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UE580 - Le développement durable et la recherche scientifique : opportunisme ou refondation ?
Lieu et planning
-
54 bd Raspail
54 bd Raspail 75006 Paris
Salle A04_47
annuel / bimensuel (1re/3e/5e), mercredi 17:00-19:00
du 18 novembre 2020 au 19 mai 2021
Description
Dernière modification : 10 juillet 2020 09:58
- Type d'UE
- Séminaires DE/MC
- Disciplines
- Géographie
- Page web
- -
- Langues
- français
- Mots-clés
- Agriculture Alimentation Développement Développement durable Environnement Globalisation Histoire des sciences et des techniques Politiques publiques Relations internationales Rurales (études)
- Aires culturelles
- Contemporain (anthropologie du, monde)
Intervenant·e·s
- Bernard Hubert [référent·e] directeur d'études, EHESS - directeur de recherche (émérite), INRAE / DE/MC à la retraite (DER-MCR)
Depuis une trentaine d'années, le développement durable s’inscrit dans les débats publics et politiques. En son nom, s’organisent des réunions et des conférences internationales, se justifient des choix et des décisions de politiques publiques, se mettent en place des systèmes d’indicateurs ! De nombreux substantifs se qualifient ainsi de « durable » : la ville, l’agriculture, la production … S’agit-il simplement d’une mode ou à l’inverse d’une étape dans une réflexion critique sur le concept de développement, dépassant la remise en cause de la seule croissance, voire son simple rejet, en introduisant une exigence d’intégration de points de vue et d’enjeux différents ainsi que d’équité sociale ?
Qu’en est-il pour la recherche ? Cette notion introduit-elle de nouveaux enjeux, de nouvelles questions qui conduiraient à renouveler certains thèmes, certains objets, voire même certaines pratiques de recherche ? Quels moyens la recherche se donne-t-elle pour intégrer un enchevêtrement de temporalités ? Quelles initiatives les différentes disciplines, en particulier sciences sociales, sciences techniques et sciences de la nature, prennent-elles pour améliorer leurs formes d’intégration et s’approprier scientifiquement les enjeux posés par cette notion ?
Le développement durable vise à surmonter ce que les oppositions, divisions et séparations peuvent représenter comme menaces de désintégration pour la société humaine ; l’idée d’intégration en est une idée maîtresse. Il a en outre à voir avec l’articulation du local et du planétaire, sans écraser l’un sur l’autre (le développement durable n’est pas fractal), et avec l’inscription du temps court de l’action ordinaire dans le temps long intergénérationnel, qui est aussi le temps de déploiement de processus biophysiques majeurs (biodiversité, climat, évolution de la fertilité des sols, accumulation de polluants dans les nappes profondes).
Le noyau dur du développement durable comme question et comme défi tient aux relations entre les processus économiques et les transformations de l’environnement planétaire et des ressources qu’il abrite. Ces relations sont médiatisées d’un côté par la technologie, qui fait le passage entre le monde social et le monde physique, et de l’autre côté par la préoccupation pour l’équité sociale, dont la donne est en partie modifiée par l’émergence de la question environnementale et des nouvelles raretés qu’elle exprime ou qu’elle demande d’instituer. Cette dernière dimension inscrit le développement durable dans le registre des catégories normatives et pas seulement des catégories descriptives ou analytiques.
Dans ce cadre normatif, le terme “ durable ” ajoute une exigence propre : que le développement au service des besoins humains et de la société des hommes ne se paie pas d’une dégradation continue de l’environnement bio-physique et de l’épuisement des ressources naturelles. C’est pour affirmer cette nouvelle dimension environnementale que l’expression développement durable a été forgée.
Considérés dans la pureté de leur logique intellectuelle, les deux concepts de développement sont strictement opposés : si le développement se réalise par une nécessité interne inscrite au cœur de la réalité même, il ne saurait faire place à une volonté et à un projet. Symétriquement, l’affirmation du développement comme procédant d’une volonté politique et d’un projet économique impose que le développement ne soit pas compris comme l’aboutissement d’une nécessité surgissant de l’état des choses. Néanmoins, si le développement n’était que projet, pure expression du souhaitable dans un monde plastique dégagé de toute nécessité, il n’y aurait guère de sens à parler encore de développement. Le développement durable ne trouve son espace d’existence intellectuelle que dans l’entre-deux ainsi borné, là où la logique de la détermination s’entremêle avec celle de la volonté et du projet. La chance que s’établisse un développement durable dépend in fine de la capacité des acteurs du développement à discerner les nécessités qui émanent de la réalité économique, sociale et écologique à laquelle ils sont confrontés et à y accrocher leurs projets dans un processus adaptatif qui sait tirer les leçons de l’expérience. Ni volontarisme ni déterminisme, tel est l’espace intellectuel du développement durable.
La prise en charge intégrée, par la société, des trois dimensions (durabilité écologique, viabilité économique et équité sociale) généralement reconnues au développement durable ne peut pas se passer d’une volonté politique des acteurs individuels et collectifs. Le moment politique est donc essentiel à une intégration qui ne résulte pas spontanément de l’organisation économique existante. Mais elle ne peut pas dépendre seulement de cette volonté. Si la réalisation des objectifs du développement durable devait ne répondre à aucune nécessité émanant de la société mais seulement lui être imposée par l’application d’une volonté extérieure, elle serait condamnée d’avance.
Une telle situation a des conséquences méthodologiques pour les chercheurs concernés. Il appartient à ces derniers d’attacher à combiner deux ordres d’explication différents (par la détermination, par le projet et le choix intentionnel) et cette combinaison n’est envisageable que parce que chacun des ordres recèle en lui-même des trous, des liens qui ne sont pas noués, une incomplétude que les modèles et analyses doivent trouver le moyen de prendre en compte de façon explicite, sans chercher à parvenir à une explication totale dans un seul ordre.
Les douze modules du séminaire porteront sur les points suivants (dates susceptibles d'être revues en cours d'année) :
- 18 novembre 2020 : Développement durable : histoire du concept et contenu
- 2 décembre 2020 : Conséquences pour la recherche scientifique : articulation des sciences sociales, techniques et de la nature
- 16 décembre : Les conventions des NU sur l'environnement : climat, biodiversité, désertification
- 6 janvier 2021 : Discussion à partir de textes
- 20 janvier 2021 : L’environnement comme nouvel objet de gouvernement (1)
- 3 février 2021 : L’environnement comme nouvel objet de gouvernement (2)
- 17 février 2021 : Ré-interroger l’insertion territoriale
- 3 mars 2021 : Agriculture et Développement durable, De la sécurité à la sécurisation alimentaire
- 17 mars 2021 : La pensée agronomique et l'agro-écologie: une mise en tension des régimes de la recherche scientifique?
- 31 mars 2021 : Indicateurs pour quoi et comment ?
- 7 avril 2021 : Innovation et risques technologiques
- 5 mai 2021 : Action collective et partenariat : la notion de dispositif
- 19 mai 2021 : Évaluation.
Master
-
Séminaires de recherche
– Étude comparative du développement
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – présentation collective du projet de chaque étudiant en fin d'année, sous forme d'un mini-séminaire, analyse de textes en cours d'année -
Séminaires de recherche
– Territoires, espaces, sociétés
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – présentation collective du projet de chaque étudiant en fin d'année, sous forme d'un mini-séminaire, analyse de textes en cours d'année
Renseignements
- Contacts additionnels
- -
- Informations pratiques
Bernard Hubert, CRAI (Commision pour la Recherche Agronomique Internationale), 42, rue Scheffer, 75116 Paris, tél. : 04 67 04 75 50, ou par courriel.
- Direction de travaux des étudiants
sur rendez-vous en présentiel ou à distance selon l'urgence et les besoins ...
- Réception des candidats
contact par courriel.
- Pré-requis
niveau M1, nécessité d'un projet de recherche écrit.
Compte rendu
Le séminaire porte sur la pertinence de la notion de développement durable du point de vue de la recherche scientifique. Cette notion introduit-elle de nouveaux enjeux, de nouvelles questions qui conduiraient à renouveler certains thèmes, certains objets, voire même certaines pratiques de recherche ? Quels moyens la recherche se donne-t-elle pour intégrer un enchevêtrement de temporalités ? Quelles initiatives les différentes disciplines, en particulier sciences sociales, sciences techniques et sciences de la nature, prennent-elles pour améliorer leurs formes d’intégration et s’approprier scientifiquement les enjeux posés par cette notion ?
Le développement durable vise à surmonter ce que les oppositions, divisions et séparations peuvent représenter comme menaces de désintégration pour la société humaine ; l’idée d’intégration en est une idée maîtresse. Il a en outre à voir avec l’articulation du local et du planétaire, sans écraser l’un sur l’autre, et avec l’inscription du temps court de l’action ordinaire dans le temps long intergénérationnel, qui est aussi le temps de déploiement de processus biophysiques majeurs (biodiversité, climat, évolution de la fertilité des sols, accumulation de polluants dans les nappes profondes).
Le noyau dur du développement durable comme question et comme défi tient aux relations entre les processus économiques et les transformations de l’environnement planétaire et des ressources qu’il abrite. Ces relations sont médiatisées d’un côté par la technologie, qui fait le passage entre le monde social et le monde physique, et de l’autre côté par la préoccupation pour l’équité sociale, dont la donne est en partie modifiée par l’émergence de la question environnementale et des nouvelles raretés qu’elle exprime ou qu’elle demande d’instituer. Cette dernière dimension inscrit le développement durable dans le registre des catégories normatives et pas seulement des catégories descriptives ou analytiques.
La prise en charge intégrée, par la société, des trois dimensions (durabilité écologique, viabilité économique et équité sociale) généralement reconnues au développement durable ne peut pas se passer d’une volonté politique des acteurs individuels et collectifs. Ainsi, le développement durable trouve son espace d’existence intellectuelle dans l’entre-deux, là où la logique de la détermination s’entremêle avec celle de l’intention, entre une vision du développement qui se réalise par une nécessité inscrite au cœur de la réalité même et celle qui procède de l’affirmation d’une volonté politique et d’un projet économique. La chance que s’établisse un développement durable dépend in fine de la capacité des acteurs du développement à discerner les nécessités qui émanent de la réalité économique, sociale et écologique à laquelle ils sont confrontés et à y accrocher leurs projets dans un processus adaptatif qui sait tirer les leçons de l’expérience. Ni volontarisme ni déterminisme, tel est l’espace intellectuel du développement durable.
Une telle situation a des conséquences méthodologiques pour les chercheurs concernés. Il appartient à ces derniers de s’attacher à combiner deux ordres d’explication différents (par la détermination, par le projet et le choix intentionnel) et cette combinaison n’est envisageable que parce que chacun des ordres recèle en lui-même des trous, des liens qui ne sont pas noués, une incomplétude que les modèles et analyses doivent trouver le moyen de prendre en compte de façon explicite, sans chercher à parvenir à une explication totale dans un seul ordre.
Comme les années précédentes, le séminaire s’est organisé en trois parties. La première introduit les questions générales liées à la notion de développement durable (histoire du concept et contenu ; conséquences pour la recherche scientifique : articulation des sciences sociales, techniques et de la nature ; la technologie en question : Innovation et risques ; les trois conventions des Nations Unies dites « de Rio » sur l’environnement, UNFCC, UNCDB et UNCCD). Une deuxième partie donne des illustrations concrètes dans le domaine de l’agriculture (de la sécurité à la sécurisation alimentaire) et de l’environnement (biodiversité, politiques agri-environnementales, gestion des ressources naturelles renouvelables). La dernière porte sur les modes de production et le contenu des connaissances scientifiques (indicateurs, pour quoi et comment ? ; renouvellement du dialogue recherche/société – action collective et partenariat : la notion de dispositif).
À la différence des années précédentes, le séminaire s’est déroulé entièrement à distance. Je n’ai jamais rencontré mes étudiants autrement qu’à travers BigBlueButton ! Ce qui m’a conduit à revoir l’organisation de mes séminaires en deux parties, une première d’une heure environ au cours de laquelle deux étudiants présentaient leurs notes de lecture du texte rappelé ci-dessous ou d’autres textes de circonstance, suivie d’une heure où je reprenais la parole pour développer le contenu de la séance conformément au déroulé rappelé ci-dessus, mais considérablement revu.
Nous avons donc pu maintenir une lecture commentée par les étudiants de deux textes sur la question du développement durable en regard de la recherche issus de l’ouvrage Le développement durable, de l’utopie au concept. De nouveaux chantiers pour la recherche (éd. Elsevier, 2001) : le chapitre de M. Jollivet « Le développement durable, notion de recherche et catégorie pour l’action. Canevas pour une problématique hybride » et celui de R. Barbault « La vie, un succès durable ».
Une dernière séance a été consacrée à une présentation par les étudiants de leur propre projet de mémoire à la lumière du développement durable et de ce qui s’en est dit au cours du séminaire de cette année. Ces deux temps (lecture et présentation du projet) ont contribué à l’évaluation du séminaire.
Publications
- Avec J.-P. Billaud, « Y aura-t-il un monde d’après pour la recherche ? », Natures Sciences Sociétés, 2020, 28 (1), p. 1-2.
- « Agriculture et alimentation. Les modèles de production questionnés : l’impératif du changement agroécologique », Raison présente, 2020, 213, p. 85-96.
- « The need for a conceptual paradigm shift », dans Transformation of our Food Systems, sous la dir. de H. R. Herren et B. Haerlin et IAASTD+10 Advisory Group, Berlin/Zurich, Zukunftsstiftung Landwirtschaft/Biovision, 2020, p. 131-133.
- « Le triangle de l’agroécologie : Politique, sociotechnique, systèmes vivants », dans Villes et territoires résilients. Colloque de Cerisy, 2017, sous la dir. de S. Chardonnet Darmaillac, E. Lesueur, D. Loudah, C. Maisonneuve et C. Voisin-Bormuth, Paris, Hermann Éd., 2020, p. 235-251.
- Avec D. Couvet, La Transition agroécologique. Quelles perspectives en France et ailleurs dans le monde ?, Tomes I et II, Paris, Académie d’agriculture de France et Presses des Mines Éd., 2021, 444 p.
- Avec K. Atta-Krah, J.-L. Chotte, C. Gascuel, V. Gitz, E. Hainzelin, M. Quintero et F. Sinclair, Agroecological transformation for sustainable food systems. Insights on France-CGIAR research, Les Dossiers d’Agropolis, n° 26, Montpellier, Agropolis International Éd., 2021, 146 p., DOI : 10.23708/fdi : 010082500
Dernière modification : 10 juillet 2020 09:58
- Type d'UE
- Séminaires DE/MC
- Disciplines
- Géographie
- Page web
- -
- Langues
- français
- Mots-clés
- Agriculture Alimentation Développement Développement durable Environnement Globalisation Histoire des sciences et des techniques Politiques publiques Relations internationales Rurales (études)
- Aires culturelles
- Contemporain (anthropologie du, monde)
Intervenant·e·s
- Bernard Hubert [référent·e] directeur d'études, EHESS - directeur de recherche (émérite), INRAE / DE/MC à la retraite (DER-MCR)
Depuis une trentaine d'années, le développement durable s’inscrit dans les débats publics et politiques. En son nom, s’organisent des réunions et des conférences internationales, se justifient des choix et des décisions de politiques publiques, se mettent en place des systèmes d’indicateurs ! De nombreux substantifs se qualifient ainsi de « durable » : la ville, l’agriculture, la production … S’agit-il simplement d’une mode ou à l’inverse d’une étape dans une réflexion critique sur le concept de développement, dépassant la remise en cause de la seule croissance, voire son simple rejet, en introduisant une exigence d’intégration de points de vue et d’enjeux différents ainsi que d’équité sociale ?
Qu’en est-il pour la recherche ? Cette notion introduit-elle de nouveaux enjeux, de nouvelles questions qui conduiraient à renouveler certains thèmes, certains objets, voire même certaines pratiques de recherche ? Quels moyens la recherche se donne-t-elle pour intégrer un enchevêtrement de temporalités ? Quelles initiatives les différentes disciplines, en particulier sciences sociales, sciences techniques et sciences de la nature, prennent-elles pour améliorer leurs formes d’intégration et s’approprier scientifiquement les enjeux posés par cette notion ?
Le développement durable vise à surmonter ce que les oppositions, divisions et séparations peuvent représenter comme menaces de désintégration pour la société humaine ; l’idée d’intégration en est une idée maîtresse. Il a en outre à voir avec l’articulation du local et du planétaire, sans écraser l’un sur l’autre (le développement durable n’est pas fractal), et avec l’inscription du temps court de l’action ordinaire dans le temps long intergénérationnel, qui est aussi le temps de déploiement de processus biophysiques majeurs (biodiversité, climat, évolution de la fertilité des sols, accumulation de polluants dans les nappes profondes).
Le noyau dur du développement durable comme question et comme défi tient aux relations entre les processus économiques et les transformations de l’environnement planétaire et des ressources qu’il abrite. Ces relations sont médiatisées d’un côté par la technologie, qui fait le passage entre le monde social et le monde physique, et de l’autre côté par la préoccupation pour l’équité sociale, dont la donne est en partie modifiée par l’émergence de la question environnementale et des nouvelles raretés qu’elle exprime ou qu’elle demande d’instituer. Cette dernière dimension inscrit le développement durable dans le registre des catégories normatives et pas seulement des catégories descriptives ou analytiques.
Dans ce cadre normatif, le terme “ durable ” ajoute une exigence propre : que le développement au service des besoins humains et de la société des hommes ne se paie pas d’une dégradation continue de l’environnement bio-physique et de l’épuisement des ressources naturelles. C’est pour affirmer cette nouvelle dimension environnementale que l’expression développement durable a été forgée.
Considérés dans la pureté de leur logique intellectuelle, les deux concepts de développement sont strictement opposés : si le développement se réalise par une nécessité interne inscrite au cœur de la réalité même, il ne saurait faire place à une volonté et à un projet. Symétriquement, l’affirmation du développement comme procédant d’une volonté politique et d’un projet économique impose que le développement ne soit pas compris comme l’aboutissement d’une nécessité surgissant de l’état des choses. Néanmoins, si le développement n’était que projet, pure expression du souhaitable dans un monde plastique dégagé de toute nécessité, il n’y aurait guère de sens à parler encore de développement. Le développement durable ne trouve son espace d’existence intellectuelle que dans l’entre-deux ainsi borné, là où la logique de la détermination s’entremêle avec celle de la volonté et du projet. La chance que s’établisse un développement durable dépend in fine de la capacité des acteurs du développement à discerner les nécessités qui émanent de la réalité économique, sociale et écologique à laquelle ils sont confrontés et à y accrocher leurs projets dans un processus adaptatif qui sait tirer les leçons de l’expérience. Ni volontarisme ni déterminisme, tel est l’espace intellectuel du développement durable.
La prise en charge intégrée, par la société, des trois dimensions (durabilité écologique, viabilité économique et équité sociale) généralement reconnues au développement durable ne peut pas se passer d’une volonté politique des acteurs individuels et collectifs. Le moment politique est donc essentiel à une intégration qui ne résulte pas spontanément de l’organisation économique existante. Mais elle ne peut pas dépendre seulement de cette volonté. Si la réalisation des objectifs du développement durable devait ne répondre à aucune nécessité émanant de la société mais seulement lui être imposée par l’application d’une volonté extérieure, elle serait condamnée d’avance.
Une telle situation a des conséquences méthodologiques pour les chercheurs concernés. Il appartient à ces derniers d’attacher à combiner deux ordres d’explication différents (par la détermination, par le projet et le choix intentionnel) et cette combinaison n’est envisageable que parce que chacun des ordres recèle en lui-même des trous, des liens qui ne sont pas noués, une incomplétude que les modèles et analyses doivent trouver le moyen de prendre en compte de façon explicite, sans chercher à parvenir à une explication totale dans un seul ordre.
Les douze modules du séminaire porteront sur les points suivants (dates susceptibles d'être revues en cours d'année) :
- 18 novembre 2020 : Développement durable : histoire du concept et contenu
- 2 décembre 2020 : Conséquences pour la recherche scientifique : articulation des sciences sociales, techniques et de la nature
- 16 décembre : Les conventions des NU sur l'environnement : climat, biodiversité, désertification
- 6 janvier 2021 : Discussion à partir de textes
- 20 janvier 2021 : L’environnement comme nouvel objet de gouvernement (1)
- 3 février 2021 : L’environnement comme nouvel objet de gouvernement (2)
- 17 février 2021 : Ré-interroger l’insertion territoriale
- 3 mars 2021 : Agriculture et Développement durable, De la sécurité à la sécurisation alimentaire
- 17 mars 2021 : La pensée agronomique et l'agro-écologie: une mise en tension des régimes de la recherche scientifique?
- 31 mars 2021 : Indicateurs pour quoi et comment ?
- 7 avril 2021 : Innovation et risques technologiques
- 5 mai 2021 : Action collective et partenariat : la notion de dispositif
- 19 mai 2021 : Évaluation.
-
Séminaires de recherche
– Étude comparative du développement
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – présentation collective du projet de chaque étudiant en fin d'année, sous forme d'un mini-séminaire, analyse de textes en cours d'année -
Séminaires de recherche
– Territoires, espaces, sociétés
– M1/S1-S2-M2/S3-S4
Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
MCC – présentation collective du projet de chaque étudiant en fin d'année, sous forme d'un mini-séminaire, analyse de textes en cours d'année
- Contacts additionnels
- -
- Informations pratiques
Bernard Hubert, CRAI (Commision pour la Recherche Agronomique Internationale), 42, rue Scheffer, 75116 Paris, tél. : 04 67 04 75 50, ou par courriel.
- Direction de travaux des étudiants
sur rendez-vous en présentiel ou à distance selon l'urgence et les besoins ...
- Réception des candidats
contact par courriel.
- Pré-requis
niveau M1, nécessité d'un projet de recherche écrit.
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54 bd Raspail
54 bd Raspail 75006 Paris
Salle A04_47
annuel / bimensuel (1re/3e/5e), mercredi 17:00-19:00
du 18 novembre 2020 au 19 mai 2021
Le séminaire porte sur la pertinence de la notion de développement durable du point de vue de la recherche scientifique. Cette notion introduit-elle de nouveaux enjeux, de nouvelles questions qui conduiraient à renouveler certains thèmes, certains objets, voire même certaines pratiques de recherche ? Quels moyens la recherche se donne-t-elle pour intégrer un enchevêtrement de temporalités ? Quelles initiatives les différentes disciplines, en particulier sciences sociales, sciences techniques et sciences de la nature, prennent-elles pour améliorer leurs formes d’intégration et s’approprier scientifiquement les enjeux posés par cette notion ?
Le développement durable vise à surmonter ce que les oppositions, divisions et séparations peuvent représenter comme menaces de désintégration pour la société humaine ; l’idée d’intégration en est une idée maîtresse. Il a en outre à voir avec l’articulation du local et du planétaire, sans écraser l’un sur l’autre, et avec l’inscription du temps court de l’action ordinaire dans le temps long intergénérationnel, qui est aussi le temps de déploiement de processus biophysiques majeurs (biodiversité, climat, évolution de la fertilité des sols, accumulation de polluants dans les nappes profondes).
Le noyau dur du développement durable comme question et comme défi tient aux relations entre les processus économiques et les transformations de l’environnement planétaire et des ressources qu’il abrite. Ces relations sont médiatisées d’un côté par la technologie, qui fait le passage entre le monde social et le monde physique, et de l’autre côté par la préoccupation pour l’équité sociale, dont la donne est en partie modifiée par l’émergence de la question environnementale et des nouvelles raretés qu’elle exprime ou qu’elle demande d’instituer. Cette dernière dimension inscrit le développement durable dans le registre des catégories normatives et pas seulement des catégories descriptives ou analytiques.
La prise en charge intégrée, par la société, des trois dimensions (durabilité écologique, viabilité économique et équité sociale) généralement reconnues au développement durable ne peut pas se passer d’une volonté politique des acteurs individuels et collectifs. Ainsi, le développement durable trouve son espace d’existence intellectuelle dans l’entre-deux, là où la logique de la détermination s’entremêle avec celle de l’intention, entre une vision du développement qui se réalise par une nécessité inscrite au cœur de la réalité même et celle qui procède de l’affirmation d’une volonté politique et d’un projet économique. La chance que s’établisse un développement durable dépend in fine de la capacité des acteurs du développement à discerner les nécessités qui émanent de la réalité économique, sociale et écologique à laquelle ils sont confrontés et à y accrocher leurs projets dans un processus adaptatif qui sait tirer les leçons de l’expérience. Ni volontarisme ni déterminisme, tel est l’espace intellectuel du développement durable.
Une telle situation a des conséquences méthodologiques pour les chercheurs concernés. Il appartient à ces derniers de s’attacher à combiner deux ordres d’explication différents (par la détermination, par le projet et le choix intentionnel) et cette combinaison n’est envisageable que parce que chacun des ordres recèle en lui-même des trous, des liens qui ne sont pas noués, une incomplétude que les modèles et analyses doivent trouver le moyen de prendre en compte de façon explicite, sans chercher à parvenir à une explication totale dans un seul ordre.
Comme les années précédentes, le séminaire s’est organisé en trois parties. La première introduit les questions générales liées à la notion de développement durable (histoire du concept et contenu ; conséquences pour la recherche scientifique : articulation des sciences sociales, techniques et de la nature ; la technologie en question : Innovation et risques ; les trois conventions des Nations Unies dites « de Rio » sur l’environnement, UNFCC, UNCDB et UNCCD). Une deuxième partie donne des illustrations concrètes dans le domaine de l’agriculture (de la sécurité à la sécurisation alimentaire) et de l’environnement (biodiversité, politiques agri-environnementales, gestion des ressources naturelles renouvelables). La dernière porte sur les modes de production et le contenu des connaissances scientifiques (indicateurs, pour quoi et comment ? ; renouvellement du dialogue recherche/société – action collective et partenariat : la notion de dispositif).
À la différence des années précédentes, le séminaire s’est déroulé entièrement à distance. Je n’ai jamais rencontré mes étudiants autrement qu’à travers BigBlueButton ! Ce qui m’a conduit à revoir l’organisation de mes séminaires en deux parties, une première d’une heure environ au cours de laquelle deux étudiants présentaient leurs notes de lecture du texte rappelé ci-dessous ou d’autres textes de circonstance, suivie d’une heure où je reprenais la parole pour développer le contenu de la séance conformément au déroulé rappelé ci-dessus, mais considérablement revu.
Nous avons donc pu maintenir une lecture commentée par les étudiants de deux textes sur la question du développement durable en regard de la recherche issus de l’ouvrage Le développement durable, de l’utopie au concept. De nouveaux chantiers pour la recherche (éd. Elsevier, 2001) : le chapitre de M. Jollivet « Le développement durable, notion de recherche et catégorie pour l’action. Canevas pour une problématique hybride » et celui de R. Barbault « La vie, un succès durable ».
Une dernière séance a été consacrée à une présentation par les étudiants de leur propre projet de mémoire à la lumière du développement durable et de ce qui s’en est dit au cours du séminaire de cette année. Ces deux temps (lecture et présentation du projet) ont contribué à l’évaluation du séminaire.
Publications
- Avec J.-P. Billaud, « Y aura-t-il un monde d’après pour la recherche ? », Natures Sciences Sociétés, 2020, 28 (1), p. 1-2.
- « Agriculture et alimentation. Les modèles de production questionnés : l’impératif du changement agroécologique », Raison présente, 2020, 213, p. 85-96.
- « The need for a conceptual paradigm shift », dans Transformation of our Food Systems, sous la dir. de H. R. Herren et B. Haerlin et IAASTD+10 Advisory Group, Berlin/Zurich, Zukunftsstiftung Landwirtschaft/Biovision, 2020, p. 131-133.
- « Le triangle de l’agroécologie : Politique, sociotechnique, systèmes vivants », dans Villes et territoires résilients. Colloque de Cerisy, 2017, sous la dir. de S. Chardonnet Darmaillac, E. Lesueur, D. Loudah, C. Maisonneuve et C. Voisin-Bormuth, Paris, Hermann Éd., 2020, p. 235-251.
- Avec D. Couvet, La Transition agroécologique. Quelles perspectives en France et ailleurs dans le monde ?, Tomes I et II, Paris, Académie d’agriculture de France et Presses des Mines Éd., 2021, 444 p.
- Avec K. Atta-Krah, J.-L. Chotte, C. Gascuel, V. Gitz, E. Hainzelin, M. Quintero et F. Sinclair, Agroecological transformation for sustainable food systems. Insights on France-CGIAR research, Les Dossiers d’Agropolis, n° 26, Montpellier, Agropolis International Éd., 2021, 146 p., DOI : 10.23708/fdi : 010082500