Attention, les informations que vous consultez actuellement ne sont pas celles de l'année universitaire en cours. Consulter l'année universitaire 2023-2024.

UE787 - L’individualisme esthétique : de Rousseau à Foucault


Lieu et planning


  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle polyvalente 50
    annuel / bimensuel (2e/4e/5e), vendredi 14:30-16:30
    du 26 novembre 2021 au 10 juin 2022
    Nombre de séances : 12


Description


Dernière modification : 17 février 2022 10:21

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Philosophie et épistémologie, Signes, formes, représentations
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Arts Esthétique Esthétique sociale Philosophie sociale
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • Barbara Carnevali [référent·e]   directrice d'études (en cours de nomination), EHESS / Centre des savoirs sur le politique : recherches et analyses (CESPRA)

Depuis le tournant expressif moderne (Charles Taylor), les besoins d’auto-expression dominent les formes de la subjectivité contemporaine : les individus cherchent une forme originale pour réaliser leur identité unique, pour exprimer leurs qualités singulières et pour créer la « loi individuelle » (Georg Simmel) consistant à adhérer à sa propre norme intérieure. Sur la base d’une alliance normative stricte entre éthique et esthétique, le sujet moderne exprime sa singularité dans la production d’œuvres d’art comme dans l’auto-stylisation, voire dans l’auto-design. Par son approche du problème, le séminaire de recherche l’« Individualisme esthétique » entend souligner non seulement le potentiel d’émancipation exprimé par cette figure de la subjectivité mais aussi ses limites et ses contradictions. 

NB. Ce séminaire de recherche se poursuivra pendant au moins deux ans. Par conséquent, le programme proposé sera sujet à des changements en fonction de l'état de la recherche.

Introduction.

Le cadre historique et sociologique : Ch. Taylor, Les sources du moi. La formation de l’identité moderne (1989) ;  G. Simmel, Les deux formes de l'individualisme (1903) ; L. Dumont, L'Idéologie allemande (1991). 

J.-J. Rousseau. Émile (1762); Les Confessions (1782-89).

J.W. Goethe, Le cycle de Wilhelm Meister (La vocation théâtrale et Les années d’apprentissage, 1777-1796) et F. Schiller. Lettres sur l’éducation esthétique de l’humanité (1795).

Les romantiques allemands (Herder, Schlegel, Schleiermacher).

S. Kierkegaard. Le journal du séducteur (1843).

F. Nietzsche. La naissance de la tragédie (1872) ; Ecce Homo (1888).

Baudelaire et le dandysme.   

Esthétisme et bohème, de Oscar Wilde à Andy Warhol.

G. Simmel. La loi individuelle (1913).

Esthétique et politiqueH. Marcuse. Eros et civilisation (1955), La dimension esthétique (1978) ; H. Arendt, Vita activa (1958).

M. Foucault. Le souci de soi (1984) ; essais sur l’esthétique de l’existence.  

J. Butler. Trouble dans le genre (1990).

P. SloterdijkTu dois changer ta vie (2009).

Un regard sociologique L. Boltanski et E. Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme (1999) ; A. Reckwitz, L'invention de la créativité (2012) ; La société des singularités (2018).

Conclusions : Repenser la vie et la subjectivité esthétiques aujourd'hui.  


Master


  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Littératures (M2) – M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral, examen
  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Pratiques, discours et usages (M1) – M1/S1-S2
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral, examen
  • Séminaires de recherche – Philosophie-Philosophie sociale et politique – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral, examen

Renseignements


Contacts additionnels
emiliano.cavaliere@ehess.fr
Informations pratiques

barbara.carnevali@ehess.fr, sur rendez-vous

 

Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous

Réception des candidats

barbara.carnevali@ehess.fr 

Pré-requis

ouvert à toutes les personnes intéressées  


Compte rendu


Les premières séances du séminaire ont été consacrées à la reconstruction du « tournant expressif » romantique tel que défini par Charles Taylor et que Georg Simmel, avant lui, avait relié aux concepts cruciaux d’autonomie et d’individualisme modernes. Selon la théorie simmelienne qui distingue deux formes de subjectivité, l’individualisme « qualitatif » romantique ne poursuit plus une égalité dans la dignité de la nature humaine, à l’instar de l’individualisme « quantitatif » de Kant et des Lumières, mais vise la différence et la singularité. Cette généalogie a été comparée à la lecture, aussi différente que convergente, qu’Émile Durkheim a donné de ces mêmes transformations culturelles, ainsi qu’à la thèse de Louis Dumont distinguant, dans L’Idéologie allemande, le singularisme – ou individualisme de la différence – de l’individualisme français fondé sur l’égalité.

Nous avons ainsi pu constater que l’individualisme qualitatif semblait dominer les formes de la subjectivité contemporaine : les individus cherchent une forme originale pour réaliser leur identité unique, pour exprimer leurs qualités singulières et pour créer leur « loi individuelle » consistant à adhérer à une norme intérieure. Sur la base d’une alliance normative de plus en plus stricte entre éthique et esthétique, le sujet moderne exprime sa singularité dans la production d’œuvres d’art, dans l’auto-expression et l’auto-stylisation (habillements, décors, personnalisations du mode de vie, profils sur les réseaux sociaux, etc.). Ce diagnostic est alors entré en résonance avec les « esthétiques de l’existence » défendues, avec des arguments et conclusions partiellement dissemblables, par le dernier Foucault et Peter Sloterdijk – tous deux influencés par la pensée nietzschéenne.

À partir de ce cadre problématique, le séminaire s’est déroulé selon un parcours historico-généalogique situant l’émergence de la conception moderne de la subjectivité esthétique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, au carrefour des cultures française et allemande : Rousseau, Goethe et Schiller. L’extraordinaire intérêt de l’œuvre de Rousseau repose sur l’union de ces deux formes d’individualisme précédemment décrites. L’individu portant l’universel de la dignité humaine, comme dans l’Émile, entre en tension avec l’individu original qui revendique sa propre différence, dans les Confessions, et qui s’exprime dans le geste autobiographique et autofictionnel. Avec Goethe, interprète de Rousseau, nous assistons à la construction de l’idéal esthético-moral de la Bildung, version allemande de la paideia grecque, idéal incarné par le genre littéraire du Bildungsroman. La trilogie de Wilhelm Meister a ici été notre cas d’étude : dans les premières versions du roman, Goethe fait jouer à l’art un rôle fondamental dans la formation du moi, réinterprétant et discutant les théories de Schiller sur l’éducation esthétique de l’humanité et sur la centralité du « jeu » pour le développement de la liberté humaine. De ce fait, nous avons consacré quelques séances du séminaire à l’analyse de ces théories de l’art, du jeu, de l’éducation et de la liberté.

La discussion des thèses d’Andreas Reckwitz nous a enfin permis de questionner l’idéal  romantique de la vie d’artiste à la lumière des transformations sociales contemporaines. Le mythe fondateur de l’artiste revendiquant sa contrariété face aux stratégies utilitaires et économiques bourgeoises s’avère être, de plus en plus, une manœuvre intramondaine d’affirmation de soi. En effet, dans les milieux « créatifs » des sociétés urbaines occidentales, la parabole de Wilhelm Meister, qui abandonne le métier de commerçant pour devenir comédien, revient aux origines. Et le divorce romantique entre esthétique et économie semble se terminer par une comédie de remariage.

Publications
  • La storia delle idee dopo la storia delle idee (L’histoire des idées après l’histoire des idées), direction du numéro spécial de Intersezioni. Rivista di storia delle idee, vol. 41, n°3, 2021, 119 p.
  • « Un altro modernismo. La linea Persico-Olivetti » (sur le modernisme « doux » d’Olivetti), dans L’ospite ingrato, VI (« Umanesimo e tecnologia. Il laboratorio Olivetti », sous la dir. de D. Balicco, automne 2021, p. 17-37.
  • « Self-display. On Reflexivity and Self-Representation », dans I say I, Catalogue de l’exposition de la Galerie Nationale d’Art Moderne de Rome, Milano, Silvana Editoriale, 2021, p. 148-159.
  • « Le Style. L’art du social », Siggi. Le magazine de sociologie, 4, 2022, p. 15-24.
  • « Das Selbst als die anderen. Über Rachel Cusks Outline-Trilogie » (« Soi-même comme des autres. Sur la trilogie Outline de Rachel Cusk »), WestEnd. Neue Zeitschrift für Sozialforschung, vol. 2, 2022, p. 113-125.

Dernière modification : 17 février 2022 10:21

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Philosophie et épistémologie, Signes, formes, représentations
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Arts Esthétique Esthétique sociale Philosophie sociale
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • Barbara Carnevali [référent·e]   directrice d'études (en cours de nomination), EHESS / Centre des savoirs sur le politique : recherches et analyses (CESPRA)

Depuis le tournant expressif moderne (Charles Taylor), les besoins d’auto-expression dominent les formes de la subjectivité contemporaine : les individus cherchent une forme originale pour réaliser leur identité unique, pour exprimer leurs qualités singulières et pour créer la « loi individuelle » (Georg Simmel) consistant à adhérer à sa propre norme intérieure. Sur la base d’une alliance normative stricte entre éthique et esthétique, le sujet moderne exprime sa singularité dans la production d’œuvres d’art comme dans l’auto-stylisation, voire dans l’auto-design. Par son approche du problème, le séminaire de recherche l’« Individualisme esthétique » entend souligner non seulement le potentiel d’émancipation exprimé par cette figure de la subjectivité mais aussi ses limites et ses contradictions. 

NB. Ce séminaire de recherche se poursuivra pendant au moins deux ans. Par conséquent, le programme proposé sera sujet à des changements en fonction de l'état de la recherche.

Introduction.

Le cadre historique et sociologique : Ch. Taylor, Les sources du moi. La formation de l’identité moderne (1989) ;  G. Simmel, Les deux formes de l'individualisme (1903) ; L. Dumont, L'Idéologie allemande (1991). 

J.-J. Rousseau. Émile (1762); Les Confessions (1782-89).

J.W. Goethe, Le cycle de Wilhelm Meister (La vocation théâtrale et Les années d’apprentissage, 1777-1796) et F. Schiller. Lettres sur l’éducation esthétique de l’humanité (1795).

Les romantiques allemands (Herder, Schlegel, Schleiermacher).

S. Kierkegaard. Le journal du séducteur (1843).

F. Nietzsche. La naissance de la tragédie (1872) ; Ecce Homo (1888).

Baudelaire et le dandysme.   

Esthétisme et bohème, de Oscar Wilde à Andy Warhol.

G. Simmel. La loi individuelle (1913).

Esthétique et politiqueH. Marcuse. Eros et civilisation (1955), La dimension esthétique (1978) ; H. Arendt, Vita activa (1958).

M. Foucault. Le souci de soi (1984) ; essais sur l’esthétique de l’existence.  

J. Butler. Trouble dans le genre (1990).

P. SloterdijkTu dois changer ta vie (2009).

Un regard sociologique L. Boltanski et E. Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme (1999) ; A. Reckwitz, L'invention de la créativité (2012) ; La société des singularités (2018).

Conclusions : Repenser la vie et la subjectivité esthétiques aujourd'hui.  

  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Littératures (M2) – M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral, examen
  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Pratiques, discours et usages (M1) – M1/S1-S2
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral, examen
  • Séminaires de recherche – Philosophie-Philosophie sociale et politique – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral, examen
Contacts additionnels
emiliano.cavaliere@ehess.fr
Informations pratiques

barbara.carnevali@ehess.fr, sur rendez-vous

 

Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous

Réception des candidats

barbara.carnevali@ehess.fr 

Pré-requis

ouvert à toutes les personnes intéressées  

  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle polyvalente 50
    annuel / bimensuel (2e/4e/5e), vendredi 14:30-16:30
    du 26 novembre 2021 au 10 juin 2022
    Nombre de séances : 12

Les premières séances du séminaire ont été consacrées à la reconstruction du « tournant expressif » romantique tel que défini par Charles Taylor et que Georg Simmel, avant lui, avait relié aux concepts cruciaux d’autonomie et d’individualisme modernes. Selon la théorie simmelienne qui distingue deux formes de subjectivité, l’individualisme « qualitatif » romantique ne poursuit plus une égalité dans la dignité de la nature humaine, à l’instar de l’individualisme « quantitatif » de Kant et des Lumières, mais vise la différence et la singularité. Cette généalogie a été comparée à la lecture, aussi différente que convergente, qu’Émile Durkheim a donné de ces mêmes transformations culturelles, ainsi qu’à la thèse de Louis Dumont distinguant, dans L’Idéologie allemande, le singularisme – ou individualisme de la différence – de l’individualisme français fondé sur l’égalité.

Nous avons ainsi pu constater que l’individualisme qualitatif semblait dominer les formes de la subjectivité contemporaine : les individus cherchent une forme originale pour réaliser leur identité unique, pour exprimer leurs qualités singulières et pour créer leur « loi individuelle » consistant à adhérer à une norme intérieure. Sur la base d’une alliance normative de plus en plus stricte entre éthique et esthétique, le sujet moderne exprime sa singularité dans la production d’œuvres d’art, dans l’auto-expression et l’auto-stylisation (habillements, décors, personnalisations du mode de vie, profils sur les réseaux sociaux, etc.). Ce diagnostic est alors entré en résonance avec les « esthétiques de l’existence » défendues, avec des arguments et conclusions partiellement dissemblables, par le dernier Foucault et Peter Sloterdijk – tous deux influencés par la pensée nietzschéenne.

À partir de ce cadre problématique, le séminaire s’est déroulé selon un parcours historico-généalogique situant l’émergence de la conception moderne de la subjectivité esthétique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, au carrefour des cultures française et allemande : Rousseau, Goethe et Schiller. L’extraordinaire intérêt de l’œuvre de Rousseau repose sur l’union de ces deux formes d’individualisme précédemment décrites. L’individu portant l’universel de la dignité humaine, comme dans l’Émile, entre en tension avec l’individu original qui revendique sa propre différence, dans les Confessions, et qui s’exprime dans le geste autobiographique et autofictionnel. Avec Goethe, interprète de Rousseau, nous assistons à la construction de l’idéal esthético-moral de la Bildung, version allemande de la paideia grecque, idéal incarné par le genre littéraire du Bildungsroman. La trilogie de Wilhelm Meister a ici été notre cas d’étude : dans les premières versions du roman, Goethe fait jouer à l’art un rôle fondamental dans la formation du moi, réinterprétant et discutant les théories de Schiller sur l’éducation esthétique de l’humanité et sur la centralité du « jeu » pour le développement de la liberté humaine. De ce fait, nous avons consacré quelques séances du séminaire à l’analyse de ces théories de l’art, du jeu, de l’éducation et de la liberté.

La discussion des thèses d’Andreas Reckwitz nous a enfin permis de questionner l’idéal  romantique de la vie d’artiste à la lumière des transformations sociales contemporaines. Le mythe fondateur de l’artiste revendiquant sa contrariété face aux stratégies utilitaires et économiques bourgeoises s’avère être, de plus en plus, une manœuvre intramondaine d’affirmation de soi. En effet, dans les milieux « créatifs » des sociétés urbaines occidentales, la parabole de Wilhelm Meister, qui abandonne le métier de commerçant pour devenir comédien, revient aux origines. Et le divorce romantique entre esthétique et économie semble se terminer par une comédie de remariage.

Publications
  • La storia delle idee dopo la storia delle idee (L’histoire des idées après l’histoire des idées), direction du numéro spécial de Intersezioni. Rivista di storia delle idee, vol. 41, n°3, 2021, 119 p.
  • « Un altro modernismo. La linea Persico-Olivetti » (sur le modernisme « doux » d’Olivetti), dans L’ospite ingrato, VI (« Umanesimo e tecnologia. Il laboratorio Olivetti », sous la dir. de D. Balicco, automne 2021, p. 17-37.
  • « Self-display. On Reflexivity and Self-Representation », dans I say I, Catalogue de l’exposition de la Galerie Nationale d’Art Moderne de Rome, Milano, Silvana Editoriale, 2021, p. 148-159.
  • « Le Style. L’art du social », Siggi. Le magazine de sociologie, 4, 2022, p. 15-24.
  • « Das Selbst als die anderen. Über Rachel Cusks Outline-Trilogie » (« Soi-même comme des autres. Sur la trilogie Outline de Rachel Cusk »), WestEnd. Neue Zeitschrift für Sozialforschung, vol. 2, 2022, p. 113-125.