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UE856 - Atelier comparatiste sur l'épopée


Lieu et planning


  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 4
    annuel / mensuel (1re), lundi 16:00-19:00
    du 2 novembre 2020 au 3 mai 2021


Description


Dernière modification : 1 novembre 2020 11:05

Type d'UE
Séminaires collectifs de recherche
Disciplines
Anthropologie historique, Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
Page web
-
Langues
-
Mots-clés
Analyse de discours Anthropologie Anthropologie et linguistique Comparatisme Écriture Fiction Littérature orale Oralité
Aires culturelles
Afrique Amériques Asie Europe Méditerranéens (mondes) Océanie
Intervenant·e·s
  • Cléo Carastro [référent·e]   maîtresse de conférences, EHESS / Anthropologie et histoire des mondes antiques (AnHiMA)
  • Alban Bensa   directeur d'études (retraité·e), EHESS / Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS)
  • Pierre Judet de La Combe   directeur d'études (retraité·e), EHESS / Centre Georg-Simmel (CGS)
  • Manon Brouillet   maîtresse de conférences, Université de Picardie Jules-Verne

Peut-on comparer Homère avec l'épopée nationale kanak ? ou le Mahabharata, Gilgamesh avec les traditions orales narratives contemporaines ? Dans le cadre de ce séminaire mensuel, l'on s'attachera à la mise en regard de différentes traditions narratives, qu'elles soient orales ou écrites. Il s'agira d'analyser à la fois leurs modes de composition, par une lecture philologique, et, par une lecture anthropologique, leur dimension sociale et politique.

2 novembre : Alban Bensa, Cosmologie politique kanak

7 décembre : Clément Jacquemoud, "La preuse des cimes sacrées de l'Altaï". L'épopée d'Otchy-Bala auprisme du XXe siècle en Russie


Master


Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.


Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis
-

Compte rendu


À l’issue d’une enquête comparatiste collective sur l’épopée qui aura duré trois ans, le séminaire s’est centré cette année sur des questions de cosmologie politique à partir des cas kanaks, grecs, babyloniens et juifs. Le séminaire, qui s’appuie sur une collaboration étroite depuis plusieurs années, qui réunit des antiquisants spécialistes des textes anciens (Grèce ancienne et Mésopotamie) et des anthropologues et linguistes océanistes (Nouvelle-Calédonie) attachés à l’étude d’énoncés vernaculaires fondateurs. La confrontation et la comparaison de leurs documents respectifs éclairent la logique formelle et pratique de chacun de ces ensembles narratifs quelles que soient leurs origines. Dans tous les cas, les moyens philologiques mobilisés permettent de comprendre que la facture interne des textes établis fait d’eux des événements et leur confère une autorité. Une perspective comparatiste rigoureuse vise ainsi à mettre au jour les arcanes d’une réflexion obéissant à des nécessités matérielles, historiques et intellectuelles comparables. Les philosophies politiques développées dans les cités antiques et les micro-États du Pacifique sud peuvent dialoguer. Confronter l’expérience de textes parvenus jusqu’à nous à celle de la collecte d’énoncés in situ désenclave les corpus constitués de leur enracinement régional et dégage leur apport à une pensée anthropologique et philosophique plus générale consacrée aux fondements des ordres politiques. Le séminaire entendait ainsi mettre en lumière, documents à l’appui, les modalités narratives générales, qui par la construction textuelle d’événements présidant à l’élaboration d’autorités au sein de dispositifs politiques distincts, chacun d’eux cherchant à se stabiliser en période de crise.

Lors de la première et de la dernière séance, Alban Bensa a proposé une réflexion générale, textes à l’appui, sur cosmologie et politique, à partir des récits kanaks. Contrairement aux années précédentes où il avait travaillé davantage sur les tenons, formes poétiques liées à la guerre de 1917, cette année il a proposé de se concentrer sur des récits de fondation en prose, qui ont été créés à des moments de crise de légitimité, lorsque les clans cherchaient à s’installer à l’aide de ces récits. On assiste, depuis les années 1980, à un réinvestissement de ces récits que les autorités coutumières kanaks lui ont demandé de restituer, car ces éléments pourraient être constitutifs d’une réorganisation politique d’un État fédéral kanak. Ces récits permettent d’affirmer une autorité des clans sur l’espace qu’ils occupent actuellement. Il s’agit de documents textuels, qui font aujourd’hui l’objet de commentaires et de discussions auxquelles l’anthropologue a été convié, et qui contiennent notamment des toponymes dont la valeur a été démontrée au cours d’analyses proposées en séminaire.

Dans sa présentation, « “La preuse des cimes sacrées de l’Altaï”. L’épopée d’Otchy-Bala au prisme du XXe siècle en Russie », Clément Jacquemoud a analysé comment le réinvestissement du genre épique en République de l’Altaï, notamment par le biais de la mise en avant de figures héroïques féminines et d’une technique vocale (le « chant de gorge ») cristallise des enjeux religieux et politiques. Dans le contexte postsoviétique, cette République sibérienne affirme son identité culturelle non-russe par l’organisation de festivals où les différentes communautés religieuses (chrétiennes évangéliques, bouddhistes, néo-chamanistes, néo-bourkhaniste) mettent en l’honneur leurs traditions de chants épiques.

L’exposé sur « Political Speech in Greek and Akkadian Epic », présenté par Johannes Haubold a comparé les mises en scène de discours politiques dans les deux exemples canoniques de la poésie mythologique que sont l’Iliade homérique et l’Enūma eliš babylonien afin d’en montrer les différences au niveau de la culture politique. L’Iliade est en effet devenue un texte fondateur dans la démocratie athénienne, alors que le poème représentait une société pré-démocratique et qu’il a été composé bien avant l’avènement de la démocratie. Mais une importance capitale était accordée au débat public. Le discours politique dans l’assemblée (agorē) et au sein du conseil (boulē) est « libre » dans l’Iliade, au sens où, comme corollaire de l’action héroïque sur le champ de bataille, il met un homme face et contre un autre homme. L’Enūma eliš en revanche fait appel à des méthodes différentes de résolution des conflits. Il ne s’agira pas d’opposer une opinion à une autre exprimée parmi des pairs, mais de construire plutôt un système complexe d’avis (akk. milku) qui permet une action concertée au sein d’hiérarchies établies.

Le mythe biblique a fait l’objet d’un exposé de Marc de Launay ayant pour titre « La Genèse : cosmogonie ou axiogonie ? ». Le statut du texte de la Genèse a été présenté en tant qu’énigme. Texte probablement écrit au retour de l’exil babylonien vers le milieu ou la fin du VIe siècle avant notre ère, la Genèse peut être mise en rapport avec la Torah, texte de justification d’un second temps, d’un nouveau départ, qui parle ex-post, et qui constitue une restructuration de la communauté juive par ceux qui revenaient de l’exil. Une analyse du texte biblique a permis de dégager une logique de la graduation spatio-temporelle du mouvement qui va de l’organique à ce qui est contrôlé par l’homme, et qui aboutira au langage, pensé comme interlocution. C’est pourquoi, plutôt que de cosmogonie, c’est en termes d’axiogonie qu’il faut lire ce mythe.

Dans son exposé intitulé « Entre Jérusalem et São Paulo. Vers une histoire coloniale du mythe biblique », Ron Naiweld s’est intéressé aux usages du mythe biblique pour forger une conscience politique. En mettant l’accent sur la dimension spectaculaire des trois moments qu’il a sélectionnés, il a commencé par celui de 430 que l’auteur du livre de Néhémie (chapitres 8-9) met en scène, lorsque les lois et l’histoire de Yhwh ont été solennellement présentées aux habitants de la province de Jérusalem, avant la signature de « l’Alliance », qui marque la constitution de leur communauté politique. Le deuxième moment spectaculaire a lieu le 10 août 1587, dans le village de São Lourenço (aujourd’hui la ville de Niterói) au Brésil. Il s’agit de « Na festa de São Lourenço », une pièce trilingue (en espagnol, en tupi et en portugais) de José de Anchieta qui dépolitise le récit biblique. Le troisième « spectacle » choisi est enfin la messe « Terra sem Males », écrite par l’évêque Pedro Casaldáliga, et célébrée à la Cathédrale de la Sé à São Paulo le 22 avril 1979, dans le cadre d’une théologie de la libération. À travers l’analyse de ces « spectacles », c’est la mise en scène de la soumission à Dieu et les caractéristiques transhistoriques des opérations du mythe biblique qui sont identifiées.

 

Publications

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Dernière modification : 1 novembre 2020 11:05

Type d'UE
Séminaires collectifs de recherche
Disciplines
Anthropologie historique, Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
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Langues
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Mots-clés
Analyse de discours Anthropologie Anthropologie et linguistique Comparatisme Écriture Fiction Littérature orale Oralité
Aires culturelles
Afrique Amériques Asie Europe Méditerranéens (mondes) Océanie
Intervenant·e·s
  • Cléo Carastro [référent·e]   maîtresse de conférences, EHESS / Anthropologie et histoire des mondes antiques (AnHiMA)
  • Alban Bensa   directeur d'études (retraité·e), EHESS / Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS)
  • Pierre Judet de La Combe   directeur d'études (retraité·e), EHESS / Centre Georg-Simmel (CGS)
  • Manon Brouillet   maîtresse de conférences, Université de Picardie Jules-Verne

Peut-on comparer Homère avec l'épopée nationale kanak ? ou le Mahabharata, Gilgamesh avec les traditions orales narratives contemporaines ? Dans le cadre de ce séminaire mensuel, l'on s'attachera à la mise en regard de différentes traditions narratives, qu'elles soient orales ou écrites. Il s'agira d'analyser à la fois leurs modes de composition, par une lecture philologique, et, par une lecture anthropologique, leur dimension sociale et politique.

2 novembre : Alban Bensa, Cosmologie politique kanak

7 décembre : Clément Jacquemoud, "La preuse des cimes sacrées de l'Altaï". L'épopée d'Otchy-Bala auprisme du XXe siècle en Russie

Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.

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Direction de travaux des étudiants

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Pré-requis
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  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 4
    annuel / mensuel (1re), lundi 16:00-19:00
    du 2 novembre 2020 au 3 mai 2021

À l’issue d’une enquête comparatiste collective sur l’épopée qui aura duré trois ans, le séminaire s’est centré cette année sur des questions de cosmologie politique à partir des cas kanaks, grecs, babyloniens et juifs. Le séminaire, qui s’appuie sur une collaboration étroite depuis plusieurs années, qui réunit des antiquisants spécialistes des textes anciens (Grèce ancienne et Mésopotamie) et des anthropologues et linguistes océanistes (Nouvelle-Calédonie) attachés à l’étude d’énoncés vernaculaires fondateurs. La confrontation et la comparaison de leurs documents respectifs éclairent la logique formelle et pratique de chacun de ces ensembles narratifs quelles que soient leurs origines. Dans tous les cas, les moyens philologiques mobilisés permettent de comprendre que la facture interne des textes établis fait d’eux des événements et leur confère une autorité. Une perspective comparatiste rigoureuse vise ainsi à mettre au jour les arcanes d’une réflexion obéissant à des nécessités matérielles, historiques et intellectuelles comparables. Les philosophies politiques développées dans les cités antiques et les micro-États du Pacifique sud peuvent dialoguer. Confronter l’expérience de textes parvenus jusqu’à nous à celle de la collecte d’énoncés in situ désenclave les corpus constitués de leur enracinement régional et dégage leur apport à une pensée anthropologique et philosophique plus générale consacrée aux fondements des ordres politiques. Le séminaire entendait ainsi mettre en lumière, documents à l’appui, les modalités narratives générales, qui par la construction textuelle d’événements présidant à l’élaboration d’autorités au sein de dispositifs politiques distincts, chacun d’eux cherchant à se stabiliser en période de crise.

Lors de la première et de la dernière séance, Alban Bensa a proposé une réflexion générale, textes à l’appui, sur cosmologie et politique, à partir des récits kanaks. Contrairement aux années précédentes où il avait travaillé davantage sur les tenons, formes poétiques liées à la guerre de 1917, cette année il a proposé de se concentrer sur des récits de fondation en prose, qui ont été créés à des moments de crise de légitimité, lorsque les clans cherchaient à s’installer à l’aide de ces récits. On assiste, depuis les années 1980, à un réinvestissement de ces récits que les autorités coutumières kanaks lui ont demandé de restituer, car ces éléments pourraient être constitutifs d’une réorganisation politique d’un État fédéral kanak. Ces récits permettent d’affirmer une autorité des clans sur l’espace qu’ils occupent actuellement. Il s’agit de documents textuels, qui font aujourd’hui l’objet de commentaires et de discussions auxquelles l’anthropologue a été convié, et qui contiennent notamment des toponymes dont la valeur a été démontrée au cours d’analyses proposées en séminaire.

Dans sa présentation, « “La preuse des cimes sacrées de l’Altaï”. L’épopée d’Otchy-Bala au prisme du XXe siècle en Russie », Clément Jacquemoud a analysé comment le réinvestissement du genre épique en République de l’Altaï, notamment par le biais de la mise en avant de figures héroïques féminines et d’une technique vocale (le « chant de gorge ») cristallise des enjeux religieux et politiques. Dans le contexte postsoviétique, cette République sibérienne affirme son identité culturelle non-russe par l’organisation de festivals où les différentes communautés religieuses (chrétiennes évangéliques, bouddhistes, néo-chamanistes, néo-bourkhaniste) mettent en l’honneur leurs traditions de chants épiques.

L’exposé sur « Political Speech in Greek and Akkadian Epic », présenté par Johannes Haubold a comparé les mises en scène de discours politiques dans les deux exemples canoniques de la poésie mythologique que sont l’Iliade homérique et l’Enūma eliš babylonien afin d’en montrer les différences au niveau de la culture politique. L’Iliade est en effet devenue un texte fondateur dans la démocratie athénienne, alors que le poème représentait une société pré-démocratique et qu’il a été composé bien avant l’avènement de la démocratie. Mais une importance capitale était accordée au débat public. Le discours politique dans l’assemblée (agorē) et au sein du conseil (boulē) est « libre » dans l’Iliade, au sens où, comme corollaire de l’action héroïque sur le champ de bataille, il met un homme face et contre un autre homme. L’Enūma eliš en revanche fait appel à des méthodes différentes de résolution des conflits. Il ne s’agira pas d’opposer une opinion à une autre exprimée parmi des pairs, mais de construire plutôt un système complexe d’avis (akk. milku) qui permet une action concertée au sein d’hiérarchies établies.

Le mythe biblique a fait l’objet d’un exposé de Marc de Launay ayant pour titre « La Genèse : cosmogonie ou axiogonie ? ». Le statut du texte de la Genèse a été présenté en tant qu’énigme. Texte probablement écrit au retour de l’exil babylonien vers le milieu ou la fin du VIe siècle avant notre ère, la Genèse peut être mise en rapport avec la Torah, texte de justification d’un second temps, d’un nouveau départ, qui parle ex-post, et qui constitue une restructuration de la communauté juive par ceux qui revenaient de l’exil. Une analyse du texte biblique a permis de dégager une logique de la graduation spatio-temporelle du mouvement qui va de l’organique à ce qui est contrôlé par l’homme, et qui aboutira au langage, pensé comme interlocution. C’est pourquoi, plutôt que de cosmogonie, c’est en termes d’axiogonie qu’il faut lire ce mythe.

Dans son exposé intitulé « Entre Jérusalem et São Paulo. Vers une histoire coloniale du mythe biblique », Ron Naiweld s’est intéressé aux usages du mythe biblique pour forger une conscience politique. En mettant l’accent sur la dimension spectaculaire des trois moments qu’il a sélectionnés, il a commencé par celui de 430 que l’auteur du livre de Néhémie (chapitres 8-9) met en scène, lorsque les lois et l’histoire de Yhwh ont été solennellement présentées aux habitants de la province de Jérusalem, avant la signature de « l’Alliance », qui marque la constitution de leur communauté politique. Le deuxième moment spectaculaire a lieu le 10 août 1587, dans le village de São Lourenço (aujourd’hui la ville de Niterói) au Brésil. Il s’agit de « Na festa de São Lourenço », une pièce trilingue (en espagnol, en tupi et en portugais) de José de Anchieta qui dépolitise le récit biblique. Le troisième « spectacle » choisi est enfin la messe « Terra sem Males », écrite par l’évêque Pedro Casaldáliga, et célébrée à la Cathédrale de la Sé à São Paulo le 22 avril 1979, dans le cadre d’une théologie de la libération. À travers l’analyse de ces « spectacles », c’est la mise en scène de la soumission à Dieu et les caractéristiques transhistoriques des opérations du mythe biblique qui sont identifiées.

 

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