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UE125 - Affects et attaches communautaires (Taïwan et ses lieux de mémoire)


Lieu et planning


  • 54 bd Raspail
    54 bd Raspail 75006 Paris
    Salle A07_51
    annuel / mensuel (3e), lundi 17:00-20:00
    du 19 octobre 2020 au 21 juin 2021


Description


Dernière modification : 21 septembre 2020 08:56

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie, Signes, formes, représentations, Sociologie
Page web
http://frenchtaiwanstudies.org/le-seminaire/ 
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie culturelle Anthropologie sociale Émotions Imaginaire Mémoire Sociologie politique Symbolique
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • Samia Ferhat [référent·e]   maîtresse de conférences, Université Paris Nanterre / Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine (CCJ-CECMC)

Il s’agit dans ce séminaire de retracer les différentes étapes d’un processus d’affirmation identitaire qui s’est traduit à Taïwan par ce que nous pourrions qualifier de « tropisme formosan ». Nous tentons d’identifier les supports historiques et culturels autour desquels s’est progressivement cristallisée une identité de plus en plus affirmée par rapport au référent chinois, et revendiquée comme pleinement marquée par la singularité insulaire. Tout en observant ces mutations identitaires à la lumière des débats qui ne cessent de les accompagner, nous en retraçons aussi les lignes de soubassement mémorielles par l’exploration des lieux de mémoire à l’œuvre à Taïwan. Nous nous attachons tout aussi bien aux lieux de mémoire liés à la République de Chine, et donc ramenés à la trajectoire continentale et chinoise, qu’à ceux propres à l’expérience historique et culturelle taïwanaise. L’étude porte sur des objets concrets, matériels, géographiquement situés, mais également sur des incarnations plus abstraites et diffuses de la mémoire comme les symboles politiques, les termes et dénominations de l’espace public et privé, les personnages de l’histoire nationale et locale, les mises en récit, etc.
Le séminaire donne lieu à l’utilisation de sources écrites de première et seconde main en langues française, chinoise et anglaise. Il est aussi l’occasion de projections de séquences vidéo, de films de fiction et de documentaires en lien avec la thématique identitaire et mémorielle.
Dans cette cinquième année du séminaire, nous continuerons notre exploration du « faire communauté ». Nous interrogerons notamment la façon dont se trouve mobilisé le passé alors que se pose la question du commun, soit le sentiment d’une appartenance partagée à un même espace politique et social. Ce faisant, nous nous intéresserons aux affects, en abordant l’étude plus spécifique des sensibilités. 
La validation du séminaire nécessite la réalisation d’un travail écrit qui sera aussi l’objet d’une présentation préalable à l’oral.
 


 


Master


Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.


Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Compte rendu


Le séminaire a eu pour thème cette année : affects et attaches communautaires. Si le séminaire s’est concentré sur les lieux de mémoire lors des précédentes années, nous nous sommes cette année intéressés aux notions de communautés, dans une approche de sociologie de la mémoire.

Dans cette optique, nous nous sommes intéressés aux spécificités historico-politiques et démographiques pour aborder les questions mémorielles. Une des spécificités de l’histoire de Taïwan est qu’il s’agit d’une terre autochtone qui a, au cours de son histoire, été gouvernée partiellement ou totalement par des autorités extérieures depuis le XVIIe siècle.

Originellement habitée par des populations autochtones austronésiennes, Taïwan connaît d’abord une colonisation hollandaise, puis espagnole. Le premier peuplement Han a lieu en 1662, lorsque les restes de la dynastie Ming, menée par Koxinga, se réfugient sur l’île. Ils sont vaincus par la dynastie Qing, mandchoue, qui intègre Taïwan dans son empire en 1683. Suite à la première guerre sino-japonaise, l’empire Qing cède Taïwan au Japon, en 1885. Cette colonisation japonaise dure 50 ans. En 1945, le gouvernement nationaliste de la République de Chine, le Guomindang, prend le contrôle de Taïwan. À l’issue de la guerre civile chinoise, qui voit la victoire du Parti communiste chinois sur le Guomindang, ces derniers se réfugient totalement à Taïwan en 1949. Ils sont menés par Tchang Kai Shek, qui proclame en 1947 ce qui sera l’une des plus longues lois martiales de l’histoire contemporaine mondiale. Le pays connaît une démocratisation progressive à partir des années 1980, qui aboutit en 1996 à l’élection au suffrage universel direct du président Lee Teng Hui.

L’histoire de Taïwan est traversée par la gouvernance de multiples régimes et autorités, qui se retrouve dans la diversité ethnico-communautaire de l’île. Cependant, les débats historiques et mémoriels qui traversent Taïwan depuis une trentaine d’années concernent deux moments spécifiques : le moment japonais (50 ans de colonisation), et le moment chinois. Nous employons volontairement le terme « chinois » et non pas « han », car cette trajectoire correspond à des éléments linguistiques, culturels, mais également politiques.

Les débats (évènements, périodes, lexiques, personnes) rendent compte de la manière dont le passé et la vision du passé sont constamment redéfinis. La façon dont la mémoire est opérante chez les Han n’est pas la même que celle des aborigènes taïwanais, puisqu’on se situe dans la définition d’une narration dans le cas des premiers, et la définition d’une revendication identitaire dans le cas des seconds. Ces variations mémorielles dégagent une préoccupation : la définition à l’échelle nationale d’une communauté d’appartenance, ce qui nécessite la production d’une narration de la trajectoire historique, et donc à l’élaboration d’un nouveau récit.

Ces récits ont pour but de créer du commun, de la cohésion de groupe, de constituer une communauté. Ces récits soulignent en général le partage d’un legs de souvenirs, qui peuvent dans certain cas évoquer un traumatisme national, puisque comme l’exprime le philosophe Ernest Renan dans Qu’est-ce qu’une Nation ? : « Les deuils valent mieux que les triomphes ; car ils imposent des devoirs ; ils commandent l’effort en commun. » (Renan, 1882, 26). Ces récits collectifs sont constamment réactualisés, que ce soit par la production d’une nouvelle narration du passé ou par la déconstruction narrative du passé. Toute narration implique choix, oublis, silences. De plus, les capacités de production, de réinterprétation et d’élaboration des récits mémoriels ne sont pas également distribuées dans les sociétés, quelles qu’elles soient. Chaque mise en récit implique l’effacement d’un autre. Les récits sont porteurs de normes et de valeurs communes, et donc posent des frontières entre groupes. Ils ne se situent pas uniquement comme une compréhension du passé, puisqu’en filigrane ils impliquent la projection de la communauté vers un devenir commun.

Durant ce séminaire, nous avons proposé de situer trois temporalités du « faire communauté » à Taïwan, qui impliquent des visions du passé spécifiques. Premièrement, nous situons la temporalité du « Nous sommes tous chinois ». Nous retiendrons deux dates charnières pour cette période : 1945, année où le Japon cède Taïwan au parti nationaliste de République de Chine, et 1971, année où Taipei perd le siège de la Chine à l’ONU, contre Beijing, et perd donc sa reconnaissance internationale. Dès lors, des réflexions émergent : qu’est-ce que la République de Chine si elle ne représente plus la Chine ? Qu’est-ce que Taïwan alors ? Nous situons la deuxième temporalité du « faire communauté » à Taïwan comme celle du « Nous sommes chinois-taïwanais/taïwanais chinois ». La terre de Taïwan devient la source de l’histoire taïwanaise (qui n’est plus une histoire Han). Cette période voit l’émergence de nouvelles réflexions historiographiques sur l’histoire de Taïwan, dont l’émergence du nouveau cinéma taïwanais ou la « littérature de terroir » rend bien compte. Cette période est aussi marquée, comme signalée avant, par la démocratisation du régime politique de Taïwan avec la première élection au suffrage universel direct en 1996. Nous émettons, dans ce séminaire, l’hypothèse qu’il se dessine depuis les années 2000 une nouvelle temporalité du « faire communauté », celle du « Je suis taïwanais·e ». L’héritage est remis en cause, notamment l’héritage chinois, comme en rend contre l’élection en 2000 du président Chen Shui-Bian et la première vague de dé-sinisation. Nous passons également au « je », l’hypothèse avancée ici est celle d’une individuation identitaire.

À travers l’étude du cas taïwanais, notre séminaire a proposé une interrogation plus large, celle de la place que prend le passé dans les processus de formation et d’affirmation de la communauté.

 

Publications

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Dernière modification : 21 septembre 2020 08:56

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Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie, Signes, formes, représentations, Sociologie
Page web
http://frenchtaiwanstudies.org/le-seminaire/ 
Langues
français
Mots-clés
Anthropologie culturelle Anthropologie sociale Émotions Imaginaire Mémoire Sociologie politique Symbolique
Aires culturelles
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Intervenant·e·s
  • Samia Ferhat [référent·e]   maîtresse de conférences, Université Paris Nanterre / Centre d'études sur la Chine moderne et contemporaine (CCJ-CECMC)

Il s’agit dans ce séminaire de retracer les différentes étapes d’un processus d’affirmation identitaire qui s’est traduit à Taïwan par ce que nous pourrions qualifier de « tropisme formosan ». Nous tentons d’identifier les supports historiques et culturels autour desquels s’est progressivement cristallisée une identité de plus en plus affirmée par rapport au référent chinois, et revendiquée comme pleinement marquée par la singularité insulaire. Tout en observant ces mutations identitaires à la lumière des débats qui ne cessent de les accompagner, nous en retraçons aussi les lignes de soubassement mémorielles par l’exploration des lieux de mémoire à l’œuvre à Taïwan. Nous nous attachons tout aussi bien aux lieux de mémoire liés à la République de Chine, et donc ramenés à la trajectoire continentale et chinoise, qu’à ceux propres à l’expérience historique et culturelle taïwanaise. L’étude porte sur des objets concrets, matériels, géographiquement situés, mais également sur des incarnations plus abstraites et diffuses de la mémoire comme les symboles politiques, les termes et dénominations de l’espace public et privé, les personnages de l’histoire nationale et locale, les mises en récit, etc.
Le séminaire donne lieu à l’utilisation de sources écrites de première et seconde main en langues française, chinoise et anglaise. Il est aussi l’occasion de projections de séquences vidéo, de films de fiction et de documentaires en lien avec la thématique identitaire et mémorielle.
Dans cette cinquième année du séminaire, nous continuerons notre exploration du « faire communauté ». Nous interrogerons notamment la façon dont se trouve mobilisé le passé alors que se pose la question du commun, soit le sentiment d’une appartenance partagée à un même espace politique et social. Ce faisant, nous nous intéresserons aux affects, en abordant l’étude plus spécifique des sensibilités. 
La validation du séminaire nécessite la réalisation d’un travail écrit qui sera aussi l’objet d’une présentation préalable à l’oral.
 


 

Cette UE n'est rattachée à aucune formation de master.

Contacts additionnels
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Informations pratiques
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Direction de travaux des étudiants
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Réception des candidats
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Pré-requis
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  • 54 bd Raspail
    54 bd Raspail 75006 Paris
    Salle A07_51
    annuel / mensuel (3e), lundi 17:00-20:00
    du 19 octobre 2020 au 21 juin 2021

Le séminaire a eu pour thème cette année : affects et attaches communautaires. Si le séminaire s’est concentré sur les lieux de mémoire lors des précédentes années, nous nous sommes cette année intéressés aux notions de communautés, dans une approche de sociologie de la mémoire.

Dans cette optique, nous nous sommes intéressés aux spécificités historico-politiques et démographiques pour aborder les questions mémorielles. Une des spécificités de l’histoire de Taïwan est qu’il s’agit d’une terre autochtone qui a, au cours de son histoire, été gouvernée partiellement ou totalement par des autorités extérieures depuis le XVIIe siècle.

Originellement habitée par des populations autochtones austronésiennes, Taïwan connaît d’abord une colonisation hollandaise, puis espagnole. Le premier peuplement Han a lieu en 1662, lorsque les restes de la dynastie Ming, menée par Koxinga, se réfugient sur l’île. Ils sont vaincus par la dynastie Qing, mandchoue, qui intègre Taïwan dans son empire en 1683. Suite à la première guerre sino-japonaise, l’empire Qing cède Taïwan au Japon, en 1885. Cette colonisation japonaise dure 50 ans. En 1945, le gouvernement nationaliste de la République de Chine, le Guomindang, prend le contrôle de Taïwan. À l’issue de la guerre civile chinoise, qui voit la victoire du Parti communiste chinois sur le Guomindang, ces derniers se réfugient totalement à Taïwan en 1949. Ils sont menés par Tchang Kai Shek, qui proclame en 1947 ce qui sera l’une des plus longues lois martiales de l’histoire contemporaine mondiale. Le pays connaît une démocratisation progressive à partir des années 1980, qui aboutit en 1996 à l’élection au suffrage universel direct du président Lee Teng Hui.

L’histoire de Taïwan est traversée par la gouvernance de multiples régimes et autorités, qui se retrouve dans la diversité ethnico-communautaire de l’île. Cependant, les débats historiques et mémoriels qui traversent Taïwan depuis une trentaine d’années concernent deux moments spécifiques : le moment japonais (50 ans de colonisation), et le moment chinois. Nous employons volontairement le terme « chinois » et non pas « han », car cette trajectoire correspond à des éléments linguistiques, culturels, mais également politiques.

Les débats (évènements, périodes, lexiques, personnes) rendent compte de la manière dont le passé et la vision du passé sont constamment redéfinis. La façon dont la mémoire est opérante chez les Han n’est pas la même que celle des aborigènes taïwanais, puisqu’on se situe dans la définition d’une narration dans le cas des premiers, et la définition d’une revendication identitaire dans le cas des seconds. Ces variations mémorielles dégagent une préoccupation : la définition à l’échelle nationale d’une communauté d’appartenance, ce qui nécessite la production d’une narration de la trajectoire historique, et donc à l’élaboration d’un nouveau récit.

Ces récits ont pour but de créer du commun, de la cohésion de groupe, de constituer une communauté. Ces récits soulignent en général le partage d’un legs de souvenirs, qui peuvent dans certain cas évoquer un traumatisme national, puisque comme l’exprime le philosophe Ernest Renan dans Qu’est-ce qu’une Nation ? : « Les deuils valent mieux que les triomphes ; car ils imposent des devoirs ; ils commandent l’effort en commun. » (Renan, 1882, 26). Ces récits collectifs sont constamment réactualisés, que ce soit par la production d’une nouvelle narration du passé ou par la déconstruction narrative du passé. Toute narration implique choix, oublis, silences. De plus, les capacités de production, de réinterprétation et d’élaboration des récits mémoriels ne sont pas également distribuées dans les sociétés, quelles qu’elles soient. Chaque mise en récit implique l’effacement d’un autre. Les récits sont porteurs de normes et de valeurs communes, et donc posent des frontières entre groupes. Ils ne se situent pas uniquement comme une compréhension du passé, puisqu’en filigrane ils impliquent la projection de la communauté vers un devenir commun.

Durant ce séminaire, nous avons proposé de situer trois temporalités du « faire communauté » à Taïwan, qui impliquent des visions du passé spécifiques. Premièrement, nous situons la temporalité du « Nous sommes tous chinois ». Nous retiendrons deux dates charnières pour cette période : 1945, année où le Japon cède Taïwan au parti nationaliste de République de Chine, et 1971, année où Taipei perd le siège de la Chine à l’ONU, contre Beijing, et perd donc sa reconnaissance internationale. Dès lors, des réflexions émergent : qu’est-ce que la République de Chine si elle ne représente plus la Chine ? Qu’est-ce que Taïwan alors ? Nous situons la deuxième temporalité du « faire communauté » à Taïwan comme celle du « Nous sommes chinois-taïwanais/taïwanais chinois ». La terre de Taïwan devient la source de l’histoire taïwanaise (qui n’est plus une histoire Han). Cette période voit l’émergence de nouvelles réflexions historiographiques sur l’histoire de Taïwan, dont l’émergence du nouveau cinéma taïwanais ou la « littérature de terroir » rend bien compte. Cette période est aussi marquée, comme signalée avant, par la démocratisation du régime politique de Taïwan avec la première élection au suffrage universel direct en 1996. Nous émettons, dans ce séminaire, l’hypothèse qu’il se dessine depuis les années 2000 une nouvelle temporalité du « faire communauté », celle du « Je suis taïwanais·e ». L’héritage est remis en cause, notamment l’héritage chinois, comme en rend contre l’élection en 2000 du président Chen Shui-Bian et la première vague de dé-sinisation. Nous passons également au « je », l’hypothèse avancée ici est celle d’une individuation identitaire.

À travers l’étude du cas taïwanais, notre séminaire a proposé une interrogation plus large, celle de la place que prend le passé dans les processus de formation et d’affirmation de la communauté.

 

Publications

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