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UE753 - Agriculteurs, sols et semences dans la globalisation
Lieu et planning
-
105 bd Raspail
105 bd Raspail 75006 Paris
Salle 11
annuel / bimensuel (1re/3e/5e), lundi 11:00-13:00
du 19 octobre 2020 au 17 mai 2021
Description
Dernière modification : 1 novembre 2020 10:39
- Type d'UE
- Séminaires DR/CR
- Disciplines
- Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
- Page web
- -
- Langues
- anglais français
- Mots-clés
- Agriculture Anthropologie Biologie et société Capitalisme Économie politique Environnement Philosophie analytique Vivant
- Aires culturelles
- Amérique du Nord Amériques Europe centrale et orientale Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
- Birgit Müller [référent·e] directrice de recherche, CNRS / Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales (IIAC-LAIOS)
- Marie Aureille doctorante, EHESS / Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain (IIAC)
- Kateryna Soroka doctorante, EHESS / Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain (IIAC)
Depuis 2011, le séminaire « agriculteurs, sols et semences dans la globalisation » analyse la crise écologique planétaire et la marchandisation globalisée du vivant en ce début de XXIe siècle, au travers du prisme des pratiques agricoles, des perceptions de l'environnement et des dispositifs d'encadrement des conduites.
Cette année, nous chercherons à dépasser le partage entre les pays socialistes, postsocialistes et capitalistes, en interrogeant la manière dont le productivisme agricole a transformé le rapport des agriculteurs aux sols et aux semences dans différents contextes.
À partir de leurs recherches de terrain au Nicaragua, au Canada, à Cuba et en Ukraine et d’ouvrages principalement anthropologiques, les organisatrices du séminaire proposeront d’analyser collectivement la mise en économie de l’agriculture dans différentes aires géographiques (Europe, Amériques, Asie, Afrique). Nous nous intéresserons à l’impact des infrastructures et des institutions (plan, marché, contrats, crédits, etc.) sur les agriculteurs et leurs relations avec les sols, les plantes et les animaux. Quelles continuités et ruptures peut-on mettre à jour entre les modèles productivistes socialistes et capitalistes ? Comment calcule-t-on les rendements et la valeur d’un champ et avec quels outils de surveillance et de comptabilité ? Dans le prolongement du fil directeur du séminaire des dernières années, nous questionnerons les liens entre politique, systèmes économiques et interactions des agriculteurs avec les sols, les semences et les animaux.
L'objectif de ce séminaire, à travers l’analyse approfondie des réalités diverses, est à la fois de réaliser un tour d'horizon global, sensible aux spécificités de chaque terrain comme à la mise en lumière de points de comparaison, et de débattre de différentes approches théoriques qui permettent de faire sens de cette pluralité.
À la croisée du séminaire de recherche et de l’atelier de lecture, nous proposerons à chaque séance une discussion détaillée d'un texte « en chantier » ou d’un chapitre de livre. Un·e participant·e présentera les textes choisis en présence de l’auteur·e (il pourra s’agir d’une sélection de texte ou d’un livre). Afin de rendre les échanges constructifs, les participant·e·s du séminaire sont invités à lire les textes qui seront disponibles en pdf sur Moodle.
Télécharger le programme détaillé des séances
19 octobre 2020 : Séance Introductive
2 novembre 2020 (de 9 h à 11 h, via Zoom) : Birgit Müller (CNRS-IIAC/LAIOS), « Surveillance, contrôle et autonomie dans la production paysanne au Nicaragua »
La souveraineté alimentaire est un des mots d’ordre du mouvement paysan international La Via Campesina qui revendique l’accès à la terre et aux semences et le soutien aux pratiques agro-écologiques. Au Nicaragua ces revendications se dirigent contre les investisseurs et les multinationales agrochimiques et contre l’État qui leur laisse libre jeu. Or, la réforme agraire des années 1980s et les schèmes des années 2010s de paiement pour services écosystémiques étaient, eux-aussi, accompagnés par des formes de surveillance et de contrôle. Dans cette séance nous allons explorer les formes de surveillance de la production et de la commercialisation agricole par l’État sandiniste d’une part et la surveillance néolibérale privée des services écosystémique par les organisations non-gouvernementales de l’autre. Qu’en est-il de l’autonomie du paysan ?
16 novembre 2020 : Marie Aureille (EHESS – IIAC/LAIOS), « Le métabolisme du plan : Compter, surveiller et négocier le travail dans une coopérative de production à Cuba »
Après trente ans de réformes qui ont conduit à la remarchandisation de nombreuses sphères de la vie sociale, la planification centralisée reste le principe directeur de l’économie cubaine. L’augmentation de la production agricole, un enjeu crucial pour une île sous embargo et dépendante des importations, est confiée depuis les années 1990 à des acteurs « non étatiques » : des petits agriculteurs et des coopératives. À partir de l’ethnographie d’une coopérative de production fruitière, cette communication cherche à décrire les usages quotidiens de la planification dans l’organisation du travail, la gestion du métabolisme des cultures et les négociations avec les entreprises d’État, la banque ou le Parti. Disséquer les opérations de mises en chiffres, de calcul et d’ajustement de différents indicateurs (la « norme de travail », le « cout de production », la gestion des intrants et des crédits…) permet d’observer la « micro-physique du pouvoir » à l’œuvre dans la coopérative. Associés à l’observation constante des champs, ces instruments permettent aux dirigeants de maintenir le fragile équilibre qui permet à la coopérative de « remplir le plan » et de produire des aliments. Les travailleurs agricoles contestent rarement ces indicateurs dont ils ne maitrisent pas les modes de calcul tout en utilisant d’autres formes de pression comme l’absentéisme, les relations de réciprocités où les rumeurs pour négocier leurs conditions de travail. La planification et ses instruments apparaissent alors comme des dispositifs de surveillance et de responsabilisation précaires qui doivent faire l’objet d’ajustements constant pour mettre au travail les coopérateurs et être capable de répondre aux exigences des cultures tout en donnant sens au fonctionnement actuel du système de production.
30 novembre 2011 : Kateryna Soroka (EHESS – IIAC/LAIOS), « La guerre des hybrides : l’élaboration des stratégies de marketing avec les acteurs non-humains dans le marché ukrainien de tournesol »
En nous servant de l’exemple du marché des semences de tournesol hybride et de sa plante parasite, l’orobanche, nous cherchons à comprendre comment l’équipe de marketing de la succursale ukrainienne d’une multinationale agrochimique construit un produit et le promeut ensuite à différents niveaux. Quel message est transmis à quels acteurs (à l’équipe de marketing, aux équipes de ventes de la multinationale, aux clients) ? Durant cette séance, nous allons également interroger l’usage de la rhétorique guerrière et de la construction d’ennemis par l’équipe de marketing, afin de mettre en parallèle la lutte pour les parts du marché entre différentes entreprises agrochimiques et semencières, et la lutte contre la plante parasite du tournesol pour les agriculteurs.
7 décembre 2020 : Béatrice Hibou (Science Po – CERI), « La bureaucratisation du monde à l'ère néolibérale »
Comment penser ensemble le travail bureaucratique dans lequel sont pris les agriculteurs dans les systèmes d'économie planifiée comme dans l'économie de marché ? À partir de la réflexion de Béatrice Hibou sur les processus de bureaucratisation, nous réfléchirons collectivement, à partir de nos terrains respectifs à ce que font les plans, les contrats, les crédits et les normes de production au travail concret des agriculteurs et à leurs relations avec les acteurs non humains avec lesquels ils interagissent au quotidien.
4 janvier 2021 : Birgit Müller (CNRS – IIAC/LAIOS), « Socialisme agraire et écologie dans les plaines céréalières de la Saskatchewan »
La destruction des sols fertiles des prairies par la monoculture du blé nourrit au dix-neuvième siècle les réflexions écologiques de Karl Marx sur la rupture métabolique entre villes et campagne, colonies et métropoles. Or, au début du XXe siècle, la monoculture du blé devint le fondement du socialisme agraire de la Saskatchewan, la plus large expérience socialiste et coopérative sur le sol Nord-Américain. Maintenir la qualité constante et uniforme du blé exporté vers le monde entier pour fabriquer du pain industriel était la clé du succès du système. Dans cette séance, nous allons explorer l’évolution du mutualisme coopératif dans le domaine agricole et les tensions entre productivisme et limites écologiques qui l’accompagnèrent. Nous allons ensuite explorer les conséquences du démantèlement du système mutualiste pour nous interroger sur l’évolution des idées de progrès et de justice parmi les agriculteurs de la Saskatchewan.
18 janvier 2021 : Marie Aureille (EHESS – IIAC/LAIOS), « Des porcs aux œufs d’or : industrialisation et enrichissement des producteurs porcins par l’économie planifiée à Cuba »
Depuis les années 1990, dans le cadre d’une politique de distribution de terres étatiques en usufruit, de nouveaux producteurs, les « usufruitiers » se lancent dans l’agriculture à leur compte. L’adhésion à une coopérative de crédit et services (CCS) est obligatoire et celle-ci organise l’accès et la distribution d’intrants et d’équipements, les crédits et la commercialisation de la production agricole au sein de l’économie planifiée. La grande majorité des usufruitiers sont soit des hommes âgés qui pratiquent l’agriculture pour l’autoconsommation et vendent occasionnellement leur surplus à la coopérative soit des agriculteurs et des éleveurs extensifs qui pratiquent une agriculture « traditionnelle » faute d’accès suffisant aux intrants et à la mécanisation. Mais depuis quelques années, une nouvelle figure de producteurs entrepreneurs émerge avec le développement de la production porcine intensive. Grâce à des contrats de production et des crédits avec des entreprises d’État, la production « paysanne » s’industrialise rapidement et semble permettre de faire de l’argent facile et rapide. La CCS, dépendante de ces producteurs millionnaires qui brassent de grosses sommes d’argent, doit alors gérer l’allocation des ressources dans un système à deux vitesses ainsi que les contradictions environnementales et productives liée à la concentration de porcs sélectionnés et au casse-tête de leur alimentation. Comment la logique du plan encourage-t-elle l’émergence de ce type de producteurs et des dynamiques d’accumulation et d’industrialisation de la production agricole au sein d’un système socialiste et d’un modèle d’agriculture dite « paysanne » ?
1er février 2021 : Kateryna Soroka (EHESS – IIAC/LAIOS), « Aucun pouvoir, toutes les responsabilités : le rôle des agronomes dans les entreprises agricoles ukrainiennes »
Au cours de cette séance, nous allons accompagner les agronomes ukrainiens, des employés diplômés et relativement privilégiés, dans le processus de création de la valeur dont ils ne sont pas en mesure de profiter eux-mêmes. Ils se trouvent obligés de remplir les plans d’affaires des entreprises agricoles dont ils sont les employés, sans pouvoir participer à leur élaboration, tout comme au choix des cultures, des techniques ou des produits chimiques utilisés. Cependant, ils sont responsables du bon fonctionnement de tout le processus technologique de la mise en culture agricole dans les champs. Les agronomes ukrainiens ne peuvent donc pas modifier leurs pratiques agricoles afin de mieux prendre soin des plantes, sols et les écosystèmes avec lesquels, contrairement à leurs employeurs, ils sont en contact direct tous les jours. C’est ce décalage entre la conception capitaliste de l’agriculture et sa mise en pratique dans les champs que nous mettrons en lumière au cours de cette séance.
15 février 2021 : Guillaume Vadot (IMAF, ANR SyndicAF), « Sous la menace du corps. Travail, organismes et appréciation de soi dans les plantations industrielles au Cameroun »
La communication s'intéresse à la manière dont les corps biologiques des ouvrières et ouvriers de grandes plantations industrielles situées au Cameroun s'invitent dans le quotidien du travail, dans son organisation et dans les négociations auxquelles il donne lieu. Elle se nourrit pour cela de travaux qui cherchent, dans l'appréhension du corps par les sciences sociales, à ne pas se limiter à l'étude des représentations attachées à ce dernier, ni même au corps vécu, pour s'intéresser à la matérialité biologique elle-même. Le contexte des plantations, où le travail est organisé et rémunéré à la tâche et où l'on se confronte à une matière végétale elle-même vivante, offre un terrain privilégié pour une telle exploration. On cherchera donc à le restituer, en s'appuyant largement sur la mobilisation des formes d'appréciation de soi par corps auxquelles ont recours les travailleur·se·s.
1er mars 2021 : Marin Coudreau (CERCEC), « Le recours à la chimie dans la lutte contre les « nuisibles » dans l’agriculture en Russie impériale et en URSS »
À l’appui de matériaux tirés d’une série de bibliothèques et d’archives de Russie et d’Ukraine, cette séance s’intéressera à la « chimisation » de la lutte contre les « nuisibles » à l’agriculture en Russie impériale et en URSS. Les localités étudiées ici sont replacées dans des aires de circulations qui dépassent celles du territoire impérial et soviétique. Nous nous intéresserons d’abord aux développements de la lutte chimique contre les « nuisibles » dans les premières décennies du XXe siècle comme un outil de contrôle et de transformation du territoire. Nous porterons ensuite la focale sur les effets sanitaires et environnementaux accrus par les années de la seconde chimisation entamée en 1950-60, ainsi qu’aux savoirs produits alors par les experts sur les impacts des pesticides sur les environnements et les corps. Finalement, à l’aide de quelques exemples situés de contaminations dans des écologies particulières, nous entamerons une réflexion sur l’intérêt heuristique d’adapter pour l’URSS, certains concepts des sciences sociales forgés dans d’autres contextes socio-politiques (« écologies incarnées », « écologies inévitables », etc.).
29 mars 2021 : Pierre Deffontaines (Agrosup Dijon - CESAER), « Travailler pour soi en agriculture et se socialiser aux marchés : la valorisation des fruits dans les campagnes ukrainiennes »
À partir d’un terrain de recherche en Ukraine, la communication analyse les jugements sur les manières de produire et les perceptions de la qualité des produits dans les milieux populaires ruraux. Dans cette région, l'arboriculture est très appréciée par les petits producteurs, comme culture commerciale peu mécanisée sur de petites parcelles. Cette production destinée aux marchés urbains jouait déjà un rôle important dans les marchés paysans en Union Soviétique, ces petits marchés autonomes tolérés aux marges de l’économie planifiée. Aujourd’hui, elle fait l’objet de nouveaux investissements : les petits producteurs transforment leurs manières de produire et sélectionnent de nouvelles variétés. Inspiré par l'anthropologie et la sociologie économique sur l'analyse des transactions, des marchés et des biens qui y circulent, ce travail montrera les liens entre les jugements sur les produits et les logiques de distinction sociale entre producteurs. Les processus d'évaluation concernent aussi bien les produits que les personnes qui les cultivent, vendent et consomment. Ils reposent sur des dispositifs de jugement peu institutionnalisés, l’interconnaissance et une socialisation partagée aux circuits marchands où sont valorisés les produits.
3 mai 2021 : Tania Li (Université de Toronto), « Plantation Life. Corporate Occupation in Indonesia’s Oil Palm Zone »
Présentation du nouvel ouvrage de Tania Li, Plantation Life (à paraitre) qui porte sur la comparaison de deux plantations en Indonésie, l’une fondée par l’État et l’autre par une entreprise privée.
17 mai 2021 : Jonathan Padwe (UH Mānoa, Hawaiʻi), « Disturbed Forests, Fragmented Memories. Jarai and Other Lives in the Cambodian Highlands »
Présentation du nouvel ouvrage de Jonathan Padwe, Disturbed Forests, Fragmented Memories (2020) qui revient sur les enjeux permettant de penser ensemble la collectivisation forcée sous le régime de Pol Pot, et le travail concret des agriculteurs, ainsi que leurs relations avec l'État et avec les acteurs non humains avec lesquels ils interagissent au quotidien.
Master
-
Séminaires de recherche
– Ethnologie et anthropologie sociale
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – exposé oral -
Séminaires de recherche
– Savoirs en sociétés-Études environnementales
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – exposé oral -
Séminaires de recherche
– Sciences sociales-Pratiques de l'interdisciplinarité en sciences sociales
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – exposé oral
Renseignements
- Contacts additionnels
- -
- Informations pratiques
Le séminaire est ouvert à tous soit en personne soit virtuellement. Un lien pour vous connecter sera envoyé à tous les participants. Nous essayons d'instaurer un système de roulement, pour que tous pourront participer en personne de temps en temps. Pour la première séance nous donnons la priorité aux Master1. Merci de prévenir si vous ne pouvez pas assister en personne, d'autres pourront prendre votre place.
- Direction de travaux des étudiants
- Réception des candidats
sur rendez-vous
- Pré-requis
- -
Compte rendu
Depuis 2011, le séminaire « agriculteurs, sols et semences dans la globalisation » analyse la crise écologique planétaire et la marchandisation globalisée du vivant au travers le prisme des pratiques agricoles, des perceptions de l’environnement et des dispositifs d’encadrement des conduites en ce début de XXIe siècle.
Cette année, nous avons mis le focus sur l’agriculture dans des pays socialistes et postsocialistes et sur comment les idées socialistes ont transformé le rapport des agriculteurs aux sols et aux semences. Les organisatrices ont présenté leurs recherches de terrain au Nicaragua, au Cuba et en Ukraine et elles ont été rejointes par des collègues sur des régimes socialistes dans d’autres aires géographiques (Europe, Amériques, Asie, Afrique). Nous nous sommes intéressés à l’impact des infrastructures et des institutions socialistes sur l’agriculture postsocialiste. Quelles continuités et ruptures dans les modèles productivistes socialistes et capitalistes ? Comment calcule-t-on le rendement et la valeur d’un champ, quels outils de surveillance et de comptabilité ? Nous avons conservé le fil directeur de ces dernières années questionnant les liens entre la politique et les interactions des agriculteurs avec les sols, les plantes et les animaux.
L’objectif était non seulement de réaliser un tour d’horizon global fondé sur des plongées approfondies dans des réalités socialistes diverses afin de comprendre ce qui fonde leur spécificité, tout en recherchant d’éventuels points de comparaison, mais surtout de débattre de différentes approches théoriques.
À partir de la réflexion de Béatrice Hibou sur les processus de bureaucratisation, nous avons réfléchi collectivement, à partir de nos terrains respectifs à ce que font les plans, les contrats, les crédits et les normes de production au travail concret des agriculteurs et à leurs relations avec les acteurs non humains avec lesquels ils interagissent au quotidien. Nous avons décrit les usages quotidiens de la planification à Cuba dans l’organisation du travail, la gestion du métabolisme des cultures et les négociations avec les entreprises d’État, la banque ou le Parti. Au Nicaragua nous avons exploré les formes de surveillance de la production et de la commercialisation agricole par l’État sandiniste d’une part et la surveillance néolibérale privée des services écosystémique par les organisations non-gouvernementales de l’autre.
En Ukraine nous avons montré comment l’équipe de marketing de la succursale ukrainienne d’une multinationale agrochimique a construit un produit et le promeut ensuite à différents niveaux. Nous avons également interrogé l’usage de la rhétorique guerrière dans la lutte pour les parts du marché entre différentes entreprises agrochimiques et semencières, et la lutte contre les adventices pour les agriculteurs.
La destruction des sols fertiles des prairies par la monoculture du blé nourrit au XIXe siècle les réflexions écologiques de Karl Marx sur la rupture métabolique entre villes et campagne, colonies et métropoles. Or, au début du XXe siècle, la monoculture du blé devint le fondement du socialisme agraire de la Saskatchewan, la plus large expérience socialiste et coopérative sur le sol Nord-Américain. Nous avons poursuivi notre réflexion des dernières années sur l’évolution du mutualisme coopératif dans le domaine agricole et les tensions entre productivisme et limites écologiques qui l’accompagnèrent. Au Cameroun et au Indonesia nous nous sommes intéressées à la matérialité biologique des corps des ouvriers agricoles dans le contexte des plantations socialistes et capitalistes, où le travail est organisé et rémunéré à la tâche.
Publications
- « Glyphosate, une histoire d’amour », dans Mondes toxiques. Monde Commun , sous la dir. de Birgit Müller et Michel Naepels, Nr. 5, Paris, PUF, 2021.
Dernière modification : 1 novembre 2020 10:39
- Type d'UE
- Séminaires DR/CR
- Disciplines
- Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie
- Page web
- -
- Langues
- anglais français
- Mots-clés
- Agriculture Anthropologie Biologie et société Capitalisme Économie politique Environnement Philosophie analytique Vivant
- Aires culturelles
- Amérique du Nord Amériques Europe centrale et orientale Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
- Birgit Müller [référent·e] directrice de recherche, CNRS / Laboratoire d’anthropologie des institutions et des organisations sociales (IIAC-LAIOS)
- Marie Aureille doctorante, EHESS / Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain (IIAC)
- Kateryna Soroka doctorante, EHESS / Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain (IIAC)
Depuis 2011, le séminaire « agriculteurs, sols et semences dans la globalisation » analyse la crise écologique planétaire et la marchandisation globalisée du vivant en ce début de XXIe siècle, au travers du prisme des pratiques agricoles, des perceptions de l'environnement et des dispositifs d'encadrement des conduites.
Cette année, nous chercherons à dépasser le partage entre les pays socialistes, postsocialistes et capitalistes, en interrogeant la manière dont le productivisme agricole a transformé le rapport des agriculteurs aux sols et aux semences dans différents contextes.
À partir de leurs recherches de terrain au Nicaragua, au Canada, à Cuba et en Ukraine et d’ouvrages principalement anthropologiques, les organisatrices du séminaire proposeront d’analyser collectivement la mise en économie de l’agriculture dans différentes aires géographiques (Europe, Amériques, Asie, Afrique). Nous nous intéresserons à l’impact des infrastructures et des institutions (plan, marché, contrats, crédits, etc.) sur les agriculteurs et leurs relations avec les sols, les plantes et les animaux. Quelles continuités et ruptures peut-on mettre à jour entre les modèles productivistes socialistes et capitalistes ? Comment calcule-t-on les rendements et la valeur d’un champ et avec quels outils de surveillance et de comptabilité ? Dans le prolongement du fil directeur du séminaire des dernières années, nous questionnerons les liens entre politique, systèmes économiques et interactions des agriculteurs avec les sols, les semences et les animaux.
L'objectif de ce séminaire, à travers l’analyse approfondie des réalités diverses, est à la fois de réaliser un tour d'horizon global, sensible aux spécificités de chaque terrain comme à la mise en lumière de points de comparaison, et de débattre de différentes approches théoriques qui permettent de faire sens de cette pluralité.
À la croisée du séminaire de recherche et de l’atelier de lecture, nous proposerons à chaque séance une discussion détaillée d'un texte « en chantier » ou d’un chapitre de livre. Un·e participant·e présentera les textes choisis en présence de l’auteur·e (il pourra s’agir d’une sélection de texte ou d’un livre). Afin de rendre les échanges constructifs, les participant·e·s du séminaire sont invités à lire les textes qui seront disponibles en pdf sur Moodle.
Télécharger le programme détaillé des séances
19 octobre 2020 : Séance Introductive
2 novembre 2020 (de 9 h à 11 h, via Zoom) : Birgit Müller (CNRS-IIAC/LAIOS), « Surveillance, contrôle et autonomie dans la production paysanne au Nicaragua »
La souveraineté alimentaire est un des mots d’ordre du mouvement paysan international La Via Campesina qui revendique l’accès à la terre et aux semences et le soutien aux pratiques agro-écologiques. Au Nicaragua ces revendications se dirigent contre les investisseurs et les multinationales agrochimiques et contre l’État qui leur laisse libre jeu. Or, la réforme agraire des années 1980s et les schèmes des années 2010s de paiement pour services écosystémiques étaient, eux-aussi, accompagnés par des formes de surveillance et de contrôle. Dans cette séance nous allons explorer les formes de surveillance de la production et de la commercialisation agricole par l’État sandiniste d’une part et la surveillance néolibérale privée des services écosystémique par les organisations non-gouvernementales de l’autre. Qu’en est-il de l’autonomie du paysan ?
16 novembre 2020 : Marie Aureille (EHESS – IIAC/LAIOS), « Le métabolisme du plan : Compter, surveiller et négocier le travail dans une coopérative de production à Cuba »
Après trente ans de réformes qui ont conduit à la remarchandisation de nombreuses sphères de la vie sociale, la planification centralisée reste le principe directeur de l’économie cubaine. L’augmentation de la production agricole, un enjeu crucial pour une île sous embargo et dépendante des importations, est confiée depuis les années 1990 à des acteurs « non étatiques » : des petits agriculteurs et des coopératives. À partir de l’ethnographie d’une coopérative de production fruitière, cette communication cherche à décrire les usages quotidiens de la planification dans l’organisation du travail, la gestion du métabolisme des cultures et les négociations avec les entreprises d’État, la banque ou le Parti. Disséquer les opérations de mises en chiffres, de calcul et d’ajustement de différents indicateurs (la « norme de travail », le « cout de production », la gestion des intrants et des crédits…) permet d’observer la « micro-physique du pouvoir » à l’œuvre dans la coopérative. Associés à l’observation constante des champs, ces instruments permettent aux dirigeants de maintenir le fragile équilibre qui permet à la coopérative de « remplir le plan » et de produire des aliments. Les travailleurs agricoles contestent rarement ces indicateurs dont ils ne maitrisent pas les modes de calcul tout en utilisant d’autres formes de pression comme l’absentéisme, les relations de réciprocités où les rumeurs pour négocier leurs conditions de travail. La planification et ses instruments apparaissent alors comme des dispositifs de surveillance et de responsabilisation précaires qui doivent faire l’objet d’ajustements constant pour mettre au travail les coopérateurs et être capable de répondre aux exigences des cultures tout en donnant sens au fonctionnement actuel du système de production.
30 novembre 2011 : Kateryna Soroka (EHESS – IIAC/LAIOS), « La guerre des hybrides : l’élaboration des stratégies de marketing avec les acteurs non-humains dans le marché ukrainien de tournesol »
En nous servant de l’exemple du marché des semences de tournesol hybride et de sa plante parasite, l’orobanche, nous cherchons à comprendre comment l’équipe de marketing de la succursale ukrainienne d’une multinationale agrochimique construit un produit et le promeut ensuite à différents niveaux. Quel message est transmis à quels acteurs (à l’équipe de marketing, aux équipes de ventes de la multinationale, aux clients) ? Durant cette séance, nous allons également interroger l’usage de la rhétorique guerrière et de la construction d’ennemis par l’équipe de marketing, afin de mettre en parallèle la lutte pour les parts du marché entre différentes entreprises agrochimiques et semencières, et la lutte contre la plante parasite du tournesol pour les agriculteurs.
7 décembre 2020 : Béatrice Hibou (Science Po – CERI), « La bureaucratisation du monde à l'ère néolibérale »
Comment penser ensemble le travail bureaucratique dans lequel sont pris les agriculteurs dans les systèmes d'économie planifiée comme dans l'économie de marché ? À partir de la réflexion de Béatrice Hibou sur les processus de bureaucratisation, nous réfléchirons collectivement, à partir de nos terrains respectifs à ce que font les plans, les contrats, les crédits et les normes de production au travail concret des agriculteurs et à leurs relations avec les acteurs non humains avec lesquels ils interagissent au quotidien.
4 janvier 2021 : Birgit Müller (CNRS – IIAC/LAIOS), « Socialisme agraire et écologie dans les plaines céréalières de la Saskatchewan »
La destruction des sols fertiles des prairies par la monoculture du blé nourrit au dix-neuvième siècle les réflexions écologiques de Karl Marx sur la rupture métabolique entre villes et campagne, colonies et métropoles. Or, au début du XXe siècle, la monoculture du blé devint le fondement du socialisme agraire de la Saskatchewan, la plus large expérience socialiste et coopérative sur le sol Nord-Américain. Maintenir la qualité constante et uniforme du blé exporté vers le monde entier pour fabriquer du pain industriel était la clé du succès du système. Dans cette séance, nous allons explorer l’évolution du mutualisme coopératif dans le domaine agricole et les tensions entre productivisme et limites écologiques qui l’accompagnèrent. Nous allons ensuite explorer les conséquences du démantèlement du système mutualiste pour nous interroger sur l’évolution des idées de progrès et de justice parmi les agriculteurs de la Saskatchewan.
18 janvier 2021 : Marie Aureille (EHESS – IIAC/LAIOS), « Des porcs aux œufs d’or : industrialisation et enrichissement des producteurs porcins par l’économie planifiée à Cuba »
Depuis les années 1990, dans le cadre d’une politique de distribution de terres étatiques en usufruit, de nouveaux producteurs, les « usufruitiers » se lancent dans l’agriculture à leur compte. L’adhésion à une coopérative de crédit et services (CCS) est obligatoire et celle-ci organise l’accès et la distribution d’intrants et d’équipements, les crédits et la commercialisation de la production agricole au sein de l’économie planifiée. La grande majorité des usufruitiers sont soit des hommes âgés qui pratiquent l’agriculture pour l’autoconsommation et vendent occasionnellement leur surplus à la coopérative soit des agriculteurs et des éleveurs extensifs qui pratiquent une agriculture « traditionnelle » faute d’accès suffisant aux intrants et à la mécanisation. Mais depuis quelques années, une nouvelle figure de producteurs entrepreneurs émerge avec le développement de la production porcine intensive. Grâce à des contrats de production et des crédits avec des entreprises d’État, la production « paysanne » s’industrialise rapidement et semble permettre de faire de l’argent facile et rapide. La CCS, dépendante de ces producteurs millionnaires qui brassent de grosses sommes d’argent, doit alors gérer l’allocation des ressources dans un système à deux vitesses ainsi que les contradictions environnementales et productives liée à la concentration de porcs sélectionnés et au casse-tête de leur alimentation. Comment la logique du plan encourage-t-elle l’émergence de ce type de producteurs et des dynamiques d’accumulation et d’industrialisation de la production agricole au sein d’un système socialiste et d’un modèle d’agriculture dite « paysanne » ?
1er février 2021 : Kateryna Soroka (EHESS – IIAC/LAIOS), « Aucun pouvoir, toutes les responsabilités : le rôle des agronomes dans les entreprises agricoles ukrainiennes »
Au cours de cette séance, nous allons accompagner les agronomes ukrainiens, des employés diplômés et relativement privilégiés, dans le processus de création de la valeur dont ils ne sont pas en mesure de profiter eux-mêmes. Ils se trouvent obligés de remplir les plans d’affaires des entreprises agricoles dont ils sont les employés, sans pouvoir participer à leur élaboration, tout comme au choix des cultures, des techniques ou des produits chimiques utilisés. Cependant, ils sont responsables du bon fonctionnement de tout le processus technologique de la mise en culture agricole dans les champs. Les agronomes ukrainiens ne peuvent donc pas modifier leurs pratiques agricoles afin de mieux prendre soin des plantes, sols et les écosystèmes avec lesquels, contrairement à leurs employeurs, ils sont en contact direct tous les jours. C’est ce décalage entre la conception capitaliste de l’agriculture et sa mise en pratique dans les champs que nous mettrons en lumière au cours de cette séance.
15 février 2021 : Guillaume Vadot (IMAF, ANR SyndicAF), « Sous la menace du corps. Travail, organismes et appréciation de soi dans les plantations industrielles au Cameroun »
La communication s'intéresse à la manière dont les corps biologiques des ouvrières et ouvriers de grandes plantations industrielles situées au Cameroun s'invitent dans le quotidien du travail, dans son organisation et dans les négociations auxquelles il donne lieu. Elle se nourrit pour cela de travaux qui cherchent, dans l'appréhension du corps par les sciences sociales, à ne pas se limiter à l'étude des représentations attachées à ce dernier, ni même au corps vécu, pour s'intéresser à la matérialité biologique elle-même. Le contexte des plantations, où le travail est organisé et rémunéré à la tâche et où l'on se confronte à une matière végétale elle-même vivante, offre un terrain privilégié pour une telle exploration. On cherchera donc à le restituer, en s'appuyant largement sur la mobilisation des formes d'appréciation de soi par corps auxquelles ont recours les travailleur·se·s.
1er mars 2021 : Marin Coudreau (CERCEC), « Le recours à la chimie dans la lutte contre les « nuisibles » dans l’agriculture en Russie impériale et en URSS »
À l’appui de matériaux tirés d’une série de bibliothèques et d’archives de Russie et d’Ukraine, cette séance s’intéressera à la « chimisation » de la lutte contre les « nuisibles » à l’agriculture en Russie impériale et en URSS. Les localités étudiées ici sont replacées dans des aires de circulations qui dépassent celles du territoire impérial et soviétique. Nous nous intéresserons d’abord aux développements de la lutte chimique contre les « nuisibles » dans les premières décennies du XXe siècle comme un outil de contrôle et de transformation du territoire. Nous porterons ensuite la focale sur les effets sanitaires et environnementaux accrus par les années de la seconde chimisation entamée en 1950-60, ainsi qu’aux savoirs produits alors par les experts sur les impacts des pesticides sur les environnements et les corps. Finalement, à l’aide de quelques exemples situés de contaminations dans des écologies particulières, nous entamerons une réflexion sur l’intérêt heuristique d’adapter pour l’URSS, certains concepts des sciences sociales forgés dans d’autres contextes socio-politiques (« écologies incarnées », « écologies inévitables », etc.).
29 mars 2021 : Pierre Deffontaines (Agrosup Dijon - CESAER), « Travailler pour soi en agriculture et se socialiser aux marchés : la valorisation des fruits dans les campagnes ukrainiennes »
À partir d’un terrain de recherche en Ukraine, la communication analyse les jugements sur les manières de produire et les perceptions de la qualité des produits dans les milieux populaires ruraux. Dans cette région, l'arboriculture est très appréciée par les petits producteurs, comme culture commerciale peu mécanisée sur de petites parcelles. Cette production destinée aux marchés urbains jouait déjà un rôle important dans les marchés paysans en Union Soviétique, ces petits marchés autonomes tolérés aux marges de l’économie planifiée. Aujourd’hui, elle fait l’objet de nouveaux investissements : les petits producteurs transforment leurs manières de produire et sélectionnent de nouvelles variétés. Inspiré par l'anthropologie et la sociologie économique sur l'analyse des transactions, des marchés et des biens qui y circulent, ce travail montrera les liens entre les jugements sur les produits et les logiques de distinction sociale entre producteurs. Les processus d'évaluation concernent aussi bien les produits que les personnes qui les cultivent, vendent et consomment. Ils reposent sur des dispositifs de jugement peu institutionnalisés, l’interconnaissance et une socialisation partagée aux circuits marchands où sont valorisés les produits.
3 mai 2021 : Tania Li (Université de Toronto), « Plantation Life. Corporate Occupation in Indonesia’s Oil Palm Zone »
Présentation du nouvel ouvrage de Tania Li, Plantation Life (à paraitre) qui porte sur la comparaison de deux plantations en Indonésie, l’une fondée par l’État et l’autre par une entreprise privée.
17 mai 2021 : Jonathan Padwe (UH Mānoa, Hawaiʻi), « Disturbed Forests, Fragmented Memories. Jarai and Other Lives in the Cambodian Highlands »
Présentation du nouvel ouvrage de Jonathan Padwe, Disturbed Forests, Fragmented Memories (2020) qui revient sur les enjeux permettant de penser ensemble la collectivisation forcée sous le régime de Pol Pot, et le travail concret des agriculteurs, ainsi que leurs relations avec l'État et avec les acteurs non humains avec lesquels ils interagissent au quotidien.
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Séminaires de recherche
– Ethnologie et anthropologie sociale
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – exposé oral -
Séminaires de recherche
– Savoirs en sociétés-Études environnementales
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – exposé oral -
Séminaires de recherche
– Sciences sociales-Pratiques de l'interdisciplinarité en sciences sociales
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – exposé oral
- Contacts additionnels
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- Informations pratiques
Le séminaire est ouvert à tous soit en personne soit virtuellement. Un lien pour vous connecter sera envoyé à tous les participants. Nous essayons d'instaurer un système de roulement, pour que tous pourront participer en personne de temps en temps. Pour la première séance nous donnons la priorité aux Master1. Merci de prévenir si vous ne pouvez pas assister en personne, d'autres pourront prendre votre place.
- Direction de travaux des étudiants
- Réception des candidats
sur rendez-vous
- Pré-requis
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105 bd Raspail
105 bd Raspail 75006 Paris
Salle 11
annuel / bimensuel (1re/3e/5e), lundi 11:00-13:00
du 19 octobre 2020 au 17 mai 2021
Depuis 2011, le séminaire « agriculteurs, sols et semences dans la globalisation » analyse la crise écologique planétaire et la marchandisation globalisée du vivant au travers le prisme des pratiques agricoles, des perceptions de l’environnement et des dispositifs d’encadrement des conduites en ce début de XXIe siècle.
Cette année, nous avons mis le focus sur l’agriculture dans des pays socialistes et postsocialistes et sur comment les idées socialistes ont transformé le rapport des agriculteurs aux sols et aux semences. Les organisatrices ont présenté leurs recherches de terrain au Nicaragua, au Cuba et en Ukraine et elles ont été rejointes par des collègues sur des régimes socialistes dans d’autres aires géographiques (Europe, Amériques, Asie, Afrique). Nous nous sommes intéressés à l’impact des infrastructures et des institutions socialistes sur l’agriculture postsocialiste. Quelles continuités et ruptures dans les modèles productivistes socialistes et capitalistes ? Comment calcule-t-on le rendement et la valeur d’un champ, quels outils de surveillance et de comptabilité ? Nous avons conservé le fil directeur de ces dernières années questionnant les liens entre la politique et les interactions des agriculteurs avec les sols, les plantes et les animaux.
L’objectif était non seulement de réaliser un tour d’horizon global fondé sur des plongées approfondies dans des réalités socialistes diverses afin de comprendre ce qui fonde leur spécificité, tout en recherchant d’éventuels points de comparaison, mais surtout de débattre de différentes approches théoriques.
À partir de la réflexion de Béatrice Hibou sur les processus de bureaucratisation, nous avons réfléchi collectivement, à partir de nos terrains respectifs à ce que font les plans, les contrats, les crédits et les normes de production au travail concret des agriculteurs et à leurs relations avec les acteurs non humains avec lesquels ils interagissent au quotidien. Nous avons décrit les usages quotidiens de la planification à Cuba dans l’organisation du travail, la gestion du métabolisme des cultures et les négociations avec les entreprises d’État, la banque ou le Parti. Au Nicaragua nous avons exploré les formes de surveillance de la production et de la commercialisation agricole par l’État sandiniste d’une part et la surveillance néolibérale privée des services écosystémique par les organisations non-gouvernementales de l’autre.
En Ukraine nous avons montré comment l’équipe de marketing de la succursale ukrainienne d’une multinationale agrochimique a construit un produit et le promeut ensuite à différents niveaux. Nous avons également interrogé l’usage de la rhétorique guerrière dans la lutte pour les parts du marché entre différentes entreprises agrochimiques et semencières, et la lutte contre les adventices pour les agriculteurs.
La destruction des sols fertiles des prairies par la monoculture du blé nourrit au XIXe siècle les réflexions écologiques de Karl Marx sur la rupture métabolique entre villes et campagne, colonies et métropoles. Or, au début du XXe siècle, la monoculture du blé devint le fondement du socialisme agraire de la Saskatchewan, la plus large expérience socialiste et coopérative sur le sol Nord-Américain. Nous avons poursuivi notre réflexion des dernières années sur l’évolution du mutualisme coopératif dans le domaine agricole et les tensions entre productivisme et limites écologiques qui l’accompagnèrent. Au Cameroun et au Indonesia nous nous sommes intéressées à la matérialité biologique des corps des ouvriers agricoles dans le contexte des plantations socialistes et capitalistes, où le travail est organisé et rémunéré à la tâche.
Publications
- « Glyphosate, une histoire d’amour », dans Mondes toxiques. Monde Commun , sous la dir. de Birgit Müller et Michel Naepels, Nr. 5, Paris, PUF, 2021.