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UE279 - Responsabilité : autour des liens entre les personnes et les choses (époques moderne et contemporaine)


Lieu et planning


  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 25-B
    1er semestre / hebdomadaire, jeudi 12:30-14:30
    du 4 novembre 2021 au 17 février 2022
    Nombre de séances : 12


Description


Dernière modification : 11 mai 2021 14:57

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Histoire, Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Droit, normes et société Histoire Sociologie
Aires culturelles
Europe Ibérique (monde) Méditerranéens (mondes)
Intervenant·e·s
  • Simona Cerutti [référent·e]   directrice d'études, EHESS / Laboratoire de démographie et d'histoire sociale (CRH-LaDéHiS)
  • Emilia Schijman   chargée de recherche, CNRS / Centre Maurice-Halbwachs (CMH)
  • Alessandro Buono   professeur associé, Université de Pise

Le séminaire étudiera le concept de responsabilité comme clé d'entrée pour l'analyse des relations entre les personnes, les choses et leurs communautés d’appartenance, à travers une série de terrains engageant les époques modernes et contemporaines. Exercer activement une responsabilité sur une personne, une chose, ou être tenu pour responsable par cette personne ou cette chose : ces deux notions montrent que l’agency est loin d’être du côté du seul individu, et restituent toutes les contraintes que les choses sont en mesure de faire peser sur les statuts sociaux. 

Nous aborderons ces thèmes dans une perspective interdisciplinaire (histoire, sociologie, droit), à partir de terrains très concrets, liés à des moments de « crise » qui comportent une définition/redistribution des responsabilités. Nos cas d’études seront tirés de procédures de transmission d’héritage, de faillites, de dossiers ouverts par l’abandon de biens et par le renoncement d’héritage. Une attention particulière sera portée aux rituels qui accompagnent et construisent des relations de responsabilité (rituels funéraires, actes de possession etc.).

Les premières séances du séminaire seront consacrées à la lecture et à la discussion collectives de textes clés sur le thème de la responsabilité. Les séances suivantes seront réservées à la présentation des travaux et des recherches en cours.

Le programme sera disponible lors de la première séance du séminaire.


Master


  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

par courriel auprès des enseignants.

Direction de travaux des étudiants

rendez-vous par courriel : simona.cerutti@ehess.fr

Réception des candidats

Simona Cerutti : Jeudi de 10 h à 12 h, bureau B4-05, 54 bd Raspail et sur rendez-vous par courriel (simona.cerutti@ehess.fr)

Emilia Schijman : sur rendez-vous par courriel (emilia.schijman@ens.fr)

Alessandro Buono : sur rendez-vous par courriel (alessandro.buono@unipi.it)

 

Pré-requis

tous niveaux.


Compte rendu


Dans notre introduction au séminaire, nous avons commencé par dessiner le parcours à travers lequel le thème de la responsabilité s’est imposé, au cours de ces dernières années, à l’attention des chercheurs – historiens, sociologues, juristes. Il nous introduit à une conception complexe du lien social, qui met l’accent sur la dépendance réciproque des individus entre eux, ainsi qu’avec le monde environnant ; une entrée fondamentale, donc, pour prendre nos distances des analyses résolument anthropocentrées.

Dans notre reconstitution de ses acceptions, nous avons commencé par mettre au claire la pluralité des champs sémantiques touchés par le terme responsabilité, que des différents pratiques mettent en exergue. À travers l’analyse des « cas extrêmes » des procès aux animaux célébrés dans l’Europe occidentale pendant une large partie du Moyen Âge et de l’époque moderne, nous avons mis à l’épreuve l’association directe, trop souvent proposée, entre responsabilité et faute. Les « réponses » que nous avons vue à l’œuvre (res-pondere) dans ces procès, ont moins à faire avec la réparation d’un dommage qui serait le résultat d’une faute, qu’avec la question de la juste réparation des biens. La responsabilité se situe dans le registre de l’obligation, plutôt que dans celui de la volonté, là, où nous tendons à la situer.  Elle renvoie moins à la subjectivité de la faute, qu’aux aspects relationnels liées à des obligations sociales, envers des individus tout comme avec des choses.

Dans la deuxième partie du séminaire, à la lumière de ces réflexions, nous avons interrogé d’autres terrains où la notion de responsabilité désignait des obligations sociales, en permettant d’en désigner les contenus ; et nous avons constaté à quel point ces obligations impliquaient non seulement des individus mais aussi des choses, des biens. Les terrains de la propriété et de la possession   sont ceux que nous avons travaillé à travers une pluralité d’études de cas, tirés de nos recherches historiques (en Europe occidentale) ainsi que de nos enquêtes sociologiques (en Argentine et en France au XXIe siècle).  Nous avons analysé comment les choses, leur prise en charge, leur mise en valeur, leur sauvegarde, sont en mesure de créer et transformer les statuts sociaux. Au fil des séances, cette « propriété transitive » de la responsabilité, pourrait-on dire, a été étudiée dans le domaine de la propriété abandonnée, des héritages, des dettes et des successions vacantes ; le soin et la prise en charge des choses étaient et sont à la base des possibles revendications (et attributions) de titres de propriété.  Mais ces éléments jouent un rôle très important aussi dans la construction des relations entre les personnes, à la limite dans la construction de la parentèle et des liens de consanguinité. On a pu voir comment, dans les sociétés d’ancien régime, c’est le fait de nourrir un enfant, de l’accueillir sous son toit, de le prendre en charge au fil du temps, d’en manifester une familiarité « au vu de tous », qui crée des liens de parenté, qui sont juridiquement reconnus. L’obligation alimentaire ou à la vie conjugale, dans le cas des migrants dans l’Empire espagnol, ou le droit des âmes aux messes de requiem, ordonnées par les testateurs à leurs héritiers, sont autant de cas que nous avons analysés pour souligner à quel point la responsabilité envers les personnes est souvent indissociable de celle envers les choses.

Des terrains contemporains frappés par des crises économiques (les quartiers défavorisés de Buenos Aires au XXIe siècle ou les campagnes en déclin de l’est de la France) confirment cette piste : le « care », le soin, la prise de responsabilité envers les choses ou les personnes transforment les façons ordinaires de penser et d’agir les droits. Dans les quartiers pauvres de Buenos Aires, la prise en charge des personnes âgées dépendantes redessine les formes de la parenté et dévie le sens de la succession traditionnelle du droit civil. De la même manière, s’occuper des biens en danger de ruine, en raison de l’absence des propriétaires, transforme les bornes des communautés territoriales, confirmant ce que les terrains méditerranéens de l’époque moderne ont montré : la très forte articulation entre appartenance, responsabilité et droit d’accès aux ressources locales.

La notion de responsabilité s’est donc révélée une entrée très riche pour poursuivre une analyse des liens sociaux qui prenne en compte des configurations complexes, fait d’individus ainsi que des choses. Nous allons poursuivre ces directions de recherche au cours du séminaire de l’année 2022-2023, en portant une attention particulière à la relation entre responsabilité, échange et don, dans nos différents terrains de recherche.

Dernière modification : 11 mai 2021 14:57

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Histoire, Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Droit, normes et société Histoire Sociologie
Aires culturelles
Europe Ibérique (monde) Méditerranéens (mondes)
Intervenant·e·s
  • Simona Cerutti [référent·e]   directrice d'études, EHESS / Laboratoire de démographie et d'histoire sociale (CRH-LaDéHiS)
  • Emilia Schijman   chargée de recherche, CNRS / Centre Maurice-Halbwachs (CMH)
  • Alessandro Buono   professeur associé, Université de Pise

Le séminaire étudiera le concept de responsabilité comme clé d'entrée pour l'analyse des relations entre les personnes, les choses et leurs communautés d’appartenance, à travers une série de terrains engageant les époques modernes et contemporaines. Exercer activement une responsabilité sur une personne, une chose, ou être tenu pour responsable par cette personne ou cette chose : ces deux notions montrent que l’agency est loin d’être du côté du seul individu, et restituent toutes les contraintes que les choses sont en mesure de faire peser sur les statuts sociaux. 

Nous aborderons ces thèmes dans une perspective interdisciplinaire (histoire, sociologie, droit), à partir de terrains très concrets, liés à des moments de « crise » qui comportent une définition/redistribution des responsabilités. Nos cas d’études seront tirés de procédures de transmission d’héritage, de faillites, de dossiers ouverts par l’abandon de biens et par le renoncement d’héritage. Une attention particulière sera portée aux rituels qui accompagnent et construisent des relations de responsabilité (rituels funéraires, actes de possession etc.).

Les premières séances du séminaire seront consacrées à la lecture et à la discussion collectives de textes clés sur le thème de la responsabilité. Les séances suivantes seront réservées à la présentation des travaux et des recherches en cours.

Le programme sera disponible lors de la première séance du séminaire.

  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques

par courriel auprès des enseignants.

Direction de travaux des étudiants

rendez-vous par courriel : simona.cerutti@ehess.fr

Réception des candidats

Simona Cerutti : Jeudi de 10 h à 12 h, bureau B4-05, 54 bd Raspail et sur rendez-vous par courriel (simona.cerutti@ehess.fr)

Emilia Schijman : sur rendez-vous par courriel (emilia.schijman@ens.fr)

Alessandro Buono : sur rendez-vous par courriel (alessandro.buono@unipi.it)

 

Pré-requis

tous niveaux.

  • Bâtiment EHESS-Condorcet
    EHESS, 2 cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 25-B
    1er semestre / hebdomadaire, jeudi 12:30-14:30
    du 4 novembre 2021 au 17 février 2022
    Nombre de séances : 12

Dans notre introduction au séminaire, nous avons commencé par dessiner le parcours à travers lequel le thème de la responsabilité s’est imposé, au cours de ces dernières années, à l’attention des chercheurs – historiens, sociologues, juristes. Il nous introduit à une conception complexe du lien social, qui met l’accent sur la dépendance réciproque des individus entre eux, ainsi qu’avec le monde environnant ; une entrée fondamentale, donc, pour prendre nos distances des analyses résolument anthropocentrées.

Dans notre reconstitution de ses acceptions, nous avons commencé par mettre au claire la pluralité des champs sémantiques touchés par le terme responsabilité, que des différents pratiques mettent en exergue. À travers l’analyse des « cas extrêmes » des procès aux animaux célébrés dans l’Europe occidentale pendant une large partie du Moyen Âge et de l’époque moderne, nous avons mis à l’épreuve l’association directe, trop souvent proposée, entre responsabilité et faute. Les « réponses » que nous avons vue à l’œuvre (res-pondere) dans ces procès, ont moins à faire avec la réparation d’un dommage qui serait le résultat d’une faute, qu’avec la question de la juste réparation des biens. La responsabilité se situe dans le registre de l’obligation, plutôt que dans celui de la volonté, là, où nous tendons à la situer.  Elle renvoie moins à la subjectivité de la faute, qu’aux aspects relationnels liées à des obligations sociales, envers des individus tout comme avec des choses.

Dans la deuxième partie du séminaire, à la lumière de ces réflexions, nous avons interrogé d’autres terrains où la notion de responsabilité désignait des obligations sociales, en permettant d’en désigner les contenus ; et nous avons constaté à quel point ces obligations impliquaient non seulement des individus mais aussi des choses, des biens. Les terrains de la propriété et de la possession   sont ceux que nous avons travaillé à travers une pluralité d’études de cas, tirés de nos recherches historiques (en Europe occidentale) ainsi que de nos enquêtes sociologiques (en Argentine et en France au XXIe siècle).  Nous avons analysé comment les choses, leur prise en charge, leur mise en valeur, leur sauvegarde, sont en mesure de créer et transformer les statuts sociaux. Au fil des séances, cette « propriété transitive » de la responsabilité, pourrait-on dire, a été étudiée dans le domaine de la propriété abandonnée, des héritages, des dettes et des successions vacantes ; le soin et la prise en charge des choses étaient et sont à la base des possibles revendications (et attributions) de titres de propriété.  Mais ces éléments jouent un rôle très important aussi dans la construction des relations entre les personnes, à la limite dans la construction de la parentèle et des liens de consanguinité. On a pu voir comment, dans les sociétés d’ancien régime, c’est le fait de nourrir un enfant, de l’accueillir sous son toit, de le prendre en charge au fil du temps, d’en manifester une familiarité « au vu de tous », qui crée des liens de parenté, qui sont juridiquement reconnus. L’obligation alimentaire ou à la vie conjugale, dans le cas des migrants dans l’Empire espagnol, ou le droit des âmes aux messes de requiem, ordonnées par les testateurs à leurs héritiers, sont autant de cas que nous avons analysés pour souligner à quel point la responsabilité envers les personnes est souvent indissociable de celle envers les choses.

Des terrains contemporains frappés par des crises économiques (les quartiers défavorisés de Buenos Aires au XXIe siècle ou les campagnes en déclin de l’est de la France) confirment cette piste : le « care », le soin, la prise de responsabilité envers les choses ou les personnes transforment les façons ordinaires de penser et d’agir les droits. Dans les quartiers pauvres de Buenos Aires, la prise en charge des personnes âgées dépendantes redessine les formes de la parenté et dévie le sens de la succession traditionnelle du droit civil. De la même manière, s’occuper des biens en danger de ruine, en raison de l’absence des propriétaires, transforme les bornes des communautés territoriales, confirmant ce que les terrains méditerranéens de l’époque moderne ont montré : la très forte articulation entre appartenance, responsabilité et droit d’accès aux ressources locales.

La notion de responsabilité s’est donc révélée une entrée très riche pour poursuivre une analyse des liens sociaux qui prenne en compte des configurations complexes, fait d’individus ainsi que des choses. Nous allons poursuivre ces directions de recherche au cours du séminaire de l’année 2022-2023, en portant une attention particulière à la relation entre responsabilité, échange et don, dans nos différents terrains de recherche.