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UE48 - Les Usages du monde (3/3). Changer de vie


Lieu et planning


  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 2
    2nd semestre / hebdomadaire, mercredi 09:00-13:00
    du 6 janvier 2021 au 7 avril 2021


Description


Dernière modification : 24 mai 2020 15:51

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
-
Aires culturelles
Contemporain (anthropologie du, monde) Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Olivier Remaud [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Centre des savoirs sur le politique : recherches et analyses (CESPRA)

Dans ce troisième volet du séminaire, nous étudierons les expériences de changement de vie. Radicales ou modérées, sédentaires ou voyageuses, individuelles ou collectives, les modalités du désir de « vivre autrement » sont variées. Nous en préciserons les contextes, les motivations, les objectifs, ainsi que la grammaire affective. Une attention particulière sera portée aux milieux de vie qui se dégradent. Deux questions orienteront le fil de notre réflexion. D’abord : quels horizons de nouveaux possibles ce genre d’expérience est-il censé ouvrir ? Ensuite : le « réensauvagement » (pensons aux multiples sens de la notion de wildness chez Henry D. Thoreau) n’est-il pas un ressort profond du changement de vie ? Cette approche nous permettra de comprendre la bifurcation comme un usage du monde à part entière.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Études politiques – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 12 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral
  • Séminaires de recherche – Philosophie sociale et politique – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 12 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Compte rendu


Que cherche-t-on exactement lorsqu’on désire une vie nouvelle ? Plusieurs interrogations ont rapidement suivi cette question initiale : que veut dire rompre avec son existence antérieure ? Est-ce pour disparaître de soi afin de renouer avec un autre soi ? Est-ce pour vivre plus simplement ? Veut-on ressembler à quelqu’un ? S’agit-il d’une révolution des façons d’être et de penser, ou le soi actuel est-il rendu plus créatif ? Au fond, jusqu’où se sent-on capable de changer de vie ?

Nous avons étudié des trajectoires d’individus : de la volonté de tout abandonner pour devenir bergère (Florence Robert) aux désirs de construire des habitations collectives dans des quartiers écologiques, en passant par des logiques d’engagement alternatives telles que celles des ZAD ou les mouvements de « désobéissance civile » pour le climat (Marine Jaffrézic et Bernard Lemoult). Nous avons appuyé cette démarche par des lectures suivies de textes dans lesquels le « pas de côté », la « bifurcation », la « conversion », la « rupture », la « fêlure », la « reprise » étaient à la fois vécues et problématisées (Henry David Thoreau, Søren Kierkegaard, Francis Scott Fitzgerald, Claire Marin, Peter Sloterdijk).

En changeant de vie, on cherche à devenir autrui pour soi-même ; la vie nouvelle est tantôt visée comme une aventure intense et sans compromis, tantôt comme une période méritée d’« otium » ; on veut tester plusieurs existences, échapper à la solitude, fuir l’étroitesse de son quotidien et réaliser toutes les vies possibles, passer à un autre rôle ou ne plus jouer aucun rôle ; dire enfin « je » après s’être senti empêché, aliéné, devenir « autonome » (Vincent Descombes). Certaines motivations rappellent la quête antique de la maîtrise de soi, cet effort pour rester soi tout en devenant supérieur à soi (Thomas Macho sur l’auto-dédoublement comme technique d’observation intérieure), avec pour but de s’améliorer et de vivre une « vraie vie ».

Nous avons enfin développé le thème du « ré-ensauvagement » de l’humain. Non seulement comme une « utopie sauvage » parfois ordonnée au modèle du « chasseur-cueilleur » (Sébastien Dalgalarrondo et Tristan Fournier) mais aussi, et surtout, comme un projet de décentrement radical qui vise à réorganiser les relations avec tous les êtres vivants en faisant rimer ensemble vie nouvelle et vie sauvage. Se déprendre de soi pour devenir plus attentif aux milieux naturels et aux peuples qui les habitent (Val Plumwood), rencontrer une altérité « plus qu’humaine » (David Abram et Anna Lowenhaupt Tsing), s’« écologiser » et découvrir les multiples liens qui nous unissent aux non-humains, par-delà toute « solastalgie » (Glenn Albrecht), autant de manières d’être également « responsable » (Donna Haraway), c’est-à-dire capable de répondre à ce qui arrive, à l’extinction de la biodiversité, aux dômes de chaleur, à la fonte accélérée des glaces, à l’acidification des océans.

Nous avons ainsi tenté de préciser, au regard de leurs mises en pratique, les idéalités qui nourrissent tout projet de changement de vie. Se réformer soi-même, contester l’ordre actuel du monde, élargir son rapport à l’altérité pour mieux la préserver, ces trois tendances se fondent très souvent dans un seul et même mouvement. D’où la conclusion suivante : d’abord un problème de morale humaine personnelle, le désir de changer sa vie engage de plus en plus aujourd’hui une vision cosmopolitique qui inclut tous les vivants, humains et non-humains.

Publications
  • Penser comme un iceberg, Arles, Actes Sud, coll. Mondes sauvages, postface d’Anne-Marie Garat, octobre 2020.
  • « On n’achève pas un glacier qui sauve un peuple », dans Socialter, juin-juillet 2021, n° 46.
  • « Trouble contre trouble », dans AOC (Analyse, Opinion, Critique), 2021 : https ://aoc.media/opinion/2021/03/10/trouble-contre-trouble-le-glacier-et-letre-humain/ [texte reproduit dans le catalogue de l’exposition au Centquatre-Paris Énergies du désespoir. Un monde à réparer, juin 2021].

Dernière modification : 24 mai 2020 15:51

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Philosophie et épistémologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
-
Aires culturelles
Contemporain (anthropologie du, monde) Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Olivier Remaud [référent·e]   directeur d'études, EHESS / Centre des savoirs sur le politique : recherches et analyses (CESPRA)

Dans ce troisième volet du séminaire, nous étudierons les expériences de changement de vie. Radicales ou modérées, sédentaires ou voyageuses, individuelles ou collectives, les modalités du désir de « vivre autrement » sont variées. Nous en préciserons les contextes, les motivations, les objectifs, ainsi que la grammaire affective. Une attention particulière sera portée aux milieux de vie qui se dégradent. Deux questions orienteront le fil de notre réflexion. D’abord : quels horizons de nouveaux possibles ce genre d’expérience est-il censé ouvrir ? Ensuite : le « réensauvagement » (pensons aux multiples sens de la notion de wildness chez Henry D. Thoreau) n’est-il pas un ressort profond du changement de vie ? Cette approche nous permettra de comprendre la bifurcation comme un usage du monde à part entière.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Études politiques – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 12 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral
  • Séminaires de recherche – Philosophie sociale et politique – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 12 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-
  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 2
    2nd semestre / hebdomadaire, mercredi 09:00-13:00
    du 6 janvier 2021 au 7 avril 2021

Que cherche-t-on exactement lorsqu’on désire une vie nouvelle ? Plusieurs interrogations ont rapidement suivi cette question initiale : que veut dire rompre avec son existence antérieure ? Est-ce pour disparaître de soi afin de renouer avec un autre soi ? Est-ce pour vivre plus simplement ? Veut-on ressembler à quelqu’un ? S’agit-il d’une révolution des façons d’être et de penser, ou le soi actuel est-il rendu plus créatif ? Au fond, jusqu’où se sent-on capable de changer de vie ?

Nous avons étudié des trajectoires d’individus : de la volonté de tout abandonner pour devenir bergère (Florence Robert) aux désirs de construire des habitations collectives dans des quartiers écologiques, en passant par des logiques d’engagement alternatives telles que celles des ZAD ou les mouvements de « désobéissance civile » pour le climat (Marine Jaffrézic et Bernard Lemoult). Nous avons appuyé cette démarche par des lectures suivies de textes dans lesquels le « pas de côté », la « bifurcation », la « conversion », la « rupture », la « fêlure », la « reprise » étaient à la fois vécues et problématisées (Henry David Thoreau, Søren Kierkegaard, Francis Scott Fitzgerald, Claire Marin, Peter Sloterdijk).

En changeant de vie, on cherche à devenir autrui pour soi-même ; la vie nouvelle est tantôt visée comme une aventure intense et sans compromis, tantôt comme une période méritée d’« otium » ; on veut tester plusieurs existences, échapper à la solitude, fuir l’étroitesse de son quotidien et réaliser toutes les vies possibles, passer à un autre rôle ou ne plus jouer aucun rôle ; dire enfin « je » après s’être senti empêché, aliéné, devenir « autonome » (Vincent Descombes). Certaines motivations rappellent la quête antique de la maîtrise de soi, cet effort pour rester soi tout en devenant supérieur à soi (Thomas Macho sur l’auto-dédoublement comme technique d’observation intérieure), avec pour but de s’améliorer et de vivre une « vraie vie ».

Nous avons enfin développé le thème du « ré-ensauvagement » de l’humain. Non seulement comme une « utopie sauvage » parfois ordonnée au modèle du « chasseur-cueilleur » (Sébastien Dalgalarrondo et Tristan Fournier) mais aussi, et surtout, comme un projet de décentrement radical qui vise à réorganiser les relations avec tous les êtres vivants en faisant rimer ensemble vie nouvelle et vie sauvage. Se déprendre de soi pour devenir plus attentif aux milieux naturels et aux peuples qui les habitent (Val Plumwood), rencontrer une altérité « plus qu’humaine » (David Abram et Anna Lowenhaupt Tsing), s’« écologiser » et découvrir les multiples liens qui nous unissent aux non-humains, par-delà toute « solastalgie » (Glenn Albrecht), autant de manières d’être également « responsable » (Donna Haraway), c’est-à-dire capable de répondre à ce qui arrive, à l’extinction de la biodiversité, aux dômes de chaleur, à la fonte accélérée des glaces, à l’acidification des océans.

Nous avons ainsi tenté de préciser, au regard de leurs mises en pratique, les idéalités qui nourrissent tout projet de changement de vie. Se réformer soi-même, contester l’ordre actuel du monde, élargir son rapport à l’altérité pour mieux la préserver, ces trois tendances se fondent très souvent dans un seul et même mouvement. D’où la conclusion suivante : d’abord un problème de morale humaine personnelle, le désir de changer sa vie engage de plus en plus aujourd’hui une vision cosmopolitique qui inclut tous les vivants, humains et non-humains.

Publications
  • Penser comme un iceberg, Arles, Actes Sud, coll. Mondes sauvages, postface d’Anne-Marie Garat, octobre 2020.
  • « On n’achève pas un glacier qui sauve un peuple », dans Socialter, juin-juillet 2021, n° 46.
  • « Trouble contre trouble », dans AOC (Analyse, Opinion, Critique), 2021 : https ://aoc.media/opinion/2021/03/10/trouble-contre-trouble-le-glacier-et-letre-humain/ [texte reproduit dans le catalogue de l’exposition au Centquatre-Paris Énergies du désespoir. Un monde à réparer, juin 2021].