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UE744 - Connaissance juridique et transformation du droit : les effets pratiques des doctrines et la question des « disciplines faibles ». « État de droit », exceptions, urgences


Lieu et planning


  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 1
    2nd semestre / bimensuel (2e/4e), mardi 19:00-21:00
    du 9 février 2021 au 22 juin 2021


Description


Dernière modification : 29 mai 2020 16:06

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Droit et société, Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Démocratie Droit, normes et société Histoire des idées Philosophie Valeur
Aires culturelles
Amériques Asie Europe
Intervenant·e·s
  • Otto Pfersmann [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités. Fonds Yan-Thomas (LIER-FYT)

La régularité d'application des normes juridiques constitue l'une des exigences constitutives et l'une des faiblesses des ordres juridiques. La théorie de l'État semble dédoubler ce que la norme à elle seule promet par hypothèse, l'exception et l'urgence paraissent se situer à la fois dans et en dehors du système juridique. Les crises récentes (terrorisme, épidémies) rendent l'application de la régle particulièrement difficile à maintenir tout en faisant apparemment partie d'une régularité enrichie.

Le séminaire vise à reconstruire autant les origines normatives, pratiques et théoriques de ces conceptions et à proposer une solution plausible en vue de l'utilisation de ces concepts.

L’application régulière de la norme juridique constitue l’un des défis constitutifs des systèmes juridiques. La facilité avec laquelle le discours doctrinal passe de la règle à l’exception est révélateur. Mais en droit, il ne peut pas y avoir de véritable exception si ce n’est à partir d’une règle qui en organise les conditions générales d’application.

Le concept de l’État de droit semble en revanche indiquer une volonté redoublée de régularité de l’application de la règle. C’est une des expressions juridiques les plus utilisées, mais aussi l’une des plus mystérieuses. Ce séminaire vise à identifier ses origines conceptuelles, à reconstruire ses évolutions théoriques et pratiques et à proposer une théorie alternative d’un usage plausible et non inflationniste.

Invoqué dans les contextes les plus divers, sa nature et sa fonction demeurent intuitifs, inexpliqués et confondus avec d’autres éléments comme la démocratie, les droits fondamentaux ou la « séparation des pouvoirs ». L’expression apparaît tardivement dans certains textes constitutionnels et internationaux (art. 2 TUE), comme dans l’article 28 et 23 de la Loi fondamentale allemande (en tant que les Länder sont obligés de « respecter les principes d’un État de droit républicain, démocratique et social au sens de cette Loi fondamentale », de même que l’Allemagne participe au développement de l’Union Européenne « qui est obligée par rapport aux principes … de l’État de droit » ou de la Constitution polonaise (art. 2 et 51, al. 2), mais aucune ne définit ce qu’il convient d’entendre par cette expression ni n’en spécifie les éléments constitutifs. En revanche, les juridictions suprêmes de certains autres ordres juridiques considèrent que ceux-ci répondent aux exigences de l’État de droit et font application de ce principe, alors qu’aucun texte n’en fait explicitement mention. Alors que l’État de droit est aujourd´hui souvent mentionné dans des textes fondateurs, l’exception et l’urgence se retrouvent surtout dans des normes de rang inférieur, leur véritable statut demeurant rarement éclaircie.

Le séminaire portera par conséquent sur 1) l’émergence de l’expression, 2) les débats et la critique qu’elle a suscités, 3) la conception normativiste de l’État de droit et la reconstruction des théories alternatives à sa lumière, en particulier la critique de l’État de droit « substantiel », 4) l’État de droit « formel » comme détermination et organisation de la primauté, 5) La théorie des exception et des urgences, 6) l’incomplétude de l’État de droit et la question de l’État de droit sélectif, 7) les variantes comparatives de l’État de droit, 8) l’État de droit et la diversité des ordres juridiques (nationaux « étatiques », internationaux, supranationaux (Union Européenne), 9) l’extension contingente de l’État de droit aux données de la démocratie constitutionnelle contemporaine.  

Le séminaire constitue à la fois la suite de celui de 201920/20, mais aussi un prolongement qu'il est parfaitement possible de suivre sans avoir participé à celui de l'année précédente.


Master


  • Séminaires de recherche – Théorie et analyse du droit – M2/S4
    Suivi et validation – semestriel bi-mensuelle = 12 ECTS
    MCC – autre

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

contacter l'enseignant par courriel.

Direction de travaux des étudiants

contacter l'enseignant afin de convenir d'un sujet de mini-mémoire ou de mémoire.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis

des études en droit, en philosophie, en sciences politiques sont bienvenues sans être obligatoires.


Compte rendu


Le séminaire sur l’État de droit avait pour objet une clarification du concept en question, sa mise en perspective historique, sa configuration structurelle et les aspects paradoxaux de l’enrichissement des règles qui le concrétisent. La riche littérature juridique et philosophique sous-estime ces aspects et propose en général une vision uniquement optimiste qu’une étude plus approfondie exige de nuancer. Sur le plan de l’organisation, plusieurs séances ont pu bénéficier de l’apport d’un professeur invité (Giovanni Tuzet de l’Université de Milan Bocconi) et aussi des débats avec les participants du séminaire sur normes et valeurs animé par Pascal Engel.

a) Il s’agissait d’abord d´élaborer les difficultés conceptuelles liées à l’identification de ce qui devrait être analysé sous ce titre. Plusieurs traditions se réclament de cette expression ou du fait d’utiliser une expression équivalente. Cette question est devenue d’autant plus actuelle – et difficile – que le terme est également utilisé dans des textes légaux comme le Traité de l’Union Européenne, mais aussi dans certaines constitutions nationales, alors que l’Union Européenne conteste que certains États utilisant de telles dispositions agissent selon les exigences que le concept requiert.

Cette difficulté est liée à une autre, de nature théorique puisque le concept d’État ne dit rien, dans le contexte pertinent, celui du droit, qui serait spécifiquement différent du droit en tant que l’État n’est ici, en quelque acception qu’on l’entende, soit un système juridique particulier, soit un sous-système telle une collectivité territoriale. Le concept d’État de droit semble dès lors vide, ou ne renvoyant qu’à la question de la nature de l’ordre juridique habituellement appelé « État » ; mais ce problème semble assez éloigné des intuitions qu’évoque la référence à « l’État de droit ». En outre, même des entités qui ne sont pas des États, mais des organisations internationales se considèrent comme régies par le principe de l’État de droit et l’imposent à leur tour à leurs adhérents.

b) Il fallait dès lors construire un méta-concept susceptible d’identifier autant les théories que les structures répondant à la substance intuitive de ce qu’évoque l’expression État de droit. Le problème est alors triple. D’un côté, ces théories se réfèrent à des dispositifs juridiques à leur tour multiples et parfois controversés et en exigent l’application : les droits humains, la séparation des pouvoirs, le contrôle de constitutionnalité et de légalité, la démocratie etc. Ces éléments constituent pourtant des données pouvant et devant être théorisés à titre propre, et leur institution comme leur respect fait d’ailleurs l’objet de dispositions juridiques spécifiques, leur analyse de recherches doctrinales distinctes. En deuxième lieu, il semble s’agir d’éléments substantiels, alors que bien des conceptions de l’État de droit soutiennent une vision strictement formelle ou structurale. En troisième lieu, il existe des traditions qui se considèrent comme très différentes, mais qui se trouvent assimilées dans les débats actuels, celle du Rechtsstaat – qui se traduit littéralement par, mais pourrait être tout autre chose que l’État de droit – qui se conçoit principalement à partir d’une vision de ce que devraient être l’État, et celle de la Rule of Law qui se définit surtout à partir d’une application de la règle (de droit) par un juge.

Cette hétérogénéité exige un choix et une réduction permettant de retenir certains des éléments les plus significatifs et non couverts par d’autres théories suffisamment développées de manière indépendante. Il apparaît ainsi qu’au-delà des différents points de départ, les conceptions pertinentes partagent une préoccupation relative à la faiblesse des règles, en d’autres termes au fait que les règles existantes peuvent non seulement et par hypothèse être violées ou simplement négligées, mais que le problème de toute régulation consiste dans le caractère contingent de son application. Les théories que l’on peut globalement assimiler à l’État de droit sont celles qui cherchent à renforcer et stabiliser les règles autrement abandonnées à leur contingence.

À partir de ce méta-concept minimal, on peut comprendre le caractère tardif et toujours très hétérogène des dispositifs par lesquels des règles de comportement sont assorties d’autres règles dont l’application est conditionnée par la violation de celles dont la première règle vise la réalisation. Ces constructions sont souvent cachées, parce que la technique d’édiction des règles ne formalise que la seconde règle, de sorte que la première n’est souvent même pas rendue explicite.
 

c) À cette étape, il fallait s’interroger sur la place de la sanction dans une conception de l’État de droit et sur les raisons des résistances croissantes contre les théories intégrant cette dimension dans les éléments constitutifs des systèmes juridiques, en opposition aux systèmes de moralité dont la particularité consiste entre autres dans l’absence de mécanismes de sanction. Les théories qui s’inspirent des travaux de H.L.A Hart ont fait valoir que la technicité ouverte des systèmes juridiques permet surtout d’enrichir les modes d’action coordonnées, plutôt que de punir ceux qui ne se soumettraient aux règles primaires. De cette discussion, on pourra retenir que l’on peut globalement envisager les règles de second ordre de deux manières très différentes : soit comme règles visant la production d’autres règles, soit comme des règles visant à assurer par des dispositifs additionnels l’obéissance à des exigences constituant l’objectif de règles de premier ordre, explicites ou à extraire de celles-ci.

La deuxième étape dans le renforcement des règles par des règles de second ordres – au sens de règles visant à renforcer l’obéissance aux premières règles consiste ainsi en fait dans des règles de sanction, qui posent à leur tour le problème de leur application et qui exigent une réglementation processuelle de plus en plus complexe.

Cette extension constante du domaine de la normativité juridique, qui ne peut fonctionner que si elle chaque règle de conduite est assortie d’autres règles susceptibles d’en favoriser une application régulière, entraîne d’autres étapes qui se combinent tant temporellement que structuralement et que le séminaire a permis de discuter en détail.

La substitution procédurale consiste dans le remplacement de conflits réels par des procédures qui les transforment en des jalons à la fois pragmatiques et abstraits. Soustraits à la violence, les conflits deviennent l’objet de règles conceptuellement ordonnées, permettant de substituer des argumentations aux actes de violence.

La détermination des obligations permet de restreindre les obligations pesant sur les destinataires, Ici, on pourra observer une nouvelle poussée réglementaire, car il s’agit d’une obligation du législateur ou du pouvoir réglementaire qui exige à la fois des mécanismes de second ordre et des efforts d’interprétation comme des procédures de contrôle. On pourra qualifier d’État de droit des structures juridiques où ces exigences sont non seulement précisées, mais encadrées par des règles de deuxième ordre de plus en plus précises.

d) Il apparaît ainsi qu’il convient de se détacher de conceptions qui ne verraient dans le principe de l’État de droit justement qu’un principe qui se décomposerait en un ensemble de dispositifs plus ou moins indéterminés ; au contraire, la complexification progressive des ordres juridiques comporte des éléments relevant de l’État de droit, mais dont la stabilisation engendre des effets paradoxaux.

En effet, la détermination des règles conduit d’un côté à la limitation de l’arbitraire, mais d’un autre côté à une complexité croissante du système de règles, et par conséquent de difficultés de leur connaissance et de conflits des interprétations qui peut produire une forte insécurité que l’enrichissement des règles visait justement à réduire.

Enfin, l’introduction de procédures de contrôle de la régularité de l’application des règles et ainsi de la régularité de l’application des règles de contrôle (et ainsi de suite) conduit à une limite qui peut être déplacée, mais non surmontée : il existe par nécessité une clôture des contrôles qui peuvent par conséquent constituer des violations de règles qu’il sera impossible de réduire.

Mais cette limite se montre également dans un autre aspect de l’État de droit développé : il est toujours spécifiquement sélectif, au sens où l’accès, comme le domaine des contrôles, est distribué en fonction de choix qui confèrent une priorité à certains éléments (par exemple l’accès individuel au contrôle de constitutionnalité) au détriment de certains autres (les cas effectivement traités seront en nombre restreint, car les décisions juridictionnelles sur des questions de principe exigent des formations de jugement elles-mêmes restreintes et jugeant un nombre quantitativement très réduit d’affaires auxquelles est ainsi conféré un statut d’importance structurant à son tour d’autres applications dans le système).

 

Publications
  • « Eine Verfassung ohne Theorie und Menschenbild im Umfeld intensiver Theoriediskussion », Austrian Journal of Public Law, 75, 2020, p. 155-171.
  • Avec Angela Ferrara Zumbini, « Government Liability in Austria, Germany and Switzerland », dans Tort Liability of Public Authorities in European Laws,  sous la dir. de Giacinto della Cananea et Roberto Caranta, Oxford University Press, 2020.
  •  « Il ritorno della democrazia », dans Bonn e Weimar. 70 anni della Legge fondamentale di Bonn, sous la dir. de Giuseppe Franco Ferrari, Springer, 2021.
  • « Vittorio Emanuele Orlando e le origini del sincretismo metodologico nella giuspubblicistica », Diritto Pubblico (bozze corrette) 1/2021, p. 257-274.
  • « La defensa constitucional de la democracia: de la no exportabilidad al polimorfismo indeterminado », dans Reforma constitucional y defensa de la democracia, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, sous la dir. de Benito Aláez Corral, Madrid, 2020, p. 93-112.
  • « Cinco tesis sobre fundamentos del derecho constitucional », dans Fundamentos de la teoría constitucional contemporánea, sous la dir. de Pablo Riberi, Instituto de investigaciones jurídicas, México 2019, p. 3-20.
  • « The Austrian Constitutional Exception : Normative Explicitness and Democratic Confidence », Filosofia dei Diritti Umani – Philosophy of Human Rights, 58, 2021, p. 11-18.
  •  « Natura e valore della democrazia cento anni dopo. Dalla procedura del compromesso alla trasformazione giurisdizionale », Diritto pubblico (ISSN 1721-8985) (doi: 10.1438/99654) Fascicolo 3, septembre-décembre 2020, p. 887-900.
  • « Constitutional Defence of Democracy : from Non-exportability to Undetermined Polymorphism », International Journal of Human Rights and Constitutional Studies, vol. 7, n° 4, 2020, p. 311.
  • « Le normativisme comme théorie de la science du droit », dans Quelles doctrines constitutionnelles aujourd’hui pour quel(s) droit(s) constitutionnel(s) demain, sous la dir. de Xavier Magnon et Stéphane Mouton, Economica Paris, 2021, sous presse.

Dernière modification : 29 mai 2020 16:06

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Droit et société, Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Démocratie Droit, normes et société Histoire des idées Philosophie Valeur
Aires culturelles
Amériques Asie Europe
Intervenant·e·s
  • Otto Pfersmann [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités. Fonds Yan-Thomas (LIER-FYT)

La régularité d'application des normes juridiques constitue l'une des exigences constitutives et l'une des faiblesses des ordres juridiques. La théorie de l'État semble dédoubler ce que la norme à elle seule promet par hypothèse, l'exception et l'urgence paraissent se situer à la fois dans et en dehors du système juridique. Les crises récentes (terrorisme, épidémies) rendent l'application de la régle particulièrement difficile à maintenir tout en faisant apparemment partie d'une régularité enrichie.

Le séminaire vise à reconstruire autant les origines normatives, pratiques et théoriques de ces conceptions et à proposer une solution plausible en vue de l'utilisation de ces concepts.

L’application régulière de la norme juridique constitue l’un des défis constitutifs des systèmes juridiques. La facilité avec laquelle le discours doctrinal passe de la règle à l’exception est révélateur. Mais en droit, il ne peut pas y avoir de véritable exception si ce n’est à partir d’une règle qui en organise les conditions générales d’application.

Le concept de l’État de droit semble en revanche indiquer une volonté redoublée de régularité de l’application de la règle. C’est une des expressions juridiques les plus utilisées, mais aussi l’une des plus mystérieuses. Ce séminaire vise à identifier ses origines conceptuelles, à reconstruire ses évolutions théoriques et pratiques et à proposer une théorie alternative d’un usage plausible et non inflationniste.

Invoqué dans les contextes les plus divers, sa nature et sa fonction demeurent intuitifs, inexpliqués et confondus avec d’autres éléments comme la démocratie, les droits fondamentaux ou la « séparation des pouvoirs ». L’expression apparaît tardivement dans certains textes constitutionnels et internationaux (art. 2 TUE), comme dans l’article 28 et 23 de la Loi fondamentale allemande (en tant que les Länder sont obligés de « respecter les principes d’un État de droit républicain, démocratique et social au sens de cette Loi fondamentale », de même que l’Allemagne participe au développement de l’Union Européenne « qui est obligée par rapport aux principes … de l’État de droit » ou de la Constitution polonaise (art. 2 et 51, al. 2), mais aucune ne définit ce qu’il convient d’entendre par cette expression ni n’en spécifie les éléments constitutifs. En revanche, les juridictions suprêmes de certains autres ordres juridiques considèrent que ceux-ci répondent aux exigences de l’État de droit et font application de ce principe, alors qu’aucun texte n’en fait explicitement mention. Alors que l’État de droit est aujourd´hui souvent mentionné dans des textes fondateurs, l’exception et l’urgence se retrouvent surtout dans des normes de rang inférieur, leur véritable statut demeurant rarement éclaircie.

Le séminaire portera par conséquent sur 1) l’émergence de l’expression, 2) les débats et la critique qu’elle a suscités, 3) la conception normativiste de l’État de droit et la reconstruction des théories alternatives à sa lumière, en particulier la critique de l’État de droit « substantiel », 4) l’État de droit « formel » comme détermination et organisation de la primauté, 5) La théorie des exception et des urgences, 6) l’incomplétude de l’État de droit et la question de l’État de droit sélectif, 7) les variantes comparatives de l’État de droit, 8) l’État de droit et la diversité des ordres juridiques (nationaux « étatiques », internationaux, supranationaux (Union Européenne), 9) l’extension contingente de l’État de droit aux données de la démocratie constitutionnelle contemporaine.  

Le séminaire constitue à la fois la suite de celui de 201920/20, mais aussi un prolongement qu'il est parfaitement possible de suivre sans avoir participé à celui de l'année précédente.

  • Séminaires de recherche – Théorie et analyse du droit – M2/S4
    Suivi et validation – semestriel bi-mensuelle = 12 ECTS
    MCC – autre
Contacts additionnels
-
Informations pratiques

contacter l'enseignant par courriel.

Direction de travaux des étudiants

contacter l'enseignant afin de convenir d'un sujet de mini-mémoire ou de mémoire.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis

des études en droit, en philosophie, en sciences politiques sont bienvenues sans être obligatoires.

  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 1
    2nd semestre / bimensuel (2e/4e), mardi 19:00-21:00
    du 9 février 2021 au 22 juin 2021

Le séminaire sur l’État de droit avait pour objet une clarification du concept en question, sa mise en perspective historique, sa configuration structurelle et les aspects paradoxaux de l’enrichissement des règles qui le concrétisent. La riche littérature juridique et philosophique sous-estime ces aspects et propose en général une vision uniquement optimiste qu’une étude plus approfondie exige de nuancer. Sur le plan de l’organisation, plusieurs séances ont pu bénéficier de l’apport d’un professeur invité (Giovanni Tuzet de l’Université de Milan Bocconi) et aussi des débats avec les participants du séminaire sur normes et valeurs animé par Pascal Engel.

a) Il s’agissait d’abord d´élaborer les difficultés conceptuelles liées à l’identification de ce qui devrait être analysé sous ce titre. Plusieurs traditions se réclament de cette expression ou du fait d’utiliser une expression équivalente. Cette question est devenue d’autant plus actuelle – et difficile – que le terme est également utilisé dans des textes légaux comme le Traité de l’Union Européenne, mais aussi dans certaines constitutions nationales, alors que l’Union Européenne conteste que certains États utilisant de telles dispositions agissent selon les exigences que le concept requiert.

Cette difficulté est liée à une autre, de nature théorique puisque le concept d’État ne dit rien, dans le contexte pertinent, celui du droit, qui serait spécifiquement différent du droit en tant que l’État n’est ici, en quelque acception qu’on l’entende, soit un système juridique particulier, soit un sous-système telle une collectivité territoriale. Le concept d’État de droit semble dès lors vide, ou ne renvoyant qu’à la question de la nature de l’ordre juridique habituellement appelé « État » ; mais ce problème semble assez éloigné des intuitions qu’évoque la référence à « l’État de droit ». En outre, même des entités qui ne sont pas des États, mais des organisations internationales se considèrent comme régies par le principe de l’État de droit et l’imposent à leur tour à leurs adhérents.

b) Il fallait dès lors construire un méta-concept susceptible d’identifier autant les théories que les structures répondant à la substance intuitive de ce qu’évoque l’expression État de droit. Le problème est alors triple. D’un côté, ces théories se réfèrent à des dispositifs juridiques à leur tour multiples et parfois controversés et en exigent l’application : les droits humains, la séparation des pouvoirs, le contrôle de constitutionnalité et de légalité, la démocratie etc. Ces éléments constituent pourtant des données pouvant et devant être théorisés à titre propre, et leur institution comme leur respect fait d’ailleurs l’objet de dispositions juridiques spécifiques, leur analyse de recherches doctrinales distinctes. En deuxième lieu, il semble s’agir d’éléments substantiels, alors que bien des conceptions de l’État de droit soutiennent une vision strictement formelle ou structurale. En troisième lieu, il existe des traditions qui se considèrent comme très différentes, mais qui se trouvent assimilées dans les débats actuels, celle du Rechtsstaat – qui se traduit littéralement par, mais pourrait être tout autre chose que l’État de droit – qui se conçoit principalement à partir d’une vision de ce que devraient être l’État, et celle de la Rule of Law qui se définit surtout à partir d’une application de la règle (de droit) par un juge.

Cette hétérogénéité exige un choix et une réduction permettant de retenir certains des éléments les plus significatifs et non couverts par d’autres théories suffisamment développées de manière indépendante. Il apparaît ainsi qu’au-delà des différents points de départ, les conceptions pertinentes partagent une préoccupation relative à la faiblesse des règles, en d’autres termes au fait que les règles existantes peuvent non seulement et par hypothèse être violées ou simplement négligées, mais que le problème de toute régulation consiste dans le caractère contingent de son application. Les théories que l’on peut globalement assimiler à l’État de droit sont celles qui cherchent à renforcer et stabiliser les règles autrement abandonnées à leur contingence.

À partir de ce méta-concept minimal, on peut comprendre le caractère tardif et toujours très hétérogène des dispositifs par lesquels des règles de comportement sont assorties d’autres règles dont l’application est conditionnée par la violation de celles dont la première règle vise la réalisation. Ces constructions sont souvent cachées, parce que la technique d’édiction des règles ne formalise que la seconde règle, de sorte que la première n’est souvent même pas rendue explicite.
 

c) À cette étape, il fallait s’interroger sur la place de la sanction dans une conception de l’État de droit et sur les raisons des résistances croissantes contre les théories intégrant cette dimension dans les éléments constitutifs des systèmes juridiques, en opposition aux systèmes de moralité dont la particularité consiste entre autres dans l’absence de mécanismes de sanction. Les théories qui s’inspirent des travaux de H.L.A Hart ont fait valoir que la technicité ouverte des systèmes juridiques permet surtout d’enrichir les modes d’action coordonnées, plutôt que de punir ceux qui ne se soumettraient aux règles primaires. De cette discussion, on pourra retenir que l’on peut globalement envisager les règles de second ordre de deux manières très différentes : soit comme règles visant la production d’autres règles, soit comme des règles visant à assurer par des dispositifs additionnels l’obéissance à des exigences constituant l’objectif de règles de premier ordre, explicites ou à extraire de celles-ci.

La deuxième étape dans le renforcement des règles par des règles de second ordres – au sens de règles visant à renforcer l’obéissance aux premières règles consiste ainsi en fait dans des règles de sanction, qui posent à leur tour le problème de leur application et qui exigent une réglementation processuelle de plus en plus complexe.

Cette extension constante du domaine de la normativité juridique, qui ne peut fonctionner que si elle chaque règle de conduite est assortie d’autres règles susceptibles d’en favoriser une application régulière, entraîne d’autres étapes qui se combinent tant temporellement que structuralement et que le séminaire a permis de discuter en détail.

La substitution procédurale consiste dans le remplacement de conflits réels par des procédures qui les transforment en des jalons à la fois pragmatiques et abstraits. Soustraits à la violence, les conflits deviennent l’objet de règles conceptuellement ordonnées, permettant de substituer des argumentations aux actes de violence.

La détermination des obligations permet de restreindre les obligations pesant sur les destinataires, Ici, on pourra observer une nouvelle poussée réglementaire, car il s’agit d’une obligation du législateur ou du pouvoir réglementaire qui exige à la fois des mécanismes de second ordre et des efforts d’interprétation comme des procédures de contrôle. On pourra qualifier d’État de droit des structures juridiques où ces exigences sont non seulement précisées, mais encadrées par des règles de deuxième ordre de plus en plus précises.

d) Il apparaît ainsi qu’il convient de se détacher de conceptions qui ne verraient dans le principe de l’État de droit justement qu’un principe qui se décomposerait en un ensemble de dispositifs plus ou moins indéterminés ; au contraire, la complexification progressive des ordres juridiques comporte des éléments relevant de l’État de droit, mais dont la stabilisation engendre des effets paradoxaux.

En effet, la détermination des règles conduit d’un côté à la limitation de l’arbitraire, mais d’un autre côté à une complexité croissante du système de règles, et par conséquent de difficultés de leur connaissance et de conflits des interprétations qui peut produire une forte insécurité que l’enrichissement des règles visait justement à réduire.

Enfin, l’introduction de procédures de contrôle de la régularité de l’application des règles et ainsi de la régularité de l’application des règles de contrôle (et ainsi de suite) conduit à une limite qui peut être déplacée, mais non surmontée : il existe par nécessité une clôture des contrôles qui peuvent par conséquent constituer des violations de règles qu’il sera impossible de réduire.

Mais cette limite se montre également dans un autre aspect de l’État de droit développé : il est toujours spécifiquement sélectif, au sens où l’accès, comme le domaine des contrôles, est distribué en fonction de choix qui confèrent une priorité à certains éléments (par exemple l’accès individuel au contrôle de constitutionnalité) au détriment de certains autres (les cas effectivement traités seront en nombre restreint, car les décisions juridictionnelles sur des questions de principe exigent des formations de jugement elles-mêmes restreintes et jugeant un nombre quantitativement très réduit d’affaires auxquelles est ainsi conféré un statut d’importance structurant à son tour d’autres applications dans le système).

 

Publications
  • « Eine Verfassung ohne Theorie und Menschenbild im Umfeld intensiver Theoriediskussion », Austrian Journal of Public Law, 75, 2020, p. 155-171.
  • Avec Angela Ferrara Zumbini, « Government Liability in Austria, Germany and Switzerland », dans Tort Liability of Public Authorities in European Laws,  sous la dir. de Giacinto della Cananea et Roberto Caranta, Oxford University Press, 2020.
  •  « Il ritorno della democrazia », dans Bonn e Weimar. 70 anni della Legge fondamentale di Bonn, sous la dir. de Giuseppe Franco Ferrari, Springer, 2021.
  • « Vittorio Emanuele Orlando e le origini del sincretismo metodologico nella giuspubblicistica », Diritto Pubblico (bozze corrette) 1/2021, p. 257-274.
  • « La defensa constitucional de la democracia: de la no exportabilidad al polimorfismo indeterminado », dans Reforma constitucional y defensa de la democracia, Centro de Estudios Políticos y Constitucionales, sous la dir. de Benito Aláez Corral, Madrid, 2020, p. 93-112.
  • « Cinco tesis sobre fundamentos del derecho constitucional », dans Fundamentos de la teoría constitucional contemporánea, sous la dir. de Pablo Riberi, Instituto de investigaciones jurídicas, México 2019, p. 3-20.
  • « The Austrian Constitutional Exception : Normative Explicitness and Democratic Confidence », Filosofia dei Diritti Umani – Philosophy of Human Rights, 58, 2021, p. 11-18.
  •  « Natura e valore della democrazia cento anni dopo. Dalla procedura del compromesso alla trasformazione giurisdizionale », Diritto pubblico (ISSN 1721-8985) (doi: 10.1438/99654) Fascicolo 3, septembre-décembre 2020, p. 887-900.
  • « Constitutional Defence of Democracy : from Non-exportability to Undetermined Polymorphism », International Journal of Human Rights and Constitutional Studies, vol. 7, n° 4, 2020, p. 311.
  • « Le normativisme comme théorie de la science du droit », dans Quelles doctrines constitutionnelles aujourd’hui pour quel(s) droit(s) constitutionnel(s) demain, sous la dir. de Xavier Magnon et Stéphane Mouton, Economica Paris, 2021, sous presse.