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UE272 - Le sens du hasard. Analyser discours et récits à l’aide de méthodes numériques


Lieu et planning


  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 6
    1er semestre / hebdomadaire, jeudi 13:00-15:00
    du 5 novembre 2020 au 4 février 2021


Description


Dernière modification : 9 juin 2020 16:58

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Linguistique, sémantique
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Analyse de discours Communication Fiction Humanités numériques Informatique et sciences sociales Linguistique Littérature Méthodes quantitatives Pragmatique Sémantique Sémiotique Textes
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • Marion Carel [référent·e]   directrice d'études, EHESS / Centre de recherches sur les arts et le langage (CRAL)
  • Dario Compagno   maître de conférences, Université Paris Nanterre

La diffusion contemporaine de méthodes numériques dans les sciences humaines nous force à remettre en question le seuil entre qualitatif et quantitatif. Est-ce que les signes peuvent être tout simplement réduits aux données ? A contrario, y a-t-il quelque chose d’irréductible, un supplément « dense », que l’on ne peut saisir qu’avec l’intuition individuelle directement sur le terrain ? Ce séminaire vise à introduire et évaluer critiquement les travaux qui utilisent des méthodes quantitatives pour étudier la spécificité sémiotique de l’humain. Nous porterons une attention particulière au concept de hasard. En effet, le hasard est pour les statisticiens l’absence de sens, le « bruit » que les méthodes quantitatives permettent de limiter, nous montrant la réalité des phénomènes étudiés. Pour les sciences humaines, par contre, le hasard ne peut pas être tout simplement mis de côté : dans les récits les actions des personnages et la chance tissent une finalité globale qui ne peut pas être prise en compte avec la seule catégorie de la causalité. Le hasard est peut-être donc la clé de voûte pour mieux comprendre le seuil entre qualitatif et quantitatif et éventuellement fonder leur intégration.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Linguistique et écrit – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

Sur rendez-vous.

Réception des candidats

Sur rendez-vous.

Pré-requis

Aucune connaissance préalable des méthodes quantitatives n'est nécessaire. Elles seront exposées en séminaire.


Compte rendu


Le séminaire a porté sur l’impact des méthodes computationnelles sur l’analyse du sens. Nous avons fait référence à des travaux fondateurs et innovateurs (Franco Moretti, Andrew Piper, Jean-Guy Meunier) pour mieux comprendre le potentiel et les limites d’une démarche analytique aidée par des algorithmes.

En particulier, cette année nous avons mis au centre de la réflexion le concept de hasard, que nous considérons comme la clé principale pour saisir la frontière entre interprétation quantitative (statistique) et interprétation qualitative (sémantique, sémiotique). En effet, si, pour la statistique, seul ce qui n’arrive pas par hasard a du sens, on ne peut pas dire la même chose pour l’interprétation ordinaire des événements quotidiens, et encore moins pour celle des événements racontés dans un récit. Ces derniers prennent un sens structurel par leur position dans le récit tout entier, indépendamment du fait qu’ils soient ou non décrits comme arrivant par hasard. Il n’y a pas de hasard dans le récit (Sartre) et l’interprétation littéraire aboutit quand l’enchaînement des événements racontés prend un sens plus grand que leur simple appréhension passive (« cela s’est passé »). Est-il alors possible d’utiliser les méthodes statistiques pour assister l’interprétation littéraire, vu l’existence de ce seuil ? Si tout est significatif dans un récit (Barthes), il semble que la statistique ne puisse pas aider à suivre des pistes de sens meilleurs que d’autres.

Cependant, il y a bien des aspects du langage qui peuvent faire l’objet d’analyse quantitative. Dans l’écriture, activité humaine, de nombreux traits n’apparaissent pas au hasard, mais suivent au contraire des régularités empiriques. La forme même du récit est très régulière, et depuis bien des années elle est étudiée par la narratologie formaliste (Propp, Genette, Greimas). Les études computationnelles de la littérature se concentrent sur ces régularités, visant de gros corpus pour saisir des formes discursives (Moretti), leur évolution historique et leur dispersion liée à des variables géographiques, culturelles et portant sur les genres (roman, biographie,…).

Nous avons comparé deux hypothèses générales : d’un côté, celle selon laquelle, dans l’interprétation des événements, le hasard n’a pas de sens ; et, de l’autre côté, celle selon laquelle les événements aléatoires ont du sens dès qu’ils se trouvent faire partie d’une structure globale. Nous avons convoqué pour cela certaines des principales sources liées à la première hypothèse (Ronald Fisher, Gérald Bronner) tout comme à la deuxième (Jung, Barthes, Sartre, Ricœur, Deleuze). Nous avons également observé le rôle que la construction argumentative d’un récit peut avoir sur les inférences produites par les lecteurs d’un texte. Pour cela nous avons fait référence aux concepts forgés par la sémiotique d’Umberto Eco et par la théorie de l’argumentation dans la langue d’Oswald Ducrot.

Pour mettre à l’épreuve ces considérations, nous avons analysé collectivement un texte littéraire : La mort d’Ivan Ilitch de Tolstoï. Plusieurs outils statistiques ont été mis en œuvre pour mieux comprendre la structure sémiotique de ce récit. En particulier, nous avons essayé de repérer l’évolution de certains signes et éléments capables d’expliquer les plus importants effets de sens du récit. Premièrement, le moment de césure qui sépare la vie heureuse du magistrat de sa maladie et sa mort. Il s’agit là justement d’un événement aléatoire, inséré par l’auteur avec une apparence anodine (Ivan Illich se cogne à une espagnolette en essayant de fixer un rideau), mais qui est immensément chargé de sens, tenant tout seul l’entière structure morale du récit. À partir de l’identification de cette clé de voûte, plusieurs régularités narratives ont été explorées en séminaire, en passant par les mentions aux personnages tout comme aux objets les plus quotidiens.

 

Publications
  • « Dire digressif et digression dite », dans Se ré-orienter dans la pensée. Femmes, philosophie et arts, autour de Michèle Le Doeuff, sous la dir. de J.-L. Jeannelle et A. Lasserre,Presses Universitaires de Rennes, 2020, p. 39-49.
  • Dans Cours de Sémantique Argumentative, sous la dir. de 2021. L. Behe, M. Carel, C. Denuc et J. C. Machado, Pedro e João editores, Brésil. Rédaction des chapitres, 2021 : « Préface : la sémantique argumentative », p. 11-19 ; « Les quasi-blocs », p. 125-134 ; « La présupposition dans la TBS », p. 163-174 ; « L’énonciation linguistique : fonctions textuelles, modes énonciatifs, et argumentations énonciatives », p. 349-371.
  • « Énonciation, argumentation et sens », entretien avec Lauro Gomes, Conexão Letras, Porto Alegre, vol. 16, n° 25, 2021, p. 245-259.

Dernière modification : 9 juin 2020 16:58

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Linguistique, sémantique
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Analyse de discours Communication Fiction Humanités numériques Informatique et sciences sociales Linguistique Littérature Méthodes quantitatives Pragmatique Sémantique Sémiotique Textes
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • Marion Carel [référent·e]   directrice d'études, EHESS / Centre de recherches sur les arts et le langage (CRAL)
  • Dario Compagno   maître de conférences, Université Paris Nanterre

La diffusion contemporaine de méthodes numériques dans les sciences humaines nous force à remettre en question le seuil entre qualitatif et quantitatif. Est-ce que les signes peuvent être tout simplement réduits aux données ? A contrario, y a-t-il quelque chose d’irréductible, un supplément « dense », que l’on ne peut saisir qu’avec l’intuition individuelle directement sur le terrain ? Ce séminaire vise à introduire et évaluer critiquement les travaux qui utilisent des méthodes quantitatives pour étudier la spécificité sémiotique de l’humain. Nous porterons une attention particulière au concept de hasard. En effet, le hasard est pour les statisticiens l’absence de sens, le « bruit » que les méthodes quantitatives permettent de limiter, nous montrant la réalité des phénomènes étudiés. Pour les sciences humaines, par contre, le hasard ne peut pas être tout simplement mis de côté : dans les récits les actions des personnages et la chance tissent une finalité globale qui ne peut pas être prise en compte avec la seule catégorie de la causalité. Le hasard est peut-être donc la clé de voûte pour mieux comprendre le seuil entre qualitatif et quantitatif et éventuellement fonder leur intégration.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Linguistique et écrit – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture, exposé oral
Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants

Sur rendez-vous.

Réception des candidats

Sur rendez-vous.

Pré-requis

Aucune connaissance préalable des méthodes quantitatives n'est nécessaire. Elles seront exposées en séminaire.

  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 6
    1er semestre / hebdomadaire, jeudi 13:00-15:00
    du 5 novembre 2020 au 4 février 2021

Le séminaire a porté sur l’impact des méthodes computationnelles sur l’analyse du sens. Nous avons fait référence à des travaux fondateurs et innovateurs (Franco Moretti, Andrew Piper, Jean-Guy Meunier) pour mieux comprendre le potentiel et les limites d’une démarche analytique aidée par des algorithmes.

En particulier, cette année nous avons mis au centre de la réflexion le concept de hasard, que nous considérons comme la clé principale pour saisir la frontière entre interprétation quantitative (statistique) et interprétation qualitative (sémantique, sémiotique). En effet, si, pour la statistique, seul ce qui n’arrive pas par hasard a du sens, on ne peut pas dire la même chose pour l’interprétation ordinaire des événements quotidiens, et encore moins pour celle des événements racontés dans un récit. Ces derniers prennent un sens structurel par leur position dans le récit tout entier, indépendamment du fait qu’ils soient ou non décrits comme arrivant par hasard. Il n’y a pas de hasard dans le récit (Sartre) et l’interprétation littéraire aboutit quand l’enchaînement des événements racontés prend un sens plus grand que leur simple appréhension passive (« cela s’est passé »). Est-il alors possible d’utiliser les méthodes statistiques pour assister l’interprétation littéraire, vu l’existence de ce seuil ? Si tout est significatif dans un récit (Barthes), il semble que la statistique ne puisse pas aider à suivre des pistes de sens meilleurs que d’autres.

Cependant, il y a bien des aspects du langage qui peuvent faire l’objet d’analyse quantitative. Dans l’écriture, activité humaine, de nombreux traits n’apparaissent pas au hasard, mais suivent au contraire des régularités empiriques. La forme même du récit est très régulière, et depuis bien des années elle est étudiée par la narratologie formaliste (Propp, Genette, Greimas). Les études computationnelles de la littérature se concentrent sur ces régularités, visant de gros corpus pour saisir des formes discursives (Moretti), leur évolution historique et leur dispersion liée à des variables géographiques, culturelles et portant sur les genres (roman, biographie,…).

Nous avons comparé deux hypothèses générales : d’un côté, celle selon laquelle, dans l’interprétation des événements, le hasard n’a pas de sens ; et, de l’autre côté, celle selon laquelle les événements aléatoires ont du sens dès qu’ils se trouvent faire partie d’une structure globale. Nous avons convoqué pour cela certaines des principales sources liées à la première hypothèse (Ronald Fisher, Gérald Bronner) tout comme à la deuxième (Jung, Barthes, Sartre, Ricœur, Deleuze). Nous avons également observé le rôle que la construction argumentative d’un récit peut avoir sur les inférences produites par les lecteurs d’un texte. Pour cela nous avons fait référence aux concepts forgés par la sémiotique d’Umberto Eco et par la théorie de l’argumentation dans la langue d’Oswald Ducrot.

Pour mettre à l’épreuve ces considérations, nous avons analysé collectivement un texte littéraire : La mort d’Ivan Ilitch de Tolstoï. Plusieurs outils statistiques ont été mis en œuvre pour mieux comprendre la structure sémiotique de ce récit. En particulier, nous avons essayé de repérer l’évolution de certains signes et éléments capables d’expliquer les plus importants effets de sens du récit. Premièrement, le moment de césure qui sépare la vie heureuse du magistrat de sa maladie et sa mort. Il s’agit là justement d’un événement aléatoire, inséré par l’auteur avec une apparence anodine (Ivan Illich se cogne à une espagnolette en essayant de fixer un rideau), mais qui est immensément chargé de sens, tenant tout seul l’entière structure morale du récit. À partir de l’identification de cette clé de voûte, plusieurs régularités narratives ont été explorées en séminaire, en passant par les mentions aux personnages tout comme aux objets les plus quotidiens.

 

Publications
  • « Dire digressif et digression dite », dans Se ré-orienter dans la pensée. Femmes, philosophie et arts, autour de Michèle Le Doeuff, sous la dir. de J.-L. Jeannelle et A. Lasserre,Presses Universitaires de Rennes, 2020, p. 39-49.
  • Dans Cours de Sémantique Argumentative, sous la dir. de 2021. L. Behe, M. Carel, C. Denuc et J. C. Machado, Pedro e João editores, Brésil. Rédaction des chapitres, 2021 : « Préface : la sémantique argumentative », p. 11-19 ; « Les quasi-blocs », p. 125-134 ; « La présupposition dans la TBS », p. 163-174 ; « L’énonciation linguistique : fonctions textuelles, modes énonciatifs, et argumentations énonciatives », p. 349-371.
  • « Énonciation, argumentation et sens », entretien avec Lauro Gomes, Conexão Letras, Porto Alegre, vol. 16, n° 25, 2021, p. 245-259.