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UE653 - L'Antiquité de la Renaissance 2. Philosophie et théologie, Florence, 1471-1497


Lieu et planning


  • 54 bd Raspail
    54 bd Raspail 75006 Paris
    Salle A03_35
    annuel / hebdomadaire, mardi 17:00-19:00
    du 24 novembre 2020 au 22 juin 2021


Description


Dernière modification : 22 octobre 2020 14:04

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Philosophie Religieux (sciences sociales du)
Aires culturelles
Europe
Intervenant·e·s
  • Pierre Bouretz [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Centre des savoirs sur le politique : recherches et analyses (CESPRA)

Le titre donné pour la seconde fois au séminaire est inspiré d’une formule aphoristique d’Aby Warburg : « chaque époque a la Renaissance de l’Antiquité qu’elle mérite ». Elle s’attache à une question qui a beaucoup occupé les historiens de l’art, celle de la survivance ou de la réapparition des dieux et mystères païens au Quattrocento. Pour en saisir la genèse, il faudra fréquenter un milieu d’une exceptionnelle vitalité, dans lequel gravitaient autour de Warburg des savants qu’il serait vain de vouloir enfermer dans des catégories disciplinaires : Ernst Cassirer, Erwin Panofsky, Fritz Saxl, Gertrud Bing et d’autres encore. Les lire permettra de montrer que cette question pourrait être féconde d’un point de vue philosophique. Plusieurs années du séminaire avaient été consacrées à une enquête autour des prolégomènes antiques de l’affaire. La parution d’un livre intitulé La raison ou les dieux et qui synthétise ce travail permettra d’exposer les attendus d’une certaine façon d’écrire l’histoire de la philosophie. 

En conservant le sous-titre, on prend acte du fait que la première saison de cette enquête a été suspendue dans les conditions que chacun sait. Les dates et le lieu indiqués pour une chronologie qu’il faudra bien sûr étendre et un espace qui s’élargira sont ceux de deux entreprises de Marsile Ficin (1433-1499) : la traduction en latin de ce qui était alors disponible du corpus hermétique ; celle d’un livre de Jamblique qui avait été l’une des pièces d’une controverse autour de la théurgie initiée par Porphyre. La première de ces entreprises induirait un projet qui serait celui de tout un milieu : mettre au jour, décrire et défendre une Prisca theologia nourrie de ce que des auteurs de la fin de l’Antiquité nommaient « sagesses barbares ». Si l’on ajoute que Ficin traduirait l’intégralité de Platon et Plotin, il appert que c’est un pan entier de la philosophie et la vision des dieux qu’elle mobilisait qui renaissaient dans ses mains. 

La seconde entreprise de Marsile Ficin ouvre une perspective différente. On a montré que pour Porphyre, la théurgie n’était rien d’autre qu’une combinaison inédite de magie et d’astrologie. Ni ces pratiques ni les théories visant à les justifier par la nature n’avaient disparu durant les dix siècles qui séparent Porphyre de Ficin. Afin de savoir comment, il faudrait prendre en compte un Moyen Âge qui devrait être à la fois long dans le temps et large dans l’espace, incluant les mondes juif et arabe. Toujours est-il que Ficin prendrait sur ces questions des positions qui le brouilleraient avec une partie de son milieu, à commencer par Pic de la Mirandole. Que l’on puisse ou non s’engager dès cette année dans cette partie de l’enquête, on commencera de se demander en s’inspirant à nouveau de Warburg s’il est vrai qu’il faut toujours reconquérir Athènes en partant d’Alexandrie.  

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Études politiques – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – annuel hebdomadaire = 12 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Philosophie sociale et politique – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel hebdomadaire = 12 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Sciences des religions et société-Sciences sociales des religions – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – annuel hebdomadaire = 12 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

en raison des incertitudes quant aux conditions matérielles d'enseignement, la participation au séminaire est soumise à l'accord du directeur d'études. Prendre contact par courriel.

Direction de travaux des étudiants

mercredi, jeudi, vendredi après-midi, EHESS, bureau B 03-14, 54 bd Raspail 75006 Paris.

Réception des candidats

sur rendez-vous par courriel.

Pré-requis

projet écrit / entretien.


Compte rendu


Par la force des choses, cette année a été celle d’un second départ pour une nouvelle enquête. Il s’agit donc de saisir à Florence dans la seconde moitié du Quattrocento la cristallisation d’un mouvement de retour aux textes et aux problèmes de l’Antiquité philosophique. L’idée d’une Antiquité de la Renaissance est empruntée à l’une des figures tutélaires de l’histoire de l’art, et l’on a commencé par séjourner un moment dans son univers. La Kulturwissenschaftliche Bibliothek Warburg a été le lieu d’une rencontre décisive entre Aby Warburg lui-même, qui construisait avec ses proches (Fritz Saxl, Gertrud Bing) les dossiers iconologiques d’un Nachleben der Antike, et Ernst Cassirer écrivant un livre inaugural (Individu et cosmos dans la philosophie de la Renaissance, 1927). Issu de ce milieu, Erwin Panofsky en synthétiserait le projet au travers de l’idée selon laquelle « les humanités s’efforcent de transformer le Chaos de multiples souvenirs humains en Cosmos de culture ». Celle-ci a permis de préciser le projet et le programme d’une façon personnelle d’écrire l’histoire de la philosophie.

Afin de donner corps à une Renaissance dont les contours et même l’identité demeurent controversés parmi les historiens, nous avons cherché des témoins d’une « conscience d’époque » qui se caractériserait, pour le dire en quelques mots, par un désir de nouveauté et la conviction que celle-ci dépend d’une redécouverte de l’Antiquité. La position de Pétrarque est difficile à saisir. Admirable écrivain de soi et du monde dans son immense correspondance, il lui arrive d’esquisser de vastes périodisations historiques. Mais celles-ci ne se superposent pas. Ses méditations sur les ruines de Rome manifestent un profond désir de la voir se relever. Il laisse toutefois à d’autres après lui le soin d’en écrire les Antiquités. Sa contribution à l’exhumation et partant la transmission des textes anciens est considérable, et nul n’a contribué avec plus de détermination à la redécouverte de Cicéron, Virgile, Tite Live et d’autres encore. Il n’avait cependant pas les moyens de lire dans leur langue Homère et Platon. Sur un autre plan, ses combats politiques au miroir de Rome étaient sans doute déjà d’un autre âge, faute d’un choix clair entre le modèle de l’Urbs républicaine et celui de la Caput mundi impériale. Enfin, la détestation de son époque l’empêchait peut-être d’en concevoir une nouvelle qui serait plus aimable. On ne voit donc pas sous sa plume émerger tout à fait le sentiment recherché, sauf à l’état de souhait contrarié pour une conscience malheureuse, quelque chose comme une Renaissance optative.

Un bon siècle plus tard, tout est lumineux aux yeux de Marsile Ficin, acteur central de la restauration d’une culture antique qui demeurait hémiplégique avant ses traductions de Platon et Plotin, mais aussi d’Hermès Trismégiste. Lui est convaincu que son temps est celui d’un nouvel « âge d’or » rendant au jour l’intégralité des richesses de l’Antiquité, qui plus est à Florence dont Machiavel dirait qu’elle a pour vocation de « ressusciter les choses mortes ». A cela s’ajoute que gravitait autour de lui sous la protection des Médicis tout un milieu qui se ramifiait en Europe et grâce auquel l’humanisme devenait une réalité en acte. Encore un peu de temps et Giorgio Vasari dessinerait le système complet des catégories d’une histoire, en donnant un nom à cette époque de la vie de l’esprit et de l’art : Rinascimento.

Pour autant que l’invention de la Renaissance par le premier historien de l’art ne devait rien au hasard, on s’est attaché un moment à l’histoire des discours au sujet de celui-ci. Grâce en particulier à Pline l’Ancien, les artistes et les philosophes de la Renaissance possédaient des informations sur les pratiques artistiques des Grecs comme des Romains, et même des ekphrasis de quelques œuvres. Mais le legs de l’Antiquité contenait aussi la redoutable critique de la Mimesis chez Platon, dont la conceptualité et la postérité pouvaient être analysées à l’aide d’un article classique de Cassirer et du premier livre de Panofsky. Il est donc apparu que l’idéal d’imitation de la nature mis en œuvre à la Renaissance procédait d’une sorte de liberté nouvelle conquise par réappropriation du passé antique, point confirmé à la lecture d’ouvrages essentiels de Leon Batista Alberti et de ce qu’il reste d’un possible traité de Léonard de Vinci. Mais on a découvert Marsile Ficin allant plus loin : jusqu’à l’idée selon laquelle, plus encore que de la nature, l’artiste est l’émule de Dieu. A sa manière, il offrait ce qui est peut-être la première véritable théorie de l’art, adossée sur une cosmologie et une anthropologie philosophiques elles-mêmes édifiées sur des fondements hérités des philosophes de l’Antiquité tardive.

Revenant enfin aux choses-mêmes de l’art, on a repris le premier dossier d’Aby Warburg. Après avoir reconstitué la tradition grecque qui d’Hésiode à Plotin distinguait deux Aphrodite, puis traversé les commentaires de Ficin et Pic de la Mirandole sur ce qu’en disait Platon, on s’est attaché à compléter la description et l’analyse de sources possibles des Vénus de Botticelli. Placée sous le signe de quelques leçons de grands historiens de l’art, cette première saison a permis de confirmer leur fécondité pour un projet d’histoire de la philosophie. Parmi bien d’autres choses, il faudra toutefois se demander si l’on souhaite les suivre jusqu’au bout, pour admettre notamment l’idée d’une nécessité d’oublier Alexandrie afin de retrouver Athènes.

 

Publications
  • La Raison ou les dieux, Paris, Gallimard, coll. NRF essais, 2020.
  • « Hannah et Heinrich, une monarchie à deux têtes », dans Hannah Arendt. Penser sans entraves, Hors-Série Le Point, 2021, p. 68-70.

Dernière modification : 22 octobre 2020 14:04

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Philosophie Religieux (sciences sociales du)
Aires culturelles
Europe
Intervenant·e·s
  • Pierre Bouretz [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Centre des savoirs sur le politique : recherches et analyses (CESPRA)

Le titre donné pour la seconde fois au séminaire est inspiré d’une formule aphoristique d’Aby Warburg : « chaque époque a la Renaissance de l’Antiquité qu’elle mérite ». Elle s’attache à une question qui a beaucoup occupé les historiens de l’art, celle de la survivance ou de la réapparition des dieux et mystères païens au Quattrocento. Pour en saisir la genèse, il faudra fréquenter un milieu d’une exceptionnelle vitalité, dans lequel gravitaient autour de Warburg des savants qu’il serait vain de vouloir enfermer dans des catégories disciplinaires : Ernst Cassirer, Erwin Panofsky, Fritz Saxl, Gertrud Bing et d’autres encore. Les lire permettra de montrer que cette question pourrait être féconde d’un point de vue philosophique. Plusieurs années du séminaire avaient été consacrées à une enquête autour des prolégomènes antiques de l’affaire. La parution d’un livre intitulé La raison ou les dieux et qui synthétise ce travail permettra d’exposer les attendus d’une certaine façon d’écrire l’histoire de la philosophie. 

En conservant le sous-titre, on prend acte du fait que la première saison de cette enquête a été suspendue dans les conditions que chacun sait. Les dates et le lieu indiqués pour une chronologie qu’il faudra bien sûr étendre et un espace qui s’élargira sont ceux de deux entreprises de Marsile Ficin (1433-1499) : la traduction en latin de ce qui était alors disponible du corpus hermétique ; celle d’un livre de Jamblique qui avait été l’une des pièces d’une controverse autour de la théurgie initiée par Porphyre. La première de ces entreprises induirait un projet qui serait celui de tout un milieu : mettre au jour, décrire et défendre une Prisca theologia nourrie de ce que des auteurs de la fin de l’Antiquité nommaient « sagesses barbares ». Si l’on ajoute que Ficin traduirait l’intégralité de Platon et Plotin, il appert que c’est un pan entier de la philosophie et la vision des dieux qu’elle mobilisait qui renaissaient dans ses mains. 

La seconde entreprise de Marsile Ficin ouvre une perspective différente. On a montré que pour Porphyre, la théurgie n’était rien d’autre qu’une combinaison inédite de magie et d’astrologie. Ni ces pratiques ni les théories visant à les justifier par la nature n’avaient disparu durant les dix siècles qui séparent Porphyre de Ficin. Afin de savoir comment, il faudrait prendre en compte un Moyen Âge qui devrait être à la fois long dans le temps et large dans l’espace, incluant les mondes juif et arabe. Toujours est-il que Ficin prendrait sur ces questions des positions qui le brouilleraient avec une partie de son milieu, à commencer par Pic de la Mirandole. Que l’on puisse ou non s’engager dès cette année dans cette partie de l’enquête, on commencera de se demander en s’inspirant à nouveau de Warburg s’il est vrai qu’il faut toujours reconquérir Athènes en partant d’Alexandrie.  

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Études politiques – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – annuel hebdomadaire = 12 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Philosophie sociale et politique – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel hebdomadaire = 12 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Sciences des religions et société-Sciences sociales des religions – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – annuel hebdomadaire = 12 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques

en raison des incertitudes quant aux conditions matérielles d'enseignement, la participation au séminaire est soumise à l'accord du directeur d'études. Prendre contact par courriel.

Direction de travaux des étudiants

mercredi, jeudi, vendredi après-midi, EHESS, bureau B 03-14, 54 bd Raspail 75006 Paris.

Réception des candidats

sur rendez-vous par courriel.

Pré-requis

projet écrit / entretien.

  • 54 bd Raspail
    54 bd Raspail 75006 Paris
    Salle A03_35
    annuel / hebdomadaire, mardi 17:00-19:00
    du 24 novembre 2020 au 22 juin 2021

Par la force des choses, cette année a été celle d’un second départ pour une nouvelle enquête. Il s’agit donc de saisir à Florence dans la seconde moitié du Quattrocento la cristallisation d’un mouvement de retour aux textes et aux problèmes de l’Antiquité philosophique. L’idée d’une Antiquité de la Renaissance est empruntée à l’une des figures tutélaires de l’histoire de l’art, et l’on a commencé par séjourner un moment dans son univers. La Kulturwissenschaftliche Bibliothek Warburg a été le lieu d’une rencontre décisive entre Aby Warburg lui-même, qui construisait avec ses proches (Fritz Saxl, Gertrud Bing) les dossiers iconologiques d’un Nachleben der Antike, et Ernst Cassirer écrivant un livre inaugural (Individu et cosmos dans la philosophie de la Renaissance, 1927). Issu de ce milieu, Erwin Panofsky en synthétiserait le projet au travers de l’idée selon laquelle « les humanités s’efforcent de transformer le Chaos de multiples souvenirs humains en Cosmos de culture ». Celle-ci a permis de préciser le projet et le programme d’une façon personnelle d’écrire l’histoire de la philosophie.

Afin de donner corps à une Renaissance dont les contours et même l’identité demeurent controversés parmi les historiens, nous avons cherché des témoins d’une « conscience d’époque » qui se caractériserait, pour le dire en quelques mots, par un désir de nouveauté et la conviction que celle-ci dépend d’une redécouverte de l’Antiquité. La position de Pétrarque est difficile à saisir. Admirable écrivain de soi et du monde dans son immense correspondance, il lui arrive d’esquisser de vastes périodisations historiques. Mais celles-ci ne se superposent pas. Ses méditations sur les ruines de Rome manifestent un profond désir de la voir se relever. Il laisse toutefois à d’autres après lui le soin d’en écrire les Antiquités. Sa contribution à l’exhumation et partant la transmission des textes anciens est considérable, et nul n’a contribué avec plus de détermination à la redécouverte de Cicéron, Virgile, Tite Live et d’autres encore. Il n’avait cependant pas les moyens de lire dans leur langue Homère et Platon. Sur un autre plan, ses combats politiques au miroir de Rome étaient sans doute déjà d’un autre âge, faute d’un choix clair entre le modèle de l’Urbs républicaine et celui de la Caput mundi impériale. Enfin, la détestation de son époque l’empêchait peut-être d’en concevoir une nouvelle qui serait plus aimable. On ne voit donc pas sous sa plume émerger tout à fait le sentiment recherché, sauf à l’état de souhait contrarié pour une conscience malheureuse, quelque chose comme une Renaissance optative.

Un bon siècle plus tard, tout est lumineux aux yeux de Marsile Ficin, acteur central de la restauration d’une culture antique qui demeurait hémiplégique avant ses traductions de Platon et Plotin, mais aussi d’Hermès Trismégiste. Lui est convaincu que son temps est celui d’un nouvel « âge d’or » rendant au jour l’intégralité des richesses de l’Antiquité, qui plus est à Florence dont Machiavel dirait qu’elle a pour vocation de « ressusciter les choses mortes ». A cela s’ajoute que gravitait autour de lui sous la protection des Médicis tout un milieu qui se ramifiait en Europe et grâce auquel l’humanisme devenait une réalité en acte. Encore un peu de temps et Giorgio Vasari dessinerait le système complet des catégories d’une histoire, en donnant un nom à cette époque de la vie de l’esprit et de l’art : Rinascimento.

Pour autant que l’invention de la Renaissance par le premier historien de l’art ne devait rien au hasard, on s’est attaché un moment à l’histoire des discours au sujet de celui-ci. Grâce en particulier à Pline l’Ancien, les artistes et les philosophes de la Renaissance possédaient des informations sur les pratiques artistiques des Grecs comme des Romains, et même des ekphrasis de quelques œuvres. Mais le legs de l’Antiquité contenait aussi la redoutable critique de la Mimesis chez Platon, dont la conceptualité et la postérité pouvaient être analysées à l’aide d’un article classique de Cassirer et du premier livre de Panofsky. Il est donc apparu que l’idéal d’imitation de la nature mis en œuvre à la Renaissance procédait d’une sorte de liberté nouvelle conquise par réappropriation du passé antique, point confirmé à la lecture d’ouvrages essentiels de Leon Batista Alberti et de ce qu’il reste d’un possible traité de Léonard de Vinci. Mais on a découvert Marsile Ficin allant plus loin : jusqu’à l’idée selon laquelle, plus encore que de la nature, l’artiste est l’émule de Dieu. A sa manière, il offrait ce qui est peut-être la première véritable théorie de l’art, adossée sur une cosmologie et une anthropologie philosophiques elles-mêmes édifiées sur des fondements hérités des philosophes de l’Antiquité tardive.

Revenant enfin aux choses-mêmes de l’art, on a repris le premier dossier d’Aby Warburg. Après avoir reconstitué la tradition grecque qui d’Hésiode à Plotin distinguait deux Aphrodite, puis traversé les commentaires de Ficin et Pic de la Mirandole sur ce qu’en disait Platon, on s’est attaché à compléter la description et l’analyse de sources possibles des Vénus de Botticelli. Placée sous le signe de quelques leçons de grands historiens de l’art, cette première saison a permis de confirmer leur fécondité pour un projet d’histoire de la philosophie. Parmi bien d’autres choses, il faudra toutefois se demander si l’on souhaite les suivre jusqu’au bout, pour admettre notamment l’idée d’une nécessité d’oublier Alexandrie afin de retrouver Athènes.

 

Publications
  • La Raison ou les dieux, Paris, Gallimard, coll. NRF essais, 2020.
  • « Hannah et Heinrich, une monarchie à deux têtes », dans Hannah Arendt. Penser sans entraves, Hors-Série Le Point, 2021, p. 68-70.