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UE55 - Technique et politique : de Weber et Habermas à la pensée grecque ancienne


Lieu et planning


  • INHA
    2 rue Vivienne 75002 Paris
    Salle Pierre-Jean Mariette
    annuel / bimensuel (1re/3e), lundi 18:00-20:00
    du 4 janvier 2021 au 21 juin 2021


Description


Dernière modification : 14 septembre 2020 09:33

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie historique, Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Action Anthropologie historique Antiquité (sciences de l’) Artisanat Démocratie Droit, normes et société Geste technique Histoire intellectuelle Philosophie politique Philosophie sociale Techniques Travail
Aires culturelles
Europe
Intervenant·e·s
  • Leopoldo Iribarren [référent·e]   maître de conférences, EHESS / Anthropologie et histoire des mondes antiques (AnHiMA)

Différencier l’action politique de l’agir technique est l’une des préoccupations permanentes de la pensée grecque ancienne, tant sur le plan théorique que social. Le gouvernement d’une communauté humaine ne relève pas de la même rationalité que celle qui préside à la transformation de la nature, de la même manière que les normes sociales et les règles techniques ne dérivent pas des mêmes principes. Mythographes, tragédiens et philosophes ont eu beau séparer ces deux sphères d’activité, dans le détail des arguments elles se trouvent souvent en interaction conflictuelle.

Sans garantie qu’une leçon soit effectivement à tirer en retour pour la philosophie contemporaine, nous interrogerons cette dichotomie entre action politique et agir technique en Grèce ancienne à partir des théories de la rationalisation contemporaines, élaborées entre autres par Max Weber et Jürgen Habermas. 

Comment les penseurs grecs ont-ils délimité les sphères du politique et du technique, puis théorisé les rapports possibles entre ces sphères ? Comment ont-ils négocié leurs ajustements mutuels ? En partant de la Théogonied’Hésiode, en passant par les Sophistes, les tragédiens et Platon, nous essayerons de reconstruire l’histoire de cette dichotomie qui aboutit à la formulation de deux catégories majeures de la pensée aristotélicienne que sont la praxis et la poiêsis

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Philosophie sociale et politique – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Savoirs en sociétés-Histoire des sciences, des techniques et des savoirs – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

contacter l'enseignant par courriel.

Direction de travaux des étudiants

sur entretien et présentation d'un projet de recherche.

Réception des candidats

sur rendez-vous par courriel.

Pré-requis

ouvert à tous les étudiants et chercheurs.


Compte rendu


Les premières séances ont été consacrées à deux théoriciens modernes de la rationalité : Max Weber et Jürgen Habermas. Tout en situant ces auteurs dans les débats contemporains sur les origines de la technocratie, nous avons construit à partir de leurs théories de la société une typologie-idéale des rationalités politiques et instrumentales transposables au monde grec archaïque. Le principe méthodologique qui a guidé le séminaire est celui de l’anachronisme contrôlé (cf. Nicole Loraux, Louis Marin) : voir de quelle manière les textes passés (Hésiode, Eschyle, les sophistes) développent par l’interrogation de la théorie contemporaine, l’un de leurs profils possibles ; mais aussi l’inverse, voir comment la théorie contemporaine découvre, par le déplacement même des textes anciens qu’elle provoque en s’y appliquant, des virtualités insoupçonnées de sa propre puissance théorique.

La lecture philologique de la Théogonie d’Hésiode a contribué à dégager à partir des mythes dits « de souveraineté » deux types d’action – politique et technique – caractérisées respectivement par des divinités féminines et masculines. Cela nous a permis d’évaluer à nouveaux frais les lectures structuralistes et féministes d’Hésiode. Les analyses des deux versions hésiodiques du mythe de Prométhée, celle de la Théogonie et celle des Travaux et les jours, ont confirmé les termes de cette opposition, avec pourtant des fonctions différentes. Nous avons pu constater que dans la Théogonie, le mythe de Prométhée sert à expliquer l’introduction d’une discontinuité ontologique entre les dieux et les humains, tandis que dans les Travaux et les jours, ce même mythe explique la condition négative des mortels avec la nécessité de travailler et de pratiquer la justice.

L’opposition entre technique et politique se cristallise dans les versions du mythe de Prométhée que l’on voit apparaître au Ve siècle av. J.-C., aussi bien dans la tragédie (Eschyle) que chez les sophistes (notamment Protagoras). Cette opposition nous a permis de reconstruire les termes d’un débat théorique en Grèce ancienne sur les différents types de « contrats sociaux » qui fondent une communauté humaine. En effet, Eschyle et Protagoras soulèvent la question de savoir si la primauté anthropologique revient au technique ou au politique. Chez Eschyle, la liste des dons prométhéens qui instaurent la condition humaine est exclusivement constituée de pratiques obéissant à des règles techniques qui cherchent l’accroissement des forces productives et l’extension du pouvoir à disposer de la nature. Contrastant avec ce déterminisme de la raison instrumentale, la version du mythe proposée par Protagoras fonde la condition humaine uniquement sur les pratiques qui instaurent les normes et les valeurs dans une organisation sociale. Chaque version du mythe pointe clairement vers un modèle de société précis, fondé soit sur le technique soit sur le politique, cristallisant les positions d’un débat contemporain sur le type même de pratique qui instaure la société, dont on trouve ensuite les traces dans des réflexions anthropologiques (Démocrite) et historiographiques (Thucydide). Le séminaire continuera l’année prochaine en se focalisant sur les traces de ce débat dans les philosophies de Platon et d’Aristote.

Publications
  • « La technologie : paradigmes grecs d’une science sociale française », Artefact, 15, 2021.
  • Compte rendu de Pierre Judet de La Combe, Tout Homère, dans Geschichte der Philologien, 57/58, 2020, p. 129.
  • Compte rendu de B.B. Olshin, Lost knowledge : the concept of vanished technologies and other human histories, dans Annales HSS2020/2, 2020, p. 343-344.

Dernière modification : 14 septembre 2020 09:33

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie historique, Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Action Anthropologie historique Antiquité (sciences de l’) Artisanat Démocratie Droit, normes et société Geste technique Histoire intellectuelle Philosophie politique Philosophie sociale Techniques Travail
Aires culturelles
Europe
Intervenant·e·s
  • Leopoldo Iribarren [référent·e]   maître de conférences, EHESS / Anthropologie et histoire des mondes antiques (AnHiMA)

Différencier l’action politique de l’agir technique est l’une des préoccupations permanentes de la pensée grecque ancienne, tant sur le plan théorique que social. Le gouvernement d’une communauté humaine ne relève pas de la même rationalité que celle qui préside à la transformation de la nature, de la même manière que les normes sociales et les règles techniques ne dérivent pas des mêmes principes. Mythographes, tragédiens et philosophes ont eu beau séparer ces deux sphères d’activité, dans le détail des arguments elles se trouvent souvent en interaction conflictuelle.

Sans garantie qu’une leçon soit effectivement à tirer en retour pour la philosophie contemporaine, nous interrogerons cette dichotomie entre action politique et agir technique en Grèce ancienne à partir des théories de la rationalisation contemporaines, élaborées entre autres par Max Weber et Jürgen Habermas. 

Comment les penseurs grecs ont-ils délimité les sphères du politique et du technique, puis théorisé les rapports possibles entre ces sphères ? Comment ont-ils négocié leurs ajustements mutuels ? En partant de la Théogonied’Hésiode, en passant par les Sophistes, les tragédiens et Platon, nous essayerons de reconstruire l’histoire de cette dichotomie qui aboutit à la formulation de deux catégories majeures de la pensée aristotélicienne que sont la praxis et la poiêsis

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire du monde/histoire des mondes – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Histoire-Histoire et sciences sociales – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Philosophie sociale et politique – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
  • Séminaires de recherche – Savoirs en sociétés-Histoire des sciences, des techniques et des savoirs – M1/S1-S2-M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
Contacts additionnels
-
Informations pratiques

contacter l'enseignant par courriel.

Direction de travaux des étudiants

sur entretien et présentation d'un projet de recherche.

Réception des candidats

sur rendez-vous par courriel.

Pré-requis

ouvert à tous les étudiants et chercheurs.

  • INHA
    2 rue Vivienne 75002 Paris
    Salle Pierre-Jean Mariette
    annuel / bimensuel (1re/3e), lundi 18:00-20:00
    du 4 janvier 2021 au 21 juin 2021

Les premières séances ont été consacrées à deux théoriciens modernes de la rationalité : Max Weber et Jürgen Habermas. Tout en situant ces auteurs dans les débats contemporains sur les origines de la technocratie, nous avons construit à partir de leurs théories de la société une typologie-idéale des rationalités politiques et instrumentales transposables au monde grec archaïque. Le principe méthodologique qui a guidé le séminaire est celui de l’anachronisme contrôlé (cf. Nicole Loraux, Louis Marin) : voir de quelle manière les textes passés (Hésiode, Eschyle, les sophistes) développent par l’interrogation de la théorie contemporaine, l’un de leurs profils possibles ; mais aussi l’inverse, voir comment la théorie contemporaine découvre, par le déplacement même des textes anciens qu’elle provoque en s’y appliquant, des virtualités insoupçonnées de sa propre puissance théorique.

La lecture philologique de la Théogonie d’Hésiode a contribué à dégager à partir des mythes dits « de souveraineté » deux types d’action – politique et technique – caractérisées respectivement par des divinités féminines et masculines. Cela nous a permis d’évaluer à nouveaux frais les lectures structuralistes et féministes d’Hésiode. Les analyses des deux versions hésiodiques du mythe de Prométhée, celle de la Théogonie et celle des Travaux et les jours, ont confirmé les termes de cette opposition, avec pourtant des fonctions différentes. Nous avons pu constater que dans la Théogonie, le mythe de Prométhée sert à expliquer l’introduction d’une discontinuité ontologique entre les dieux et les humains, tandis que dans les Travaux et les jours, ce même mythe explique la condition négative des mortels avec la nécessité de travailler et de pratiquer la justice.

L’opposition entre technique et politique se cristallise dans les versions du mythe de Prométhée que l’on voit apparaître au Ve siècle av. J.-C., aussi bien dans la tragédie (Eschyle) que chez les sophistes (notamment Protagoras). Cette opposition nous a permis de reconstruire les termes d’un débat théorique en Grèce ancienne sur les différents types de « contrats sociaux » qui fondent une communauté humaine. En effet, Eschyle et Protagoras soulèvent la question de savoir si la primauté anthropologique revient au technique ou au politique. Chez Eschyle, la liste des dons prométhéens qui instaurent la condition humaine est exclusivement constituée de pratiques obéissant à des règles techniques qui cherchent l’accroissement des forces productives et l’extension du pouvoir à disposer de la nature. Contrastant avec ce déterminisme de la raison instrumentale, la version du mythe proposée par Protagoras fonde la condition humaine uniquement sur les pratiques qui instaurent les normes et les valeurs dans une organisation sociale. Chaque version du mythe pointe clairement vers un modèle de société précis, fondé soit sur le technique soit sur le politique, cristallisant les positions d’un débat contemporain sur le type même de pratique qui instaure la société, dont on trouve ensuite les traces dans des réflexions anthropologiques (Démocrite) et historiographiques (Thucydide). Le séminaire continuera l’année prochaine en se focalisant sur les traces de ce débat dans les philosophies de Platon et d’Aristote.

Publications
  • « La technologie : paradigmes grecs d’une science sociale française », Artefact, 15, 2021.
  • Compte rendu de Pierre Judet de La Combe, Tout Homère, dans Geschichte der Philologien, 57/58, 2020, p. 129.
  • Compte rendu de B.B. Olshin, Lost knowledge : the concept of vanished technologies and other human histories, dans Annales HSS2020/2, 2020, p. 343-344.