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UE284 - L’interprétation dans la langue


Lieu et planning


  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 1
    1er semestre / hebdomadaire, vendredi 13:00-15:00
    du 6 novembre 2020 au 5 février 2021


Description


Dernière modification : 24 mai 2020 21:17

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Linguistique, sémantique
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Analyse de discours Argumentation Communication Écriture Langues Linguistique Littérature Poétique Pragmatique Sémantique Textes
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • Marion Carel [référent·e]   directrice d'études, EHESS / Centre de recherches sur les arts et le langage (CRAL)

Comment le locuteur et son interlocuteur construisent-ils ensemble le sens des énoncés ? Ce dernier bien sûr, en prenant à son tour la parole, peut transformer ce qui a été dit. Mais parfois le locuteur, à l’intérieur même de son énoncé, laisse un rôle à qui il s’adresse. Cette place est inscrite dans les mots utilisés par le locuteur, ou dans leur entrelacement ; quelque chose reste à compléter. Ce que nous nous proposons de discuter, c’est l’hypothèse que celui à qui s’adresse l’énoncé doive alors retrouver l’intention du locuteur, ce qu’il voulait dire. Certes le locuteur peut être autoritaire et revenir tout expliquer. Mais tel n’est pas toujours le cas et celui à qui il s’adresse n’est alors guidé que par la nécessité linguistique de faire de la suite de mots un énoncé pourvu d’un sens, et de la suite d’énoncés un discours cohésif. Qu’est-ce qu’un texte ? C’est à cette question, en dernier ressort, que doit répondre celui qui entreprend de le comprendre. Le séminaire se développera à partir de l’étude de textes littéraires ou de discours politiques des XIXe et XXe siècles.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Linguistique et écrit – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture, analyse d'un cas ou d'un objet

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

Sur rendez-vous.

Réception des candidats

Sur rendez-vous.

Pré-requis
-

Compte rendu


La pragmatique des années 70 a imposé l’idée que le sens d’un énoncé ne se limite pas à ce qui est décodable à partir de la signification linguistique des mots. Le supplément serait calculable au moyen d’autres indices, comme les gestes ou les lois régissant le fait même de parler. Car comment le non-décodable se comprend-il ? Comment le locuteur et l’interlocuteur construisent-ils le sens ? Le séminaire s’est intéressé au cas d’un tract exposé dans une vitrine du Musée de la Résistance de Saint Brisson, dans le Morvan :

Ce sont toujours les mêmes qui se font tuer !
1918, Les troupes anglaises lâchant pied, les troupes françaises ont bouché les trous.
1940, L’Angleterre décide de combattre jusqu’au dernier soldat français.
1944, L’Angleterre décide de combattre jusqu’au dernier civil français.

Comment ce tract donne-t-il à entendre que l’Angleterre n’est pas fiable ? L’étude s’est concentrée sur deux phénomènes : l’ironie et l’interprétation des enchaînements argumentatifs.

L’ironie tient ici à une contradiction entre des éléments de sens décodables. Par exemple, l’idée, signifiée par décider, que l’action de l’Angleterre en 1940 était courageuse : décider, c’est faire-quelque-chose-de-pourtant-coûteux-pour-soi-même. Et d’autre part, la description de cette action : ce qu’a fait l’Angleterre, c’est combattre-malgré-le-fait-que-cela-pouvait-tuer-tous-les-soldats-français. En d’autres termes, est communiqué l’enchaînement argumentatif combattre peut tuer tous les soldats français pourtant, en 1940, l’Angleterre le fait et cet enchaînement est vu comme illustrant le schéma [P EST COUTEUX POUR X POURTANT X FAIRE P]. La discordance de cette association amène le lecteur à comprendre que le locuteur du tract fait semblant de soutenir ce qu’il dit : seul l’enchaînement argumentatif est en fait pris en charge.

Or, sans indication du schéma qu’il formule, un enchaînement argumentatif constitue un contenu incomplet (l’enchaînement le président pensait au fait de prendre la parole et donc rougissait peut formuler que le président a peur de parler ou au contraire qu’il s’en réjouit). Le lecteur du tract doit encore déterminer ce qu’illustre le combat de l’Angleterre. Pour cela, la pragmatique défendrait qu’il doive retrouver l’intention de celui qui parle : mais qui serait ici celui qui parle ? Celui qui a imprimé les mots ? Celui qui a trouvé les mots français ? Celui qui a donné l’ordre de trouver les mots ? Le tract n’est pas signé. Nous avons défendu l’hypothèse inverse que le lecteur interprète d’abord l’enchaînement et se fonde ensuite sur cette interprétation pour découvrir qui parle. Le lecteur comprend que le comportement de l’Angleterre illustre [P EST COUTEUX POUR D’AUTRES POURTANT X FAIRE P] ; il y découvre de l’égoïsme, et en conclut que l’Angleterre n’est pas fiable. Son interprétation est guidée par un principe sémantique : le schéma à travers lequel un enchaînement est à interpréter doit être inscrit dans la signification linguistique d’un mot du lexique. C’est ce principe qui le guide jusqu’au mot égoïste. L’ironiste n’a pas eu à se faire connaître ; son interlocuteur est laissé libre de son interprétation, piégé dans les seuls « filets du langage ». La connivence instaurée renforce l’effet persuasif.

Ni soutenu par le décodage, ni laissé à l’inventivité de l’interlocuteur, ce phénomène d’interprétation n’est pas non plus pragmatiquement guidé. Sémantique, l’interprétation est dans la langue et c’est ensemble que locuteur et interlocuteur construisent le sens.

 

Publications
  • « Dire digressif et digression dite », dans Se ré-orienter dans la pensée. Femmes, philosophie et arts, autour de Michèle Le Doeuff, sous la dir. de J.-L. Jeannelle et A. Lasserre, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2020, p. 39-49.
  • Avec L. Behe, C. Denuc et J.-C. Machado, Cours de Sémantique Argumentative, Pedro e João editores, Brésil. Rédaction des quatre chapitres : « Préface : la sémantique argumentative », 2021, p. 11-19 ; « Les quasi-blocs », p. 125-134 ; « La présupposition dans la TBS », p. 163-174 ; « L’énonciation linguistique : fonctions textuelles, modes énonciatifs, et argumentations énonciatives », p. 349-371.
  • « Énonciation, argumentation et sens », entretien avec Lauro Gomes, Conexão Letras, Porto Alegre, vol. 16, n°. 25, 2021, p. 245-259.

Dernière modification : 24 mai 2020 21:17

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Linguistique, sémantique
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Analyse de discours Argumentation Communication Écriture Langues Linguistique Littérature Poétique Pragmatique Sémantique Textes
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • Marion Carel [référent·e]   directrice d'études, EHESS / Centre de recherches sur les arts et le langage (CRAL)

Comment le locuteur et son interlocuteur construisent-ils ensemble le sens des énoncés ? Ce dernier bien sûr, en prenant à son tour la parole, peut transformer ce qui a été dit. Mais parfois le locuteur, à l’intérieur même de son énoncé, laisse un rôle à qui il s’adresse. Cette place est inscrite dans les mots utilisés par le locuteur, ou dans leur entrelacement ; quelque chose reste à compléter. Ce que nous nous proposons de discuter, c’est l’hypothèse que celui à qui s’adresse l’énoncé doive alors retrouver l’intention du locuteur, ce qu’il voulait dire. Certes le locuteur peut être autoritaire et revenir tout expliquer. Mais tel n’est pas toujours le cas et celui à qui il s’adresse n’est alors guidé que par la nécessité linguistique de faire de la suite de mots un énoncé pourvu d’un sens, et de la suite d’énoncés un discours cohésif. Qu’est-ce qu’un texte ? C’est à cette question, en dernier ressort, que doit répondre celui qui entreprend de le comprendre. Le séminaire se développera à partir de l’étude de textes littéraires ou de discours politiques des XIXe et XXe siècles.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Linguistique et écrit – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture, analyse d'un cas ou d'un objet
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

Sur rendez-vous.

Réception des candidats

Sur rendez-vous.

Pré-requis
-
  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 1
    1er semestre / hebdomadaire, vendredi 13:00-15:00
    du 6 novembre 2020 au 5 février 2021

La pragmatique des années 70 a imposé l’idée que le sens d’un énoncé ne se limite pas à ce qui est décodable à partir de la signification linguistique des mots. Le supplément serait calculable au moyen d’autres indices, comme les gestes ou les lois régissant le fait même de parler. Car comment le non-décodable se comprend-il ? Comment le locuteur et l’interlocuteur construisent-ils le sens ? Le séminaire s’est intéressé au cas d’un tract exposé dans une vitrine du Musée de la Résistance de Saint Brisson, dans le Morvan :

Ce sont toujours les mêmes qui se font tuer !
1918, Les troupes anglaises lâchant pied, les troupes françaises ont bouché les trous.
1940, L’Angleterre décide de combattre jusqu’au dernier soldat français.
1944, L’Angleterre décide de combattre jusqu’au dernier civil français.

Comment ce tract donne-t-il à entendre que l’Angleterre n’est pas fiable ? L’étude s’est concentrée sur deux phénomènes : l’ironie et l’interprétation des enchaînements argumentatifs.

L’ironie tient ici à une contradiction entre des éléments de sens décodables. Par exemple, l’idée, signifiée par décider, que l’action de l’Angleterre en 1940 était courageuse : décider, c’est faire-quelque-chose-de-pourtant-coûteux-pour-soi-même. Et d’autre part, la description de cette action : ce qu’a fait l’Angleterre, c’est combattre-malgré-le-fait-que-cela-pouvait-tuer-tous-les-soldats-français. En d’autres termes, est communiqué l’enchaînement argumentatif combattre peut tuer tous les soldats français pourtant, en 1940, l’Angleterre le fait et cet enchaînement est vu comme illustrant le schéma [P EST COUTEUX POUR X POURTANT X FAIRE P]. La discordance de cette association amène le lecteur à comprendre que le locuteur du tract fait semblant de soutenir ce qu’il dit : seul l’enchaînement argumentatif est en fait pris en charge.

Or, sans indication du schéma qu’il formule, un enchaînement argumentatif constitue un contenu incomplet (l’enchaînement le président pensait au fait de prendre la parole et donc rougissait peut formuler que le président a peur de parler ou au contraire qu’il s’en réjouit). Le lecteur du tract doit encore déterminer ce qu’illustre le combat de l’Angleterre. Pour cela, la pragmatique défendrait qu’il doive retrouver l’intention de celui qui parle : mais qui serait ici celui qui parle ? Celui qui a imprimé les mots ? Celui qui a trouvé les mots français ? Celui qui a donné l’ordre de trouver les mots ? Le tract n’est pas signé. Nous avons défendu l’hypothèse inverse que le lecteur interprète d’abord l’enchaînement et se fonde ensuite sur cette interprétation pour découvrir qui parle. Le lecteur comprend que le comportement de l’Angleterre illustre [P EST COUTEUX POUR D’AUTRES POURTANT X FAIRE P] ; il y découvre de l’égoïsme, et en conclut que l’Angleterre n’est pas fiable. Son interprétation est guidée par un principe sémantique : le schéma à travers lequel un enchaînement est à interpréter doit être inscrit dans la signification linguistique d’un mot du lexique. C’est ce principe qui le guide jusqu’au mot égoïste. L’ironiste n’a pas eu à se faire connaître ; son interlocuteur est laissé libre de son interprétation, piégé dans les seuls « filets du langage ». La connivence instaurée renforce l’effet persuasif.

Ni soutenu par le décodage, ni laissé à l’inventivité de l’interlocuteur, ce phénomène d’interprétation n’est pas non plus pragmatiquement guidé. Sémantique, l’interprétation est dans la langue et c’est ensemble que locuteur et interlocuteur construisent le sens.

 

Publications
  • « Dire digressif et digression dite », dans Se ré-orienter dans la pensée. Femmes, philosophie et arts, autour de Michèle Le Doeuff, sous la dir. de J.-L. Jeannelle et A. Lasserre, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2020, p. 39-49.
  • Avec L. Behe, C. Denuc et J.-C. Machado, Cours de Sémantique Argumentative, Pedro e João editores, Brésil. Rédaction des quatre chapitres : « Préface : la sémantique argumentative », 2021, p. 11-19 ; « Les quasi-blocs », p. 125-134 ; « La présupposition dans la TBS », p. 163-174 ; « L’énonciation linguistique : fonctions textuelles, modes énonciatifs, et argumentations énonciatives », p. 349-371.
  • « Énonciation, argumentation et sens », entretien avec Lauro Gomes, Conexão Letras, Porto Alegre, vol. 16, n°. 25, 2021, p. 245-259.