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UE567 - La discipline au travail. Salaire et société salariale


Lieu et planning


  • 48 bd Jourdan
    48 bd Jourdan 75014 Paris
    2nd semestre / hebdomadaire, jeudi 16:30-19:30
    du 10 février 2022 au 12 mai 2022
    Nombre de séances : 8


Description


Dernière modification : 26 mai 2021 18:07

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Économie, Histoire
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Économie Travail
Aires culturelles
Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Jérôme Bourdieu [référent·e]   directeur d'études, EHESS - directeur de recherche, INRAE / Paris School of Economics (PJSE)
  • Mathieu Arnoux   directeur d'études, EHESS - professeur des universités, Université de Paris / Centre de recherches historiques (CRH)
  • Jean-Yves Grenier   directeur d'études, EHESS / Centre de recherches historiques (CRH)

Le séminaire de l’année 2021-2022 se donne pour objectif de définir ce que sont le salaire et la société salariale. Ces notions sont-elles à usage exclusivement contemporain, ou peut-on les mobiliser pour des économies du passé ? Doit-on les voir comme une construction progressive à travers les siècles ou comme une forme économique qui apparaît seulement dans les sociétés industrielles développées ? Appartient-elle aux seules économies capitalistes ou la repère-t-on également, au XXe siècle, dans les pays de type socialiste ?

À l’aide d’exemples empruntés à des temps et des lieux très variés, la diversité des situations étudiées – depuis l’Antiquité jusqu’au monde contemporain, au travers d’aires culturelles différentes – devant fournir autant de terrains d’enquête, il s’agit de définir quels sont les critères attendus pour définir ce que sont le salaire et la société salariale. Ces critères concernent non seulement le rapport salarial mais aussi tout ce qui l’entoure et le rend possible de façon durable, comme l’établissement d’une relation de dépendance, l’apparition d’assurances sociales ou les formes de mobilité du travail. Comment définir le salaire pour le différencier du simple paiement pour une tâche accomplie ? Comment intervient la notion de subordination, depuis le XVIIIe siècle, d’un point de vue pratique et juridique, dans la transformation d’une rémunération en salaire ?

Enfin, on envisagera également la déconstruction de la société salariale depuis les années 1990. L’enquête portera sur les nouveaux types de rémunération des activités mais aussi sur la question du bénévolat et du travail non rémunéré ainsi que  sur la forme que prend désormais le rapport de domination au sein de la relation de travail dans l’entreprise.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

Contacter Jérôme Bourdieu : jerome.bourdieu@ens.fr

Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Compte rendu


Le séminaire de l’année 2021-2022 a entamé un nouveau cycle de recherches portant sur les liens qui existent entre techniques, relations de travail et discipline au travail. Comme les années précédentes, les investigations se sont poursuivies dans une perspective historique large, incluant aussi bien les sociétés médiévales et modernes que les économies industrielles contemporaines. Il s’agit de comprendre quels sont les effets exercés par les techniques mobilisées pour la production agricole ou industrielle sur le rapport au travail et sur les rapports sociaux. La complexité, le rôle et la place de la technique ont considérablement évolué au cours du temps. À partir de dossiers précis, le séminaire s’est efforcé de comprendre comment s’opère au cours du temps cette articulation au sein de contextes à chaque fois différents.

Après une introduction centrée sur la distinction entre technique, système technique et technologie au prisme des traditions française et anglo-saxonne, en s’inspirant en particulier d’exemples provenant de la préhistoire et de l’histoire médiévale, le séminaire a entamé ses réflexions en s’intéressant à deux exemples relevant de sociétés préindustrielles. Le premier est florentin et concerne l’Archivio Salviati dont les 5000 registres comptables, entre 1395 à 1600, permettent de décrire assez précisément l’activité de tissage et de teinture des tissus de laine – au sein de laquelle les femmes occupent une place importante –, en particulier dans leur dimension technique et de contrôle du travail. Le second exemple porte sur les techniques agricoles à l’époque moderne avec la question du passage de la faucille à la faux entre XVIIIe et XIXe siècles. Ce changement technique a un impact économique important car il accélère la moisson et, du fait du recours à des professionnels migrants, il résout en partie le problème de la forte variabilité saisonnière des besoins en main d’œuvre. Il exerce néanmoins également des effets sociaux conséquents : par exemple, l’usage de la faux conduit à l’exclusion des femmes (à la différence de l’emploi de la faucille), il empêche les populations de récupérer les pailles que laissent le passage de la faucille. De même, alors que les faucilles sont produites dans les taillanderies locales, les faux sont importés (souvent d’Allemagne).

Le dossier suivant a concerné la période de transition qui voit, en particulier au début du XIXe siècle, l’introduction du machinisme et le recul du savoir-faire artisanal individuel, provoquant des réactions ouvrières que l’on rassemble sous le qualificatif de luddisme. La réflexion a porté sur l’économie politique du luddisme qui emprunte à la fois à une économie morale et à une économie de la qualité du produit. Ses détracteurs mobilisent à l’inverse la toute jeune économie politique anglaise du machinisme (Ricardo puis Babbage) et des arguments portant sur la discipline au travail, la machine pouvant contribuer à mettre fin « à l’esprit séditieux » des ouvriers.

Les derniers dossiers étudiés portaient sur la période de l’industrialisation. Dans une réflexion sur les liens entre révolution industrielle et technologie en Angleterre (industrie textile), Michael Huberman (Université de Montréal) a montré pourquoi, afin d’assurer la discipline, les employeurs font confiance aux capacités répressives de l’État ainsi qu’aux aléas de la conjoncture, le chômage générant de la docilité chez les ouvriers. La question de la machine intervient moins que celle de l’émergence, à partir des années 1830, du male spinner et de la reconnaissance du male power, associés bientôt au principe du male breadwinner. Cette mise en retrait du travail des femmes est loin d’être générale comme l’a montré Anaïs Albert (Université Paris Cité) qui a étudié les conflits du travail dans l’industrie textile parisienne en 1858 grâce aux archives du Conseil de prud’hommes. Dans ce secteur où domine largement l’emploi féminin, les conflits portent massivement sur des questions de paiement et de rémunération, et de façon secondaire sur des litiges liés à l’apprentissage ou aux malfaçons, selon une logique qui évoque plus le XVIIIe siècle que l’industrialisation en cours. Il en va différemment dans le cas des filatures de coton entre 1840 et 1900 en France et en Belgique étudiées par Didier Terrier (Université de Valenciennes). La double conséquence du changement technique rapide est une déqualification progressive du travail et un accroissement des rythmes et de la vitesse, ce qui conduit à une usure physique et nerveuse des ouvriers, constat qui va à l’encontre de l’idée dominante chez les économistes du XIXe siècle selon lequel les machines adoucissent le travail. Une conséquence importante, étudiée par Didier Terrier à partir des registres de paie, est la modification de la formation des salaires avec la fixation de tarifs par les patrons à partir de règle difficiles à reconstituer pour l’historien.

Dernière modification : 26 mai 2021 18:07

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Économie, Histoire
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Économie Travail
Aires culturelles
Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Jérôme Bourdieu [référent·e]   directeur d'études, EHESS - directeur de recherche, INRAE / Paris School of Economics (PJSE)
  • Mathieu Arnoux   directeur d'études, EHESS - professeur des universités, Université de Paris / Centre de recherches historiques (CRH)
  • Jean-Yves Grenier   directeur d'études, EHESS / Centre de recherches historiques (CRH)

Le séminaire de l’année 2021-2022 se donne pour objectif de définir ce que sont le salaire et la société salariale. Ces notions sont-elles à usage exclusivement contemporain, ou peut-on les mobiliser pour des économies du passé ? Doit-on les voir comme une construction progressive à travers les siècles ou comme une forme économique qui apparaît seulement dans les sociétés industrielles développées ? Appartient-elle aux seules économies capitalistes ou la repère-t-on également, au XXe siècle, dans les pays de type socialiste ?

À l’aide d’exemples empruntés à des temps et des lieux très variés, la diversité des situations étudiées – depuis l’Antiquité jusqu’au monde contemporain, au travers d’aires culturelles différentes – devant fournir autant de terrains d’enquête, il s’agit de définir quels sont les critères attendus pour définir ce que sont le salaire et la société salariale. Ces critères concernent non seulement le rapport salarial mais aussi tout ce qui l’entoure et le rend possible de façon durable, comme l’établissement d’une relation de dépendance, l’apparition d’assurances sociales ou les formes de mobilité du travail. Comment définir le salaire pour le différencier du simple paiement pour une tâche accomplie ? Comment intervient la notion de subordination, depuis le XVIIIe siècle, d’un point de vue pratique et juridique, dans la transformation d’une rémunération en salaire ?

Enfin, on envisagera également la déconstruction de la société salariale depuis les années 1990. L’enquête portera sur les nouveaux types de rémunération des activités mais aussi sur la question du bénévolat et du travail non rémunéré ainsi que  sur la forme que prend désormais le rapport de domination au sein de la relation de travail dans l’entreprise.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

Contacter Jérôme Bourdieu : jerome.bourdieu@ens.fr

Réception des candidats
-
Pré-requis
-
  • 48 bd Jourdan
    48 bd Jourdan 75014 Paris
    2nd semestre / hebdomadaire, jeudi 16:30-19:30
    du 10 février 2022 au 12 mai 2022
    Nombre de séances : 8

Le séminaire de l’année 2021-2022 a entamé un nouveau cycle de recherches portant sur les liens qui existent entre techniques, relations de travail et discipline au travail. Comme les années précédentes, les investigations se sont poursuivies dans une perspective historique large, incluant aussi bien les sociétés médiévales et modernes que les économies industrielles contemporaines. Il s’agit de comprendre quels sont les effets exercés par les techniques mobilisées pour la production agricole ou industrielle sur le rapport au travail et sur les rapports sociaux. La complexité, le rôle et la place de la technique ont considérablement évolué au cours du temps. À partir de dossiers précis, le séminaire s’est efforcé de comprendre comment s’opère au cours du temps cette articulation au sein de contextes à chaque fois différents.

Après une introduction centrée sur la distinction entre technique, système technique et technologie au prisme des traditions française et anglo-saxonne, en s’inspirant en particulier d’exemples provenant de la préhistoire et de l’histoire médiévale, le séminaire a entamé ses réflexions en s’intéressant à deux exemples relevant de sociétés préindustrielles. Le premier est florentin et concerne l’Archivio Salviati dont les 5000 registres comptables, entre 1395 à 1600, permettent de décrire assez précisément l’activité de tissage et de teinture des tissus de laine – au sein de laquelle les femmes occupent une place importante –, en particulier dans leur dimension technique et de contrôle du travail. Le second exemple porte sur les techniques agricoles à l’époque moderne avec la question du passage de la faucille à la faux entre XVIIIe et XIXe siècles. Ce changement technique a un impact économique important car il accélère la moisson et, du fait du recours à des professionnels migrants, il résout en partie le problème de la forte variabilité saisonnière des besoins en main d’œuvre. Il exerce néanmoins également des effets sociaux conséquents : par exemple, l’usage de la faux conduit à l’exclusion des femmes (à la différence de l’emploi de la faucille), il empêche les populations de récupérer les pailles que laissent le passage de la faucille. De même, alors que les faucilles sont produites dans les taillanderies locales, les faux sont importés (souvent d’Allemagne).

Le dossier suivant a concerné la période de transition qui voit, en particulier au début du XIXe siècle, l’introduction du machinisme et le recul du savoir-faire artisanal individuel, provoquant des réactions ouvrières que l’on rassemble sous le qualificatif de luddisme. La réflexion a porté sur l’économie politique du luddisme qui emprunte à la fois à une économie morale et à une économie de la qualité du produit. Ses détracteurs mobilisent à l’inverse la toute jeune économie politique anglaise du machinisme (Ricardo puis Babbage) et des arguments portant sur la discipline au travail, la machine pouvant contribuer à mettre fin « à l’esprit séditieux » des ouvriers.

Les derniers dossiers étudiés portaient sur la période de l’industrialisation. Dans une réflexion sur les liens entre révolution industrielle et technologie en Angleterre (industrie textile), Michael Huberman (Université de Montréal) a montré pourquoi, afin d’assurer la discipline, les employeurs font confiance aux capacités répressives de l’État ainsi qu’aux aléas de la conjoncture, le chômage générant de la docilité chez les ouvriers. La question de la machine intervient moins que celle de l’émergence, à partir des années 1830, du male spinner et de la reconnaissance du male power, associés bientôt au principe du male breadwinner. Cette mise en retrait du travail des femmes est loin d’être générale comme l’a montré Anaïs Albert (Université Paris Cité) qui a étudié les conflits du travail dans l’industrie textile parisienne en 1858 grâce aux archives du Conseil de prud’hommes. Dans ce secteur où domine largement l’emploi féminin, les conflits portent massivement sur des questions de paiement et de rémunération, et de façon secondaire sur des litiges liés à l’apprentissage ou aux malfaçons, selon une logique qui évoque plus le XVIIIe siècle que l’industrialisation en cours. Il en va différemment dans le cas des filatures de coton entre 1840 et 1900 en France et en Belgique étudiées par Didier Terrier (Université de Valenciennes). La double conséquence du changement technique rapide est une déqualification progressive du travail et un accroissement des rythmes et de la vitesse, ce qui conduit à une usure physique et nerveuse des ouvriers, constat qui va à l’encontre de l’idée dominante chez les économistes du XIXe siècle selon lequel les machines adoucissent le travail. Une conséquence importante, étudiée par Didier Terrier à partir des registres de paie, est la modification de la formation des salaires avec la fixation de tarifs par les patrons à partir de règle difficiles à reconstituer pour l’historien.