme, nous permettra de sortir de toute essentialisation de l'économie en montrant que d'autres arrangements institutionnels sont possibles.
7 janvier 2022 : Baijayanti Roy (Goethe Universität, Frankfurt-am-Main), « Deutsche Akademie`s India Institute (1928-45) at the crossroads of Hindu revivalism, Indian nationalism and Nazi cultural politics »
The Deutsche Akademie of Munich was established as a private cultural organisation in 1925. Its aim was to disseminate German influence as “soft power” in the world. India Institute, established in 1928, was the first of a number of committees that were created for specific nations within the Deutsche Akademie. As part of the Deutsche Akademie, the India Institute also claimed to be a non-political organization which had the sole aim of promoting cultural ties with India. In reality however, the India Institute identified with various political concerns of the successive German governments. After 1933, the Nazi regime started to utilize its non-political façade to conduct political propaganda as well as espionage in India, using different Indian religious and political ideologies as conduits. This talk traces the development of this complex web of National Socialist politics, Indian nationalist aspirations and Hindu revivalism.
21 janvier 2022 : Claire Gantet (Université de Fribourg, Suisse), « Enquêter sur l'âme: écritures et réécritures du rêve (Allemagne, 1500-1800) »
À l'époque moderne, des individus et des groupes diffus enquêtent sur le rêve en tant que moyen de sonder l'âme non plus selon les catégories abstraites de la philosophie aristotélicienne, mais en tant que porte vers l'âme en action, parfois au moyen d'analogies avec des instruments optiques. L'écriture et les réécritures de récits de rêve sous-tendent également une enquête sur les activités psychiques, qui contribue à une psychologisation du rêve.
4 février 2022 : Sandra Péré-Noguès (Université Toulouse 2 Jean Jaurès, TRACES UMR 5608), « Joseph Déchelette (1862-1914) et Emile Cartailhac (1845-1921) : retour sur deux expériences en archives »
C’est dans le cadre de programmes financés par deux DRAC régionales différentes (Drac Rhône-Alpes et DRAC Occitanie), que nous avons menés depuis plus d’une décennie des travaux sur les fonds d’archives de ces érudits de province. Ces deux expériences ont abouti à des publications et des expositions dont l’objectif était à la fois de valoriser des fonds d’archives peu connus, et de donner à voir à travers ces profils de savants de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle comment s’est construite la science « préhistorique ».
Ce bilan se veut un retour sur les résultats les plus importants de ces enquêtes, mais aussi un constat plus en demi-teinte concernant l’usage et la visibilité des archives de savants de cette époque.
18 février 2022 : Dylan Simon (UMR Géographie-cités, Équipe EHGO), « La tradition écologique de la géographie française »
Les sciences humaines et sociales n'ont pas attendu le XXIe siècle pour questionner les enjeux environnementaux. Si la constitution de ces sciences sous le prisme écologique a été relativement peu interrogée, des jalons ont néanmoins été posés, mais de manière inégale selon les espaces et les disciplines pris en compte. Ainsi, l'histoire de la géographie s'avère peu étudiée dans une telle perspective - par contraste avec l'histoire des savoirs anthropologiques ou sociologiques - alors même que la géographie a initialement placée la question écologique au cœur de son programme théorique. C'est à une telle histoire que nous proposons de revenir, en nous attachant aux rapports entre la géographie et l'écologie végétale, mais également aux savants qui ont développé un programme écologique dans la discipline (Paul Vidal de La Blache, Max Sorre, Georges Bertrand, etc.). L'enjeu est de saisir ce qu'implique cette conception écologique de l'homme, ainsi que la diversité de ses origines et de ses redéploiements à l'intersection de différentes sciences naturelles et sociales. Mais à rebours de l'édification d'une généalogie classique, il s'agit davantage de construire une "histoire concrète de l'abstraction" qui replace ces géographes dans les pratiques, discussions et controverses savantes de leur temps (pourquoi, par exemple, des historiens comme Lucien Febvre et Fernand Braudel furent-ils réticents face à l'écologie humaine de Max Sorre ?) ; de participer en somme à une histoire collective des sciences humaines aux prises avec l'environnement.
18 mars 2022 : Rémi Hadad (University College London, Institute of Archaeology), « De quelle Révolution le Néolithique est-il le nom ? »
En proposant – ou plutôt en popularisant – la notion de « révolution néolithique » pour désigner le passage d’une économie de « prédation » à l’économie de « production », Gordon Childe a comblé la brèche entre les antiquités préhistoriques, d’une part, et l’économie politique, de l’autre. Telle est du moins la façon dont on résume souvent l’histoire de la recherche sur l’origine supposée commune de l’agriculture, de l’élevage, de la sédentarité et de la complexité sociale. Quelle que soit la relation que l’on propose alors d’entretenir avec cette histoire, on omet généralement un point essentiel : elle renvoie à des discours qui précèdent la découverte archéologique de leur objet. Cette présentation portera sur la manière dont cette matrice intellectuelle ancienne, en épousant nettement et parfois expressément certains enjeux liés au colonialisme, à l’industrialisation et à l'essor du libéralisme, a acquis une force d’inertie qui lui permet d’irriguer encore aujourd’hui les représentations savantes et populaires du Néolithique. Et ce, malgré la multiplication des dissonances empiriques.
1er avril 2022 : Baptiste Buob (CNRS) et Damien Mottier (Université de Nanterre), « Savant cinéma. Lieux, itinéraires, expérimentations et réalisations autour de 1945. Présentation du numéro 39 de la Revue d'histoire des sciences humaines »
Pendant la Seconde Guerre mondiale, et dans les années qui suivent la Libération, émergent en France nombre d’institutions qui sont aujourd’hui encore des piliers de l’enseignement, du financement et de la diffusion du cinéma. L’après-guerre est aussi la période durant laquelle vont se fortifier de nouvelles conceptions et pratiques savantes du film. L’acceptation du septième art en tant que fait de culture, la distinction entre théoriciens, critiques et cinéastes, l’éclatement des panoramas nationaux ainsi que la prise de conscience de l’existence d’approches plurielles constituent le terreau d’un renouvellement de la théorie cinématographique. Cette transformation s’accompagne d’une présence croissante des réalisations audiovisuelles à l’université et de l’émergence de réflexions propres à certaines disciplines que l’on regroupera à partir des années 1970 sous l’appellation « sciences humaines et sociales ».
Ce dossier thématique interroge les conditions par lesquelles se sont forgés les savoirs disciplinaires sur le film et le cinéma (en sociologie, psychologie, anthropologie, géographie, philosophie, sciences de l’éducation, etc.). Il part de l’hypothèse que c’est par la socialisation au sein de lieux très divers, mais contigus, que se sont forgés les personnalités et les tempéraments de ceux qui, par la suite, seront reconnus comme des savants cinéastes ou des savants œuvrant au développement du cinéma comme outil et objet de recherche. Qu’est-ce que l’après-guerre et la Libération ont fait aux pratiques et aux savoirs cinématographiques ? Par qui et par quoi étaient-ils réellement constitués ? Quels sont les affinités et les rapports de force qui l’ont structuré ? Pourquoi certaines personnalités ont été oubliées par nos disciplines ? Combinant les approches consacrées à des itinéraires de personnalités et des débuts de carrière, des dialogues théoriques, des lieux, des expérimentations, des films, les articles réunis contribuent à une approche contextuelle et à une histoire inclusive et circonstanciée des sciences humaines et sociales attachée aux savoirs cinématographiques et filmiques.
15 avril 2022 : Paul Pasquali (CNRS), Gilles Laferté (INRAE, CESAER), Nicolas Rénahy (INRAE, CESAER), « Enjeux, apports et limites des histoires d’enquêtes. À propos du Laboratoire des sciences sociales (Paris, Raisons d’agir, 2018) »
En prenant pour objet non pas des « grands hommes », des théories ou des « écoles », ni des oeuvres ou des corpus savants aboutis, mais des enquêtes, plus ou moins connues, la « réflexivité historienne » que nous proposons dans Le laboratoire des sciences sociales se veut particulièrement attentive aux conditions, aux opérations et aux divisions concrètes du travail scientifique. Centrée sur les années 1950-1980, elle concerne surtout la sociologie et l’anthropologie mais s’arrime à une réflexion plus large sur les sciences sociales en général. Nous reviendrons durant cette séance sur les enjeux, apports et limites des histoires d’enquêtes, qu’elles soient écrites par leurs protagonistes ou par d’autres qui ont exploré leurs archives. Complémentaire d’autres formes d’histoire des sciences sociales, l’histoire des enquêtes peut se comprendre comme une tentative de répondre à la difficile question de la cumulativité telle qu’elle se pose notamment dans les débats récurrents au sujet des « revisites » ethnographiques.
20 mai 2022 (en distanciel) : Nanna Katrine Lüders Kaalund (Aarhus University, Danemark), "Travel narratives and the makings of nineteenth-century Arctic science”
When the Second Grinnell Expedition returned to the United States from the Arctic in 1855 the American surgeon-explorer and commander of the venture, Elisha Kent Kane, claimed to have observationally verified the existence of the alleged ‘Open Polar Sea.’ Theories related to the existence or non-existence this open navigable body of water north of Greenland were extensively debated in the period. If verified, it would not only transform the geographical understanding of northern Greenland, but a wide range of environmental sciences. While the American scientific circles were quick to celebrate Kane’s discovery of the Open Polar Sea, the Danish colonial administrator and Greenlandic researcher Hinrich Rink was not convinced. After the publication of Kane’s travel narrative, Arctic Explorations: The Second Grinnell Expedition (1856), Rink published several detailed criticisms of Kane’s supposed discovery. In particular, Rink pointed out that the discovery was contingent on the observations of only two crewmembers: Morton and Suersaq (Hans Hendrik). Starting with the controversy surrounding the Open Polar Sea during point the mid nineteenth century, this paper will highlight how the portrayed relationship between theory and first-hand observation was shaped by broader constructions of testimonial veracity and the persona of the Arctic explorer. In Rink’s opinion, Kane had theoretically presupposed the existence of the very thing he claimed Morton and Suersaq had observationally verified, and in doing so, falsely represented himself as an unbiased observer of natural phenomena. As I show in this paper, travel narratives were key tools for constructing and upholding visions of Arctic exploration, and interrogating the context of their production opens up broader questions about the relationship between theory and observation in nineteenth century fieldwork.
Master
-
Séminaires de recherche
– Savoirs en sociétés-Histoire des sciences, des techniques et des savoirs
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture
Renseignements
- Contacts additionnels
- -
- Informations pratiques
emanuel.bertrand@espci.psl.eu ; jacqueline.carroy@wanadoo.fr ; serge.reubi@cnrs.fr ; wolf.feuerhahn@cnrs.fr ; nathalie.richard@univ-lemans.fr
- Direction de travaux des étudiants
- -
- Réception des candidats
- -
- Pré-requis
Intérêt pour l'histoire des sciences et/ou les sciences humaines et sociales en général
Dernière modification : 12 mai 2022 10:51
- Type d'UE
- Séminaires DR/CR
- Disciplines
- Histoire
- Page web
- -
- Langues
- français
- Mots-clés
- Histoire des sciences et des techniques Historiographie
- Aires culturelles
- -
Intervenant·e·s
- Emanuel Bertrand [référent·e] maître de conférences, ESPCI / Centre Alexandre-Koyré. Histoire des sciences et des techniques (CAK)
- Serge Reubi maître de conférences, Muséum national d'histoire naturelle / Centre Alexandre-Koyré. Histoire des sciences et des techniques (CAK)
- Nathalie Richard professeure des universités, Le Mans Université
Le séminaire d’Histoire des sciences humaines et sociales propose une approche volontairement généraliste du domaine. Les sciences humaines et sociales sont souvent appréhendées selon des historiographies disciplinaires. L’objectif du séminaire est de prendre du recul par rapport à ce type de perspective, en montrant que l’on peut faire par exemple une histoire des partages et des échanges entre science de l’homme, philosophie, médecine, littérature, sciences de la nature, etc. On s’attachera aux pratiques, aux savoirs, aux dénominations et aux acteurs à partir desquels s’est constitué et se constitue le projet d’édifier une ou des sciences prenant l’Homme et les humains comme objet. Soutenu par la Société française pour l’histoire des sciences de l'homme (SFHSH), ce séminaire est un forum de discussions sur les problématiques actuelles, sur les livres récemment parus, sur le statut et les usages des archives, sur les méthodes et les fonctions d’une approche historique des sciences qui prennent l’humain pour objet. Il s’adresse aux chercheurs, aux doctorants et aux étudiants en histoire des sciences et, plus largement, en sciences humaines et sociales.
Ce séminaire est organisé par Emanuel Bertrand, Jacqueline Carroy, Wolf Feuerhahn, Serge Reubi, Nathalie Richard.
15 octobre 2021 : Sébastien Lemerle (Université Paris Nanterre), « Le cerveau reptilien et ses doubles. Contribution à l’étude de la diffusion des neurosciences »
Il est soutenu de longue date que la diffusion des connaissances aboutit la plupart du temps à des résultats clairement distincts de leurs origines scientifiques, « à autre chose que le savoir lui-même soi-disant partagé. », selon les mots de Philippe Roqueplo (1974). Cette communication présentera un approfondissement de cette thèse avec les outils de la démarche sociologique, dans le domaine des neurosciences. Partant d’un cadre historique général, présenté dans Le Singe, le gène et le neurone (2013), de renouveau des idéologies biologisantes en France depuis les années 1970, elle s’appuiera sur l’exemple de la théorie du cerveau reptilien, qui présente la particularité d’être à la fois fausse et prisée depuis fort longtemps dans de nombreux secteurs du monde social. Ce faisant, elle s’interrogera sur certaines contraintes, internes et externes, intrinsèques à la vulgarisation scientifique.
19 novembre 2021 : Frédéric Vandenberghe (Institut de philosophie et de sciences sociales, Université fédérale de Rio de Janeiro) - (invité en visioconférence), « Les nouveaux mouvements théoriques en sciences humaines »
Comment traduire la “social theory” de la tradition anglo-saxonne en français ? La question ne concerne pas seulement le lexique, mais implique une réflexion plus fondamentale sur le statut de la théorie dans les sciences sociales et humaines contemporaines. Pour répondre à la question, l’intervention retracera l’histoire récente des théories de la société en essayant de découvrir ce qui fait leur unité et leur donne leur cohérence. La présentation accentuera trois moments dans la reconfiguration des problématiques de la théorie de la société : dans un premier moment, nous analyserons ce qui s’est passé avec (et après) les nouvelles synthèses théoriques du siècle passé et suggérerons que l’engagement avec ou contre Bourdieu explique la distribution des postions. Ensuite, nous analyserons les mouvements académiques qui promeuvent la réorganisation des théories de moyenne portée autour d’une thématique particulièere (par ex. la culture, la relation, la morale, etc.) et qui trouvent leur couronnement dans un manuel (par ex. Handbook of Relational Sociology). Enfin, nous réfléchirons également sur l’émergence des Studies aux confins des sciences sociales et humaines et analyserons leurs relations avec les « tournants » et les transformations sociétales.
3 décembre 2021 : Wolf Feuerhahn (CNRS, Centre Koyré), « Comment devient-on un théoricien de l'histoire ? Koselleck, Suhrkamp et l'ombre de Carl Schmitt (années 1960-70) »
En 1979, plus de dix ans après sa fondation, Reinhart Koselleck fut le premier historien à être publié dans la prestigieuse collection “Theorie” des éditions Suhrkamp. Le livre (Vergangene Zukunft. Zur Semantik geschichtlicher Zeiten - Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques) allait rapidement devenir un classique, considéré comme un manifeste historiographique et être traduit en de nombreuses langues. L’objectif de notre contribution est de saisir en contexte la position adoptée par Koselleck, quelle définition de l’histoire il défendait. Afin d’éviter au maximum de céder à des constructions rétrospectives, nous partirons d’un des articles du volume dans lequel il dresse le portrait idéal de l’historien contemporain, de son paratexte, de ses références et de son histoire éditoriale en ayant recours aux archives de la maison Suhrkamp. L’ambition sera donc double : élucider les références tutélaires notamment au juriste nazi Carl Schmitt et proposer un pratique singulière de la contextualisation. In fine, le livre de Koselleck devrait apparaître comme une prise de position dans une lutte pour la définition légitime du label « théorie » dans l’Allemagne de l’ouest des années 1960-1970.
17 décembre 2021 : Timothée Duverger (Sciences Po Bordeaux, Centre Émile Durkheim), « Pour une contre-histoire de l'économie »
L'économie sociale et solidaire, souvent caractérisée par ses trois principales composantes - associations, mutuelles, coopératives -, résulte d'une histoire bi-séculaire. Mais l'historiographie l'a souvent oubliée, ce qui se vérifie tant dans l'histoire des entreprises, d'obédience libérale, que dans l'histoire sociale, marquée par le marxisme lui préférant les conflits de classes. Il existe pourtant une autre tradition, dont la diversité des sources idéologiques, des pratiques et des activités, pourrait alimenter le débat autour de l'économie de demain, devant prendre en compte les enjeux sociaux et écologiques, de même que l'ancrage territorial ou les aspirations autour de la participation citoyenne. Cette histoire, que nous inscrirons dans les transformations du capitalisme, nous permettra de sortir de toute essentialisation de l'économie en montrant que d'autres arrangements institutionnels sont possibles.
7 janvier 2022 : Baijayanti Roy (Goethe Universität, Frankfurt-am-Main), « Deutsche Akademie`s India Institute (1928-45) at the crossroads of Hindu revivalism, Indian nationalism and Nazi cultural politics »
The Deutsche Akademie of Munich was established as a private cultural organisation in 1925. Its aim was to disseminate German influence as “soft power” in the world. India Institute, established in 1928, was the first of a number of committees that were created for specific nations within the Deutsche Akademie. As part of the Deutsche Akademie, the India Institute also claimed to be a non-political organization which had the sole aim of promoting cultural ties with India. In reality however, the India Institute identified with various political concerns of the successive German governments. After 1933, the Nazi regime started to utilize its non-political façade to conduct political propaganda as well as espionage in India, using different Indian religious and political ideologies as conduits. This talk traces the development of this complex web of National Socialist politics, Indian nationalist aspirations and Hindu revivalism.
21 janvier 2022 : Claire Gantet (Université de Fribourg, Suisse), « Enquêter sur l'âme: écritures et réécritures du rêve (Allemagne, 1500-1800) »
À l'époque moderne, des individus et des groupes diffus enquêtent sur le rêve en tant que moyen de sonder l'âme non plus selon les catégories abstraites de la philosophie aristotélicienne, mais en tant que porte vers l'âme en action, parfois au moyen d'analogies avec des instruments optiques. L'écriture et les réécritures de récits de rêve sous-tendent également une enquête sur les activités psychiques, qui contribue à une psychologisation du rêve.
4 février 2022 : Sandra Péré-Noguès (Université Toulouse 2 Jean Jaurès, TRACES UMR 5608), « Joseph Déchelette (1862-1914) et Emile Cartailhac (1845-1921) : retour sur deux expériences en archives »
C’est dans le cadre de programmes financés par deux DRAC régionales différentes (Drac Rhône-Alpes et DRAC Occitanie), que nous avons menés depuis plus d’une décennie des travaux sur les fonds d’archives de ces érudits de province. Ces deux expériences ont abouti à des publications et des expositions dont l’objectif était à la fois de valoriser des fonds d’archives peu connus, et de donner à voir à travers ces profils de savants de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle comment s’est construite la science « préhistorique ».
Ce bilan se veut un retour sur les résultats les plus importants de ces enquêtes, mais aussi un constat plus en demi-teinte concernant l’usage et la visibilité des archives de savants de cette époque.
18 février 2022 : Dylan Simon (UMR Géographie-cités, Équipe EHGO), « La tradition écologique de la géographie française »
Les sciences humaines et sociales n'ont pas attendu le XXIe siècle pour questionner les enjeux environnementaux. Si la constitution de ces sciences sous le prisme écologique a été relativement peu interrogée, des jalons ont néanmoins été posés, mais de manière inégale selon les espaces et les disciplines pris en compte. Ainsi, l'histoire de la géographie s'avère peu étudiée dans une telle perspective - par contraste avec l'histoire des savoirs anthropologiques ou sociologiques - alors même que la géographie a initialement placée la question écologique au cœur de son programme théorique. C'est à une telle histoire que nous proposons de revenir, en nous attachant aux rapports entre la géographie et l'écologie végétale, mais également aux savants qui ont développé un programme écologique dans la discipline (Paul Vidal de La Blache, Max Sorre, Georges Bertrand, etc.). L'enjeu est de saisir ce qu'implique cette conception écologique de l'homme, ainsi que la diversité de ses origines et de ses redéploiements à l'intersection de différentes sciences naturelles et sociales. Mais à rebours de l'édification d'une généalogie classique, il s'agit davantage de construire une "histoire concrète de l'abstraction" qui replace ces géographes dans les pratiques, discussions et controverses savantes de leur temps (pourquoi, par exemple, des historiens comme Lucien Febvre et Fernand Braudel furent-ils réticents face à l'écologie humaine de Max Sorre ?) ; de participer en somme à une histoire collective des sciences humaines aux prises avec l'environnement.
18 mars 2022 : Rémi Hadad (University College London, Institute of Archaeology), « De quelle Révolution le Néolithique est-il le nom ? »
En proposant – ou plutôt en popularisant – la notion de « révolution néolithique » pour désigner le passage d’une économie de « prédation » à l’économie de « production », Gordon Childe a comblé la brèche entre les antiquités préhistoriques, d’une part, et l’économie politique, de l’autre. Telle est du moins la façon dont on résume souvent l’histoire de la recherche sur l’origine supposée commune de l’agriculture, de l’élevage, de la sédentarité et de la complexité sociale. Quelle que soit la relation que l’on propose alors d’entretenir avec cette histoire, on omet généralement un point essentiel : elle renvoie à des discours qui précèdent la découverte archéologique de leur objet. Cette présentation portera sur la manière dont cette matrice intellectuelle ancienne, en épousant nettement et parfois expressément certains enjeux liés au colonialisme, à l’industrialisation et à l'essor du libéralisme, a acquis une force d’inertie qui lui permet d’irriguer encore aujourd’hui les représentations savantes et populaires du Néolithique. Et ce, malgré la multiplication des dissonances empiriques.
1er avril 2022 : Baptiste Buob (CNRS) et Damien Mottier (Université de Nanterre), « Savant cinéma. Lieux, itinéraires, expérimentations et réalisations autour de 1945. Présentation du numéro 39 de la Revue d'histoire des sciences humaines »
Pendant la Seconde Guerre mondiale, et dans les années qui suivent la Libération, émergent en France nombre d’institutions qui sont aujourd’hui encore des piliers de l’enseignement, du financement et de la diffusion du cinéma. L’après-guerre est aussi la période durant laquelle vont se fortifier de nouvelles conceptions et pratiques savantes du film. L’acceptation du septième art en tant que fait de culture, la distinction entre théoriciens, critiques et cinéastes, l’éclatement des panoramas nationaux ainsi que la prise de conscience de l’existence d’approches plurielles constituent le terreau d’un renouvellement de la théorie cinématographique. Cette transformation s’accompagne d’une présence croissante des réalisations audiovisuelles à l’université et de l’émergence de réflexions propres à certaines disciplines que l’on regroupera à partir des années 1970 sous l’appellation « sciences humaines et sociales ».
Ce dossier thématique interroge les conditions par lesquelles se sont forgés les savoirs disciplinaires sur le film et le cinéma (en sociologie, psychologie, anthropologie, géographie, philosophie, sciences de l’éducation, etc.). Il part de l’hypothèse que c’est par la socialisation au sein de lieux très divers, mais contigus, que se sont forgés les personnalités et les tempéraments de ceux qui, par la suite, seront reconnus comme des savants cinéastes ou des savants œuvrant au développement du cinéma comme outil et objet de recherche. Qu’est-ce que l’après-guerre et la Libération ont fait aux pratiques et aux savoirs cinématographiques ? Par qui et par quoi étaient-ils réellement constitués ? Quels sont les affinités et les rapports de force qui l’ont structuré ? Pourquoi certaines personnalités ont été oubliées par nos disciplines ? Combinant les approches consacrées à des itinéraires de personnalités et des débuts de carrière, des dialogues théoriques, des lieux, des expérimentations, des films, les articles réunis contribuent à une approche contextuelle et à une histoire inclusive et circonstanciée des sciences humaines et sociales attachée aux savoirs cinématographiques et filmiques.
15 avril 2022 : Paul Pasquali (CNRS), Gilles Laferté (INRAE, CESAER), Nicolas Rénahy (INRAE, CESAER), « Enjeux, apports et limites des histoires d’enquêtes. À propos du Laboratoire des sciences sociales (Paris, Raisons d’agir, 2018) »
En prenant pour objet non pas des « grands hommes », des théories ou des « écoles », ni des oeuvres ou des corpus savants aboutis, mais des enquêtes, plus ou moins connues, la « réflexivité historienne » que nous proposons dans Le laboratoire des sciences sociales se veut particulièrement attentive aux conditions, aux opérations et aux divisions concrètes du travail scientifique. Centrée sur les années 1950-1980, elle concerne surtout la sociologie et l’anthropologie mais s’arrime à une réflexion plus large sur les sciences sociales en général. Nous reviendrons durant cette séance sur les enjeux, apports et limites des histoires d’enquêtes, qu’elles soient écrites par leurs protagonistes ou par d’autres qui ont exploré leurs archives. Complémentaire d’autres formes d’histoire des sciences sociales, l’histoire des enquêtes peut se comprendre comme une tentative de répondre à la difficile question de la cumulativité telle qu’elle se pose notamment dans les débats récurrents au sujet des « revisites » ethnographiques.
20 mai 2022 (en distanciel) : Nanna Katrine Lüders Kaalund (Aarhus University, Danemark), "Travel narratives and the makings of nineteenth-century Arctic science”
When the Second Grinnell Expedition returned to the United States from the Arctic in 1855 the American surgeon-explorer and commander of the venture, Elisha Kent Kane, claimed to have observationally verified the existence of the alleged ‘Open Polar Sea.’ Theories related to the existence or non-existence this open navigable body of water north of Greenland were extensively debated in the period. If verified, it would not only transform the geographical understanding of northern Greenland, but a wide range of environmental sciences. While the American scientific circles were quick to celebrate Kane’s discovery of the Open Polar Sea, the Danish colonial administrator and Greenlandic researcher Hinrich Rink was not convinced. After the publication of Kane’s travel narrative, Arctic Explorations: The Second Grinnell Expedition (1856), Rink published several detailed criticisms of Kane’s supposed discovery. In particular, Rink pointed out that the discovery was contingent on the observations of only two crewmembers: Morton and Suersaq (Hans Hendrik). Starting with the controversy surrounding the Open Polar Sea during point the mid nineteenth century, this paper will highlight how the portrayed relationship between theory and first-hand observation was shaped by broader constructions of testimonial veracity and the persona of the Arctic explorer. In Rink’s opinion, Kane had theoretically presupposed the existence of the very thing he claimed Morton and Suersaq had observationally verified, and in doing so, falsely represented himself as an unbiased observer of natural phenomena. As I show in this paper, travel narratives were key tools for constructing and upholding visions of Arctic exploration, and interrogating the context of their production opens up broader questions about the relationship between theory and observation in nineteenth century fieldwork.
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Séminaires de recherche
– Savoirs en sociétés-Histoire des sciences, des techniques et des savoirs
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – fiche de lecture
- Contacts additionnels
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- Informations pratiques
emanuel.bertrand@espci.psl.eu ; jacqueline.carroy@wanadoo.fr ; serge.reubi@cnrs.fr ; wolf.feuerhahn@cnrs.fr ; nathalie.richard@univ-lemans.fr
- Direction de travaux des étudiants
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- Réception des candidats
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- Pré-requis
Intérêt pour l'histoire des sciences et/ou les sciences humaines et sociales en général
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Bâtiment EHESS-Condorcet
EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
Salle 25-B
annuel / bimensuel (1re/3e), vendredi 12:30-14:30
du 15 octobre 2021 au 20 mai 2022
Nombre de séances : 12