UE845 - Ce que peut la musique en contexte de migration forcée

Intervenant·e·s

• Denis Laborde [référent·e]   directeur d'études, EHESS - directeur de recherche, CNRS / Centre Georg-Simmel (CGS)

Il s'agit du séminaire franco-allemand de l'International Research Netword du CNRS « MusiCap ». Ce séminaire questionne des situations de migration forcée dans lesquelles « de la musique » est produite avec des objectifs qui ont en commun une forme de reconnaissance de la force de résilience de la musique. Cette adhésion naïve aux pouvoirs que l'on prête à la musique sera la cible de notre questionnement. Nous l'étudierons de façon située et contextualisée. Chaque cas nous fera examiner la façon dont la musique est utilisée pour agir sur les situations, pour les transformer de manière inclusive, participative et vertueuse, à ceci près que ces vertus ne sont pas à rechercher dans la musique « elle-même » (qui peut aussi être un instrument de torture) mais dans l'action menée en commun et dans la disposition dans laquelle chacun se trouve de croire à la vertu de la pratique musicale. Nous mobilisons ici dans une dynamique commune des disciplines que notre organisation du savoir tient éloignées les unes des autres. Le séminaire MusiCap réunit le CNRS, l'EHESS, et les Universités Columbia de New York (Alessandra Ciucci), King's College London University (Martin Stokes), University College London (Hélène Neveu Kringelbach), Amsterdam (Robert Kloosterman), Hildesheim (Michael Fuhr), Lausanne (Monika Salzbrunn), Saint-Sébastien (Aitzpea Leizaola), Cape Coast Ghana (Eric Debrah Otchere). Il est conduit en relation avec l'Institut Convergences Migrations (Collège de France) et le Centre Marc Bloch (Berlin).

Quatre axes de travail sont privilégiés dans ce séminaire. Dans ce contexte, la disparité des situations est un atout pour penser cette casuistique et tenter d'organiser une montée en généralité à partir de ces observations multisituées, qui intègrent dans nos analyses l'internationalisation de la question de l'asile :

1. Les engagements militants : Qu'est-ce qu'agir au nom de la musique ? Nous comparons ici des situations dans lesquelles des ONG proposent des activités musicales dans des conditions de grande précarité : camps de réfugiés (Moria, Zaatari, Kakuma), divers CADA, structures d'accueil de victimes de catastrophes naturelles (New York). Que fait l'action du musicien en commun dans ces cas ? Comment la question des répertoires musicaux est-elle envisagée ? La musique est-elle un outil de résilience, de formation, ou un outil de domination culturelle qui impliquerait la mise en place d'un processus de vicariance ?
2. Des équipements culturels ont été construits pour accueillir (et produire) la diversité musicale. C'est le cas des grands festivals de Cape Coast, Rudolstadt, Hanovre, New York. C'est aussi le cas des bâtiments dédiés à la fabrication d'une société multiculturelle. Le Fort d'Aubervilliers est un cas paradigmatique : tout un programme de rénovation urbaine est construit autour des activités de théâtre, de programmation et de médiation du festival Villes des Musiques du Monde, que les pouvoirs publics ont transformé en outil d'inclusion sociale.
3. Des réseaux créatifs, le plus souvent informels, créent de nouvelles dynamiques urbaines centrées sur l'accueil et l'intégration des demandeurs d'asile dans des démarches participatives innovantes. Quel est l'impact de ce militantisme solidaire sur la vie des migrants qui s'impliquent dans un projet musical ? Et comment le monde social qui les accompagne change-t-il ? Les études de cas se situent à New York, Londres, Berlin et San Sebastian.
4. Dispositions institutionnelles. Cette fois-ci, nous nous intéressons aux institutions, en nous concentrant sur la force d'intégration des politiques culturelles et éducatives, considérées du point de vue des mobilisations émotionnelles et des capacités musicales, mais aussi du point de vue du statut et des cadres juridiques de l'intégration par la pratique artistique.