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UE556 - Histoire de la Corée moderne : transitions historiographiques


Lieu et planning


  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle A302
    annuel / bimensuel (1re/3e/5e), jeudi 14:30-16:30
    du 4 novembre 2021 au 21 avril 2022
    Nombre de séances : 12


Description


Dernière modification : 18 juin 2021 13:18

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Histoire
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Affects Arts Coloniales (études) Histoire Histoire culturelle Histoire intellectuelle Historiographie Mémoire Patrimoine Paysage Poétique Spatialisation, territoires Témoignage Temps/temporalité
Aires culturelles
Asie Asie orientale Corée
Intervenant·e·s
  • Alain Delissen [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Centre de recherches sur la Corée (CCJ-CRC)

Le séminaire vise à parcourir et interroger l’histoire bouleversée du monde coréen du XIXe au XXIe siècle, à partir de matériaux variés choisis à la marge de l’histoire établie (universitaire, officielle, scolaire), de ses formes et genres canoniques et de ses débats récurrents.

Dans ce séminaire de recherche portant sur l'histoire de la Corée moderne, mais centré sur la Corée du Sud, on s'interroge : sous les vocables du mémoriel, du testimonial, du patrimonial, du récit ou du fictionnel, les présences « alternatives » du passé qui envahissent l'espace public ne constituent-elles pas, en réalité, la forme dominante voire dominatrice du rapport au passé ? Comment caractériser les passages et transitions des unes aux autres ?

Dans un autre sens, on s'attache à mettre en regard de cette puissante transformation du paysage historiographique la transition démocratique qu'a connue le Sud de la péninsule depuis 1987. En quel sens peut-on aussi parler de « transition historiographique » en amont et en aval de cette date ? Quelles leçons retenir des travaux « transitologiques » élaborés en sciences politiques ou en études littéraires, sur d'autres terrains que le monde coréen ?

Le séminaire 2021-2022 portera sur la jeunesse sud-coréenne lorsqu'elle se saisit aujourd'hui du passé des parents : exemples de récits de vie et de biographies entrepris « au nom du père » et « au nom de la mère » par leurs filles et leurs fils né·e·s au tournant du millénaire.

Ont été travaillés les années précédentes :

1) La Marche ferroviaire de Séoul à Pusan (Kyǒngbu ch’ǒltoga (norae)) de Yuktang Ch’oe Namsǒn – mobilisation des forces du passé profond et du présent, publiée en 1908 dans la foulée de la guerre russo-japonaise ;

2) Les volumes que le poète contemporain Ko Un a consacrés en 2004 à la Guerre de Corée comme guerre civile dans sa vaste fresque poétique Maninbo (Dix mille vies) commencée dans les années 1980 ;

3) La figure de la « femme libre » (chayu puin) dans le cinéma sud-coréen des années 1950 et, sur Naver, la série Webtoon du même nom des années 2010 par Deniko, entre imaginaire moderniste (colonial) et Hell Choseon ;

4) Une collection de récits de vies ordinaires « minjung », de gens du peuple âgés, doublée de documents photographiques (albums de familles et portraits d'artistes) achevée en 2007 éclairant tout le XXe siècle.

5) Morae sigye (l'horloge de sable), un feuilleton mémorable de 1995 consacré à la dictature militaire de Yusin, au massacre de Kwangju en 1980 et au mouvement démocratique ;

6) Les réécritures, au fil d'un demi-siècle, du « grand récit » de l'histoire de l'art coréen « moderne » à travers la revue Konggan 1966-2021) et deux synthèses historiques du critique d'art O Kwang-soo (1979 et 2001).


Master


  • Séminaires de recherche – Études asiatiques-Histoire et sciences sociales : terrains, textes et images – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de recherche – Sciences sociales-Pratiques de l'interdisciplinarité en sciences sociales – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de recherche – Territoires et développement - Territoires, espaces, sociétés – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral

Renseignements


Contacts additionnels
alain.delissen@gmail.com
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis

connaissance de la langue coréenne préférable, mais pas indispensable. Connaissance de l'anglais indispensable.


Compte rendu


Au fil des ans, un angle mort a pu s’installer parmi les matériaux mobilisés dans le séminaire. L’attention portée à un large éventail d’opérateurs éloignés des lieux communs de l’histoire établie tendait à donner une place trop importante à des acteurs nés entre les années 1920 et les années 1970, bref à des gens âgés. On s’est donc proposé d’interroger le sens de l’histoire porté par la jeunesse sud-coréenne. La recherche de matériaux originaux a conduit à la sélection d’un volume de récits de vie d’une part et de deux romans graphiques d’autre part où s’ajoutait la perspective genrée offerte par les scènes familiales où ils prenaient place : des filles dans l’ombre de la mère ; des fils dans l’ombre du père.

Une première séquence a été consacrée à la bibliographie. Si la production historique française sur la jeunesse offre de nombreuses ressources, il n’en va pas ainsi en terrain sud-coréen, même une fois acquitté du travail portant sur les problèmes de traduction qu’implique l’attention au sujet de la jeunesse (ch’ŏngnyŏn, chŏlmeuni). Celui-ci n’a guère retenu celle des historiens. Dans un pays dévitalisé par une transition démographique abrupte et promis à un vieillissement préoccupant, ce silence est étonnant. Au-delà de rares articles relevant de la psychologie ou de la sociologie, le gros des monographies renvoie à l’espace éditorial des ouvrages dits « de société ». Ils sont surtout habités par une problématique – issue du marketing et des États-Unis ? – de génération : son étiquetage-nomination (la fameuse « Génération 386 ») ; ses attributs et pratiques socio-culturelles.

La poursuite d’une collection de « récits de vie de ma mère » aperçue dans la presse et sur le site de l’éditeur Hŏsŭt’ori (HerStory) a fait long feu. En amont, on a pu localiser des ateliers d’écriture organisés avant la pandémie ; lire les carnets vierges et le questionnaire d’une méthodologie d’enquête visant à produire la biographie de mères ordinaires (entretiens, élicitation photographique, scrap books, etc.). On a pu en amont visualiser, sur la page Facebook de Hŏsŭt’ori, les volumes produits dans la forme valorisée d’un vrai livre. Mais cette collection s’est révélée inaccessible : parce que tenue à la circulation dans un cercle familial ; parce que l’épidémie a finalement emporté l’entreprise. En poursuivant l’enquête sur le jeune couple d’activistes fondateur de cette librairie-éditeur socio-éducatif, on a pu pointer ce qui le reliait aux réseaux des mouvements féministes sud-coréens d’aujourd’hui.

D’où l’intérêt du volume publié en 2020 qui, sous un titre inspiré de Rebecca Solnit (The Faraway nearby – Iyagi, mŏlgodo kakkaun), rassemble les récits de vie de cinq jeunes femmes sud-coréennes, auteures reconnues de chansons (un disque les accompagne). On a pu les comparer à d’autres corpus de récits de vie, d’hommes âgés face aux « grands » moments et mouvements de l’histoire – recueillis par des sociologues, des anthropologues ou des historiens quinquagénaires. Le contraste est saisissant. Évaluation ambiguë des parents (absents ou obstacles), valorisation de la grand-mère (émancipée émancipatrice), évacuation des phratries. Voire : disparition éloquente des hommes, de l’amour, du sexe, de l’orientation sexuelle, du mariage au profit d’autres insistances : le corps, le sommeil, la paresse, l’alcool et l’ivresse,… Pour ces femmes trentenaires, le passage de l’histoire et les marqueurs d’époque relèvent de la seule matérialité : celle des objets, techniques ou culturels, consommés, de l’habitat, de la trajectoire résidentielle (en Corée, dans Séoul). On ne s’étonne plus alors de l’absence des grands moments collectifs, politiques et nationaux ordinairement convoqués pour cette période : naufrage traumatique du Sewol en 2014 ; veillées aux bougies de 2016 contre Park Keun-hye). Le combat est ailleurs. La série vise à produire l’image normale de modèles : jeunes femmes qui trouvent une voix (se disent, se chantent et leur corps) ; sont indépendantes financièrement (elles travaillent et vivent seules) dans une vie qui fait et donne sens : ce sont des auteures, des créatrices de mondes.

Les deux romans graphiques produits en 2008 par Cho Haejun (né en 1972), Un père étonnant (Nollaun abŏji) et Histoire d’un individu extraordinaire (Ttŭtpakk-ŭi kaeinsa) relèvent en comparaison d’un tout autre monde. Fût-ce dans les formes neuves de la BD – telle que consacrée par le musée Samsung dans la fameuse exposition de 2011, Korean Rhapsody qui déploya les planches de vies masculines de la famille Cho – se rejouent les gestes anciens de la piété filiale. L’héroïsme attendu de vies dignes et difficiles des pères et des oncles aux prises avec l’histoire douloureuse du XXe siècle (colonisation, guerre civile, dictature militaire) y est conforme aux récits standards de l’histoire établie de la Corée du Sud démocratique.

Entre 2008 et 2020, changement de monde ? Passage des générations ?

Publications
  • « Tout vu, mal vu, rien vu. Thomassons en régime d’entrevu », dans Faire du terrain en Corée du Nord, sous la dir. de Valérie Gelézeau et Benjamin Joinau, Paris, Atelier des Cahiers, 2021, p. 173-188.

Dernière modification : 18 juin 2021 13:18

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Histoire
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Affects Arts Coloniales (études) Histoire Histoire culturelle Histoire intellectuelle Historiographie Mémoire Patrimoine Paysage Poétique Spatialisation, territoires Témoignage Temps/temporalité
Aires culturelles
Asie Asie orientale Corée
Intervenant·e·s
  • Alain Delissen [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Centre de recherches sur la Corée (CCJ-CRC)

Le séminaire vise à parcourir et interroger l’histoire bouleversée du monde coréen du XIXe au XXIe siècle, à partir de matériaux variés choisis à la marge de l’histoire établie (universitaire, officielle, scolaire), de ses formes et genres canoniques et de ses débats récurrents.

Dans ce séminaire de recherche portant sur l'histoire de la Corée moderne, mais centré sur la Corée du Sud, on s'interroge : sous les vocables du mémoriel, du testimonial, du patrimonial, du récit ou du fictionnel, les présences « alternatives » du passé qui envahissent l'espace public ne constituent-elles pas, en réalité, la forme dominante voire dominatrice du rapport au passé ? Comment caractériser les passages et transitions des unes aux autres ?

Dans un autre sens, on s'attache à mettre en regard de cette puissante transformation du paysage historiographique la transition démocratique qu'a connue le Sud de la péninsule depuis 1987. En quel sens peut-on aussi parler de « transition historiographique » en amont et en aval de cette date ? Quelles leçons retenir des travaux « transitologiques » élaborés en sciences politiques ou en études littéraires, sur d'autres terrains que le monde coréen ?

Le séminaire 2021-2022 portera sur la jeunesse sud-coréenne lorsqu'elle se saisit aujourd'hui du passé des parents : exemples de récits de vie et de biographies entrepris « au nom du père » et « au nom de la mère » par leurs filles et leurs fils né·e·s au tournant du millénaire.

Ont été travaillés les années précédentes :

1) La Marche ferroviaire de Séoul à Pusan (Kyǒngbu ch’ǒltoga (norae)) de Yuktang Ch’oe Namsǒn – mobilisation des forces du passé profond et du présent, publiée en 1908 dans la foulée de la guerre russo-japonaise ;

2) Les volumes que le poète contemporain Ko Un a consacrés en 2004 à la Guerre de Corée comme guerre civile dans sa vaste fresque poétique Maninbo (Dix mille vies) commencée dans les années 1980 ;

3) La figure de la « femme libre » (chayu puin) dans le cinéma sud-coréen des années 1950 et, sur Naver, la série Webtoon du même nom des années 2010 par Deniko, entre imaginaire moderniste (colonial) et Hell Choseon ;

4) Une collection de récits de vies ordinaires « minjung », de gens du peuple âgés, doublée de documents photographiques (albums de familles et portraits d'artistes) achevée en 2007 éclairant tout le XXe siècle.

5) Morae sigye (l'horloge de sable), un feuilleton mémorable de 1995 consacré à la dictature militaire de Yusin, au massacre de Kwangju en 1980 et au mouvement démocratique ;

6) Les réécritures, au fil d'un demi-siècle, du « grand récit » de l'histoire de l'art coréen « moderne » à travers la revue Konggan 1966-2021) et deux synthèses historiques du critique d'art O Kwang-soo (1979 et 2001).

  • Séminaires de recherche – Études asiatiques-Histoire et sciences sociales : terrains, textes et images – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de recherche – Sciences sociales-Pratiques de l'interdisciplinarité en sciences sociales – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de recherche – Territoires et développement - Territoires, espaces, sociétés – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
Contacts additionnels
alain.delissen@gmail.com
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis

connaissance de la langue coréenne préférable, mais pas indispensable. Connaissance de l'anglais indispensable.

  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle A302
    annuel / bimensuel (1re/3e/5e), jeudi 14:30-16:30
    du 4 novembre 2021 au 21 avril 2022
    Nombre de séances : 12

Au fil des ans, un angle mort a pu s’installer parmi les matériaux mobilisés dans le séminaire. L’attention portée à un large éventail d’opérateurs éloignés des lieux communs de l’histoire établie tendait à donner une place trop importante à des acteurs nés entre les années 1920 et les années 1970, bref à des gens âgés. On s’est donc proposé d’interroger le sens de l’histoire porté par la jeunesse sud-coréenne. La recherche de matériaux originaux a conduit à la sélection d’un volume de récits de vie d’une part et de deux romans graphiques d’autre part où s’ajoutait la perspective genrée offerte par les scènes familiales où ils prenaient place : des filles dans l’ombre de la mère ; des fils dans l’ombre du père.

Une première séquence a été consacrée à la bibliographie. Si la production historique française sur la jeunesse offre de nombreuses ressources, il n’en va pas ainsi en terrain sud-coréen, même une fois acquitté du travail portant sur les problèmes de traduction qu’implique l’attention au sujet de la jeunesse (ch’ŏngnyŏn, chŏlmeuni). Celui-ci n’a guère retenu celle des historiens. Dans un pays dévitalisé par une transition démographique abrupte et promis à un vieillissement préoccupant, ce silence est étonnant. Au-delà de rares articles relevant de la psychologie ou de la sociologie, le gros des monographies renvoie à l’espace éditorial des ouvrages dits « de société ». Ils sont surtout habités par une problématique – issue du marketing et des États-Unis ? – de génération : son étiquetage-nomination (la fameuse « Génération 386 ») ; ses attributs et pratiques socio-culturelles.

La poursuite d’une collection de « récits de vie de ma mère » aperçue dans la presse et sur le site de l’éditeur Hŏsŭt’ori (HerStory) a fait long feu. En amont, on a pu localiser des ateliers d’écriture organisés avant la pandémie ; lire les carnets vierges et le questionnaire d’une méthodologie d’enquête visant à produire la biographie de mères ordinaires (entretiens, élicitation photographique, scrap books, etc.). On a pu en amont visualiser, sur la page Facebook de Hŏsŭt’ori, les volumes produits dans la forme valorisée d’un vrai livre. Mais cette collection s’est révélée inaccessible : parce que tenue à la circulation dans un cercle familial ; parce que l’épidémie a finalement emporté l’entreprise. En poursuivant l’enquête sur le jeune couple d’activistes fondateur de cette librairie-éditeur socio-éducatif, on a pu pointer ce qui le reliait aux réseaux des mouvements féministes sud-coréens d’aujourd’hui.

D’où l’intérêt du volume publié en 2020 qui, sous un titre inspiré de Rebecca Solnit (The Faraway nearby – Iyagi, mŏlgodo kakkaun), rassemble les récits de vie de cinq jeunes femmes sud-coréennes, auteures reconnues de chansons (un disque les accompagne). On a pu les comparer à d’autres corpus de récits de vie, d’hommes âgés face aux « grands » moments et mouvements de l’histoire – recueillis par des sociologues, des anthropologues ou des historiens quinquagénaires. Le contraste est saisissant. Évaluation ambiguë des parents (absents ou obstacles), valorisation de la grand-mère (émancipée émancipatrice), évacuation des phratries. Voire : disparition éloquente des hommes, de l’amour, du sexe, de l’orientation sexuelle, du mariage au profit d’autres insistances : le corps, le sommeil, la paresse, l’alcool et l’ivresse,… Pour ces femmes trentenaires, le passage de l’histoire et les marqueurs d’époque relèvent de la seule matérialité : celle des objets, techniques ou culturels, consommés, de l’habitat, de la trajectoire résidentielle (en Corée, dans Séoul). On ne s’étonne plus alors de l’absence des grands moments collectifs, politiques et nationaux ordinairement convoqués pour cette période : naufrage traumatique du Sewol en 2014 ; veillées aux bougies de 2016 contre Park Keun-hye). Le combat est ailleurs. La série vise à produire l’image normale de modèles : jeunes femmes qui trouvent une voix (se disent, se chantent et leur corps) ; sont indépendantes financièrement (elles travaillent et vivent seules) dans une vie qui fait et donne sens : ce sont des auteures, des créatrices de mondes.

Les deux romans graphiques produits en 2008 par Cho Haejun (né en 1972), Un père étonnant (Nollaun abŏji) et Histoire d’un individu extraordinaire (Ttŭtpakk-ŭi kaeinsa) relèvent en comparaison d’un tout autre monde. Fût-ce dans les formes neuves de la BD – telle que consacrée par le musée Samsung dans la fameuse exposition de 2011, Korean Rhapsody qui déploya les planches de vies masculines de la famille Cho – se rejouent les gestes anciens de la piété filiale. L’héroïsme attendu de vies dignes et difficiles des pères et des oncles aux prises avec l’histoire douloureuse du XXe siècle (colonisation, guerre civile, dictature militaire) y est conforme aux récits standards de l’histoire établie de la Corée du Sud démocratique.

Entre 2008 et 2020, changement de monde ? Passage des générations ?

Publications
  • « Tout vu, mal vu, rien vu. Thomassons en régime d’entrevu », dans Faire du terrain en Corée du Nord, sous la dir. de Valérie Gelézeau et Benjamin Joinau, Paris, Atelier des Cahiers, 2021, p. 173-188.