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UE1030 - Éros et démocratie : le destin du féminin (I)


Lieu et planning


  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 8
    1er semestre / bimensuel (2e/4e), jeudi 13:00-17:00
    du 12 novembre 2020 au 11 février 2021


Description


Dernière modification : 4 juin 2020 13:52

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie, Philosophie et épistémologie, Signes, formes, représentations, Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Affects Anthropologie Arts Corps Culture Démocratie Féminisme Genre Imaginaire Philosophie Politique Psychanalyse Sexualité Sociologie
Aires culturelles
Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Agnès Antoine [référent·e]   professeure agrégée, EHESS / Centre des savoirs sur le politique : recherches et analyses (CESPRA)

Ce séminaire s’inscrit dans le cadre d’une réflexion philosophique et psychanalytique sur le  «malaise dans la civilisation  démocratique »  et le type de renoncement pulsionnel qu’a induit l’idéologie de la rationalité dans le régime socio-politique de l’égalité, alors même qu’il est porteur d’une promesse de « réhabilitation de la chair », pour parler comme les Saint-Simoniens.  Pour dessiner ce que pourrait être une « démocratie sensible » et analyser le changement de civilisation en cours, du fait de l’effacement progressif des derniers vestiges patriarcaux, nous explorons la question du féminin symbolique et de son destin culturel passé et à venir et, avec elle, celle des liens archaïques mère-enfant, à la racine du psychisme humain.

Cette année, en continuant à privilégier le questionnement anthropologique sur le déni du féminin, nous poursuivrons  notre enquête sur la notion de « frontière », tant dans le champ socio-historique qu’au niveau du moi psychique, et en ses multiples déclinaisons : limite, seuil, marge, mur, barrière, écran, miroir, membrane etc. Nous le ferons outillés de notre travail de l’an dernier sur le « moi-peau » et les « enveloppes psychiques », mais aussi forts de notre récente expérience de confinement.

Non seulement nous privilégierons dans cette recherche l’approche sensible d’œuvres artistiques, selon une « science affective » en résonance avec la sphère psychique anté-oedipienne explorée et son mode de connaissance, mais nous nous attacherons aussi, eu égard à la limite, à analyser l’art dans sa dimension de rupture, de brèche ou de perméabilité et, tout spécialement cette année, la notion de fantasme.

Comme l’an passé, les participants du séminaire seront invités à poursuivre le travail au second semestre dans un atelier de recherche du même nom, à rythme mensuel, où ils interviendront, en retour, par des exposés individuels, en présentant les réflexions qu’ont fait naître en eux ce premier parcours, à partir de leur propre champ de recherche et de lectures qui leur auront été suggérées (voir Agnès Antoine, « Éros et démocratie : le destin du féminin (II) : atelier de recherche », à partir de janvier 2021). S’il est conseillé de suivre ce second séminaire après le premier, il n’est cependant pas obligatoire de le faire.

Le programme détaillé n'est pas disponible.


Master


  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Images, cultures visuelles, histoire de l'art – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral

Renseignements


Contacts additionnels
-
Informations pratiques

consulter régulièrement le planning des enseignements de l'EHESS.

Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

contacter Agnès Antoine par courriel.

Pré-requis

pas de prérequis.


Compte rendu


La situation historique de pandémie de virus Covid 19 qui est la nôtre depuis le début de l’année 2020, et les expériences si inédites de confinement ou de vie « sans contact » qui l’ont accompagnée, m’a amenée cette année à continuer mon exploration de la question du féminin, de son destin civilisationnel passé et à venir, et de l’énigme de son déni, à partir de la question du sentiment de l’« inquiétante étrangeté » – sentiment que l’enseignement en « distanciel » de ce séminaire, par le biais exclusif d’écrans, ne faisait qu’accroître.

Le séminaire s’est donc appuyé principalement sur une étude approfondie du célèbre texte que Freud a consacré à Das Unheimliche (1919), ce terme conceptuel si spécifique à la langue allemande, dans le registre sémantique de la peur, et si difficile à traduire en français. Dans la ligne de mon travail de l’an dernier sur la notion de frontière et sur la constitution du « moi », à partir des travaux de Didier Anzieu sur le « moi-peau » (1985), j’ai mis l’accent, dans l’analyse de Freud de ce sentiment, et en dialectique avec le texte de Lacan « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je » (1949), sur l’expérience de vacillement des limites du moi quand il est confronté à quelque chose qui devait rester dans l’ombre et en est sorti ou, pour le dire autrement, quand il est confronté au retour menaçant d’un certain refoulé. Mais aussi sur le fait que c’est du familier que surgit le non-familier, ainsi que le symbolise l’ambivalence du terme heimlich : progressivement, le mot a désigné non seulement l’intime et le domestique rassurants, mais encore le dissimulé ou le secret et, de là, le dangereux et l’effrayant, comme son contraire unheimlich.

Nulle surprise à mes yeux si Freud, quand il s’attache à inventorier les situations-types dont peut surgir le sentiment de l’Unheimliche – menace de castration, rencontre du double, répétition du même, pouvoirs humains « magiques », morts, enterrés vivants, fantômes et maisons hantées, crises d’épilepsie et de folie, membres détachés du corps s’autonomisant ou autre prise de pouvoir de l’imagination –, finit par déboucher sur l’inquiétante étrangeté du sexe féminin pour certains individus masculins, cette entrée de « l’antique terre natale » du petit d’homme à la fois familière à chacun et désormais refoulée.

J’ai montré comment Freud pense avoir trouvé dans ce dernier exemple la plus belle confirmation de son analyse de l’Unheimliche et du préfixe un – comme marque du refoulement, sans pour autant tirer les conséquences de cette trouvaille archéologique pour la théorie psychanalytique, c’est-à-dire sans pour autant, par un déplacement d’accent théorique, faire de ce point de départ antique dans la vie intra-utérine, et de la rupture natale, un fondement structurant pour le psychisme, susceptible d’éclairer ses mécanismes et ses troubles ultérieurs. L’étude approfondie du conte d’Hoffmann, Der Sandman – Le marchand de sable – (1817), comparée à l’interprétation qu’en donne Freud dans son texte, m’a permis de mettre en évidence que l’inventeur de la psychanalyse, au contraire, a mis de côté des éléments majeurs du conte touchant à la femme et au féminin, et aux éprouvés primitifs qui leur sont liés, pour ne retenir que ce qui relevait, à ses yeux, du conflit œdipien avec le père et venait confirmer sa théorie de la castration. Et, à partir de mes théorisations en cours, j’ai esquissé une relecture du conte et des autres cas d’inquiétante étrangeté de l’inventaire freudien que son auteur peine à relier entre eux, à l’aune de la mémoire inconsciente foeto-natale.

Au cours de ce parcours, deux articles ont particulièrement enrichi notre réflexion collective : celui de l’historienne et théoricienne de l’art, Anne Boissière « L’inquiétante étrangeté et l’espace architectural » (dans Les cahiers philosophiques de Strasbourg, 2019, n° 46) et celui de l’anthropologue et spécialiste du conte, Nicole Belmont « Comment on fait peur aux enfants » (1974) (dans Comment on fait peur aux enfants, Mercure de France, 1999). Le premier, par son rapprochement de l’Unheimliche avec l’univers pictural du peintre De Chirico nous a permis de renouer avec une dimension méthodologique importante du séminaire : la confrontation aux images. L’exposition parisienne consacrée au peintre des places vides et énigmatiques, et du temps suspendu, « Giorgio De Chirico, la peinture métaphysique » (Musée de l’Orangerie, 16 septembre-14 décembre 2020), servait mon propos, d’autant que, paradoxalement, sa fermeture anticipée et presque immédiate le 29 octobre 2020 à cause d’un nouveau confinement national en avait fait elle-même une exposition-fantôme, dont les images peintes, interdites à la rencontre sensible, ne pouvaient plus être abordées que par le biais des reproductions, dans une sorte de mise en abyme du refoulement originaire et des refoulements qui lui succéderont.

 

Publications

-

Dernière modification : 4 juin 2020 13:52

Type d'UE
Séminaires DR/CR
Disciplines
Anthropologie sociale, ethnographie et ethnologie, Philosophie et épistémologie, Signes, formes, représentations, Sociologie
Page web
-
Langues
français
Mots-clés
Affects Anthropologie Arts Corps Culture Démocratie Féminisme Genre Imaginaire Philosophie Politique Psychanalyse Sexualité Sociologie
Aires culturelles
Transnational/transfrontières
Intervenant·e·s
  • Agnès Antoine [référent·e]   professeure agrégée, EHESS / Centre des savoirs sur le politique : recherches et analyses (CESPRA)

Ce séminaire s’inscrit dans le cadre d’une réflexion philosophique et psychanalytique sur le  «malaise dans la civilisation  démocratique »  et le type de renoncement pulsionnel qu’a induit l’idéologie de la rationalité dans le régime socio-politique de l’égalité, alors même qu’il est porteur d’une promesse de « réhabilitation de la chair », pour parler comme les Saint-Simoniens.  Pour dessiner ce que pourrait être une « démocratie sensible » et analyser le changement de civilisation en cours, du fait de l’effacement progressif des derniers vestiges patriarcaux, nous explorons la question du féminin symbolique et de son destin culturel passé et à venir et, avec elle, celle des liens archaïques mère-enfant, à la racine du psychisme humain.

Cette année, en continuant à privilégier le questionnement anthropologique sur le déni du féminin, nous poursuivrons  notre enquête sur la notion de « frontière », tant dans le champ socio-historique qu’au niveau du moi psychique, et en ses multiples déclinaisons : limite, seuil, marge, mur, barrière, écran, miroir, membrane etc. Nous le ferons outillés de notre travail de l’an dernier sur le « moi-peau » et les « enveloppes psychiques », mais aussi forts de notre récente expérience de confinement.

Non seulement nous privilégierons dans cette recherche l’approche sensible d’œuvres artistiques, selon une « science affective » en résonance avec la sphère psychique anté-oedipienne explorée et son mode de connaissance, mais nous nous attacherons aussi, eu égard à la limite, à analyser l’art dans sa dimension de rupture, de brèche ou de perméabilité et, tout spécialement cette année, la notion de fantasme.

Comme l’an passé, les participants du séminaire seront invités à poursuivre le travail au second semestre dans un atelier de recherche du même nom, à rythme mensuel, où ils interviendront, en retour, par des exposés individuels, en présentant les réflexions qu’ont fait naître en eux ce premier parcours, à partir de leur propre champ de recherche et de lectures qui leur auront été suggérées (voir Agnès Antoine, « Éros et démocratie : le destin du féminin (II) : atelier de recherche », à partir de janvier 2021). S’il est conseillé de suivre ce second séminaire après le premier, il n’est cependant pas obligatoire de le faire.

Le programme détaillé n'est pas disponible.

  • Séminaires de recherche – Arts, littératures et langages-Images, cultures visuelles, histoire de l'art – M1/S1-M2/S3
    Suivi et validation – semestriel bi-mensuelle = 6 ECTS
    MCC – exposé oral
Contacts additionnels
-
Informations pratiques

consulter régulièrement le planning des enseignements de l'EHESS.

Direction de travaux des étudiants

sur rendez-vous.

Réception des candidats

contacter Agnès Antoine par courriel.

Pré-requis

pas de prérequis.

  • 105 bd Raspail
    105 bd Raspail 75006 Paris
    Salle 8
    1er semestre / bimensuel (2e/4e), jeudi 13:00-17:00
    du 12 novembre 2020 au 11 février 2021

La situation historique de pandémie de virus Covid 19 qui est la nôtre depuis le début de l’année 2020, et les expériences si inédites de confinement ou de vie « sans contact » qui l’ont accompagnée, m’a amenée cette année à continuer mon exploration de la question du féminin, de son destin civilisationnel passé et à venir, et de l’énigme de son déni, à partir de la question du sentiment de l’« inquiétante étrangeté » – sentiment que l’enseignement en « distanciel » de ce séminaire, par le biais exclusif d’écrans, ne faisait qu’accroître.

Le séminaire s’est donc appuyé principalement sur une étude approfondie du célèbre texte que Freud a consacré à Das Unheimliche (1919), ce terme conceptuel si spécifique à la langue allemande, dans le registre sémantique de la peur, et si difficile à traduire en français. Dans la ligne de mon travail de l’an dernier sur la notion de frontière et sur la constitution du « moi », à partir des travaux de Didier Anzieu sur le « moi-peau » (1985), j’ai mis l’accent, dans l’analyse de Freud de ce sentiment, et en dialectique avec le texte de Lacan « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je » (1949), sur l’expérience de vacillement des limites du moi quand il est confronté à quelque chose qui devait rester dans l’ombre et en est sorti ou, pour le dire autrement, quand il est confronté au retour menaçant d’un certain refoulé. Mais aussi sur le fait que c’est du familier que surgit le non-familier, ainsi que le symbolise l’ambivalence du terme heimlich : progressivement, le mot a désigné non seulement l’intime et le domestique rassurants, mais encore le dissimulé ou le secret et, de là, le dangereux et l’effrayant, comme son contraire unheimlich.

Nulle surprise à mes yeux si Freud, quand il s’attache à inventorier les situations-types dont peut surgir le sentiment de l’Unheimliche – menace de castration, rencontre du double, répétition du même, pouvoirs humains « magiques », morts, enterrés vivants, fantômes et maisons hantées, crises d’épilepsie et de folie, membres détachés du corps s’autonomisant ou autre prise de pouvoir de l’imagination –, finit par déboucher sur l’inquiétante étrangeté du sexe féminin pour certains individus masculins, cette entrée de « l’antique terre natale » du petit d’homme à la fois familière à chacun et désormais refoulée.

J’ai montré comment Freud pense avoir trouvé dans ce dernier exemple la plus belle confirmation de son analyse de l’Unheimliche et du préfixe un – comme marque du refoulement, sans pour autant tirer les conséquences de cette trouvaille archéologique pour la théorie psychanalytique, c’est-à-dire sans pour autant, par un déplacement d’accent théorique, faire de ce point de départ antique dans la vie intra-utérine, et de la rupture natale, un fondement structurant pour le psychisme, susceptible d’éclairer ses mécanismes et ses troubles ultérieurs. L’étude approfondie du conte d’Hoffmann, Der Sandman – Le marchand de sable – (1817), comparée à l’interprétation qu’en donne Freud dans son texte, m’a permis de mettre en évidence que l’inventeur de la psychanalyse, au contraire, a mis de côté des éléments majeurs du conte touchant à la femme et au féminin, et aux éprouvés primitifs qui leur sont liés, pour ne retenir que ce qui relevait, à ses yeux, du conflit œdipien avec le père et venait confirmer sa théorie de la castration. Et, à partir de mes théorisations en cours, j’ai esquissé une relecture du conte et des autres cas d’inquiétante étrangeté de l’inventaire freudien que son auteur peine à relier entre eux, à l’aune de la mémoire inconsciente foeto-natale.

Au cours de ce parcours, deux articles ont particulièrement enrichi notre réflexion collective : celui de l’historienne et théoricienne de l’art, Anne Boissière « L’inquiétante étrangeté et l’espace architectural » (dans Les cahiers philosophiques de Strasbourg, 2019, n° 46) et celui de l’anthropologue et spécialiste du conte, Nicole Belmont « Comment on fait peur aux enfants » (1974) (dans Comment on fait peur aux enfants, Mercure de France, 1999). Le premier, par son rapprochement de l’Unheimliche avec l’univers pictural du peintre De Chirico nous a permis de renouer avec une dimension méthodologique importante du séminaire : la confrontation aux images. L’exposition parisienne consacrée au peintre des places vides et énigmatiques, et du temps suspendu, « Giorgio De Chirico, la peinture métaphysique » (Musée de l’Orangerie, 16 septembre-14 décembre 2020), servait mon propos, d’autant que, paradoxalement, sa fermeture anticipée et presque immédiate le 29 octobre 2020 à cause d’un nouveau confinement national en avait fait elle-même une exposition-fantôme, dont les images peintes, interdites à la rencontre sensible, ne pouvaient plus être abordées que par le biais des reproductions, dans une sorte de mise en abyme du refoulement originaire et des refoulements qui lui succéderont.

 

Publications

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