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UE311 - Enquêter sur le 11/09. Enquêter sur le politique


Lieu et planning


  • Campus Condorcet-CC
    Salle 3.06
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    samedi 09:00-13:00
    les 15 janvier, 12 février, 12 mars, 9 avril, 21 mai et 18 juin 2022


Description


Dernière modification : 11 mai 2022 11:46

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Action publique Citoyenneté Culture visuelle Démocratie Enquêtes Philosophie politique
Aires culturelles
Amérique du Nord Contemporain (anthropologie du, monde) Europe
Intervenant·e·s
  • Alain Mahé [référent·e]   maître de conférences, EHESS / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)
  • Kamel Boukir   maître de conférences, EHESS / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)
  • Cédric Terzi   maître de conférences, Université de Lille / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)

Le 11-septembre a été « établi »comme un événement permettant de démarquer les amis et les ennemis. Nous retracerons ce cheminement en observant comment les autorités étatsuniennes et l’ONU sont intervenues dans les heures et les jours suivant le drame pour combler discursivement la béance ouverte par l’indétermination de la situation, et pour fixer au plus vite le sens de l’événement face à l’effroi et la sidération suscités par l’irruption de l’inimaginable et sa diffusion en direct à la télévision. Nous étudierons comment des mesures, adoptées dans l’urgence et préalablement à toute enquête, ont durablement bousculé les procédures instituées. Nous prêterons la plus grande attention à la manière dont un événement, d’abord envisagé comme un acte terroriste, a été constitué comme un acte de guerre appelant une « riposte », préfigurant les opérations militaires à mener en Afghanistan. Réciproquement, nous décrirons comment l’émergence et la stabilisation de cette configuration agonistique a appelé à faire front et donc à établir une coalition, fondant le consensus nécessaire à l’adoption d’un arsenal législatif dont la figure de proue est le Patriot Act.

La séance du 16 mai se déroulera en salle 0.016, bâtiment recherche Sud, campus Condorcet


Master


  • Séminaires de recherche – Sociologie – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

mahe@ehess.fr

Direction de travaux des étudiants

mahe@ehess.fr

Réception des candidats

Sur r.d.v.

Pré-requis
-

Compte rendu


Au cours des deux dernières décennies, tout semble indiquer que nos formes de vie politique se sont donné le « complotisme » comme un problème majeur menaçant rien de moins que la pérennité des sociétés libérales et démocratiques. Il y donc tout lieu de penser que l’étude des manières de poser ce problème et d’élaborer des mesures pour y faire face permettra de mieux comprendre quelques aspects cruciaux de nos formes de vie politique contemporaines. Les événements du 11 septembre 2001 et les polémiques qui s’en sont suivies ont conféré une remarquable visibilité aux contestations des « vérités officielles » et aux raisonnements visant à dévoiler les machinations ourdies par des gouvernements d'États libéraux et démocratiques à l’encontre de leurs citoyens. Depuis, aucun événement majeur (comme l'épidémie de COVID) ne semble échapper à la dynamique du soupçon et à des confrontations de versions, au déploiement desquelles les plates-formes numériques offrent un environnement particulièrement propice.

Le retentissement de ces polémiques est à la hauteur des inquiétudes qu’elles soulèvent. Des lanceurs d’alerte ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme un dévoiement du rationalisme critique qui menace la démocratie. Des commentateurs et des analystes ont tenté d’élucider l’origine de raisonnements souvent assimilés à des formes de négationnisme historique et associés à un « style paranoïaque » ou à des penchants politiques radicaux, qu’ils soient d’extrême-droite ou d’extrême-gauche. Des militants associatifs et des médias se sont donné pour tâche de débusquer ces raisonnements et d’en épingler les auteurs. Des pouvoirs législatifs et exécutifs se sont emparés de ces questions, tentant de mettre en place de nouvelles formes de régulations des échanges médiatisés, ajustées aux enjeux soulevés par le développement des interfaces numériques. Les institutions de l’enseignement et de la recherche sont entrées en lutte contre le « complotisme » par des programmes d’information et de prévention destinées aux élèves et aux étudiants.

Les modes de communication et l’organisation de l’expérience du « 11-septembre »

Fort de ces premières observations, nous avons décidé d’engager une nouvelle enquête exploratoire visant non plus à cartographier la polarisation des positions cristallisées autour du 11-septembre, mais à retracer la genèse de cette configuration polémique. Il s’est agi de suivre le déroulement de la controverse de manière à observer précisément comment des croyances se sont fixées et se sont cristallisées en un antagonisme irréductible opposant le camp du « savoir » à celui du « doute ». Nous avons ainsi été en mesure de retracer comment l’événement a progressivement été individué au fil de sa retransmission en direct à la télévision, de ses premières formulations journalistiques, des interventions politiques et des ripostes militaires, des questions adressées par les familles des victimes au gouvernement états-uniens, des enquêtes officielles menées pour en expliquer le déroulement, des innombrables contestations qu’elles ont soulevées, ou encore des commémorations et de la muséification de l’événement. Ce parcours, nous a conduit notamment à observer comment le direct télévisé a fait place à la sidération ; comment la mise en ordre chronologique des événements, leur mise en intrigue et leur modélisation informatique ont animé le déroulement des enquêtes ; comment les dynamiques du soupçon peuvent être alimentées par les navigations orientées en suivant les liens hypertextes et les indexations numériques qui structurent l’architecture des plateformes digitales.

Les questions qui animent notre projet s’inscrivent dans une filiation de philosophie politique tissée au croisement d’une phénoménologie de la démocratie et d’une analyse pragmatiste des publics. Elles reprennent et prolongent l’inquiétude de Hannah Arendt au sujet de la vulnérabilité du « domaine public » dans la « société de masse ». Comment se fait-il que le travail considérable consenti pour individuer et élucider un événement historique majeur, portant durablement à conséquences, n’ait pas permis l’établissement d’une réalité commune ? Comment se fait-il que les enquêtes menées déterminer ce qui s’est réellement passé le 11 septembre 2001 se soient enrayées et aient alimenté la confrontation polémique entre des positions dogmatiques au lieu de contribuer à l’organisation d’une expérience publique pluraliste ?

Dernière modification : 11 mai 2022 11:46

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Action publique Citoyenneté Culture visuelle Démocratie Enquêtes Philosophie politique
Aires culturelles
Amérique du Nord Contemporain (anthropologie du, monde) Europe
Intervenant·e·s
  • Alain Mahé [référent·e]   maître de conférences, EHESS / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)
  • Kamel Boukir   maître de conférences, EHESS / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)
  • Cédric Terzi   maître de conférences, Université de Lille / Centre d'étude des mouvements sociaux (CEMS)

Le 11-septembre a été « établi »comme un événement permettant de démarquer les amis et les ennemis. Nous retracerons ce cheminement en observant comment les autorités étatsuniennes et l’ONU sont intervenues dans les heures et les jours suivant le drame pour combler discursivement la béance ouverte par l’indétermination de la situation, et pour fixer au plus vite le sens de l’événement face à l’effroi et la sidération suscités par l’irruption de l’inimaginable et sa diffusion en direct à la télévision. Nous étudierons comment des mesures, adoptées dans l’urgence et préalablement à toute enquête, ont durablement bousculé les procédures instituées. Nous prêterons la plus grande attention à la manière dont un événement, d’abord envisagé comme un acte terroriste, a été constitué comme un acte de guerre appelant une « riposte », préfigurant les opérations militaires à mener en Afghanistan. Réciproquement, nous décrirons comment l’émergence et la stabilisation de cette configuration agonistique a appelé à faire front et donc à établir une coalition, fondant le consensus nécessaire à l’adoption d’un arsenal législatif dont la figure de proue est le Patriot Act.

La séance du 16 mai se déroulera en salle 0.016, bâtiment recherche Sud, campus Condorcet

  • Séminaires de recherche – Sociologie – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques

mahe@ehess.fr

Direction de travaux des étudiants

mahe@ehess.fr

Réception des candidats

Sur r.d.v.

Pré-requis
-
  • Campus Condorcet-CC
    Salle 3.06
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    samedi 09:00-13:00
    les 15 janvier, 12 février, 12 mars, 9 avril, 21 mai et 18 juin 2022

Au cours des deux dernières décennies, tout semble indiquer que nos formes de vie politique se sont donné le « complotisme » comme un problème majeur menaçant rien de moins que la pérennité des sociétés libérales et démocratiques. Il y donc tout lieu de penser que l’étude des manières de poser ce problème et d’élaborer des mesures pour y faire face permettra de mieux comprendre quelques aspects cruciaux de nos formes de vie politique contemporaines. Les événements du 11 septembre 2001 et les polémiques qui s’en sont suivies ont conféré une remarquable visibilité aux contestations des « vérités officielles » et aux raisonnements visant à dévoiler les machinations ourdies par des gouvernements d'États libéraux et démocratiques à l’encontre de leurs citoyens. Depuis, aucun événement majeur (comme l'épidémie de COVID) ne semble échapper à la dynamique du soupçon et à des confrontations de versions, au déploiement desquelles les plates-formes numériques offrent un environnement particulièrement propice.

Le retentissement de ces polémiques est à la hauteur des inquiétudes qu’elles soulèvent. Des lanceurs d’alerte ont dénoncé ce qu’ils considèrent comme un dévoiement du rationalisme critique qui menace la démocratie. Des commentateurs et des analystes ont tenté d’élucider l’origine de raisonnements souvent assimilés à des formes de négationnisme historique et associés à un « style paranoïaque » ou à des penchants politiques radicaux, qu’ils soient d’extrême-droite ou d’extrême-gauche. Des militants associatifs et des médias se sont donné pour tâche de débusquer ces raisonnements et d’en épingler les auteurs. Des pouvoirs législatifs et exécutifs se sont emparés de ces questions, tentant de mettre en place de nouvelles formes de régulations des échanges médiatisés, ajustées aux enjeux soulevés par le développement des interfaces numériques. Les institutions de l’enseignement et de la recherche sont entrées en lutte contre le « complotisme » par des programmes d’information et de prévention destinées aux élèves et aux étudiants.

Les modes de communication et l’organisation de l’expérience du « 11-septembre »

Fort de ces premières observations, nous avons décidé d’engager une nouvelle enquête exploratoire visant non plus à cartographier la polarisation des positions cristallisées autour du 11-septembre, mais à retracer la genèse de cette configuration polémique. Il s’est agi de suivre le déroulement de la controverse de manière à observer précisément comment des croyances se sont fixées et se sont cristallisées en un antagonisme irréductible opposant le camp du « savoir » à celui du « doute ». Nous avons ainsi été en mesure de retracer comment l’événement a progressivement été individué au fil de sa retransmission en direct à la télévision, de ses premières formulations journalistiques, des interventions politiques et des ripostes militaires, des questions adressées par les familles des victimes au gouvernement états-uniens, des enquêtes officielles menées pour en expliquer le déroulement, des innombrables contestations qu’elles ont soulevées, ou encore des commémorations et de la muséification de l’événement. Ce parcours, nous a conduit notamment à observer comment le direct télévisé a fait place à la sidération ; comment la mise en ordre chronologique des événements, leur mise en intrigue et leur modélisation informatique ont animé le déroulement des enquêtes ; comment les dynamiques du soupçon peuvent être alimentées par les navigations orientées en suivant les liens hypertextes et les indexations numériques qui structurent l’architecture des plateformes digitales.

Les questions qui animent notre projet s’inscrivent dans une filiation de philosophie politique tissée au croisement d’une phénoménologie de la démocratie et d’une analyse pragmatiste des publics. Elles reprennent et prolongent l’inquiétude de Hannah Arendt au sujet de la vulnérabilité du « domaine public » dans la « société de masse ». Comment se fait-il que le travail considérable consenti pour individuer et élucider un événement historique majeur, portant durablement à conséquences, n’ait pas permis l’établissement d’une réalité commune ? Comment se fait-il que les enquêtes menées déterminer ce qui s’est réellement passé le 11 septembre 2001 se soient enrayées et aient alimenté la confrontation polémique entre des positions dogmatiques au lieu de contribuer à l’organisation d’une expérience publique pluraliste ?