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UE198 - Histoire et anthropologie de la famille et de la parenté. 2. Mondes médiévaux et modernes


Lieu et planning


  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 5
    annuel / bimensuel (1re/3e), jeudi 15:00-17:00
    du 5 novembre 2020 au 17 juin 2021


Description


Dernière modification : 15 mars 2021 07:33

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie historique, Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie, Histoire
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie Famille Histoire Parenté
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s

 Le séminaire Histoire et anthropologie de la famille et de la parenté est une offre d’enseignement collectif, pluridisciplinaire et pluri-institutionnel. Il est organisé par des enseignant(e)s et chercheurs (ses) de l’EHESS (Laboratoire d’anthropologie sociale) et du CNRS (Centre Roland-Mousnier, Université Paris-Sorbonne et Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, Paris X-Nanterre).

Il se propose de poursuivre le dialogue fructueux qui s’est instauré depuis des décennies entre histoire et anthropologie sur le thème des études de parenté et de favoriser les rencontres entre disciplines voisines, quitte à en gommer les frontières.

Cette année, avec ce second volet de notre recherche, nous aborderons la question des Mondes médiévaux et modernes, ces derniers incluant à la fois espaces et traditions européennes et extra-européennes.

Programme du 1er semestre 2020-2021

5 novembre 2020 : Laurent Barry, Claire Chatelain, Isabelle Daillant, Introduction

19 novembre 2020 : Didier Lett (Université de Paris), « Tensions familiales, possession et travail de la terre dans les Marches (Italie) au début du XVe siècle »

En juin 1427, un habitant de Culmurano, dans le district de Tolentino, Laurenzio di Giacomo di Bentivoglio, « dénonce et accuse » auprès du podestat et de son juge, un couple habitant dans le même castrum, Nicola di Toma et Sanzia di Sanzio di Bentivoglio, d’avoir occupé illégalement une parcelle de terre cultivée (jouxtant la leur) et une remise qui lui appartiennent. Un procès s’engage à la mi-juillet au cours duquel Laurenzo et Nicola dressent une liste d’articles et produisent des témoins. Laurenzo, cherche à prouver que la terre lui appartient, qu’elle lui a été promise par sa cousine Antonia di Sanzio (qui n’est autre que la sœur de Sanzia) par voie testamentaire neuf ans auparavant et léguée, après le décès de cette dernière, en septembre 1426, et qu’il la cultive depuis cette date. Nicola, quant à lui, veut établir que son épouse Sanzia est la sœur légitime d’Antonia et qu’après le décès de cette dernière et du père, Sanzia, en l’absence de frères, est la seule héritière légitime de la parcelle de terre convoitée.
Ce petit procès, extrait d’un liber maleficiorum des archives communales de Tolentino, permet de reconstituer la généalogie d’une famille paysanne sur cinq générations, d’observer les modes de transmission d’une terre, les règles successorales et ses changements liés aux aléas démographiques, la manière dont les témoins apportent la preuve de la possession d’une terre et de sa mise en culture, les dissensions au sein d’une famille, les événements familiaux permettant de faire preuve (funérailles, naissances, allaitements, etc) et l’articulation entre liens familiaux et liens de travail. Elles permettent finalement d’observer la parenté pratique des gens du peuple au début du XVe siècle.

3 décembre 2020 : Denise Bezzina (CNRS/Sorbonne Univ., CRM, sur bourse Marie Curie), « Agnatisme et alliance : les alberghi gênois de la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) »

Le 23 mars 1297, des membres de plusieurs familles aristocratiques gênoises – Squarciafico, Urseto, de Rodulfo, Bollerato, Parpaione et Zerbino – se rassemblent devant le notaire Giacomo de Albaro pour exprimer leur volonté de se réunir en une seule famille en adoptant le nom de famille “Squarciafico”. L’acte, qui sanctionne la création de l’albergo Squarciafico, est l’une des premières attestations concrètes des associations familiales aristocratiques typiques de Gênes au bas Moyen Âge et fournit de précieuses informations sur leurs caractéristiques : en particulier, la centralité du nom de famille et l’importance de la lignée agnatique comme quintessence de la famille. Le phénomène des alberghi sera présenté en interrogeant d’abord sa genèse : pourquoi certaines familles aristocratiques décident-elles de se regrouper en une seule, renonçant à leur nom pour en adopter un autre ? On examinera ensuite les aspects du genre et l’évolution des droits de propriété des femmes, qui, comme dans d’autres villes du centre et du nord de l’Italie, ont subi une forte contraction au cours du bas Moyen Âge. Enfin, on envisagera l’évolution des ces associations en examinant leurs méthodes – non uniformes – de gestion du patrimoine, mais aussi quelques statuts connus d’alberghi qui montrent comment, entre les premiers exemples du XIIIe siècle et le début du XVe, ils ont subi de profonds changements.

17 décembre 2020 : Jon Mathieu (Université de Lucerne, Suisse), « La famille dans les théories de l’État de l’Europe moderne »

Le sociologue américain Andrew Abbott invitait récemment à évaluer l’impact que les théories de l’État, conçues en Europe à l’époque moderne, ont pu avoir sur les sciences sociales contemporaines. Il liait ce questionnement à l’idée que ces théories, fondées sur la notion de contrat social, ne faisaient aucune place à des institutions intermédiaires entre l’individu et la société. De telles institutions – au premier rang desquelles, la famille – y auraient en effet été reléguées au domaine privé, dans un cadre où aurait prévalu une coupure nette entre sphères publique et privée. Malgré leurs visées universalistes, ces théoriciens du contrat évoluaient cependant dans un contexte situé qui leur aurait imprimé à tous – et aux chercheurs en sciences sociales après eux – une vision eurocentrée, obstacle aujourd’hui à une théorisation véritablement globale des phénomènes sociaux. Le propos sera ici de revenir aux sources ayant fondé cette interprétation d’Abbott en examinant de près l’attitude de ces auteurs vis-à-vis de la famille. Quels aspects en relevaient-ils, et comment les traitaient-ils ? Peut-on vraiment leur prêter une position uniforme à son égard ? Afin d’éviter une focalisation anachronique sur quelques auteurs restés célèbres aujourd’hui, l’étude part d’une liste (établie en 1816) de tous les écrits ayant traité du contrat social aux xviie et xviiie siècles, et a procédé à un relevé de ce qui avait trait à la famille à l’échelle de ce corpus.
L’exposé sera en anglais, avec discussion en français.

7 janvier 2021 : Élie Haddad (CNRS, CRH), « L’alliance dans la noblesse française d’Ancien Régime : approche historique d’un phénomène anthropologique »

L’endogamie était affirmée comme un bien et une nécessité par nombre de nobles sous l’Ancien Régime. Même si, en pratique, les conflits étaient nombreux pour déterminer ce que devait être cette endogamie et la délimitation de la noblesse qui devait en résulter, l’alliance était le pôle qui permettait à la parenté de fonctionner comme reconnaissance d’appartenance au second ordre, et ce, bien que l’on comptât en degrés et non en quartiers comme dans le Saint Empire romain germanique, c’est-à-dire que seule la filiation en ligne paternelle était prise en compte dans la détermination de la noblesse. C’est que la filiation suppose l’alliance : tant d’un point de vue structural que d’un point de vue empirique, il n’est pas possible de séparer les deux. Les mécanismes de l’alliance participaient donc pleinement de ce qu’était la noblesse, d’autant plus que les enjeux matériels des mariages étaient considérables : il faut les corréler à l’analyse des choix des conjoints au fil des générations pour comprendre la manière dont les nobles utilisaient l’alliance, dont celle-ci participait à la structuration d’un groupe et à son évolution.

21 janvier 2021 : Isabel Yaya McKenzie (EHESS, LAS), « Transmettre la noblesse dans l’Empire inca : aperçu et limites des analyses de parenté »

Entre le début du XVe siècle et l’invasion espagnole de 1532, une élite guerrière des hauts plateaux d’Amérique du Sud domine le plus vaste empire amérindien de l’époque moderne. Les Incas, comme les appellent les colons européens, nous ont légué pour seules traces écrites des témoignages traduits et compilés à la suite de l’invasion espagnole. L’étude de leurs modes de vie repose donc sur des sources tardives et lacunaires. On examinera les données consignées dans ces documents coloniaux qui décrivent l’organisation sociale des groupes dirigeants incas, leurs modes de recrutement et leurs règles d’alliance. Ces formations (ayllu), historiquement décrites comme des lignages nobles composés de la descendance des souverains défunts, ne se perpétuaient ni selon un mode de filiation unilinéaire, ni selon un mode de filiation indifférenciée. Par ailleurs, les analyses historiographiques menées actuellement en collaboration avec Bruce Mannheim (University of Michigan) montrent que l’ancestralité, véritable obsession des chroniqueurs coloniaux, n’était pas non plus un principe organisateur central des ayllu incas. En revanche, deux dispositions déterminaient nécessairement l’affiliation à ces groupes sociaux : la pratique cultuelle et l’attachement à un lieu – qui n’était pas nécessairement la résidence – dont on tentera de définir les contours.

4 février 2021 : Anna Bellavitis (Université de Rouen Normandie, GRHis), « Témoins et testaments « oraux » à Venise (XVe-XVIe siècles) »

L’habitude de rédiger un testament était très répandue dans la Venise médiévale et moderne, à tous les niveaux de la société. On faisait testament avant de partir en voyage, quand on était malade ou quand on estimait avoir atteint un « âge vénérable », et beaucoup de femmes en rédigeaient quand elles étaient enceintes. Le thème de la succession y a ainsi longtemps retenu l’attention des historiens de par l’abondance de sources documentaires : outre les testaments, l’articulation particulièrement complexe de la machine administrative a en effet été à l’origine d’une multitude de sources judiciaires.
On se penchera en particulier ici sur la procédure de succession per breviario au début du XVIe siècle. La personne qui affirmait avoir été désignée oralement comme héritière d’une personne décédée devait présenter aux Juges de l’Esaminador une liste de témoins confirmant ses prétentions – lesquels s’opposaient parfois à des témoignages contraires présentés par d’autres héritiers autoproclamés. Au cœur du débat se trouve la valeur probatoire du témoignage oral, en l’absence de preuves écrites.
Différente était la procédure de succession ab intestato lorsqu’une personne décédait sans testament. Celle-ci était de la compétence des Juges du Proprio, et il s’agissait alors, non plus d’attester que le défunt avait choisi telle personne comme héritière de ses biens, mais de reconstruire, le plus souvent aussi à l’aide de témoignages oraux, les liens de famille existants. Il est évident que ce fonctionnement ouvrait la voie à toute sorte d’abus et, si la procédure ab intestato peut donner des informations sur la signification et la perception des liens familiaux, la procédure per breviario nous ouvre des perspectives sur d’autres types de relations, tout en dépeignant de façon parfois très détaillée les derniers instants d’une vie.

Programme du 2nd semestre 2020-2021

4 mars 2021 : Martine Bennini (CRH) et Robert Descimon (EHESS, CRH), « Les conditions matérielles de l’alliance de mariage au sein de la noblesse de robe parisienne (vers 1550-vers 1730) »

L’exposé présentera une enquête en cours sur les hauts magistrats parisiens des années 1530 aux années 1730, visant à reconstituer les rapports sociaux et anthropologiques qui unissaient leurs « familles ». Elle est principalement fondée sur l’exploitation de près d’un millier de contrats de mariage, complétés par une vaste documentation issue d’autres types de sources. Après une très sommaire approche des notions de noblesse de robe, de vénalité légale des offices, du système de dévolution organisé par la coutume de Paris réformée en 1580 et la présentation des données chiffrées que l’on peut tirer des contrats de mariage, l’exposé se concentrera sur une étude statistique élémentaire dans le but d’éclairer les conditions matérielles propres qui présidaient à l’alliance de mariage dans le milieu de la haute magistrature parisienne à l’époque considérée. Une conclusion hypothétique sera énoncée : au sein de la noblesse de robe parisienne, tant que l’égalité coutumière fut plus ou moins bien mise en pratique, la dévolution était divergente au XVIe siècle ; dans le système préciputaire qui se mit en place au long du XVIIe siècle, la dévolution devint essentiellement maternelle, les héritiers et héritières n’héritant plus de leur père que par l’intermédiaire de leur mère. Cette ruse de la raison patriarcale, qu’on ne saurait assimiler à une matrilinéarité, affaiblit pourtant profondément le patriarcat.

18 mars 2021 : Gérard Delille (CNRS, CRH), « Autour de son livre L’Économie de Dieu. Famille et marché entre christianisme, hébraïsme et islam »

L’ouvrage explique pourquoi et comment, au cours de leur élaboration doctrinale puis de leur affirmation religieuse et politique, les trois religions monothéistes ont construit et imposé des systèmes de parenté distincts et consciemment opposés qui ont persisté parfois jusqu’à nos jours. Les conséquences sociales et économiques qui en résultèrent furent considérables. Au-delà le livre pose peut-être un autre problème plus général : pourquoi passe-t-on d’un « système » à un autre ?

1er avril 2021 : Marco Penzi (IHMC), « Être un autre soi-même : Brüderschaft, alliances imaginaires et entraide chez les mercenaires impériaux des XIVe-XVIIe siècles »

Dans la noblesse de l’Empire germanique des XVIe-XVIIe siècles, on observe chez les hommes de guerre l’élaboration de formes de parenté que l’on peut qualifier d’« imaginaires ». Il s’agira ici de démontrer que cette noblesse militaire créait entre compagnons d’armes des familles certes fictives, mais mobilisables en cas de besoin, et en cela bien réelles. Ces familles fictives, forcément masculines, mais articulées aux familles consanguines, se perpétuaient sur plusieurs générations. Ceux qui par serment se reconnaissaient « frères », devenus « pères » pour la génération suivante, lui transmettaient, comme un capital, les obligations d’entraide qu’ils s’étaient jurées, engageant à long terme l’honneur de leurs descendants dans des réseaux qui, se déployant à travers l’Empire au sens large, étaient largement transnationaux.

15 avril 2021 : Atelier collectif, « Sciences, nature et parenté »

6 mai 2021 : Fabrice Boudjaaba (CNRS, CRM), « Une lecture « généalogique » de l’industrialisation : le fonctionnement de la famille paysanne aux prises avec la transformation économique de son territoire (Ivry 1770-1860) »

20 mai 2021 : Sarah Fargeon (doctorante EPHE), « La parenté dans la Genizah du Caire (Xe-XIIIe siècles) : état de la recherche »

3 juin 2021 : Jean-François Chauvard (Université Panthéon-Sorbonne), « Fidéicommis et construction de la parenté (Venise, XVIe-XVIIIe siècles) »


Master


  • Séminaires de recherche – Ethnologie et anthropologie sociale – M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

contacter Laurent Barry

Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Dernière modification : 15 mars 2021 07:33

Type d'UE
Séminaires DE/MC
Disciplines
Anthropologie historique, Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie, Histoire
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie Famille Histoire Parenté
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s

 Le séminaire Histoire et anthropologie de la famille et de la parenté est une offre d’enseignement collectif, pluridisciplinaire et pluri-institutionnel. Il est organisé par des enseignant(e)s et chercheurs (ses) de l’EHESS (Laboratoire d’anthropologie sociale) et du CNRS (Centre Roland-Mousnier, Université Paris-Sorbonne et Laboratoire d’ethnologie et de sociologie comparative, Paris X-Nanterre).

Il se propose de poursuivre le dialogue fructueux qui s’est instauré depuis des décennies entre histoire et anthropologie sur le thème des études de parenté et de favoriser les rencontres entre disciplines voisines, quitte à en gommer les frontières.

Cette année, avec ce second volet de notre recherche, nous aborderons la question des Mondes médiévaux et modernes, ces derniers incluant à la fois espaces et traditions européennes et extra-européennes.

Programme du 1er semestre 2020-2021

5 novembre 2020 : Laurent Barry, Claire Chatelain, Isabelle Daillant, Introduction

19 novembre 2020 : Didier Lett (Université de Paris), « Tensions familiales, possession et travail de la terre dans les Marches (Italie) au début du XVe siècle »

En juin 1427, un habitant de Culmurano, dans le district de Tolentino, Laurenzio di Giacomo di Bentivoglio, « dénonce et accuse » auprès du podestat et de son juge, un couple habitant dans le même castrum, Nicola di Toma et Sanzia di Sanzio di Bentivoglio, d’avoir occupé illégalement une parcelle de terre cultivée (jouxtant la leur) et une remise qui lui appartiennent. Un procès s’engage à la mi-juillet au cours duquel Laurenzo et Nicola dressent une liste d’articles et produisent des témoins. Laurenzo, cherche à prouver que la terre lui appartient, qu’elle lui a été promise par sa cousine Antonia di Sanzio (qui n’est autre que la sœur de Sanzia) par voie testamentaire neuf ans auparavant et léguée, après le décès de cette dernière, en septembre 1426, et qu’il la cultive depuis cette date. Nicola, quant à lui, veut établir que son épouse Sanzia est la sœur légitime d’Antonia et qu’après le décès de cette dernière et du père, Sanzia, en l’absence de frères, est la seule héritière légitime de la parcelle de terre convoitée.
Ce petit procès, extrait d’un liber maleficiorum des archives communales de Tolentino, permet de reconstituer la généalogie d’une famille paysanne sur cinq générations, d’observer les modes de transmission d’une terre, les règles successorales et ses changements liés aux aléas démographiques, la manière dont les témoins apportent la preuve de la possession d’une terre et de sa mise en culture, les dissensions au sein d’une famille, les événements familiaux permettant de faire preuve (funérailles, naissances, allaitements, etc) et l’articulation entre liens familiaux et liens de travail. Elles permettent finalement d’observer la parenté pratique des gens du peuple au début du XVe siècle.

3 décembre 2020 : Denise Bezzina (CNRS/Sorbonne Univ., CRM, sur bourse Marie Curie), « Agnatisme et alliance : les alberghi gênois de la fin du Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles) »

Le 23 mars 1297, des membres de plusieurs familles aristocratiques gênoises – Squarciafico, Urseto, de Rodulfo, Bollerato, Parpaione et Zerbino – se rassemblent devant le notaire Giacomo de Albaro pour exprimer leur volonté de se réunir en une seule famille en adoptant le nom de famille “Squarciafico”. L’acte, qui sanctionne la création de l’albergo Squarciafico, est l’une des premières attestations concrètes des associations familiales aristocratiques typiques de Gênes au bas Moyen Âge et fournit de précieuses informations sur leurs caractéristiques : en particulier, la centralité du nom de famille et l’importance de la lignée agnatique comme quintessence de la famille. Le phénomène des alberghi sera présenté en interrogeant d’abord sa genèse : pourquoi certaines familles aristocratiques décident-elles de se regrouper en une seule, renonçant à leur nom pour en adopter un autre ? On examinera ensuite les aspects du genre et l’évolution des droits de propriété des femmes, qui, comme dans d’autres villes du centre et du nord de l’Italie, ont subi une forte contraction au cours du bas Moyen Âge. Enfin, on envisagera l’évolution des ces associations en examinant leurs méthodes – non uniformes – de gestion du patrimoine, mais aussi quelques statuts connus d’alberghi qui montrent comment, entre les premiers exemples du XIIIe siècle et le début du XVe, ils ont subi de profonds changements.

17 décembre 2020 : Jon Mathieu (Université de Lucerne, Suisse), « La famille dans les théories de l’État de l’Europe moderne »

Le sociologue américain Andrew Abbott invitait récemment à évaluer l’impact que les théories de l’État, conçues en Europe à l’époque moderne, ont pu avoir sur les sciences sociales contemporaines. Il liait ce questionnement à l’idée que ces théories, fondées sur la notion de contrat social, ne faisaient aucune place à des institutions intermédiaires entre l’individu et la société. De telles institutions – au premier rang desquelles, la famille – y auraient en effet été reléguées au domaine privé, dans un cadre où aurait prévalu une coupure nette entre sphères publique et privée. Malgré leurs visées universalistes, ces théoriciens du contrat évoluaient cependant dans un contexte situé qui leur aurait imprimé à tous – et aux chercheurs en sciences sociales après eux – une vision eurocentrée, obstacle aujourd’hui à une théorisation véritablement globale des phénomènes sociaux. Le propos sera ici de revenir aux sources ayant fondé cette interprétation d’Abbott en examinant de près l’attitude de ces auteurs vis-à-vis de la famille. Quels aspects en relevaient-ils, et comment les traitaient-ils ? Peut-on vraiment leur prêter une position uniforme à son égard ? Afin d’éviter une focalisation anachronique sur quelques auteurs restés célèbres aujourd’hui, l’étude part d’une liste (établie en 1816) de tous les écrits ayant traité du contrat social aux xviie et xviiie siècles, et a procédé à un relevé de ce qui avait trait à la famille à l’échelle de ce corpus.
L’exposé sera en anglais, avec discussion en français.

7 janvier 2021 : Élie Haddad (CNRS, CRH), « L’alliance dans la noblesse française d’Ancien Régime : approche historique d’un phénomène anthropologique »

L’endogamie était affirmée comme un bien et une nécessité par nombre de nobles sous l’Ancien Régime. Même si, en pratique, les conflits étaient nombreux pour déterminer ce que devait être cette endogamie et la délimitation de la noblesse qui devait en résulter, l’alliance était le pôle qui permettait à la parenté de fonctionner comme reconnaissance d’appartenance au second ordre, et ce, bien que l’on comptât en degrés et non en quartiers comme dans le Saint Empire romain germanique, c’est-à-dire que seule la filiation en ligne paternelle était prise en compte dans la détermination de la noblesse. C’est que la filiation suppose l’alliance : tant d’un point de vue structural que d’un point de vue empirique, il n’est pas possible de séparer les deux. Les mécanismes de l’alliance participaient donc pleinement de ce qu’était la noblesse, d’autant plus que les enjeux matériels des mariages étaient considérables : il faut les corréler à l’analyse des choix des conjoints au fil des générations pour comprendre la manière dont les nobles utilisaient l’alliance, dont celle-ci participait à la structuration d’un groupe et à son évolution.

21 janvier 2021 : Isabel Yaya McKenzie (EHESS, LAS), « Transmettre la noblesse dans l’Empire inca : aperçu et limites des analyses de parenté »

Entre le début du XVe siècle et l’invasion espagnole de 1532, une élite guerrière des hauts plateaux d’Amérique du Sud domine le plus vaste empire amérindien de l’époque moderne. Les Incas, comme les appellent les colons européens, nous ont légué pour seules traces écrites des témoignages traduits et compilés à la suite de l’invasion espagnole. L’étude de leurs modes de vie repose donc sur des sources tardives et lacunaires. On examinera les données consignées dans ces documents coloniaux qui décrivent l’organisation sociale des groupes dirigeants incas, leurs modes de recrutement et leurs règles d’alliance. Ces formations (ayllu), historiquement décrites comme des lignages nobles composés de la descendance des souverains défunts, ne se perpétuaient ni selon un mode de filiation unilinéaire, ni selon un mode de filiation indifférenciée. Par ailleurs, les analyses historiographiques menées actuellement en collaboration avec Bruce Mannheim (University of Michigan) montrent que l’ancestralité, véritable obsession des chroniqueurs coloniaux, n’était pas non plus un principe organisateur central des ayllu incas. En revanche, deux dispositions déterminaient nécessairement l’affiliation à ces groupes sociaux : la pratique cultuelle et l’attachement à un lieu – qui n’était pas nécessairement la résidence – dont on tentera de définir les contours.

4 février 2021 : Anna Bellavitis (Université de Rouen Normandie, GRHis), « Témoins et testaments « oraux » à Venise (XVe-XVIe siècles) »

L’habitude de rédiger un testament était très répandue dans la Venise médiévale et moderne, à tous les niveaux de la société. On faisait testament avant de partir en voyage, quand on était malade ou quand on estimait avoir atteint un « âge vénérable », et beaucoup de femmes en rédigeaient quand elles étaient enceintes. Le thème de la succession y a ainsi longtemps retenu l’attention des historiens de par l’abondance de sources documentaires : outre les testaments, l’articulation particulièrement complexe de la machine administrative a en effet été à l’origine d’une multitude de sources judiciaires.
On se penchera en particulier ici sur la procédure de succession per breviario au début du XVIe siècle. La personne qui affirmait avoir été désignée oralement comme héritière d’une personne décédée devait présenter aux Juges de l’Esaminador une liste de témoins confirmant ses prétentions – lesquels s’opposaient parfois à des témoignages contraires présentés par d’autres héritiers autoproclamés. Au cœur du débat se trouve la valeur probatoire du témoignage oral, en l’absence de preuves écrites.
Différente était la procédure de succession ab intestato lorsqu’une personne décédait sans testament. Celle-ci était de la compétence des Juges du Proprio, et il s’agissait alors, non plus d’attester que le défunt avait choisi telle personne comme héritière de ses biens, mais de reconstruire, le plus souvent aussi à l’aide de témoignages oraux, les liens de famille existants. Il est évident que ce fonctionnement ouvrait la voie à toute sorte d’abus et, si la procédure ab intestato peut donner des informations sur la signification et la perception des liens familiaux, la procédure per breviario nous ouvre des perspectives sur d’autres types de relations, tout en dépeignant de façon parfois très détaillée les derniers instants d’une vie.

Programme du 2nd semestre 2020-2021

4 mars 2021 : Martine Bennini (CRH) et Robert Descimon (EHESS, CRH), « Les conditions matérielles de l’alliance de mariage au sein de la noblesse de robe parisienne (vers 1550-vers 1730) »

L’exposé présentera une enquête en cours sur les hauts magistrats parisiens des années 1530 aux années 1730, visant à reconstituer les rapports sociaux et anthropologiques qui unissaient leurs « familles ». Elle est principalement fondée sur l’exploitation de près d’un millier de contrats de mariage, complétés par une vaste documentation issue d’autres types de sources. Après une très sommaire approche des notions de noblesse de robe, de vénalité légale des offices, du système de dévolution organisé par la coutume de Paris réformée en 1580 et la présentation des données chiffrées que l’on peut tirer des contrats de mariage, l’exposé se concentrera sur une étude statistique élémentaire dans le but d’éclairer les conditions matérielles propres qui présidaient à l’alliance de mariage dans le milieu de la haute magistrature parisienne à l’époque considérée. Une conclusion hypothétique sera énoncée : au sein de la noblesse de robe parisienne, tant que l’égalité coutumière fut plus ou moins bien mise en pratique, la dévolution était divergente au XVIe siècle ; dans le système préciputaire qui se mit en place au long du XVIIe siècle, la dévolution devint essentiellement maternelle, les héritiers et héritières n’héritant plus de leur père que par l’intermédiaire de leur mère. Cette ruse de la raison patriarcale, qu’on ne saurait assimiler à une matrilinéarité, affaiblit pourtant profondément le patriarcat.

18 mars 2021 : Gérard Delille (CNRS, CRH), « Autour de son livre L’Économie de Dieu. Famille et marché entre christianisme, hébraïsme et islam »

L’ouvrage explique pourquoi et comment, au cours de leur élaboration doctrinale puis de leur affirmation religieuse et politique, les trois religions monothéistes ont construit et imposé des systèmes de parenté distincts et consciemment opposés qui ont persisté parfois jusqu’à nos jours. Les conséquences sociales et économiques qui en résultèrent furent considérables. Au-delà le livre pose peut-être un autre problème plus général : pourquoi passe-t-on d’un « système » à un autre ?

1er avril 2021 : Marco Penzi (IHMC), « Être un autre soi-même : Brüderschaft, alliances imaginaires et entraide chez les mercenaires impériaux des XIVe-XVIIe siècles »

Dans la noblesse de l’Empire germanique des XVIe-XVIIe siècles, on observe chez les hommes de guerre l’élaboration de formes de parenté que l’on peut qualifier d’« imaginaires ». Il s’agira ici de démontrer que cette noblesse militaire créait entre compagnons d’armes des familles certes fictives, mais mobilisables en cas de besoin, et en cela bien réelles. Ces familles fictives, forcément masculines, mais articulées aux familles consanguines, se perpétuaient sur plusieurs générations. Ceux qui par serment se reconnaissaient « frères », devenus « pères » pour la génération suivante, lui transmettaient, comme un capital, les obligations d’entraide qu’ils s’étaient jurées, engageant à long terme l’honneur de leurs descendants dans des réseaux qui, se déployant à travers l’Empire au sens large, étaient largement transnationaux.

15 avril 2021 : Atelier collectif, « Sciences, nature et parenté »

6 mai 2021 : Fabrice Boudjaaba (CNRS, CRM), « Une lecture « généalogique » de l’industrialisation : le fonctionnement de la famille paysanne aux prises avec la transformation économique de son territoire (Ivry 1770-1860) »

20 mai 2021 : Sarah Fargeon (doctorante EPHE), « La parenté dans la Genizah du Caire (Xe-XIIIe siècles) : état de la recherche »

3 juin 2021 : Jean-François Chauvard (Université Panthéon-Sorbonne), « Fidéicommis et construction de la parenté (Venise, XVIe-XVIIIe siècles) »

  • Séminaires de recherche – Ethnologie et anthropologie sociale – M2/S3-S4
    Suivi et validation – annuel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – fiche de lecture
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