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UE572 - La découverte de l'Europe : Tahiti et la culture des Lumières


Lieu et planning


  • 54 bd Raspail
    54 bd Raspail 75006 Paris
    Salle AS1_08
    1er semestre / hebdomadaire, vendredi 11:00-13:00
    du 6 novembre 2020 au 5 février 2021


Description


Dernière modification : 31 octobre 2020 08:37

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Histoire
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
-
Aires culturelles
Europe Océanie
Intervenant·e·s
  • Antoine Lilti [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Groupe d'études sur les historiographies modernes (CRH-GEHM)

L’exploration du Pacifique a été une des grandes affaires du XVIIIe siècle. Les voyages de Bougainville et de Cook ont été un moment intense de contacts et d’échanges entre les Européens et les peuples polynésiens, non dénués de conflits et d’incompréhensions. Cette histoire est souvent racontée sous l’angle de la « découverte du Pacifique » et notamment de Tahiti, cette « nouvelle-Cythère » perçue comme un paradis terrestre.

Or deux Tahitiens, Ahutoru et Maï, se sont embarqués avec les Européens et ont séjourné à Paris et Londres, en 1769-1770 et 1774-1776, sans pour autant laisser de témoignage. Peut-on reconstituer leur expérience ? Cette découverte de l’Europe et des Européens par les Tahitiens modifie-t-elle la façon dont nous concevons la « fable de Tahiti » (Diderot) et les mécanismes de l’imaginaire utopique ? On s’efforcera, dans ce séminaire, de varier les points de vue pour rendre compte de ce moment de contact interculturel et de son impact sur la culture des Lumières.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis
-

Compte rendu


Le séminaire a présenté les résultats d’une enquête en cours sur les deux Tahitiens venus en Europe au XVIIIe siècle : Ahutoru, amené à Paris par Bougainville en 1769, et qui y a séjourné un an, et Maï, qui a passé deux ans à Londres, de 1774 à 1776, avant de retourner à Huahine lors du troisième séjour de Cook.  L’enjeu de cette enquête est d’approcher, autant que possible, l’expérience qui a pu être celle de ces insulaires, qui ne furent ni des captifs ni des ambassadeurs, qui se sont embarqués de leur initiative, mais dans des conditions qu’ils ne maîtrisaient pas. En l’absence de tout témoignage de leur part, comment peut-on comprendre leurs motivations, leurs réactions, leurs espoirs ou leurs déceptions ? La tache est ardue, elle implique de relire les sources européennes (notamment les journaux de voyage des navigateurs, mais aussi les témoignages des Européens lors du séjour de Ahutoru et Maï), mais elle permet de renverser le regard habituel sur l’exploration européenne du Pacifique en redonnant aux Polynésiens leur capacité d’initiative. Ainsi, plusieurs lieux communs historiographiques sont renversés, qu’il s’agisse de la dimension pacifique du séjour de Bougainville à Tahiti ou de la propension des Polynésiens à considérer les Européens comme des divinités.
Dans un second temps, le séminaire a porté sur la nature de la curiosité suscitée par les voyages de Ahutoru et Maï dans les cercles savants et mondains, à Paris et à Londres. Pour cela, il fallait reconstituer l’horizon d’attente, constitué par les savoirs géographiques et ethnographiques du XVIIIe siècle, mais aussi par la rivalité impériale entre la France et la Grande-Bretagne. Nous avons en particulier consacré une séance aux écrits du Président De Brosses sur l’exploration du continent austral. Puis nous avons étudié précisément les conditions du séjour d’Ahutoru et de Maï, en privilégiant certaines sources, comme les Observations de la Condamine sur le premier et les Journal de Fanny Burney qui témoigne des efforts du second pour s’intégrer au mode de vie de la bonne société britannique.

 Enfin, nous avons cherché à mettre en relation la rapide indifférence suscitée par Ahutoru et Maï, une fois passée l’intérêt des premières semaines, et le développement d’une fiction tahitienne, dont le modèle est donné par Diderot mais que l’on retrouve chez de nombreux auteurs et dans plusieurs spectacles à la fin du siècle (notamment la pantomime Omai, joué avec succès à Londres). Mieux qu’Ahutoru et Maï, les Tahitiens de papier, imaginés et rêvés par les Européens, permettaient de mettre en scène – et en récit – les ambivalences du modèle savant et impérial de la « civilisation ».

L’histoire des voyageurs polynésiens au XVIIIe siècle doit encore être élargie en prenant en compte les quatre Tahitiens emmenés à Lima par Boenechea en 1773, dont deux sont baptisés et retournent à Tahiti. Cette histoire étonnante, qui complexifie le récit traditionnellement franco-britannique des explorations du Pacifique au XVIIIe siècle, n’a pu être que brièvement abordée lors du séminaire et sera poursuivie par la suite.

Publications
  • « In the Shadow of the Public : Enlightenment and the Pitfalls of Modernity », International Journal for History, Culture and Modernity, Brill, vol. 8, n° 3/4, 2020, p. 256-277.
  • « Les droits de l’homme et la fiction sentimentale », Sensibilités, Histoire critique et sciences sociales, « La chair du politique », 7/2020, p. 134-143.
  • « Comment peut-on être Tahitien ? Ahutoru à Paris (1769) », dans Paris et ses peuples, sous la dir. de Pacal Bastien, Paris, Publications de la Sorbonne, 2020, p. 171-185.
  • Avec Jean-Luc Chappey et Arnaud Orain, « Usages de l’absent: La figure de Lapérouse et la Révolution française », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 76(1), p. 47-82.
  • Préface à Anais Pedron et Clare Siviter, Celebrity accross the Channel (1750-1850), Delaware University Press, 2021.
  • Préface à Jan Synowieki, Paris en ses jardins. Nature et culture urbaine dans Paris au XVIIIe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2021.

Dernière modification : 31 octobre 2020 08:37

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Histoire
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
-
Aires culturelles
Europe Océanie
Intervenant·e·s
  • Antoine Lilti [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Groupe d'études sur les historiographies modernes (CRH-GEHM)

L’exploration du Pacifique a été une des grandes affaires du XVIIIe siècle. Les voyages de Bougainville et de Cook ont été un moment intense de contacts et d’échanges entre les Européens et les peuples polynésiens, non dénués de conflits et d’incompréhensions. Cette histoire est souvent racontée sous l’angle de la « découverte du Pacifique » et notamment de Tahiti, cette « nouvelle-Cythère » perçue comme un paradis terrestre.

Or deux Tahitiens, Ahutoru et Maï, se sont embarqués avec les Européens et ont séjourné à Paris et Londres, en 1769-1770 et 1774-1776, sans pour autant laisser de témoignage. Peut-on reconstituer leur expérience ? Cette découverte de l’Europe et des Européens par les Tahitiens modifie-t-elle la façon dont nous concevons la « fable de Tahiti » (Diderot) et les mécanismes de l’imaginaire utopique ? On s’efforcera, dans ce séminaire, de varier les points de vue pour rendre compte de ce moment de contact interculturel et de son impact sur la culture des Lumières.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats

sur rendez-vous.

Pré-requis
-
  • 54 bd Raspail
    54 bd Raspail 75006 Paris
    Salle AS1_08
    1er semestre / hebdomadaire, vendredi 11:00-13:00
    du 6 novembre 2020 au 5 février 2021

Le séminaire a présenté les résultats d’une enquête en cours sur les deux Tahitiens venus en Europe au XVIIIe siècle : Ahutoru, amené à Paris par Bougainville en 1769, et qui y a séjourné un an, et Maï, qui a passé deux ans à Londres, de 1774 à 1776, avant de retourner à Huahine lors du troisième séjour de Cook.  L’enjeu de cette enquête est d’approcher, autant que possible, l’expérience qui a pu être celle de ces insulaires, qui ne furent ni des captifs ni des ambassadeurs, qui se sont embarqués de leur initiative, mais dans des conditions qu’ils ne maîtrisaient pas. En l’absence de tout témoignage de leur part, comment peut-on comprendre leurs motivations, leurs réactions, leurs espoirs ou leurs déceptions ? La tache est ardue, elle implique de relire les sources européennes (notamment les journaux de voyage des navigateurs, mais aussi les témoignages des Européens lors du séjour de Ahutoru et Maï), mais elle permet de renverser le regard habituel sur l’exploration européenne du Pacifique en redonnant aux Polynésiens leur capacité d’initiative. Ainsi, plusieurs lieux communs historiographiques sont renversés, qu’il s’agisse de la dimension pacifique du séjour de Bougainville à Tahiti ou de la propension des Polynésiens à considérer les Européens comme des divinités.
Dans un second temps, le séminaire a porté sur la nature de la curiosité suscitée par les voyages de Ahutoru et Maï dans les cercles savants et mondains, à Paris et à Londres. Pour cela, il fallait reconstituer l’horizon d’attente, constitué par les savoirs géographiques et ethnographiques du XVIIIe siècle, mais aussi par la rivalité impériale entre la France et la Grande-Bretagne. Nous avons en particulier consacré une séance aux écrits du Président De Brosses sur l’exploration du continent austral. Puis nous avons étudié précisément les conditions du séjour d’Ahutoru et de Maï, en privilégiant certaines sources, comme les Observations de la Condamine sur le premier et les Journal de Fanny Burney qui témoigne des efforts du second pour s’intégrer au mode de vie de la bonne société britannique.

 Enfin, nous avons cherché à mettre en relation la rapide indifférence suscitée par Ahutoru et Maï, une fois passée l’intérêt des premières semaines, et le développement d’une fiction tahitienne, dont le modèle est donné par Diderot mais que l’on retrouve chez de nombreux auteurs et dans plusieurs spectacles à la fin du siècle (notamment la pantomime Omai, joué avec succès à Londres). Mieux qu’Ahutoru et Maï, les Tahitiens de papier, imaginés et rêvés par les Européens, permettaient de mettre en scène – et en récit – les ambivalences du modèle savant et impérial de la « civilisation ».

L’histoire des voyageurs polynésiens au XVIIIe siècle doit encore être élargie en prenant en compte les quatre Tahitiens emmenés à Lima par Boenechea en 1773, dont deux sont baptisés et retournent à Tahiti. Cette histoire étonnante, qui complexifie le récit traditionnellement franco-britannique des explorations du Pacifique au XVIIIe siècle, n’a pu être que brièvement abordée lors du séminaire et sera poursuivie par la suite.

Publications
  • « In the Shadow of the Public : Enlightenment and the Pitfalls of Modernity », International Journal for History, Culture and Modernity, Brill, vol. 8, n° 3/4, 2020, p. 256-277.
  • « Les droits de l’homme et la fiction sentimentale », Sensibilités, Histoire critique et sciences sociales, « La chair du politique », 7/2020, p. 134-143.
  • « Comment peut-on être Tahitien ? Ahutoru à Paris (1769) », dans Paris et ses peuples, sous la dir. de Pacal Bastien, Paris, Publications de la Sorbonne, 2020, p. 171-185.
  • Avec Jean-Luc Chappey et Arnaud Orain, « Usages de l’absent: La figure de Lapérouse et la Révolution française », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 76(1), p. 47-82.
  • Préface à Anais Pedron et Clare Siviter, Celebrity accross the Channel (1750-1850), Delaware University Press, 2021.
  • Préface à Jan Synowieki, Paris en ses jardins. Nature et culture urbaine dans Paris au XVIIIe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2021.