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UE737 - Libertés et solidarités dans l’État moderne


Lieu et planning


  • 10 rue Monsieur-le-Prince
    10 rue Monsieur-le-Prince 75006 Paris
    Salle Alphonse-Dupront
    annuel / bimensuel (1re/3e), jeudi 15:00-17:00
    du 19 novembre 2020 au 3 juin 2021


Description


Dernière modification : 29 mai 2020 15:22

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Philosophie et épistémologie, Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
-
Aires culturelles
Europe
Intervenant·e·s
  • Julia Christ [référent·e]   chargée de recherche, CNRS / Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités. Fonds Yan-Thomas (LIER-FYT)
  • Stefania Ferrando   contrat postdoctoral, EHESS / Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités. Fonds Yan-Thomas (LIER-FYT)
  • Dominique Linhardt   chargé de recherche, CNRS / Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités. Fonds Yan-Thomas (LIER-FYT)

L’époque actuelle connaît principalement deux formes de critique de la politique. Une première, libérale, vise l’État dans sa dimension liberticide et oppose les droits fondamentaux des individus au pouvoir dont dispose l’État de les restreindre. Une deuxième vise l’État dans sa dimension d’accapareur des effets de la solidarité sociale et oppose les solidarités pratiques des groupes à leur institutionnalisation sous la forme de services publics et de droits sociaux. Dans les deux cas, l’État apparaît comme un dispositif qui entrave des réalités irréductibles de déployer leurs bienfaits : les libertés fondamentales d’un côté, les pratiques solidaires de l’autre. Des deux côtés, le lien entre société et État se trouve réduit à une domination (Herrschaft) de l’État sur la société.

Sans être symétriques, ces deux modalités de la critique de l’État partagent une même prémisse qu’on se propose, dans ce séminaire, d’interroger : l’une et l’autre postulent, en effet, une discontinuité entre l’État d’un côté et ces réalités irréductibles que sont les droits subjectifs et les pratiques solidaires de l’autre et conduisent, sur le plan conceptuel, nécessairement à réduire le lien entre État et société à la domination du premier sur la seconde. À partir d’un travail historique et comparatif, on s’efforcera de renverser cette perspective et de comprendre en quoi l’État moderne participe de la production de ces réalités dans ce qu’elles ont, justement, d’irréductible à un simple effet de la Herrschaft.

L’objectif est alors double : premièrement, il s’agira de contribuer à une histoire du passage du déclaratoire à l’effectif des libertés fondamentales au cours du dix-neuvième siècle et d’articuler ce passage à l’apparition des droits sociaux et des services publics ; deuxièmement, il s’agira de comprendre l’intervention étatique sur les pratiques et les institutions de la solidarité dans les termes d’une socialisation de l’État. L’horizon de la critique de la politique ne sera pas pour autant perdu de vue. Mais en la faisant découler d’une compréhension sociologique de l’État démocratique et social moderne, celle-ci ne s’ancre plus dans le postulat d’une discontinuité de nature entre État et société, mais plutôt dans le constat d’un défaut de socialisation de l’État dont il conviendra de déterminer les critères.

Ce séminaire associe des philosophes et des sociologues dans une discussion interdisciplinaire respectueuse des spécificités et réquisits propres à chacune de ces disciplines.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Études politiques – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Philosophie sociale et politique – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Sociologie – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

séminaire fermé. Les étudiants et doctorants souhaitant participer sont invités à envoyer avant le 8 novembre 2020 une demande argumentée aux organisateurs du séminaire.

Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis
-

Compte rendu


L’idée de ce séminaire interdisciplinaire a pris naissance au moment du premier confinement, au printemps 2020. L’étonnement dont il a procédé est l’apparente facilité avec laquelle les sociétés occidentales ont accepté que des libertés individuelles fussent suspendues. Partant de cette énigme, il s’est bien entendu agi d’aller au-delà du simple commentaire d’actualité. La question générale vers laquelle nous avons voulu orienter la réflexion est celle du lien entre l’individu moderne, la société politique à laquelle il appartient et les institutions politiques – au premier chef l’État – dans lesquelles il se représente. Nous avons invité les intervenants à éclairer ce complexe problématique à partir de leurs travaux.

Il est impossible de rendre justice à la richesse et à la profondeur des perspectives ouvertes par ces interventions. Nous nous limiterons, en guise de bilan provisoire, à mettre en exergue une ligne de réflexion en particulier, telle qu’elle se laisse dégager du fil des discussions.

L’intuition de départ que nous avons voulu approfondir dans le séminaire concerne le rapport entre liberté et solidarité. Dans la tradition libérale, on le sait, la primauté accordée à la liberté individuelle trouve sa limite dans la nécessité d’une gestion commune des aléas qui la menacent. Dans cet esprit, la liberté est première ; la solidarité s’en détache selon une modalité concessive. Le principe de variation de cette « balance libérale » est donc de l’ordre de la contingence : elle se déplace en fonction des « nécessités » qui justifient l’intervention publique.

Le point de vue engagé par les sciences sociales défie cette figuration. Pour elles, la solidarité ne saurait être pensée comme une concession faite à une liberté originelle. Elle est un fait, la manifestation du tissu des interdépendances qui enserre l’existence des êtres humains. L’« individu libre » ne s’oppose donc pas à la solidarité ; il en est un effet dès lors que, comme c’est le cas dans les sociétés modernes, l’organisation sociale consacre la norme individuelle. La philosophie des sciences sociales recueille ce point de vue en forgeant une idée du sujet qui marque un net écart avec la philosophie politique classique. S’il y a ainsi un accord entre la perspective portée par les sciences sociales et celle d’une philosophie qui remet ses catégories en jeu dans le rapport avec elles, il est toutefois apparu qu’il restait un chantier à travailler entre les deux disciplines.

Celui-ci a trait à ce qu’on entend par « liberté ». Dans les sciences sociales, l’usage de ce vocable est rare. Si elles y viennent, c’est généralement en passant par des notions telles que « émancipation » ou « autonomie ». Ces termes ont en effet l’avantage de mettre la lumière sur les formes de solidarité dont le propre est d’obliger les acteurs sociaux à se comporter en « individus autonomes », c’est-à-dire à reconnaître réflexivement dans les règles qu’ils suivent le fondement de leur autonomie. En revanche, les sciences sociales ont relativement peu exploré l’autre versant du concept de liberté individuelle : celui qui pointe vers le « pouvoir de faire ce qu’on veut » et auquel la tradition philosophique se réfère par le concept de « liberté négative ». Dans une grande mesure, les sciences sociales ont relégué la question de la liberté négative au droit, ce qui – même lorsqu’on l’aborde dans une perspective sociologique – conduit mécaniquement à mettre l’accent sur le caractère formel des libertés, mais à négliger par là même ce que Marx appelait les « libertés réelles ».

Un résultat du séminaire a été la formulation de l’idée que pour comprendre réellement la liberté des modernes, il convient de reprendre la question depuis une conception de l’État social que seule la sociologie est à même de produire. Si l’on considère que l’État social correspond au type d’État qu’une société se donne à partir du moment où elle affirme que le bien-être individuel de chacun de ses membres constitue sa finalité ultime, il apparaît que l’État n’a pas la fonction que la philosophie lui attribuait. Il n’est pas le garant des droits subjectifs ; il intervient précisément à l’endroit qui met en question l’universalité des droits subjectifs. Il est l’entité qui produit les libertés fondamentales comme des libertés effectives, réelles, notamment à travers les droits sociaux. La philosophie doit alors concevoir la liberté individuelle comme l’effet d’un certain régime de solidarité sociale, exprimé par l’État et restitué par lui à la société.

Publications
  • Julia Christ, « L’État social produit plus de sécurité que n’importe quelle police », entretien dans Télérama, 31 janvier 2021.

Dernière modification : 29 mai 2020 15:22

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Philosophie et épistémologie, Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
-
Aires culturelles
Europe
Intervenant·e·s
  • Julia Christ [référent·e]   chargée de recherche, CNRS / Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités. Fonds Yan-Thomas (LIER-FYT)
  • Stefania Ferrando   contrat postdoctoral, EHESS / Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités. Fonds Yan-Thomas (LIER-FYT)
  • Dominique Linhardt   chargé de recherche, CNRS / Laboratoire interdisciplinaire d'études sur les réflexivités. Fonds Yan-Thomas (LIER-FYT)

L’époque actuelle connaît principalement deux formes de critique de la politique. Une première, libérale, vise l’État dans sa dimension liberticide et oppose les droits fondamentaux des individus au pouvoir dont dispose l’État de les restreindre. Une deuxième vise l’État dans sa dimension d’accapareur des effets de la solidarité sociale et oppose les solidarités pratiques des groupes à leur institutionnalisation sous la forme de services publics et de droits sociaux. Dans les deux cas, l’État apparaît comme un dispositif qui entrave des réalités irréductibles de déployer leurs bienfaits : les libertés fondamentales d’un côté, les pratiques solidaires de l’autre. Des deux côtés, le lien entre société et État se trouve réduit à une domination (Herrschaft) de l’État sur la société.

Sans être symétriques, ces deux modalités de la critique de l’État partagent une même prémisse qu’on se propose, dans ce séminaire, d’interroger : l’une et l’autre postulent, en effet, une discontinuité entre l’État d’un côté et ces réalités irréductibles que sont les droits subjectifs et les pratiques solidaires de l’autre et conduisent, sur le plan conceptuel, nécessairement à réduire le lien entre État et société à la domination du premier sur la seconde. À partir d’un travail historique et comparatif, on s’efforcera de renverser cette perspective et de comprendre en quoi l’État moderne participe de la production de ces réalités dans ce qu’elles ont, justement, d’irréductible à un simple effet de la Herrschaft.

L’objectif est alors double : premièrement, il s’agira de contribuer à une histoire du passage du déclaratoire à l’effectif des libertés fondamentales au cours du dix-neuvième siècle et d’articuler ce passage à l’apparition des droits sociaux et des services publics ; deuxièmement, il s’agira de comprendre l’intervention étatique sur les pratiques et les institutions de la solidarité dans les termes d’une socialisation de l’État. L’horizon de la critique de la politique ne sera pas pour autant perdu de vue. Mais en la faisant découler d’une compréhension sociologique de l’État démocratique et social moderne, celle-ci ne s’ancre plus dans le postulat d’une discontinuité de nature entre État et société, mais plutôt dans le constat d’un défaut de socialisation de l’État dont il conviendra de déterminer les critères.

Ce séminaire associe des philosophes et des sociologues dans une discussion interdisciplinaire respectueuse des spécificités et réquisits propres à chacune de ces disciplines.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Études politiques – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Philosophie sociale et politique – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Sociologie – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques

séminaire fermé. Les étudiants et doctorants souhaitant participer sont invités à envoyer avant le 8 novembre 2020 une demande argumentée aux organisateurs du séminaire.

Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis
-
  • 10 rue Monsieur-le-Prince
    10 rue Monsieur-le-Prince 75006 Paris
    Salle Alphonse-Dupront
    annuel / bimensuel (1re/3e), jeudi 15:00-17:00
    du 19 novembre 2020 au 3 juin 2021

L’idée de ce séminaire interdisciplinaire a pris naissance au moment du premier confinement, au printemps 2020. L’étonnement dont il a procédé est l’apparente facilité avec laquelle les sociétés occidentales ont accepté que des libertés individuelles fussent suspendues. Partant de cette énigme, il s’est bien entendu agi d’aller au-delà du simple commentaire d’actualité. La question générale vers laquelle nous avons voulu orienter la réflexion est celle du lien entre l’individu moderne, la société politique à laquelle il appartient et les institutions politiques – au premier chef l’État – dans lesquelles il se représente. Nous avons invité les intervenants à éclairer ce complexe problématique à partir de leurs travaux.

Il est impossible de rendre justice à la richesse et à la profondeur des perspectives ouvertes par ces interventions. Nous nous limiterons, en guise de bilan provisoire, à mettre en exergue une ligne de réflexion en particulier, telle qu’elle se laisse dégager du fil des discussions.

L’intuition de départ que nous avons voulu approfondir dans le séminaire concerne le rapport entre liberté et solidarité. Dans la tradition libérale, on le sait, la primauté accordée à la liberté individuelle trouve sa limite dans la nécessité d’une gestion commune des aléas qui la menacent. Dans cet esprit, la liberté est première ; la solidarité s’en détache selon une modalité concessive. Le principe de variation de cette « balance libérale » est donc de l’ordre de la contingence : elle se déplace en fonction des « nécessités » qui justifient l’intervention publique.

Le point de vue engagé par les sciences sociales défie cette figuration. Pour elles, la solidarité ne saurait être pensée comme une concession faite à une liberté originelle. Elle est un fait, la manifestation du tissu des interdépendances qui enserre l’existence des êtres humains. L’« individu libre » ne s’oppose donc pas à la solidarité ; il en est un effet dès lors que, comme c’est le cas dans les sociétés modernes, l’organisation sociale consacre la norme individuelle. La philosophie des sciences sociales recueille ce point de vue en forgeant une idée du sujet qui marque un net écart avec la philosophie politique classique. S’il y a ainsi un accord entre la perspective portée par les sciences sociales et celle d’une philosophie qui remet ses catégories en jeu dans le rapport avec elles, il est toutefois apparu qu’il restait un chantier à travailler entre les deux disciplines.

Celui-ci a trait à ce qu’on entend par « liberté ». Dans les sciences sociales, l’usage de ce vocable est rare. Si elles y viennent, c’est généralement en passant par des notions telles que « émancipation » ou « autonomie ». Ces termes ont en effet l’avantage de mettre la lumière sur les formes de solidarité dont le propre est d’obliger les acteurs sociaux à se comporter en « individus autonomes », c’est-à-dire à reconnaître réflexivement dans les règles qu’ils suivent le fondement de leur autonomie. En revanche, les sciences sociales ont relativement peu exploré l’autre versant du concept de liberté individuelle : celui qui pointe vers le « pouvoir de faire ce qu’on veut » et auquel la tradition philosophique se réfère par le concept de « liberté négative ». Dans une grande mesure, les sciences sociales ont relégué la question de la liberté négative au droit, ce qui – même lorsqu’on l’aborde dans une perspective sociologique – conduit mécaniquement à mettre l’accent sur le caractère formel des libertés, mais à négliger par là même ce que Marx appelait les « libertés réelles ».

Un résultat du séminaire a été la formulation de l’idée que pour comprendre réellement la liberté des modernes, il convient de reprendre la question depuis une conception de l’État social que seule la sociologie est à même de produire. Si l’on considère que l’État social correspond au type d’État qu’une société se donne à partir du moment où elle affirme que le bien-être individuel de chacun de ses membres constitue sa finalité ultime, il apparaît que l’État n’a pas la fonction que la philosophie lui attribuait. Il n’est pas le garant des droits subjectifs ; il intervient précisément à l’endroit qui met en question l’universalité des droits subjectifs. Il est l’entité qui produit les libertés fondamentales comme des libertés effectives, réelles, notamment à travers les droits sociaux. La philosophie doit alors concevoir la liberté individuelle comme l’effet d’un certain régime de solidarité sociale, exprimé par l’État et restitué par lui à la société.

Publications
  • Julia Christ, « L’État social produit plus de sécurité que n’importe quelle police », entretien dans Télérama, 31 janvier 2021.