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UE637 - Histoire culturelle byzantine et méditerranéenne


Lieu et planning


  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 25-B
    annuel / bimensuel (2e/4e), mercredi 14:30-16:30
    du 10 novembre 2021 au 25 mai 2022
    Nombre de séances : 12


Description


Dernière modification : 9 mai 2022 14:41

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie historique, Histoire, Signes, formes, représentations
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie historique Archives Codicologie Culture Culture matérielle Culture visuelle Ecclésiologie Écriture Empire Fait religieux Geste technique Histoire Histoire culturelle Histoire du livre Histoire intellectuelle Littérature Moyen Âge/Histoire médiévale Paléographie Philologie Politique Religieux (sciences sociales du) Textes Théologie
Aires culturelles
Byzantines (études) Europe Europe centrale et orientale Europe sud-orientale Méditerranéens (mondes) Transméditerranée
Intervenant·e·s
  • Filippo Ronconi [référent·e]   maître de conférences, EHESS / Centre d'études en sciences sociales du religieux (CéSor)

Le séminaire s’articulera en trois volets, dont chacun sera consacré à une étude de cas illustrant un thème majeur. Le premier (« l’érudition et la bibliophilie de Photius : capital culturel et capital social ») se concentrera sur le thème des réseaux des élites byzantines à l’époque moyenne. Après une introduction générale, nous essayerons de reconstruire une partie du vaste réseau de Photius de Constantinople (IXe siècle), en analysant lettres et documents. Nous constaterons que son érudition et sa bibliophilie lui ont servi à transformer, au bout de deux décennies, le cercle des jeunes membres de l’élite constantinopolitaine dont il était le professeur, en une structure de pouvoir centrée sur sa personne et infiltrée dans les nœuds administratifs, religieux et politiques de la Capitale. Nous consacrerons ensuite quelques séances à l’analyse des manuscrits de la Mystagogia (l’un de ses textes les plus polémiques vis-à-vis de l'Église de Rome), démontrant la nature stratifiée de cet ouvrage et reconstruisant les étapes de sa composition : cette démarche nous permettra d'apprécier la contribution apportée par le réseau susmentionné à l'activité intellectuelle et politique de Photius. Comme dans ce texte sont mentionnés plusieurs ouvrages de Pères latins, nous réfléchirons sur les thèmes de la traduction et de la migration de textes et livres dans la Méditerranée médiévale.

Le second volet (« Kékauménos : névrose ou contrainte sociale ? ») portera sur l’ouvrage d’un général « à la retraite » qui, au XIe siècle, a produit un texte très complexe et discuté, aux tons parfois intimistes, que nous aborderons de trois points de vue. Tout d’abord, celui de la tradition manuscrite. Nous analyserons le seul codex qui le transmet, afin de reconstruire la genèse des différentes parties – parfois indépendantes – qui sont généralement censées composer cet ouvrage prétendument unitaire. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à la sur-interpretation de ce texte de la part des lecteurs modernes. Enfin, contre les interprétations psychologisantes qu’en ont été données, nous encadrerons les réflexions de Kékauménos – notamment celles concernant la vie familiale et le rôle des femmes – dans le contexte social où il a opéré, et nous lirons les sections correspondantes de l’ouvrage à la lumière du droit byzantin et des contraintes sociales dont l’auteur était « victime ».

Le troisième volet du séminaire (« croire, maladie et médicine en Méditerranée alti-médiévale ») continuera la réflexion entamée l’année passée. Nous analyserons des recueils de Miracles de saints guérisseurs – caractérisés souvent par une forte mobilité dans le bassin de la Méditerranée – à la lumière des textes de médecine et des pratiques de soin « officielles » contemporains. Nous nous concentrerons sur deux recueils en particulier : celui des saints Cyr et Jean par Sophrone de Jérusalem (c. 550-638/639) et celui, composite, des saints Côme et Damien. 

Des séances extraordinaires se tiendront dans des archives, bibliothèques et centres d’étude de manuscrits : le calendrier en sera communiqué au cours de l’année.

La séance du 11 mai se déroulera en salle 0.017, bât. recherche sud, campus Condorcet


Master


  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Migrations – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Sciences des religions et société-Sciences sociales des religions – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

La suivie des travaux des materant.e.s et des doctorant.e.s se fonde sur des rdv réguliers, dont le calendrier est fixé sur la base des exigences spécifiques. Des rdv individuels ou groupés, en présence ou à distance, sont envisageables.

Réception des candidats

Sur rdv, en écrivant à l'enseignant

Pré-requis

Aucune connaissance particulière n'est requise 


Compte rendu


Le séminaire s’est articulé en deux volets. Dans le premier (« l’érudition et la bibliophilie de Photius comme capital culturel, capital social et arme politique ») nous avons utilisé la figure emblématique du grand savant et patriarche de Constantinople Photius (env. 820-893) pour réfléchir a) sur les réseaux d’influence qui ont conditionné la vie politique byzantine et ont facilité la réussite de certains individus, et b) sur le rapport entre réflexion théologique, politique ecclésiastique et politique « internationale » au cours du IXe siècle (une période décisive pour la définition des équilibres européens et méditerranéens). Nous avons d’abord reconstruit, sur la base de la lecture des sources contemporaines et de recherches récentes, l’arbre généalogique de Photius, prêtant une attention particulière à ses rapports avec ce qu’on peut dénommer de « network arménien ». Nous avons ainsi souligné l’influence politique exercée par certains « clans » et familles d’origine arménienne, qui ont été au cœur du dispositif du Pouvoir de l’Empire romain d’Orient à l'époque moyenne. Ce bloc de Pouvoir informel et fluide a facilité Photius dans sa carrière extraordinaire, malgré l’exile qui avait frappé ses parents. En effet, il a su utiliser ses lointaines origines arméniennes non seulement dans sa jeunesse (pour escalader la haute administration impériale et parvenir à diriger la chancellerie centrale de Constantinople), mais aussi dans sa maturité, lorsque, devenu patriarche, il a dialogué avec les autorités politiques et religieuses arméniennes, afin de garantir à l'Empire le support stratégique de l’Arménie face à l’expansionnisme du Califat. Nous avons ensuite souligné la capacité de Photius (qui fut aussi celle de plusieurs autres membres des élites) à transformer l’érudition en arme politique. L’analyse de ses lettres, ainsi que de textes et documents issus de son propre cercle et de milieux hostiles, nous a permis de reconstruire le réseau d’ancien élèves qui, s’ils continuèrent de partager des intérêts littéraires, furent surtout ses agents infiltrés dans les nœuds administratifs et ecclésiastiques de la Capitale.

La plupart de notre séminaire a été consacré au second thème, celui du rapport entre les querelles théologiques, la politique missionnaire byzantine et papale vis-à-vis de l’Europe centrale, et les équilibres géopolitiques relatifs aux sphères d’influence byzantine et franque au IXe siècle. Nous sommes partis de l’étude d’un des ouvrages les plus énigmatiques de Photius, la Mystagogia, qui se présente comme un traité sur la procession du Saint Esprit, et plus précisément comme une dure attaque aux souteneurs du Filioque. Nous avons analysé cet ouvrage suivant les critères de la génétique textuelle, pour ensuite accomplir une étude stratigraphique de ses trois manuscrits les plus anciens, le Paris. grec 1228 (du Xe siècle), le Vat. Gr. 2195 et le Vat. Palat. Gr. 216 (IXe-Xe siècles), que j’ai analysés pendant une mission à Rome. Nous avons ainsi pu reconstruire la genèse de l’ouvrage, grâce aussi au fait que, comme nous avons pu le démontrer, le Vat. Gr. 2195 a été produit dans le milieu même de Photius, et de son vivant. En croisant les données philologiques, paléographiques et codicologiques, nous avons ainsi démontré que la Mystagogia est constituée de cinq sections génétiquement indépendantes, composées par Photius pendant deux décennies, entre les années 860 et 880, et réunies dans un dossier. Nous avons référé chaque partie à une phase précise de l’action politique et ecclésiale de l’auteur dans le cadre de la grande politique missionnaire de Byzance en Bulgarie et en Moravie. Ainsi, la question du Filioque a pu être analysée dans le contexte de la lutte entre Constantinople, Rome et les Francs pour le contrôle religieux de l’Europe centrale. Photius fut le premier à donner à cette question, jusque-là marginal, une véritable allure théologique, et à l’utiliser comme une arme dans une querelle qui avait des énormes implications géopolitiques.

Les résultats de cette partie de notre séminaire ont été présentés dans le cadre du 24e Congrès International d’Études Byzantines (Venise), où j’ai coordonné avec deux collègues (Federico Montinaro de l’Université de Tübingen et Marcello Garzaniti de l’Université de Florence) une table ronde sur le thème « The Road to Constantinople in the 9th Century: Aspects of Religious Conflict and Mobility in the Greater Mediterranean ».

Le deuxième volet du séminaire, intitulé « croire, maladie et médicine en Méditerranée alti-médiévale » s’est déroulé au cours du mois de mai, et s’est réjouis de la présence à Paris, en tant que professeur invité à l’EHESS, d’Alain Touwaide, directeur scientifique de l'Institute for the Preservation of Medical Traditions (Washington, D.C.). M Touwaide a tenu quatre séminaires qui ont concerné la circulation du savoir lié aux plantes médicinales en Méditerranée, entre l’Antiquité et le haut Moyen Âge, avec une attention particulière aux manuscrits contenant les textes pharmacologiques grecs, arabes et latins. Au cours de ces séminaires, nous avons analysé conjointement les reproductions en haute définition d’un manuscrit de la bibliothèque Medicea Laurenziana de Florence, dont je m’étais occupé dans des publications précédentes (le Plut. 75.3). Le codex s’est avéré du plus grand intérêt du point de vue de l’histoire de la médecine et de la pharmacologie, non seulement car il est le seul témoin d’un des plus anciens traités gynécologiques grecs connus, attribué à une certaine Métrodora, mais aussi parce qu’il contient un texte inédit, complexe et énigmatique (une collection médicale alphabétique), dont nous avons décidé de publier conjointement une édition commentée.

Publications
  • Aux racines du livre. Métamorphoses d'un objet de l'Antiquité au Moyen Âge, Paris, Éditions de l'EHESS, 2021, 352 p.
  • « Analyse stratigraphique du Vat. Gr. 1666 », dans Φιλόδωρος εὐμενείας Miscellanea di studi in ricordo di mons. Paul Canart, sous la dir. de M. D'Agostino et L. Pieralli, Città del Vaticano 2021, p. 617-646.
  • « Le dossier hagiographique des saints Cyr et Jean entre Orient et Occident. Quelques précisions à partir du Vat. gr. 1607 », dans Byzance et l’Occident VI. Vestigia philologica, sous la dir. de E. Egedi-Kovács, Collège Eötvös József ELTE Budapest, 2021, p. 71-98.
  • « Photius of Constantinople », dans Oxford Classical Dictionary (éd. en ligne 2022 :  https://doi.org/10.1093/acrefore/9780199381135.013.5053)

 

Dernière modification : 9 mai 2022 14:41

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie historique, Histoire, Signes, formes, représentations
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie historique Archives Codicologie Culture Culture matérielle Culture visuelle Ecclésiologie Écriture Empire Fait religieux Geste technique Histoire Histoire culturelle Histoire du livre Histoire intellectuelle Littérature Moyen Âge/Histoire médiévale Paléographie Philologie Politique Religieux (sciences sociales du) Textes Théologie
Aires culturelles
Byzantines (études) Europe Europe centrale et orientale Europe sud-orientale Méditerranéens (mondes) Transméditerranée
Intervenant·e·s
  • Filippo Ronconi [référent·e]   maître de conférences, EHESS / Centre d'études en sciences sociales du religieux (CéSor)

Le séminaire s’articulera en trois volets, dont chacun sera consacré à une étude de cas illustrant un thème majeur. Le premier (« l’érudition et la bibliophilie de Photius : capital culturel et capital social ») se concentrera sur le thème des réseaux des élites byzantines à l’époque moyenne. Après une introduction générale, nous essayerons de reconstruire une partie du vaste réseau de Photius de Constantinople (IXe siècle), en analysant lettres et documents. Nous constaterons que son érudition et sa bibliophilie lui ont servi à transformer, au bout de deux décennies, le cercle des jeunes membres de l’élite constantinopolitaine dont il était le professeur, en une structure de pouvoir centrée sur sa personne et infiltrée dans les nœuds administratifs, religieux et politiques de la Capitale. Nous consacrerons ensuite quelques séances à l’analyse des manuscrits de la Mystagogia (l’un de ses textes les plus polémiques vis-à-vis de l'Église de Rome), démontrant la nature stratifiée de cet ouvrage et reconstruisant les étapes de sa composition : cette démarche nous permettra d'apprécier la contribution apportée par le réseau susmentionné à l'activité intellectuelle et politique de Photius. Comme dans ce texte sont mentionnés plusieurs ouvrages de Pères latins, nous réfléchirons sur les thèmes de la traduction et de la migration de textes et livres dans la Méditerranée médiévale.

Le second volet (« Kékauménos : névrose ou contrainte sociale ? ») portera sur l’ouvrage d’un général « à la retraite » qui, au XIe siècle, a produit un texte très complexe et discuté, aux tons parfois intimistes, que nous aborderons de trois points de vue. Tout d’abord, celui de la tradition manuscrite. Nous analyserons le seul codex qui le transmet, afin de reconstruire la genèse des différentes parties – parfois indépendantes – qui sont généralement censées composer cet ouvrage prétendument unitaire. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons à la sur-interpretation de ce texte de la part des lecteurs modernes. Enfin, contre les interprétations psychologisantes qu’en ont été données, nous encadrerons les réflexions de Kékauménos – notamment celles concernant la vie familiale et le rôle des femmes – dans le contexte social où il a opéré, et nous lirons les sections correspondantes de l’ouvrage à la lumière du droit byzantin et des contraintes sociales dont l’auteur était « victime ».

Le troisième volet du séminaire (« croire, maladie et médicine en Méditerranée alti-médiévale ») continuera la réflexion entamée l’année passée. Nous analyserons des recueils de Miracles de saints guérisseurs – caractérisés souvent par une forte mobilité dans le bassin de la Méditerranée – à la lumière des textes de médecine et des pratiques de soin « officielles » contemporains. Nous nous concentrerons sur deux recueils en particulier : celui des saints Cyr et Jean par Sophrone de Jérusalem (c. 550-638/639) et celui, composite, des saints Côme et Damien. 

Des séances extraordinaires se tiendront dans des archives, bibliothèques et centres d’étude de manuscrits : le calendrier en sera communiqué au cours de l’année.

La séance du 11 mai se déroulera en salle 0.017, bât. recherche sud, campus Condorcet

  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Migrations – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Sciences des religions et société-Sciences sociales des religions – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

La suivie des travaux des materant.e.s et des doctorant.e.s se fonde sur des rdv réguliers, dont le calendrier est fixé sur la base des exigences spécifiques. Des rdv individuels ou groupés, en présence ou à distance, sont envisageables.

Réception des candidats

Sur rdv, en écrivant à l'enseignant

Pré-requis

Aucune connaissance particulière n'est requise 

  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 25-B
    annuel / bimensuel (2e/4e), mercredi 14:30-16:30
    du 10 novembre 2021 au 25 mai 2022
    Nombre de séances : 12

Le séminaire s’est articulé en deux volets. Dans le premier (« l’érudition et la bibliophilie de Photius comme capital culturel, capital social et arme politique ») nous avons utilisé la figure emblématique du grand savant et patriarche de Constantinople Photius (env. 820-893) pour réfléchir a) sur les réseaux d’influence qui ont conditionné la vie politique byzantine et ont facilité la réussite de certains individus, et b) sur le rapport entre réflexion théologique, politique ecclésiastique et politique « internationale » au cours du IXe siècle (une période décisive pour la définition des équilibres européens et méditerranéens). Nous avons d’abord reconstruit, sur la base de la lecture des sources contemporaines et de recherches récentes, l’arbre généalogique de Photius, prêtant une attention particulière à ses rapports avec ce qu’on peut dénommer de « network arménien ». Nous avons ainsi souligné l’influence politique exercée par certains « clans » et familles d’origine arménienne, qui ont été au cœur du dispositif du Pouvoir de l’Empire romain d’Orient à l'époque moyenne. Ce bloc de Pouvoir informel et fluide a facilité Photius dans sa carrière extraordinaire, malgré l’exile qui avait frappé ses parents. En effet, il a su utiliser ses lointaines origines arméniennes non seulement dans sa jeunesse (pour escalader la haute administration impériale et parvenir à diriger la chancellerie centrale de Constantinople), mais aussi dans sa maturité, lorsque, devenu patriarche, il a dialogué avec les autorités politiques et religieuses arméniennes, afin de garantir à l'Empire le support stratégique de l’Arménie face à l’expansionnisme du Califat. Nous avons ensuite souligné la capacité de Photius (qui fut aussi celle de plusieurs autres membres des élites) à transformer l’érudition en arme politique. L’analyse de ses lettres, ainsi que de textes et documents issus de son propre cercle et de milieux hostiles, nous a permis de reconstruire le réseau d’ancien élèves qui, s’ils continuèrent de partager des intérêts littéraires, furent surtout ses agents infiltrés dans les nœuds administratifs et ecclésiastiques de la Capitale.

La plupart de notre séminaire a été consacré au second thème, celui du rapport entre les querelles théologiques, la politique missionnaire byzantine et papale vis-à-vis de l’Europe centrale, et les équilibres géopolitiques relatifs aux sphères d’influence byzantine et franque au IXe siècle. Nous sommes partis de l’étude d’un des ouvrages les plus énigmatiques de Photius, la Mystagogia, qui se présente comme un traité sur la procession du Saint Esprit, et plus précisément comme une dure attaque aux souteneurs du Filioque. Nous avons analysé cet ouvrage suivant les critères de la génétique textuelle, pour ensuite accomplir une étude stratigraphique de ses trois manuscrits les plus anciens, le Paris. grec 1228 (du Xe siècle), le Vat. Gr. 2195 et le Vat. Palat. Gr. 216 (IXe-Xe siècles), que j’ai analysés pendant une mission à Rome. Nous avons ainsi pu reconstruire la genèse de l’ouvrage, grâce aussi au fait que, comme nous avons pu le démontrer, le Vat. Gr. 2195 a été produit dans le milieu même de Photius, et de son vivant. En croisant les données philologiques, paléographiques et codicologiques, nous avons ainsi démontré que la Mystagogia est constituée de cinq sections génétiquement indépendantes, composées par Photius pendant deux décennies, entre les années 860 et 880, et réunies dans un dossier. Nous avons référé chaque partie à une phase précise de l’action politique et ecclésiale de l’auteur dans le cadre de la grande politique missionnaire de Byzance en Bulgarie et en Moravie. Ainsi, la question du Filioque a pu être analysée dans le contexte de la lutte entre Constantinople, Rome et les Francs pour le contrôle religieux de l’Europe centrale. Photius fut le premier à donner à cette question, jusque-là marginal, une véritable allure théologique, et à l’utiliser comme une arme dans une querelle qui avait des énormes implications géopolitiques.

Les résultats de cette partie de notre séminaire ont été présentés dans le cadre du 24e Congrès International d’Études Byzantines (Venise), où j’ai coordonné avec deux collègues (Federico Montinaro de l’Université de Tübingen et Marcello Garzaniti de l’Université de Florence) une table ronde sur le thème « The Road to Constantinople in the 9th Century: Aspects of Religious Conflict and Mobility in the Greater Mediterranean ».

Le deuxième volet du séminaire, intitulé « croire, maladie et médicine en Méditerranée alti-médiévale » s’est déroulé au cours du mois de mai, et s’est réjouis de la présence à Paris, en tant que professeur invité à l’EHESS, d’Alain Touwaide, directeur scientifique de l'Institute for the Preservation of Medical Traditions (Washington, D.C.). M Touwaide a tenu quatre séminaires qui ont concerné la circulation du savoir lié aux plantes médicinales en Méditerranée, entre l’Antiquité et le haut Moyen Âge, avec une attention particulière aux manuscrits contenant les textes pharmacologiques grecs, arabes et latins. Au cours de ces séminaires, nous avons analysé conjointement les reproductions en haute définition d’un manuscrit de la bibliothèque Medicea Laurenziana de Florence, dont je m’étais occupé dans des publications précédentes (le Plut. 75.3). Le codex s’est avéré du plus grand intérêt du point de vue de l’histoire de la médecine et de la pharmacologie, non seulement car il est le seul témoin d’un des plus anciens traités gynécologiques grecs connus, attribué à une certaine Métrodora, mais aussi parce qu’il contient un texte inédit, complexe et énigmatique (une collection médicale alphabétique), dont nous avons décidé de publier conjointement une édition commentée.

Publications
  • Aux racines du livre. Métamorphoses d'un objet de l'Antiquité au Moyen Âge, Paris, Éditions de l'EHESS, 2021, 352 p.
  • « Analyse stratigraphique du Vat. Gr. 1666 », dans Φιλόδωρος εὐμενείας Miscellanea di studi in ricordo di mons. Paul Canart, sous la dir. de M. D'Agostino et L. Pieralli, Città del Vaticano 2021, p. 617-646.
  • « Le dossier hagiographique des saints Cyr et Jean entre Orient et Occident. Quelques précisions à partir du Vat. gr. 1607 », dans Byzance et l’Occident VI. Vestigia philologica, sous la dir. de E. Egedi-Kovács, Collège Eötvös József ELTE Budapest, 2021, p. 71-98.
  • « Photius of Constantinople », dans Oxford Classical Dictionary (éd. en ligne 2022 :  https://doi.org/10.1093/acrefore/9780199381135.013.5053)