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UE1060 - Patrimoine et espaces populaires : la construction politique et mémorielle des cités ouvrières et des banlieues


Lieu et planning


  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 3.07
    2nd semestre / hebdomadaire, mercredi 11:00-13:00
    du 3 mars 2021 au 2 juin 2021


Description


Dernière modification : 1 avril 2021 12:01

Type d'UE
Enseignements fondamentaux de master
Disciplines
Géographie, Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Action publique Mémoire Patrimoine Politique Sociologie Spatialisation, territoires
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • Karl Berthelot [référent·e]   doctorant chargé d'enseignement, EHESS / Géographie-cités (GÉOCIT)

Ce séminaire reviendra sur les répercussions de la patrimonialisation d’espaces déshérités, des anciennes franges industrielles et ouvrières aux banlieues françaises. Il s’agira de dépasser les récits communs sur ces habitats populaires en appréhendant leurs dynamiques sociales et historiques. Les politiques de patrimonialisation témoignent de l’intérêt d’acteurs politiques à la réhabilitation, la préservation et la durabilité de ces quartiers populaires. Nous nous demanderons dans quelle mesure et comment des acteurs politiques « s’emparent » de l’histoire de ces quartiers, en en valorisant certains traits et en en occultant d’autres, et quels en sont les tenants matériels et symboliques. De plus, la patrimonialisation des quartiers populaires suscite des conflits autour de la sauvegarde de leur héritage. Ces conflits s’illustrent notamment par la récupération de ces cultures au profit de logiques métropolitaines et de marketing territorial, à la croisée de la rénovation urbaine et de l’(éco)-gentrification. Enfin, ce séminaire abordera les composantes et les effets concrets de cette mise en scène de la vie quotidienne des classes populaires, de leur éviction périphérique aux tentatives de ré-appropriation de leur histoire, du traitement politique actuel et passé du « problème des banlieues » jusqu’à l’affiliation de ses quartiers à une tradition de luttes et de mobilisations sociales.

3 mars : Séance 1. Les constructions socio-politiques du patrimoine: des dispositions inégales à la transmission et à la reconnaissance de pratiques et d’espaces populaires

Cette séance introductive se propose de baliser le concept de patrimoine puis de l’articuler à d’autres notions comme celle de territoire (Di Méo, 1994). Sa relation aux espaces populaires permet de rendre compte de ses appropriations et de ses enjeux politiques, pouvant s’apparenter à un instrument d’action publique incontournable du développement territorial. Les politiques de patrimonialisation supposent ainsi une orientation de cultures et de pratiques sociales antérieures et soulignent de fait le fondement social de l’espace par les biais de sélection et de légitimation qu’elles exercent. Fait social à part entière, la patrimonialisation des espaces populaires témoigne de « rapports de domination dans le processus de planification urbaine […] et de la délégitimation des pratiques et identités des groupes défavorisés de la population » (Pappalardo, 2014), pistes qui seront explorées tout au long du séminaire.

10 mars : Séance 2. Les enjeux de sélection mémorielle et patrimoniale autour d’espaces déshérités : le cas de la revalorisation territoriale des bassins miniers

A partir d’études de cas sur le marketing territorial d’espaces miniers, il s’agira de réfléchir aux conditions, aux modalités et aux acteurs de la transformation de l’image de territoires industrialisés. La valorisation territoriale constitue un processus non sans effets sur la mémoire ouvrière des lieux au regard des intérêts, des objectifs d’attractivité et de requalification qu’elle suscite. Comment sont perçus ces territoires en déclin ? Quelles stratégies sont employées dans la promotion et l’appropriation de ces patrimoines industriels ? Quelles sont les origines et les conséquences de la patrimonialisation industrielle sur les classes ouvrières et ces espaces en déshérence ? En voici-là quelques fils conducteurs.

17 mars : Séance 3. Les grands ensembles à l’épreuve de la patrimonialisation : de la ségrégation à la consécration culturelle 

En France, les politiques de rénovation urbaine des quartiers de grands ensembles ont parfois conduit à des actions de classement patrimonial de barres et tours HLM. Elles sont même sollicitées et plaidées par des chercheurs en sciences sociales en vue de l’attractivité supposée qu’elles confèrent à ces quartiers (Bertier et al., 2014 ; Pouvreau ; 2011). Cependant, la patrimonialisation des grands ensembles concède des répercussions ambiguës, dont des effets de gentrification et des incompatibilités avec les attachements vernaculaires aux lieux de vie. De surcroit, cette politique révèle des héritages sociaux ne se valant pas. Ces inégalités mémorielles sont consécutives aux modes de vie de classes sociales et d’habitants différents et concourent à la perpétuation de stigmates au sein de quartiers déjà disqualifiés. D’où l’interrogation suivante : dans quelle mesure peut-on revaloriser des espaces populaires sans accentuer leur marginalisation ?

24 mars : Séance 4. Quand la culture populaire entre au musée (1/2) : tris dans l’héritage industriel et mises en scène des vécus populaires

Les stratégies de revalorisation et de développement territoriaux se diffusent à l’aide de supports culturels et institutionnels légitimés. Elles donnent à voir des manières renouvelées d’appréhender l’héritage industriel et populaire avec des mises en scène et en ambiance singulières (Simonnot et Siret, 2014). Toutefois, ces entreprises patrimoniales de muséification reflètent des dynamiques d’attractivité urbaine et d’instrumentalisation de coutumes et de cultures populaires. Elles s’insèrent dans des logiques d’élitisme et de distinction sociale (Chevenez, 2015). En outre, elles témoignent d’antagonismes entre différents types d’acteurs qui sont structurés par des intérêts divergents entre mise en tourisme et préservation d’identités ouvrières. Il conviendra ici de restituer à la fois ces mécanismes de sélection mémorielle ainsi que des modalités d’accès démocratique au champ de ces politiques de patrimonialisation.

31 mars : Séance 5. Patrimoine populaire et luttes sociales

Intervention de Thomas Zanetti, maitre de conférences en géographie et aménagement, Université Lyon 3 (EVS)

La patrimonialisation contribue généralement à légitimer la domination des groupes sociaux les plus favorisés, mais la dimension spatiale des mémoires peut aussi être un moyen de dénonciation et d'émancipation, de lutte et de résistance face aux inégalités sociales et pour l’appropriation de l’espace. La reconnaissance des populations en marge des récits historiques hégémoniques passe alors par des pratiques patrimoniales et mémorielles alternatives. 

7 avril : Séance 6. Quand la culture populaire entre au musée (2/2) : patrimoine, habitat social et logement populaire

Intervention de Muriel Cohen, post-doctorante au Centre d'histoire sociale des mondes contemporains (CHS), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, responsable recherche de l'Association pour un musée du Logement populaire (AMULOP)

14 avril : Séance 7. Les (dé)mobilisations et contestations populaires face aux politiques de patrimonialisation

Si les grands ensembles et les cités ouvrières font l’objet de politiques de patrimonialisation aux impacts sociaux inégaux et conflictuels, leurs habitants emploient des ressources locales pour les contester. Leurs mobilisations, protéiformes et précaires (Auclair et Hertzog, 2015), viennent nuancer l’idée d’une acceptation consensuelle de la valorisation patrimoniale matérielle et symbolique des lieux de vie populaires. Ces résistances soulignent à quel point l’espace est un objet de lutte mémoriel et un catalyseur d’identification sociale traversé par des rapports de domination entre groupes sociaux (Zanetti, 2018). Mais comment se mobilise-t-on in situ lorsque son lieu de vie se retrouve patrimonialisé ? Dans quelle mesure ces espaces déshérités, avec leurs pratiques sociales et leurs modes de vie afférents, sont-ils connus et reconnus ? Et enfin, que révèlent ces crispations patrimoniales au niveau des relations entre des habitants populaires, des institutions et des associations locales ?

5 mai : Séance 8. « Les ‘familles des vitrines’. Dommages patrimoniaux et cadrages médiatiques dans le cas du mouvement des Gilets jaunes » 

Intervention de Cyriac Gousset, doctorant en sciences politiques, IEP de Toulouse (LaSSP)

L’étude de la couverture médiatique du mouvement des Gilets jaunes permet de rendre compte de sa surexposition sous l'angle des violences de certains manifestants contre des biens (vitrines de banques, matériel urbain, patrimoine historique), les forces de l'ordre et des journalistes. Or, ce cadrage médiatique a pour effet d'invisibiliser d'autres aspects structurants de ces mobilisations à l’instar des violences policières envers les manifestants. Si celles-ci sont aujourd’hui largement rendues publiques, il faut attendre décembre 2019 pour qu’un quotidien consacré (Le Monde) mentionne leur existence. Ce faisant, la violence sociale à l'origine du mouvement, celle de la domination sociale et économique intériorisée par les Gilets jaunes, s’en retrouve occultée. À tel point que l'on peut se demander si le sort des « familles des vitrines » (comme l'ont tagué certains participants) n’a pas davantage suscité l’intérêt que celui des manifestants issus des fractions des classes populaires et des classes moyennes souvent précarisées. Nous nous appuierons notamment sur le cas du « saccage », selon les termes journalistiques, d’un haut lieu du patrimoine parisien qu’est l’Arc de Triomphe lors de la manifestation du 01 décembre 2018. A partir d’une enquête collective menée depuis novembre 2018, cette séance reviendra sur les modalités sociales du traitement fait-diversier du mouvement des Gilets jaunes, entre dépolitisation de ses représentations et réduction à des éruptions de violences arbitraires et gratuites, ainsi que sur les investissements de l’espace par les manifestants.

12 mai : Séance 9. La patrimonialisation des cités ouvrières et des faubourgs populaires : entre normalisation des usages et appropriations vernaculaires du patrimoine populaire ?

Intervention de Géraldine Djament, maitresse de conférences en géographie, Université de Strasbourg (SAGE)

A partir de l’exemple de cités ouvrières françaises, il s’agit ici de réfléchir aux tensions sociales induites par leur revalorisation et par les dysfonctionnements entre transmission des vécus populaires et gentrification des lieux. Les logiques contemporaines de métropolisation, exacerbant les relations de concurrence et de compétition entre les villes, participent à l’accélération de la patrimonialisation d’anciens faubourgs industriels. Elles semblent produire un effacement de l’histoire ouvrière, en occultant ses héritages, et conduire à une normalisation des conduites. Ces recyclages industriels s’encastrent inéluctablement dans des temporalités urbaines et des référentiels politiques métropolitains (Djament-Tran, 2015). Ils questionnent ainsi plus largement les influences de la métropolisation sur la mémoire des lieux ouvriers et leur recomposition sociale.

19 mai : Séance 10 commune. Sortie terrain

Lieu à définir et informations à venir.

26 mai : Séance 11. Gentrification et appropriation des espaces populaires : les classes moyennes, figures ordinaires de la patrimonialisation ?

L’une des conséquences récurrentes de la patrimonialisation des espaces populaires, à savoir la gentrification, apparait souvent dissimulée derrière un objectif de « mixité » (Bacqué et Fijalkow, 2006). Ce faisant, elle constitue un levier de dynamisme urbain pour des municipalités qui s’appuient sur les classes moyennes en les encourageant à s’approprier d’anciens espaces populaires. La circulation d’une « conception néolibérale de la régénération urbaine » (Rousseau, 2008) conduit à la transformation des usages et de l’image de lieux populaires. Cette restructuration sociale s’effectue notamment à partir d’un travail de promotion sociale chez ces figures ordinaires de la patrimonialisation. La gentrification met ainsi en confrontation des acteurs municipaux, des promoteurs immobiliers et des habitants de classes sociales distinctes, préfigurant ses embûches endogènes et ses résistances externes, dont les tenants et aboutissants seront discutés ici.

2 juin : Séance 12. Gentrification et mise en tourisme des espaces populaires : « effets vitrine » et reconquêtes symboliques des habitants

Cette seconde séance sur la gentrification sera consacrée à ses intrications avec les ressorts des politiques de mise en tourisme d’espaces populaires. En arrière-plan des vitrines de centres-villes métropolitains, les espaces périphériques de cités et de grands ensembles font l’objet de pratiques touristiques renouvelées et de reconnaissance accrue. Toutefois, elles s’encastrent dans des dynamiques marchandes globalisées et traduit le recyclage de ces marges à des fins récréatives et artistiques (Hascoët et Lefort, 2015). Entre continuités et ruptures au tourisme de masse, la requalification de ces lieux déshérités amène à des conflits locaux de coprésence entre touristes et habitants permanents (Jeanmougin, 2020). En filigrane de ses enjeux, il s’agira d’en questionner les répercussions sur les modes d’habiter populaires ainsi que sur les conditions spécifiques de sa mise en place et de sa légitimation au sein d’espaces stigmatisés.


Master


  • Séminaires de tronc commun – Étude comparative du développement – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de tronc commun – Territoires, espaces, sociétés – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques
-
Direction de travaux des étudiants
-
Réception des candidats
-
Pré-requis
-

Dernière modification : 1 avril 2021 12:01

Type d'UE
Enseignements fondamentaux de master
Disciplines
Géographie, Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Action publique Mémoire Patrimoine Politique Sociologie Spatialisation, territoires
Aires culturelles
-
Intervenant·e·s
  • Karl Berthelot [référent·e]   doctorant chargé d'enseignement, EHESS / Géographie-cités (GÉOCIT)

Ce séminaire reviendra sur les répercussions de la patrimonialisation d’espaces déshérités, des anciennes franges industrielles et ouvrières aux banlieues françaises. Il s’agira de dépasser les récits communs sur ces habitats populaires en appréhendant leurs dynamiques sociales et historiques. Les politiques de patrimonialisation témoignent de l’intérêt d’acteurs politiques à la réhabilitation, la préservation et la durabilité de ces quartiers populaires. Nous nous demanderons dans quelle mesure et comment des acteurs politiques « s’emparent » de l’histoire de ces quartiers, en en valorisant certains traits et en en occultant d’autres, et quels en sont les tenants matériels et symboliques. De plus, la patrimonialisation des quartiers populaires suscite des conflits autour de la sauvegarde de leur héritage. Ces conflits s’illustrent notamment par la récupération de ces cultures au profit de logiques métropolitaines et de marketing territorial, à la croisée de la rénovation urbaine et de l’(éco)-gentrification. Enfin, ce séminaire abordera les composantes et les effets concrets de cette mise en scène de la vie quotidienne des classes populaires, de leur éviction périphérique aux tentatives de ré-appropriation de leur histoire, du traitement politique actuel et passé du « problème des banlieues » jusqu’à l’affiliation de ses quartiers à une tradition de luttes et de mobilisations sociales.

3 mars : Séance 1. Les constructions socio-politiques du patrimoine: des dispositions inégales à la transmission et à la reconnaissance de pratiques et d’espaces populaires

Cette séance introductive se propose de baliser le concept de patrimoine puis de l’articuler à d’autres notions comme celle de territoire (Di Méo, 1994). Sa relation aux espaces populaires permet de rendre compte de ses appropriations et de ses enjeux politiques, pouvant s’apparenter à un instrument d’action publique incontournable du développement territorial. Les politiques de patrimonialisation supposent ainsi une orientation de cultures et de pratiques sociales antérieures et soulignent de fait le fondement social de l’espace par les biais de sélection et de légitimation qu’elles exercent. Fait social à part entière, la patrimonialisation des espaces populaires témoigne de « rapports de domination dans le processus de planification urbaine […] et de la délégitimation des pratiques et identités des groupes défavorisés de la population » (Pappalardo, 2014), pistes qui seront explorées tout au long du séminaire.

10 mars : Séance 2. Les enjeux de sélection mémorielle et patrimoniale autour d’espaces déshérités : le cas de la revalorisation territoriale des bassins miniers

A partir d’études de cas sur le marketing territorial d’espaces miniers, il s’agira de réfléchir aux conditions, aux modalités et aux acteurs de la transformation de l’image de territoires industrialisés. La valorisation territoriale constitue un processus non sans effets sur la mémoire ouvrière des lieux au regard des intérêts, des objectifs d’attractivité et de requalification qu’elle suscite. Comment sont perçus ces territoires en déclin ? Quelles stratégies sont employées dans la promotion et l’appropriation de ces patrimoines industriels ? Quelles sont les origines et les conséquences de la patrimonialisation industrielle sur les classes ouvrières et ces espaces en déshérence ? En voici-là quelques fils conducteurs.

17 mars : Séance 3. Les grands ensembles à l’épreuve de la patrimonialisation : de la ségrégation à la consécration culturelle 

En France, les politiques de rénovation urbaine des quartiers de grands ensembles ont parfois conduit à des actions de classement patrimonial de barres et tours HLM. Elles sont même sollicitées et plaidées par des chercheurs en sciences sociales en vue de l’attractivité supposée qu’elles confèrent à ces quartiers (Bertier et al., 2014 ; Pouvreau ; 2011). Cependant, la patrimonialisation des grands ensembles concède des répercussions ambiguës, dont des effets de gentrification et des incompatibilités avec les attachements vernaculaires aux lieux de vie. De surcroit, cette politique révèle des héritages sociaux ne se valant pas. Ces inégalités mémorielles sont consécutives aux modes de vie de classes sociales et d’habitants différents et concourent à la perpétuation de stigmates au sein de quartiers déjà disqualifiés. D’où l’interrogation suivante : dans quelle mesure peut-on revaloriser des espaces populaires sans accentuer leur marginalisation ?

24 mars : Séance 4. Quand la culture populaire entre au musée (1/2) : tris dans l’héritage industriel et mises en scène des vécus populaires

Les stratégies de revalorisation et de développement territoriaux se diffusent à l’aide de supports culturels et institutionnels légitimés. Elles donnent à voir des manières renouvelées d’appréhender l’héritage industriel et populaire avec des mises en scène et en ambiance singulières (Simonnot et Siret, 2014). Toutefois, ces entreprises patrimoniales de muséification reflètent des dynamiques d’attractivité urbaine et d’instrumentalisation de coutumes et de cultures populaires. Elles s’insèrent dans des logiques d’élitisme et de distinction sociale (Chevenez, 2015). En outre, elles témoignent d’antagonismes entre différents types d’acteurs qui sont structurés par des intérêts divergents entre mise en tourisme et préservation d’identités ouvrières. Il conviendra ici de restituer à la fois ces mécanismes de sélection mémorielle ainsi que des modalités d’accès démocratique au champ de ces politiques de patrimonialisation.

31 mars : Séance 5. Patrimoine populaire et luttes sociales

Intervention de Thomas Zanetti, maitre de conférences en géographie et aménagement, Université Lyon 3 (EVS)

La patrimonialisation contribue généralement à légitimer la domination des groupes sociaux les plus favorisés, mais la dimension spatiale des mémoires peut aussi être un moyen de dénonciation et d'émancipation, de lutte et de résistance face aux inégalités sociales et pour l’appropriation de l’espace. La reconnaissance des populations en marge des récits historiques hégémoniques passe alors par des pratiques patrimoniales et mémorielles alternatives. 

7 avril : Séance 6. Quand la culture populaire entre au musée (2/2) : patrimoine, habitat social et logement populaire

Intervention de Muriel Cohen, post-doctorante au Centre d'histoire sociale des mondes contemporains (CHS), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, responsable recherche de l'Association pour un musée du Logement populaire (AMULOP)

14 avril : Séance 7. Les (dé)mobilisations et contestations populaires face aux politiques de patrimonialisation

Si les grands ensembles et les cités ouvrières font l’objet de politiques de patrimonialisation aux impacts sociaux inégaux et conflictuels, leurs habitants emploient des ressources locales pour les contester. Leurs mobilisations, protéiformes et précaires (Auclair et Hertzog, 2015), viennent nuancer l’idée d’une acceptation consensuelle de la valorisation patrimoniale matérielle et symbolique des lieux de vie populaires. Ces résistances soulignent à quel point l’espace est un objet de lutte mémoriel et un catalyseur d’identification sociale traversé par des rapports de domination entre groupes sociaux (Zanetti, 2018). Mais comment se mobilise-t-on in situ lorsque son lieu de vie se retrouve patrimonialisé ? Dans quelle mesure ces espaces déshérités, avec leurs pratiques sociales et leurs modes de vie afférents, sont-ils connus et reconnus ? Et enfin, que révèlent ces crispations patrimoniales au niveau des relations entre des habitants populaires, des institutions et des associations locales ?

5 mai : Séance 8. « Les ‘familles des vitrines’. Dommages patrimoniaux et cadrages médiatiques dans le cas du mouvement des Gilets jaunes » 

Intervention de Cyriac Gousset, doctorant en sciences politiques, IEP de Toulouse (LaSSP)

L’étude de la couverture médiatique du mouvement des Gilets jaunes permet de rendre compte de sa surexposition sous l'angle des violences de certains manifestants contre des biens (vitrines de banques, matériel urbain, patrimoine historique), les forces de l'ordre et des journalistes. Or, ce cadrage médiatique a pour effet d'invisibiliser d'autres aspects structurants de ces mobilisations à l’instar des violences policières envers les manifestants. Si celles-ci sont aujourd’hui largement rendues publiques, il faut attendre décembre 2019 pour qu’un quotidien consacré (Le Monde) mentionne leur existence. Ce faisant, la violence sociale à l'origine du mouvement, celle de la domination sociale et économique intériorisée par les Gilets jaunes, s’en retrouve occultée. À tel point que l'on peut se demander si le sort des « familles des vitrines » (comme l'ont tagué certains participants) n’a pas davantage suscité l’intérêt que celui des manifestants issus des fractions des classes populaires et des classes moyennes souvent précarisées. Nous nous appuierons notamment sur le cas du « saccage », selon les termes journalistiques, d’un haut lieu du patrimoine parisien qu’est l’Arc de Triomphe lors de la manifestation du 01 décembre 2018. A partir d’une enquête collective menée depuis novembre 2018, cette séance reviendra sur les modalités sociales du traitement fait-diversier du mouvement des Gilets jaunes, entre dépolitisation de ses représentations et réduction à des éruptions de violences arbitraires et gratuites, ainsi que sur les investissements de l’espace par les manifestants.

12 mai : Séance 9. La patrimonialisation des cités ouvrières et des faubourgs populaires : entre normalisation des usages et appropriations vernaculaires du patrimoine populaire ?

Intervention de Géraldine Djament, maitresse de conférences en géographie, Université de Strasbourg (SAGE)

A partir de l’exemple de cités ouvrières françaises, il s’agit ici de réfléchir aux tensions sociales induites par leur revalorisation et par les dysfonctionnements entre transmission des vécus populaires et gentrification des lieux. Les logiques contemporaines de métropolisation, exacerbant les relations de concurrence et de compétition entre les villes, participent à l’accélération de la patrimonialisation d’anciens faubourgs industriels. Elles semblent produire un effacement de l’histoire ouvrière, en occultant ses héritages, et conduire à une normalisation des conduites. Ces recyclages industriels s’encastrent inéluctablement dans des temporalités urbaines et des référentiels politiques métropolitains (Djament-Tran, 2015). Ils questionnent ainsi plus largement les influences de la métropolisation sur la mémoire des lieux ouvriers et leur recomposition sociale.

19 mai : Séance 10 commune. Sortie terrain

Lieu à définir et informations à venir.

26 mai : Séance 11. Gentrification et appropriation des espaces populaires : les classes moyennes, figures ordinaires de la patrimonialisation ?

L’une des conséquences récurrentes de la patrimonialisation des espaces populaires, à savoir la gentrification, apparait souvent dissimulée derrière un objectif de « mixité » (Bacqué et Fijalkow, 2006). Ce faisant, elle constitue un levier de dynamisme urbain pour des municipalités qui s’appuient sur les classes moyennes en les encourageant à s’approprier d’anciens espaces populaires. La circulation d’une « conception néolibérale de la régénération urbaine » (Rousseau, 2008) conduit à la transformation des usages et de l’image de lieux populaires. Cette restructuration sociale s’effectue notamment à partir d’un travail de promotion sociale chez ces figures ordinaires de la patrimonialisation. La gentrification met ainsi en confrontation des acteurs municipaux, des promoteurs immobiliers et des habitants de classes sociales distinctes, préfigurant ses embûches endogènes et ses résistances externes, dont les tenants et aboutissants seront discutés ici.

2 juin : Séance 12. Gentrification et mise en tourisme des espaces populaires : « effets vitrine » et reconquêtes symboliques des habitants

Cette seconde séance sur la gentrification sera consacrée à ses intrications avec les ressorts des politiques de mise en tourisme d’espaces populaires. En arrière-plan des vitrines de centres-villes métropolitains, les espaces périphériques de cités et de grands ensembles font l’objet de pratiques touristiques renouvelées et de reconnaissance accrue. Toutefois, elles s’encastrent dans des dynamiques marchandes globalisées et traduit le recyclage de ces marges à des fins récréatives et artistiques (Hascoët et Lefort, 2015). Entre continuités et ruptures au tourisme de masse, la requalification de ces lieux déshérités amène à des conflits locaux de coprésence entre touristes et habitants permanents (Jeanmougin, 2020). En filigrane de ses enjeux, il s’agira d’en questionner les répercussions sur les modes d’habiter populaires ainsi que sur les conditions spécifiques de sa mise en place et de sa légitimation au sein d’espaces stigmatisés.

  • Séminaires de tronc commun – Étude comparative du développement – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
  • Séminaires de tronc commun – Territoires, espaces, sociétés – M1/S2-M2/S4
    Suivi et validation – semestriel hebdomadaire = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
Contacts additionnels
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Informations pratiques
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Direction de travaux des étudiants
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Réception des candidats
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Pré-requis
-
  • Campus Condorcet-Centre de colloques
    Centre de colloques, Cours des humanités 93300 Aubervilliers
    Salle 3.07
    2nd semestre / hebdomadaire, mercredi 11:00-13:00
    du 3 mars 2021 au 2 juin 2021