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UE647 - Anthropologie politique du silence : les « repentis » de la mafia


Lieu et planning


  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Salle polyvalente 50
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    annuel / bimensuel (1re/3e), jeudi 14:30-16:30
    du 18 novembre 2021 au 2 juin 2022
    Nombre de séances : 12

    Séance du 16 décembre ANNULÉE, reportée au 31 mars (même heure, même salle)


Description


Dernière modification : 15 décembre 2021 11:04

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Droit, normes et société État et politiques publiques Éthique Ethnographie Fait religieux Justice
Aires culturelles
Europe
Intervenant·e·s
  • Deborah Puccio-Den [référent·e]   directrice de recherche, CNRS / Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales (IIAC-LAIOS)

Lors de ce séminaire, on essaiera d’étudier le silence mafieux (sa portée, son étendue, sa nature, sa performativité) à travers les actes de parole et les pratiques judiciaires qui permettent de le défaire, en utilisant ainsi un des principes méthodologiques du paradigme Mafiacraft. En effet, si l’omerta, entendue comme l’ensemble des liens et des rapports de force créés par l’usage social du silence à l’intérieur et à l’extérieur d’un groupe « mafieux », est difficile à saisir empiriquement, on peut documenter et décrire le passage aux aveux des membres de Cosa Nostra ayant décidé de collaborer avec la justice italienne. Les conditions historiques, politiques et épistémiques de ce tournant ont été examinées lors du séminaire d’anthropologie de la mafia 2020/2021. Cette année, nous irons au plus près de leurs révélations, parce qu’elles contiennent des descriptions rétrospectives du silence comme pratique sociale et nous renseignent sur comment on fait silence au sein de la mafia, et parce qu’elles peuvent également conduire à une meilleure intelligibilité de ce que le silence fait et permet de faire (ou fait faire). Les matériaux issus d’une enquête ethnographique menée auprès de plusieurs « repentis » de Cosa Nostra au sein du Service Central de Protection des témoins et des collaborateurs de justice de Rome permettront d’analyser le réaménagement de l’espace mental et moral, la redéfinition des rapports entre politique et religieux, les modifications des ontologies du sujet produits par la prise de parole mafieuse. Silence(s) et aveux seront donc explorés dans leurs implications éthiques et religieuses, affectives et cognitives, sociales et politiques. Mais c’est aussi un regard réflexif sur les implications méthodologiques et les dangers inhérents à une ethnographie effectuée dans un service en partie placé sous le secret d’État - d’un État que les révélations des « repentis » ne cessent de menacer - qui produira une anthropologie politique du silence.

 

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – oral + écrit

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Compte rendu


Lors de ce séminaire, on a essayé d’étudier le silence mafieux (sa portée, son étendue, sa nature, sa performativité) à travers les actes de parole et les pratiques judiciaires qui permettent de le défaire, en utilisant ainsi un des principes méthodologiques du paradigme Mafiacraft. En effet, si l’omerta, entendue comme l’ensemble des liens et des rapports de force créés par l’usage social du silence à l’intérieur et à l’extérieur d’un groupe « mafieux », est difficile à saisir empiriquement, on peut documenter et décrire le passage aux aveux des membres de Cosa Nostra ayant décidé de collaborer avec la justice italienne. Les conditions historiques, politiques et épistémiques de ce tournant ont été examinées lors du séminaire d’anthropologie de la mafia 2020-2021. Pendant l’année 2021-2022, nous sommes allés au plus près de leurs révélations, contenant des descriptions rétrospectives du silence comme pratique sociale et nous renseignant sur comment on fait silence au sein de la mafia, et pouvant également conduire à une meilleure intelligibilité de ce que le silence fait et permet de faire (ou fait faire). Les matériaux issus d’une enquête ethnographique menée auprès de plusieurs « repentis » de Cosa Nostra au sein du Service central de protection des témoins et des collaborateurs de justice de Rome nous ont permis d’analyser le réaménagement de l’espace mental et moral, la redéfinition des rapports entre politique et religieux, les modifications des ontologies du sujet produits par la prise de parole mafieuse. Silence(s) et aveux ont donc explorés dans leurs implications éthiques et religieuses, affectives et cognitives, sociales et politiques. Mais c’est aussi par un regard réflexif sur les implications méthodologiques et les dangers inhérents à une ethnographie effectuée dans un service en partie placé sous le secret d’État – d’un État que les révélations des « repentis » ne cessent de menacer – qu’on a essayé de produire une anthropologie politique du silence.

Nous avons procédé à l'exploration du paradigme Mafiacraft et sa mise en parallèle avec witchcraft pour montrer les similarités et les différences entre « chasses aux sorcières » et systèmes d'attribution des responsabilités à la « mafia » et aux mafieux, en précisant le rôle que les « repentis » y ont joué. Nous avons ensuite examiné le parcours d’un certain nombre de « repentis » de la mafia, à commencer par Leonardo Vitale. Nous avons ensuite examiné les conditions de félicité de la sortie du silence du « repenti » Tommaso Buscetta à la moitié des années 1980. À travers la figure du « repenti » Antonino Calderone, c’est la question du rapport entre justice humaine et justice divine qui a été posée. En seconde partie du séminaire, nous sommes revenus à l’origine de l’enquête avec les repentis « inventée » par le juge Giovanni Falcone dans le cadre de sa lutte judiciaire contre la mafia. C’est dans le prolongement de cette expérience, et de ce qu’elle nous apprend de la rencontre ethnographique, que nous avons abordé l’enquête que j’ai menée au service de protection des témoins et des collaborateurs de justice de Rome. Le second cycle de séminaires s'est appuyé entièrement sur des matériaux inédits, les interviews que j'ai menées au sein du service central de protection des témoins et collaborateurs de justice auprès de plusieurs « repentis » de la mafia sicilienne. Salvatore Cucuzza a appartenu au groupe de feu de Toto Riina et a siégé dans la commission de la mafia (la Coupole) avant de collaborer avec l’État. Avec Francesco Paolo Anzelmo, nous avons atteint les limites du « repentir » mafieux. Membre du commando de Toto Riina, cet homme d’honneur a tué des dizaines de personnes, parmi lesquelles le général Carlo Alberto Dalla Chiesa et son épouse, ainsi que ses propres oncles. Angelo Siino a été le « ministre des travaux publics » de Cosa Nostra : interface entre cet univers criminel, l’administration de la chose publique en Sicile et la sphère de la haute finance et économie. La parole du « repenti » Francesco Campanella nous a permis d’aborde la question de la réparation. Dirigeant politique issu de la Démocratie Chrétienne, Francesco Campanella était le bras droit d'Antonino Mandalà, chef mafieux de cette même ville de la province de Palerme. L’invité de la dernière séance du séminaire « Anthropologie politique du silence » a été le président du tribunal judiciaire de Palerme. Antonio Balsamo a instruit et jugé de nombreux procès révélant le lien entre mafia et politique en Italie, comme le procès pour le « massacre de la rue d’Amelio » où, le 19 juillet 1992, le juge Paolo Borsellino et cinq agents de son escorte furent assassinés.

Publications

Deborah Puccio-Den, Mafiacraft. An ethnography of deadly silence, Chicago, University of Chicago Press, "HAU Books", 2021

(https://haubooks.org/mafiacraft-an-ethnography-of-deadly-silence/)

 

Dernière modification : 15 décembre 2021 11:04

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Droit, normes et société État et politiques publiques Éthique Ethnographie Fait religieux Justice
Aires culturelles
Europe
Intervenant·e·s
  • Deborah Puccio-Den [référent·e]   directrice de recherche, CNRS / Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales (IIAC-LAIOS)

Lors de ce séminaire, on essaiera d’étudier le silence mafieux (sa portée, son étendue, sa nature, sa performativité) à travers les actes de parole et les pratiques judiciaires qui permettent de le défaire, en utilisant ainsi un des principes méthodologiques du paradigme Mafiacraft. En effet, si l’omerta, entendue comme l’ensemble des liens et des rapports de force créés par l’usage social du silence à l’intérieur et à l’extérieur d’un groupe « mafieux », est difficile à saisir empiriquement, on peut documenter et décrire le passage aux aveux des membres de Cosa Nostra ayant décidé de collaborer avec la justice italienne. Les conditions historiques, politiques et épistémiques de ce tournant ont été examinées lors du séminaire d’anthropologie de la mafia 2020/2021. Cette année, nous irons au plus près de leurs révélations, parce qu’elles contiennent des descriptions rétrospectives du silence comme pratique sociale et nous renseignent sur comment on fait silence au sein de la mafia, et parce qu’elles peuvent également conduire à une meilleure intelligibilité de ce que le silence fait et permet de faire (ou fait faire). Les matériaux issus d’une enquête ethnographique menée auprès de plusieurs « repentis » de Cosa Nostra au sein du Service Central de Protection des témoins et des collaborateurs de justice de Rome permettront d’analyser le réaménagement de l’espace mental et moral, la redéfinition des rapports entre politique et religieux, les modifications des ontologies du sujet produits par la prise de parole mafieuse. Silence(s) et aveux seront donc explorés dans leurs implications éthiques et religieuses, affectives et cognitives, sociales et politiques. Mais c’est aussi un regard réflexif sur les implications méthodologiques et les dangers inhérents à une ethnographie effectuée dans un service en partie placé sous le secret d’État - d’un État que les révélations des « repentis » ne cessent de menacer - qui produira une anthropologie politique du silence.

 

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Anthropologie-Ethnologie et anthropologie sociale – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – oral + écrit
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-
  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Salle polyvalente 50
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    annuel / bimensuel (1re/3e), jeudi 14:30-16:30
    du 18 novembre 2021 au 2 juin 2022
    Nombre de séances : 12

    Séance du 16 décembre ANNULÉE, reportée au 31 mars (même heure, même salle)

Lors de ce séminaire, on a essayé d’étudier le silence mafieux (sa portée, son étendue, sa nature, sa performativité) à travers les actes de parole et les pratiques judiciaires qui permettent de le défaire, en utilisant ainsi un des principes méthodologiques du paradigme Mafiacraft. En effet, si l’omerta, entendue comme l’ensemble des liens et des rapports de force créés par l’usage social du silence à l’intérieur et à l’extérieur d’un groupe « mafieux », est difficile à saisir empiriquement, on peut documenter et décrire le passage aux aveux des membres de Cosa Nostra ayant décidé de collaborer avec la justice italienne. Les conditions historiques, politiques et épistémiques de ce tournant ont été examinées lors du séminaire d’anthropologie de la mafia 2020-2021. Pendant l’année 2021-2022, nous sommes allés au plus près de leurs révélations, contenant des descriptions rétrospectives du silence comme pratique sociale et nous renseignant sur comment on fait silence au sein de la mafia, et pouvant également conduire à une meilleure intelligibilité de ce que le silence fait et permet de faire (ou fait faire). Les matériaux issus d’une enquête ethnographique menée auprès de plusieurs « repentis » de Cosa Nostra au sein du Service central de protection des témoins et des collaborateurs de justice de Rome nous ont permis d’analyser le réaménagement de l’espace mental et moral, la redéfinition des rapports entre politique et religieux, les modifications des ontologies du sujet produits par la prise de parole mafieuse. Silence(s) et aveux ont donc explorés dans leurs implications éthiques et religieuses, affectives et cognitives, sociales et politiques. Mais c’est aussi par un regard réflexif sur les implications méthodologiques et les dangers inhérents à une ethnographie effectuée dans un service en partie placé sous le secret d’État – d’un État que les révélations des « repentis » ne cessent de menacer – qu’on a essayé de produire une anthropologie politique du silence.

Nous avons procédé à l'exploration du paradigme Mafiacraft et sa mise en parallèle avec witchcraft pour montrer les similarités et les différences entre « chasses aux sorcières » et systèmes d'attribution des responsabilités à la « mafia » et aux mafieux, en précisant le rôle que les « repentis » y ont joué. Nous avons ensuite examiné le parcours d’un certain nombre de « repentis » de la mafia, à commencer par Leonardo Vitale. Nous avons ensuite examiné les conditions de félicité de la sortie du silence du « repenti » Tommaso Buscetta à la moitié des années 1980. À travers la figure du « repenti » Antonino Calderone, c’est la question du rapport entre justice humaine et justice divine qui a été posée. En seconde partie du séminaire, nous sommes revenus à l’origine de l’enquête avec les repentis « inventée » par le juge Giovanni Falcone dans le cadre de sa lutte judiciaire contre la mafia. C’est dans le prolongement de cette expérience, et de ce qu’elle nous apprend de la rencontre ethnographique, que nous avons abordé l’enquête que j’ai menée au service de protection des témoins et des collaborateurs de justice de Rome. Le second cycle de séminaires s'est appuyé entièrement sur des matériaux inédits, les interviews que j'ai menées au sein du service central de protection des témoins et collaborateurs de justice auprès de plusieurs « repentis » de la mafia sicilienne. Salvatore Cucuzza a appartenu au groupe de feu de Toto Riina et a siégé dans la commission de la mafia (la Coupole) avant de collaborer avec l’État. Avec Francesco Paolo Anzelmo, nous avons atteint les limites du « repentir » mafieux. Membre du commando de Toto Riina, cet homme d’honneur a tué des dizaines de personnes, parmi lesquelles le général Carlo Alberto Dalla Chiesa et son épouse, ainsi que ses propres oncles. Angelo Siino a été le « ministre des travaux publics » de Cosa Nostra : interface entre cet univers criminel, l’administration de la chose publique en Sicile et la sphère de la haute finance et économie. La parole du « repenti » Francesco Campanella nous a permis d’aborde la question de la réparation. Dirigeant politique issu de la Démocratie Chrétienne, Francesco Campanella était le bras droit d'Antonino Mandalà, chef mafieux de cette même ville de la province de Palerme. L’invité de la dernière séance du séminaire « Anthropologie politique du silence » a été le président du tribunal judiciaire de Palerme. Antonio Balsamo a instruit et jugé de nombreux procès révélant le lien entre mafia et politique en Italie, comme le procès pour le « massacre de la rue d’Amelio » où, le 19 juillet 1992, le juge Paolo Borsellino et cinq agents de son escorte furent assassinés.

Publications

Deborah Puccio-Den, Mafiacraft. An ethnography of deadly silence, Chicago, University of Chicago Press, "HAU Books", 2021

(https://haubooks.org/mafiacraft-an-ethnography-of-deadly-silence/)